CHAPITRE XI
-
Application dans les professions agricoles
Art. 17
Durée légale du travail
effectif des salariés agricoles
Cet
article fixe à 35 heures par semaine la durée légale
du travail effectif des salariés agricoles.
I - Le dispositif proposé
Dans sa rédaction initiale, cet article assurait la transposition des
différentes dispositions du projet de loi dans le code rural afin
d'appliquer aux salariés agricoles les règles dont
bénéficient les salariés relevant du code du travail.
Cet article comportait donc initialement treize paragraphes visant les uns
à modifier, les autres à réécrire les articles du
code rural. Le Gouvernement avait ainsi choisi d'intégrer dans le code
rural les principales dispositions du projet de loi plutôt que de
procéder par renvoi au code du travail.
L'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement
présenté par le Gouvernement a supprimé la
quasi-totalité du contenu de cet article, ne laissant subsister que la
disposition relative à la durée du travail effectif des
salariés agricoles, qui figurait au 1° du I.
Le
paragraphe I
, dans la rédaction initiale de cet article,
modifiait également l'article 992 du code rural afin de reprendre la
définition de la durée du travail effectif figurant à
l'article L. 212-4 du code du travail et résultant de la loi du 13 juin
1998.
Le
paragraphe II
prévoyait que la durée hebdomadaire du
travail, fixée à 35 heures est applicable à compter
du 1
er
janvier 2000 pour les exploitations et entreprises qui
comptent plus de 20 salariés. Cette échéance était
repoussée au 1
er
janvier 2002 pour les autres exploitations
et entreprises.
Le
paragraphe III
assurait la transposition dans l'article 992-2 du code
rural du régime des heures supplémentaires défini à
l'article 2 du présent projet de loi.
Le
paragraphe IV
comportait une disposition de coordination modifiant
l'article 48 de la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative
à l'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement
économique et social.
Le
paragraphe V
rendait applicable aux salariés agricoles les
dispositions des articles L. 212-3 et L. 212-7-1 du code du travail tels que
rédigés par le présent projet de loi.
L'article L. 212-3 tel que rédigé par le I de l'article 15 du
présent projet de loi dispose que la seule diminution du nombre d'heures
stipulé au contrat de travail, consécutive à une
réduction de la durée du travail organisée par une
convention ou un accord collectif, ne constitue pas une modification du contrat
de travail.
L'article L. 212-7-1 tel que rédigé par le I de l'article 2 du
projet de loi reprend les dispositions de l'ancien article L. 212-5 relatives
aux majorations de salaires dues pour les heures supplémentaires.
Le
paragraphe VI
réécrivait la première phrase de
l'article 993-1 du code rural afin de permettre aux salariés agricoles
de prendre, à leur convenance, leur repos par journée
entière ou par demi-journée.
Le
paragraphe VII
complétait le troisième alinéa du
même article afin de prévoir que le délai au cours duquel
ces journées ou demi-journées de repos peuvent être prises
par accord collectif étendu ou par accord d'entreprise ou
d'établissement était de six mois maximum. En cas d'accord de
modulation, ce délai pouvait aller jusqu'à douze mois.
Le
paragraphe VIII
complétait le premier alinéa de
l'article 993-2 du code rural en prévoyant les cas dans lesquels
intervient une réduction du contingent annuel d'heures
supplémentaires pouvant être effectuées sans autorisation
de l'inspecteur du travail.
Le
paragraphe IX
complétait ce même article en
précisant que les heures qui doivent s'imputer sur le contingent annuel
sont celles effectuées au-delà de 35 heures par semaine.
Le
paragraphe X
insérait un article 997-2 dans le code rural
prévoyant que tout salarié bénéficie d'un repos
quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives. Le
dernier alinéa de ce nouvel article précisait en outre qu'aucun
temps de travail quotidien ne peut atteindre six heures sans que le
salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée
minimale de 20 minutes.
Le
paragraphe XI
rendait applicable aux entreprises ou exploitations
occupant des salariés agricoles les dispositions du IV de l'article 2 de
la présente loi. Ledit paragraphe dispose que les heures
supplémentaires effectuées au-delà de 39 heures
hebdomadaires ou de la durée considérée comme
équivalente dans les entreprises pour lesquelles la durée
légale du travail est fixée à 35 heures à compter
du 1
er
janvier 2002, c'est-à-dire les entreprises de moins de
20 salariés, donnent lieu, jusqu'à cette date, à une
majoration de salaire de 25 % pour les huit premières heures et
50 % pour le suivantes.
Le
paragraphe XII
comportait une disposition balai permettant
d'appliquer aux entreprises ou exploitations employant des salariés
agricoles un certain nombre de dispositions prévues par le
présent projet de loi.
Le
paragraphe XIII
était une disposition de coordination.
II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Lors de l'examen de cet article en première lecture à
l'Assemblée nationale, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité, a déclaré, à propos de cet
article : "
Nous nous trouvons devant un problème un peu
délicat. Les dispositions que nous avons adoptées ces derniers
jours rendent nécessaire le dépôt de plusieurs amendements
à l'article 17. Aussi, pour éviter de faire perdre du temps
à l'Assemblée, je propose un amendement gouvernemental qui ne
maintient que le 1° du I de l'article 17, c'est-à-dire le principe
de la réduction à 35 heures de la durée légale du
travail effectif des salariés agricoles, et de supprimer tout le reste,
en réservant la possibilité d'examiner, en deuxième
lecture, un texte qui prendrait en compte le travail de
l'Assemblée.
"
209(
*
)
Elle précisait un peu plus tard : "
Il se trouve que votre
assemblée a modifié l'ensemble des articles que nous venons
d'examiner, alors que l'article 17 avait été rédigé
sur la base du projet du Gouvernement.
" Malheureusement, faute d'une rapidité suffisante, nous n'avons
pas pu être prêts au moment où nous arrivions à cet
article 17. Je le regrette tout comme vous. Aussi, pour éviter une perte
de temps à l'Assemblée et le vote d'un texte que nous serions
amenés à revoir dans sa quasi-totalité en seconde lecture,
je propose de garder le principe de la transposition des 35 heures et de
reprendre, avec vous, dans la seconde lecture, le texte tel qu'il aura
été voté par votre assemblée, pour le transcrire
dans le code rural.
"
210(
*
)
Suivant le Gouvernement, l'Assemblée nationale a par conséquent
voté un amendement présenté par celui-ci ne laissant
à l'article 17 que le principe de la réduction à 35 heures
de la durée légale du travail effectif des salariés
agricoles.
III - Les propositions de votre commission
Votre commission juge regrettable l'adoption de cet amendement par
l'Assemblée nationale. En présentant un tel amendement, le
Gouvernement se montre en vérité bien peu respectueux des droits
du Parlement.
Cette procédure pour le moins improvisée prive en effet le
Sénat de la possibilité d'examiner utilement le dispositif
applicable aux salariés agricoles. Elle limite considérablement
la possibilité d'initiative de l'Assemblée nationale dans la
mesure où la " seconde lecture " évoquée
correspond en réalité à la nouvelle lecture qui suivra
l'échec prévisible de la commission mixte paritaire dans le cadre
de la procédure d'urgence demandée par le Gouvernement
lui-même.
Votre commission juge par conséquent très
sévèrement la méthode désinvolte du Gouvernement
sur un texte qu'il qualifie pourtant d'essentiel.
Par cohérence avec la position adoptée à l'article premier
du projet de loi,
votre commission vous propose d'adopter un amendement de
suppression de cet article
.
Art.
18
(art. L. 120-3 du code du travail)
Suppression de la
présomption d'activité indépendante pour les personnes
immatriculées au registre du commerce
Cet
article, introduit par voie d'amendement à l'Assemblée nationale,
procède à la suppression de l'article L. 120-3 du code du
travail.
I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Créé par la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative
à l'initiative et à l'entreprise individuelle et
complété par la loi n° 97-210 du 11 mars 1997, l'article
L. 120-3 du code du travail répondait à un souci de
stabilité juridique : il établit une présomption
d'activité indépendante, c'est-à-dire de non-salariat,
dès lors que la personne était immatriculée :
- au registre du commerce et des sociétés ;
- au répertoire des métiers ;
- au registre des agents commerciaux ;
- ou encore auprès des unions de recouvrement des cotisations de
sécurité sociale et des allocations familiales dues par les
employeurs et travailleurs indépendants.
Cette présomption, bien entendu, ne remet pas en cause les cas où
le contrat de travail résulte d'une disposition légale. En outre,
le second alinéa autorise la requalification du lien juridique liant le
travailleur au donneur d'ouvrage en contrat de travail lorsque les prestations
effectuées placent la personne immatriculée auprès des
registres précités ou à l'URSSAF comme travailleurs
indépendants dans une situation de " subordination
permanente " à l'égard du donneur d'ouvrage. Le
troisième alinéa de l'article, issu de la loi de 1997,
prévoit que le donneur d'ouvrage ayant eu recours aux services d'une
personne dans ces conditions est tenu au paiement des cotisations au titre de
la totalité de la période d'exécution du contrat.
L'article L. 120-3 avait été introduit dans le code du
travail en 1994 pour donner plus de stabilité aux relations juridiques
entre travailleurs indépendants et donneurs d'ouvrage. La jurisprudence,
dans un souci de protéger le travailleur en lui faisant
bénéficier du régime de protection sociale des
salariés, longtemps beaucoup plus favorable que celui des
indépendants, procédait à des requalifications des liens
en contrat de travail. Or, de telles requalifications se justifiaient de moins
en moins avec le rapprochement des régimes légaux de protection
des salariés et des indépendants et que ces requalifications se
faisaient souvent en méconnaissance de la volonté des parties.
L'intérêt d'établir une présomption de travail
indépendant avait été perçu, en 1994, comme
d'autant plus nécessaire qu'il est souvent difficile d'apprécier
le moment où commence la subordination caractéristique du contrat
de travail, la recherche de stabilité économique poussant souvent
à établir des relations durables, voire exclusives, avec un
donneur d'ouvrage.
Pour tenir compte cependant du fait que le statut de travailleur
indépendant peut être, pour certaines entreprises, un moyen de
" détourner " l'application du droit du travail et de la
sécurité sociale, l'article L. 120-3 du code du travail introduit
en 1994 n'a établi qu'une présomption de travail
indépendant lorsque la personne est immatriculée comme
travailleur indépendant : cette présomption n'est pas
irréfragable et peut être démentie par le juge lorsque
celui-ci estime que les liens entre le travailleur et le donneur d'ouvrage
démontrent l'existence d'un lien de " subordination juridique
permanente ".
A l'Assemblée nationale, M. Maxime Gremetz a proposé d'abroger
cet article L. 120-3 du code du travail et d'en revenir à la
présomption de salariat pour ces travailleurs inscrits au registre du
commerce, au répertoire des métiers, au registre des agents
commerciaux ou aux URSSAF en tant que travailleurs indépendants.
La commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de
l'Assemblée nationale avait donné un avis défavorable
à cet amendement, dont l'objet est sans lien avec l'objet du projet de
loi, à savoir la réduction négociée du temps de
travail.
Pour des raisons probablement liées au souhait du Gouvernement de voir
le groupe communiste voter en faveur du projet de loi, la ministre de l'emploi
et de la solidarité a pourtant donné un avis favorable à
l'adoption de cet amendement. La ministre a reconnu que le lien de cet
amendement avec le projet de loi n'était pas
" direct ".
Elle a cependant estimé que
" l'article dont la suppression est proposée a introduit une
présomption simple de travailleur indépendant pour les personnes
inscrites au registre du commerce qui a permis à certains employeurs de
contourner le code du travail et les obligations liées au statut de
salarié. La loi n'a pas eu les effets escomptés par ses auteurs.
Il convient donc de rétablir la présomption de salariat. "
II - Les propositions de votre commission
Malgré son caractère de " cavalier législatif ",
l'Assemblée nationale a adopté cet article.
C'est pour cette même raison que votre commission vous propose
d'adopter un amendement de suppression de cet article.
Art.
19
(art. L. 432-4 du code du travail)
Information du comité
d'entreprise
Cet
article, introduit par voie d'amendement à l'Assemblée nationale,
modifie les dispositions de l'article L. 432-4 du code du travail
relatives à l'information annuelle du comité d'entreprise en
précisant le contenu du rapport annuel que doit lui transmettre le chef
d'entreprise.
I - Le texte adopté par l'Assemblée
nationale
Dans le droit en vigueur, le chef d'entreprise présente en effet au
moins une fois par an au comité un rapport d'ensemble concernant
l'activité de l'entreprise, qui comprend les éléments
suivants :
- chiffre d'affaires ;
- bénéfices ou pertes constatés ;
- résultats globaux de la production en valeur et en volume ;
- transferts de capitaux importants entre la société
mère et les filiales ;
- situation de la sous-traitance ;
- affectation des bénéfices réalisés ;
- aides ou avantages financiers consentis à l'entreprise par
l'Etat, les régions et les collectivités locales et leur
emploi ;
- investissements ;
- évolution de la structure et du montant des salaires.
Cet article est rédigé de manière suffisamment large pour
couvrir l'ensemble des aides ou avantages financiers consentis à
l'entreprise par l'Etat, et donc, notamment, les aides créées par
la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative
à le durée du travail ainsi que celles qui sont instituées
par l'article 11 du présent projet de loi.
Très symboliquement, donc, M. Maxime Gremetz a
présenté un amendement établissant seulement ce point. Cet
amendement, qui n'a pas de portée juridique par rapport au droit en
vigueur, a reçu un avis favorable de la commission et du Gouvernement.
M. Maxime Gremetz a implicitement reconnu la portée exclusivement
symbolique de son amendement en indiquant seulement, pour toute
présentation en séance publique, qu'il était
" marqué à gauche ".
II - Les propositions de votre commission
Quelle que soit sa bonne volonté à l'égard des symboles,
votre commission ne peut partager les raisons qui ont conduit à
introduire le présent article additionnel dans le projet de loi.
Votre commission vous propose en conséquence un amendement de
suppression de cet article dépourvu de portée normative.