II. LA FRANCE DOIT POURSUIVRE UNE POLITIQUE VOLONTARISTE DE MAÎTRISE DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE
A. LA FRANCE A JOUÉ UN RÔLE PIONNIER POUR MOBILISER LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
Si les
pays en développement risquent d'être, à l'avenir, les
principales victimes et les principaux responsables de l'accroissement des
émissions de gaz à effet de serre, les pays
industrialisés, qui ont une responsabilité historique en la
matière, doivent s'engager les premiers dans la maîtrise des
émissions, de manière suffisamment crédible pour rallier
les pays en voie de développement.
De ce point de vue, la France a été un des premiers pays
à jouer un rôle actif pour la mise en place d'engagements
internationaux contraignants.
C'est, en effet, à l'initiative de la France, de l'Espagne et des
Pays-Bas, que la première grande conférence internationale sur le
changement climatique s'est tenue à La Haye en mars 1989, en
présence de quatre-vingts pays.
Cette démarche s'est poursuivie au
sommet " Planète terre "
tenu à Rio de Janeiro en juin 1992
, où 171 Etats, dont tous
les Etats européens, ainsi que l'Union européenne, signataire
à part entière, ont ratifié la convention-cadre des
Nations-Unies sur le changement climatique, dont l'objectif ultime est "
la
stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre dans
l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation
anthropique du système climatique ".
Ce Sommet a été pour votre rapporteur une étape
déterminante dans la prise de conscience planétaire d'une
responsabilité collective à l'égard de la
préservation de l'environnement. C'est, en effet, la première
fois que des hommes issus du monde entier ont clairement reconnu, à
travers un acte réel de civilisation, la nécessité de
protéger, pour les générations futures, la planète
terre contre leur capacité de destruction.
Dans le cadre de cette convention, entrée en vigueur le 21 mars 1994,
les pays dits " de l'Annexe I ", c'est-à-dire les pays de l'OCDE, dont
la France, l'Ukraine et la Russie, ainsi que la plupart des pays d'Europe
orientale, se sont engagés à stabiliser le volume de leurs
émissions de gaz à effet de serre en l'an 2000 au même
niveau qu'en 1990.
Au Sommet de Kyoto de décembre 1997, ces engagements ont
été prolongés pour la période 2008-2012 :
les
pays industrialisés se sont engagés à réduire en
moyenne de 5,2 % leurs émissions de gaz à effet de serre sur
la période 2008-2012 par rapport à 1990, l'Union
européenne s'engageant pour sa part à réduire ses
émissions de 8 %.
Ces objectifs quantifiés sont relativement modestes d'un point de vue
environnemental. Leur respect ne ferait, en effet, que ralentir
légèrement la progression des concentrations de gaz à
effet de serre dans l'atmosphère et retarder un peu les effets du
changement climatique.
Le respect de ces engagements suppose cependant, comme le souligne le rapport
du Commissariat général du Plan " Energie
2010-2020 "
5(
*
)
, une
inflexion majeure des tendances de la consommation d'énergie dans les
pays les plus développés.
B. LA FRANCE DOIT POURSUIVRE AU NIVEAU NATIONAL UNE POLITIQUE VOLONTARISTE DE MAÎTRISE DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE
Pour la
France, le protocole de Kyoto dans sa répartition
intra-européenne se traduit par l'obligation de ne pas dépasser
en moyenne, sur les cinq années 2008 à 2012, le niveau
d'émission de gaz à effet de serre.
D'après le dernier rapport de la Mission interministérielle de
l'effet de serre, la France pourra remplir dès cette année ses
engagements. Toutefois ce résultat ne saurait être dissocié
de la faible conjoncture économique du début de la
décennie. Il est également imputable à la baisse des
émissions dans le secteur industriel et à des effets de mesures
prises qui devraient se stabiliser entre 2000 et 2002.
En réalité, si des mesures supplémentaires à
celles déjà décidées ne sont pas prises, on
prévoit une hausse constante des émissions de gaz à effet
de serre entre 2000 et 2010, liée pour l'essentiel à une
consommation croissante d'énergie d'origine fossile.
Ainsi en 1990, la France a émis 144 millions de tonnes
équivalent carbone. Si nous n'agissions pas, ce chiffre serait de
175 millions de tonnes en 2010. Avec les mêmes mesures que celles
adoptées avant la conférence de Kyoto, et à la condition
que ces mesures soient intégralement respectées -ce qui n'a pas
été tout à fait le cas- la projection de 2010 serait de
160 millions de tonnes équivalent carbone.
Nos engagements à l'intérieur de l'Europe, suite au protocole de
Kyoto nous obligent, en outre, à ne pas dépasser le niveau des
émissions de gaz à effet de serre de l'année 1990, soit
144 millions de tonnes. C'est donc au moins 16 millions de tonnes de
carbone qu'il nous faut éviter dans les dix prochaines années.
Ce défi a conduit le Gouvernement à adopter, le
24 janvier dernier, un nouveau programme français d'action contre
le risque de changement climatique pour la période 2000-2010
.
Ce programme décrit l'ensemble des moyens que les pouvoirs publics vont
mettre en oeuvre pour respecter les engagements internationaux de notre pays.
Il comporte une centaine de nouvelles mesures qui font appel à une
mobilisation de tous les secteurs et combinent le recours à
différents instruments. Seront cependant concernés au premier
chef les secteurs des transports, de l'habitat et des services.
Les actions retenues comportent des mesures " classiques "
déjà expérimentées pour la maîtrise de
l'énergie : information, dispositions contractuelles. Le programme
s'appuie aussi sur une relance vigoureuse de la politique de maîtrise de
l'énergie qui s'est traduite par une dotation annuelle spécifique
de l'ADEME de 500 millions de francs.
Ce plan d'action fait également appel, dans le cadre européen,
à des allégements fiscaux favorisant l'usage d'équipements
plus efficaces, ainsi qu'à la fiscalité environnementale pour
modérer les consommations. Celle-ci évoluera progressivement au
cours de la période et pourrait atteindre 500 francs par tonne de
carbone en 2010. Le Gouvernement a, par ailleurs, arrêté ses
orientations à moyen terme en matière de fiscalité
énergétique : l'écart de taxation entre le gazole et le
" super " devrait rejoindre en 2005 la moyenne européenne, la
Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP) serait
appliquée aux consommations d'énergie des entreprises.
Le programme prévoit des mesures de plus long terme, comme le soutien
aux énergies renouvelables, le renforcement continu des normes
énergétiques dans le bâtiment, la programmation des
investissements nécessaires à une meilleure répartition du
transport de marchandises entre la route et les autres modes, la
définition d'un urbanisme moins gaspilleur en énergie.
Enfin, les divers niveaux territoriaux pertinents sont identifiés.
Ainsi, le programme contient un certain nombre de mesures dont la pleine
efficacité demande qu'elles soient établies ou harmonisées
au niveau européen, tel est en particulier le cas pour les instruments
économiques. Cela est d'autant plus nécessaire que beaucoup
d'Etats membres de l'Union Européenne adoptent dans ce domaine des
dispositions de même nature.
Le programme prévoit par ailleurs l'extension des premières
expériences de coopération entre l'Etat et les
collectivités territoriales en matière de maîtrise des
émissions, amorcées à l'occasion de l'élaboration
des contrats de plan Etat-Régions, dans le cadre notamment des
contractualisations avec les agglomérations qui seront
négociées au cours de l'année 2000.
L'adoption de ce programme devrait permettre à la France d'être
en mesure de respecter les engagements qui résultent pour elle du
protocole de Kyoto, dont la ratification sera soumise à l'approbation du
Parlement avant la fin de la présente session.
Il devrait donc
permettre d'aborder la conférence de La Haye en position de force.
Cette conférence, programmée en novembre de cette
année, déterminera l'essentiel des conditions d'application du
Protocole de Kyoto.
La ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement y présidera la délégation française
et, en raison de la Présidence française, celle de l'Union
Européenne.
C'est une occasion pour que la France montre l'exemple et
fasse de la lutte contre l'effet de serre une priorité nationale.