CHAPITRE X
-
Rémunération
Art. 16
Salaire minimum de croissance et
complément différentiel de salaire
Cet
article porte sur l'application des règles relatives au salaire minimum
de croissance (SMIC) pour les salariés bénéficiant des
35 heures.
Régi par les
articles L. 141-1 et suivants du code du
travail,
le SMIC concerne
2,2 millions de salariés
.
Exprimé en montant horaire, le SMIC est de
40,72 francs
à compter du 1
er
juillet 1999. Le niveau de la
rémunération mensuelle minimale, calculé sur une base de
39 heures, est donc de
6.881,68 francs
(40,72 francs
x 169 heures).
Le dispositif prévu à cet article vise à rendre compatible
le principe du maintien du pouvoir d'achat des salariés
rémunérés au SMIC, voulu par le Premier ministre, avec la
diversité de la situation des entreprises et des salariés au
regard de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail.
La solution la plus simple aurait été de majorer
uniformément le taux horaire du SMIC en augmentant celui-ci de
manière à ce que le salaire mensuel, calculé sur
35 heures, soit égal au salaire mensuel actuel calculé
à partir de 39 heures. Par une règle de trois, le taux
horaire du SMIC aurait dû alors être majoré de 11,4 %.
Cette solution n'a pas été retenue parce que le passage aux
35 heures ne s'opère pas de manière uniforme pour tous les
salariés. En particulier, les entreprises de moins de
20 salariés n'ont pas d'obligation d'appliquer la réduction
du temps de travail avant le 1
er
janvier 2002.
La mesure de relèvement uniforme du SMIC aurait concerné à
la fois les salariés bénéficiant des 35 heures et
ceux dont l'horaire de travail est légalement maintenu à
39 heures. Outre que cette augmentation du SMIC ne serait pas
justifiée pour ces derniers, il en résulterait un alourdissement
des charges des entreprises et un amoindrissement de leur
compétitivité.
I - Le dispositif proposé
Le dispositif retenu par le Gouvernement est le suivant : il s'agit, pour
les salariés dont la durée de travail est réduite, de
prévoir le versement d'un " complément différentiel
de salaire " (CDS) égal à la différence entre le SMIC
mensuel, calculé sur 39 heures, et la rémunération
mensuelle du salariée calculé sur la base de l'horaire effectif
de travail et du SMIC horaire.
Le
paragraphe I
concerne les salariés actuellement en poste
rémunérés au SMIC et bénéficiant de la
réduction du temps de travail.
Il fixe le principe le principe du versement d'un complément
différentiel du salaire et prévoit les modalités de
révision de celui-ci.
L'article concerne tous les salariés dont la durée du travail est
réduite à 35 heures ou plus : sont ainsi visés
les cas où la durée du travail s'est étalée entre
39 heures et 35 heures.
Il ne peut être perçu un salaire inférieur à celui
résultant du produit du SMIC par le nombre d'heures inscrit dans la
convention collective en vigueur à la date de la mesure de
réduction du temps de travail. Toutefois, ce nombre d'heures est pris en
compte dans la limite de 39 heures hebdomadaires, soit 169 heures par
mois.
Soit le cas d'un salarié payé au SMIC pour 39 heures
hebdomadaires (169 heures par mois) : le produit du SMIC par la
durée de travail mensuelle dans le cadre du passage aux 35 heures
(151,67 heures) s'élèvera à 6.175,87 francs. Le
montant du complément différentiel de salaire, calculé par
différence avec le SMIC calculé pour 169 heures, sera donc
égal à 705,81 francs.
En revanche, si ce salarié connaît une réduction du temps
de travail à 37 heures hebdomadaires (160,21 heures par mois),
le montant minimum mensuel du salaire brut passe à
6.528,77 francs : le complément différentiel de salaire
est logiquement moins élevé et atteint donc, toujours par
différence avec le SMIC calculé sur 169 heures,
352,91 francs.
Les règles d'indexation du complément différentiel de
salaire relèvent du deuxième alinéa de cet article
.
Comme on l'a vu, le salaire-plafond correspondant à 169 heures de
travail, utilisé pour déterminer le montant du complément
différentiel de salaire, est calculé en faisant
référence au niveau du SMIC horaire atteint à la date
à laquelle est intervenue la réduction du temps de travail. Pour
le salarié, ce plafond demeure donc fixe même si son salaire
mensuel de base, calculé pour 35 heures hebdomadaires, continue
à être revalorisé en fonction des revalorisations annuelles
du SMIC horaire.
Il est donc prévu que le complément différentiel de
salaire sera revalorisé chaque année en fonction de deux
données :
- l'indice des prix à la consommation,
- la moitié de l'augmentation du pouvoir d'achat du salaire mensuel
de base ouvrier (1/2 TSM).
Pour mémoire, le SMIC est actuellement revalorisé selon les
modalités suivantes :
- il est indexé sur l'indice des prix à la
consommation : le revalorisation est automatique dès que cet indice
a augmenté de 2 % ;
- il est révisé, en outre, chaque année au
1
er
juillet en tenant compte du fait que le pouvoir d'achat du
SMIC ne doit pas être inférieur à la moitié de celui
des salaires horaires moyens (1/2 TSH) ;
- il peut, enfin, faire l'objet chaque année d'une revalorisation
spécifique supérieure au niveau indiqué ci-dessus. Il
s'agit de ce que l'on appelle communément un " coup de pouce "
relevant d'une décision politique.
Par rapport au SMIC, l'indexation du complément différentiel de
salaire présente donc deux différences :
- il est fait référence au salaire mensuel moyen et non au
salaire horaire moyen ;
- l'indexation sur la moitié du pouvoir d'achat du salaire mensuel
moyen, qui permet de prendre en compte une certaine participation aux fruits de
la croissance, est à la fois un minimum et un
maximum
. Aucune
possibilité de progression supplémentaire n'est prévue par
le projet de loi. Le complément différentiel de salaire doit
inéluctablement progresser moins rapidement que le SMIC.
Il est à noter que le respect, entendu au sens strict, du principe du
maintien du pouvoir d'achat aurait pu conduire à prévoir
seulement une indexation sur l'inflation.
Enfin,
le dernier alinéa traite le cas des salariés dont la
durée de travail est portée en dessous de 35 heures
,
c'est-à-dire en dessous du minimum légal : pour ces
derniers, il est prévu que le salaire mensuel de référence
doive être diminué
à due proportion de la durée
du travail en deçà des 35 heures
.
Il en résulte que le complément différentiel de salaire
est calculé au prorata de la durée effective de travail
rapportée à 35 heures.
Si la durée de travail passe à 32 heures, le coefficient
appliqué au complément différentiel de salaire
est
de 91 % (32 heures/35 heures). Le salarié reçoit
son salaire mensuel de base (5.646,23 francs, soit 40,72 francs
x 138,66 heures) auquel vient s'ajouter le complément
minoré, soit 1.129,55 francs (1.235,45 francs
x 91 %).
Cet article prévoit ensuite le cas des salariés
embauchés après la mise en oeuvre de la réduction du temps
de travail (paragraphe II de l'article).
S'agissant des salariés recrutés par l'entreprise, après
le passage aux 35 heures, qui ne subissent donc pas directement de perte
de salaire, le Gouvernement a retenu une option qui vise à éviter
que ne coexistent, au sein de la même entreprise, des salariés
bénéficiant du complément différentiel de salaire
et des salariés nouvellement recrutés qui ne
bénéficieraient donc que du salaire mensuel de base
calculé sur 35 heures.
Il est prévu que le salarié nouvellement embauché à
temps complet perçoit le complément différentiel de
salaire dès lors qu'il occupe un emploi équivalent à celui
occupé par d'autres salariés de l'entreprise
bénéficiant de la garantie minimale prévue par cet
article. La mesure s'applique donc, soit que l'entreprise ait
procédé au remplacement d'un salarié, soit qu'elle ait
procédé à de nouvelles embauches sur des postes de
même nature que ceux qui existent déjà.
Toutefois, la garantie prévue ci-dessus ne s'appliquera pas :
-
aux salariés des entreprises nouvellement
créées
207(
*
)
: sur ce point, il est important
de souligner que le juge peut sanctionner la pratique qui consisterait à
créer artificiellement une nouvelle entreprise pour contourner la
loi ;
-
aux salariés nouvellement embauchés
sur des postes
n'ayant aucun équivalent dans l'entreprise. Sur ce point, il est
possible d'imaginer que les contentieux pourraient être fréquents.
Le
paragraphe III
concerne les salariés à temps
partiel
Pour ces derniers, deux cas sont envisagés selon que le salarié
à temps partiel est déjà ou non en poste dans l'entreprise.
Lorsque le salarié est dans l'entreprise, il bénéficiera
du minimum garanti tel que défini par le présent article,
à la condition qu'il ait lui-même connu une réduction de
son temps de travail partiel. Dans ce cas, le salarié
bénéficiera du minimum garanti à due proportion de la
réduction de son temps de travail.
Lorsque le salarié est nouvellement embauché à temps
partiel, il bénéficie également du complément
différentiel de salaire à la condition qu'il occupe un
emploi
équivalent à celui d'une personne à temps partiel dont la
durée de travail a été réduite
(art. L.
212-4-5 du code du travail
208(
*
)
).
Le dispositif ne s'applique donc pas aux salariés à temps partiel
déjà en poste dans l'entreprise,
lorsque leur durée de
travail n'a pas été réduite
, ceci dans
l'hypothèse où les salariés à temps complet ont
connu une réduction de leur temps de travail.
Le
paragraphe IV
prévoit la remise d'un rapport avant le
31 décembre 2002.
Il anticipe en outre les effets des augmentations de salaire envisageables
sur le SMIC : en effet, conformément aux règles d'indexation
prévues au I, il doit apparaître inéluctablement à
terme une réduction du montant du complément différentiel
de salaire dans la mesure où le niveau du SMIC peut évoluer plus
rapidement que le plafond à partir duquel est calculé le CDS.
A terme, compte tenu des revalorisations annuelles, le montant du SMIC
mensuel calculé pour 35 heures deviendra égal au montant du
SMIC mensuel correspondant à 169 heures de travail à la date
de mise en oeuvre de la réduction du temps de travail.
A cette date, l'évolution du SMIC aura donc entièrement
intégré le surcoût de 11,4 % correspondant à
l'effet de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail. Le
projet de loi anticipe sur l'évolution des données
économiques en prévoyant, d'ores et déjà, que ce
seuil devrait être atteint au 1
er
juillet 2005.
Le
paragraphe V
porte sur le cas des salariés à temps
partiel qui sont déjà en poste dans l'entreprise ou des
salariés nouvellement embauchés qui souhaitent occuper à
temps partiel un poste précédemment occupé à temps
complet.
L'article L. 212-4-5 du code du travail tel que modifié par
l'article 6 de ce projet de loi dispose (troisième alinéa)
que la rémunération du salarié à temps partiel est
" proportionnelle à celle du salarié qui, à
qualification égale, occupe à temps complet un emploi
équivalent dans l'entreprise "
.
Cet article précise que le complément n'est pas pris en compte
pour le calcul du salaire du travailleur à temps partiel
" sauf
stipulation contraire de l'accord collectif
".
En fait, cette disposition fait largement peser sur la négociation
collective le soin de trouver une solution au problème que pose la
situation des personnes à temps partiel, qui travaillaient dans
l'entreprise avant la réduction du temps de travail et dont la
rémunération exprimée en valeur relative sera en baisse
par rapport à celle des salariés qui travaillaient à temps
complet avant le passage aux 35 heures.
II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Le
paragraphe III bis
résulte d'un amendement de
MM. Gérard Terrier et Yves Rome adopté par
l'Assemblée nationale en première lecture. Il a pour objet de
garantir la poursuite du versement du CDS quels que soient les changements
juridiques que pourrait connaître l'entreprise
L'article L. 122-12 précise notamment que, s'il survient une
modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par
succession, vente, fusion, transformation du fond, mise en
société, les contrats de travail en cours subsistent.
Le paragraphe III bis confirme que, dans les hypothèses
susvisées, le CDS doit continuer à être versé au
même niveau que celui perçu à la date de la modification.
La rédaction choisie laissait planer une ambiguïté dans la
mesure où l'on pouvait penser que le montant du CDS devait rester fixe
en valeur absolue à compter de la modification juridique ; le
deuxième alinéa précise clairement que le CDS doit
continuer à être valorisé suivant les règles
prévues au I.
III - Les propositions de votre commission
Le dispositif retenu par le Gouvernement présente des
inconvénients réels du point de vue de la situation
comparée de chaque salarié entre entreprises ou au sein de la
même entreprise.
Il apparaît des
inégalités de situation entre
entreprises
. A compter du 1
er
janvier 2000, les
salariés des entreprises de moins de vingt salariés
bénéficiant du SMIC continueront à travailler
39 heures tandis que ceux des entreprises de plus de vingt salariés
dont la durée du travail aura été ramenée à
35 heures, travailleront 35 heures par semaine payées sur la
base de 39 heures. Il s'agit là d'une rupture du principe
" à travail égal salaire égal ".
La même iniquité apparaîtra pour les salariés des
entreprises nouvellement créées.
Si l'entreprise ne souscrit pas d'elle-même, pour les salariés au
SMIC, au principe du paiement de 39 heures pour 35 heures de travail afin
d'obtenir les aides correspondantes, les salariés au bas de
l'échelle percevront une rémunération mensuelle minimale
calculée sur 35 heures, alors que les salariés des entreprises
ayant réduit le temps de travail, à durée de travail
égale, seront payés sur la base de 39 heures.
Les disparités s'établiront également au sein d'une
même entreprise
entre les salariés à temps complet
bénéficiant de la réduction du temps de travail et les
salariés ayant choisi de travailler à temps partiel avant la
mesure de réduction du temps de travail. Si le travailleur à
temps partiel ne se voit pas proposer de réduction supplémentaire
de son temps de travail, il ne bénéficie d'aucun
complément de salaire : un travailleur à temps partiel qui
travaillait sur la base de 35 heures avant la réduction du temps de
travail et qui continue à travailler le même nombre d'heures
après le 1
er
janvier 2000, sera
rémunéré 35 heures sauf accord collectif particulier.
En revanche, pour la même activité et dans la même
entreprise, celui qui travaillait à temps complet et qui
bénéficie de la mesure de réduction du temps de travail,
sera, lui, payé 39 heures pour 35 heures de travail effectif.
Le choix d'une réduction autoritaire du temps de travail en deux phases
génère donc inévitablement des effets pervers pour les
salariés bénéficiant du SMIC.
Votre commission observe que la question du " double SMIC " est
intrinsèquement liée au choix fait par le Gouvernement d'imposer
une baisse de la durée
légale
du travail.
En proposant la suppression de l'article premier du projet de loi, votre
commission s'est opposée à ce choix.
C'est pourquoi, votre commission vous propose d'adopter un amendement de
suppression de cet article.