III. LA NON SINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE : 6 MILLIARDS DE FRANCS
Le projet de budget de la santé et de la solidarité ne prend pas en compte un certain nombre de dépenses pourtant annoncées en faveur des familles, tandis qu'il sous-estime un certain nombre d'autres dépenses.
A. LA NON INSCRIPTION DES CRÉDITS EN FAVEUR DES FAMILLES
Deux
certitudes viennent altérer gravement la sincérité du
budget de la santé et de la solidarité en sous-estimant
volontairement ses dépenses familiales réelles d'environ 5,7
milliards de francs.
La première certitude a été annoncée par le Premier
ministre lors de la conférence de la famille le 7 juillet 1999 et
concerne la pérennisation de la majoration de l'allocation de
rentrée scolaire (ARS).
L'ARS est une prestation familiale délivrée par la familiales
CNAF. Depuis plusieurs années, elle bénéficie d'une
majoration exceptionnelle systématiquement reconduite, à la
charge de l'Etat, figurant dans la loi de finances rectificative de
l'année, et avancée par la CNAF. Le montant de la majoration
était de 6,8 milliards de francs en 1999.
L'allocation de rentrée scolaire (ARS)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Montant total (F) |
1.600 |
1.600 |
1.600 |
1.600 |
dont majoration (F) |
1.180 |
1.176 |
1.173 |
1.173 |
Charge CNAF (MMF) |
2,3 |
2,35 |
2,5 |
5 |
Charge Etat (MMF) |
6,3 |
6,4 |
6,8 |
4,7 |
Coût total (MMF) |
8,6 |
8,75 |
9,3 |
9,7 |
Le
secrétariat d'Etat au budget a toujours refusé d'inscrire en loi
de finances initiale cette majoration en raison de son caractère
potentiel : il n'était pas certain que l'Etat déciderait de
majorer l'ARS. Or cette année, lors de la conférence de la
famille, le Premier ministre a annoncé que cette majoration serait
pérennisée et prise en charge progressivement par la CNAF. La
ministre de l'emploi et de la solidarité et le rapport de la commission
des comptes de la Sécurité sociale ont repris cet engagement qui
s'est traduit par la prévision d'une dépense de 2,5 milliards de
francs en 2000 à la charge de la CNAF à ce titre. Le solde (4,7
milliards de francs au moins) devrait donc en toute logique figurer dans le
projet de loi de finances pour 2000. Il n'en est rien.
L'argument avancé jusqu'alors ne peut plus tenir puisque les annonces
ont été faites officiellement et que les premières
conséquences ont été tirées pour les comptes de la
branche famille. On peut donc estimer que cette non inscription altère
gravement la sincérité du budget de l'emploi et de la
solidarité si l'Etat respecte les engagements du Premier ministre.
En réalité, le risque est grand en fin d'année 2000 de
voir la part à la charge de la CNAF augmentée tandis que les
retards de paiement de l'Etat auront de toutes les façons pesé
sur la trésorerie de l'ACOSS.
La seconde certitude rejoint cette question des prestations familiales. Lors de
la conférence de la famille, le Premier ministre a annoncé que
l'Etat verserait à la CNAF une subvention d'un milliard de francs
couvrant les dépenses qu'elle engage pour le Fonds d'action sociale des
travailleurs immigrés et de leurs familles (FASTIF) en guise de
contrepartie pour le transfert progressif de la majoration de l'ARS vers la
CNAF.
La ministre de l'emploi et de la solidarité a
répété cet engagement lors de la présentation du
projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000. Il
figure également dans le rapport de la commission des comptes de la
sécurité sociale de septembre 1999. Cependant, ce transfert d'un
milliard de francs ne figure pas dans le projet de loi de finances pour 2000.
Mme Aubry a expliqué le 10 novembre à votre commission des
finances que cela ferait partie du collectif 2000.
Ces deux annonces montrent bien que la sincérité du projet de
loi de finances pour 2000 est gravement altérée
7(
*
)
. Le Gouvernement reconnaît
qu'une dépense de 5,7 milliards de francs interviendra en 2000, mais ne
l'inscrit pas dans le projet de loi de finances contrairement aux dispositions
du quatrième alinéa de l'article 2 de l'ordonnance organique du 2
janvier 1959 :
" La loi de finances de l'année
prévoit et autorise, pour chaque année civile, l'ensemble des
ressources et des charges de l'Etat. "
Qu'il s'agisse de la majoration de l'ARS ou de la subvention au FASTIF votre
rapporteur spécial dénonce la non coordination et
l'incohérence des projets de loi de finances et de financement qui
revient à minorer les dépenses de l'Etat et faire peser à
la fois une forte incertitude (5,7 milliards de francs) et des frais de
trésorerie sur les comptes de la branche famille
8(
*
)
.