b) Le Gouvernement considérait cette question comme étant un " cas d'école "
Votre
rapporteur, devant l'étendue des conséquences prévisibles
d'un refus d'un salarié d'accepter une baisse de sa
rémunération à la suite de la signature d'un accord sur la
réduction du temps de travail, avait souhaité connaître
l'avis de Mme Martine Aubry sur cette question.
En réponse à un questionnaire écrit
131(
*
)
de votre rapporteur, Mme Martine
Aubry avait estimé qu'il était
vraisemblable
que le juge
considère le licenciement consécutif au refus du salarié
d'accepter une modification de sa rémunération comme reposant sur
une cause réelle et sérieuse. Elle considérait par
ailleurs que
" la conclusion d'un accord collectif préalablement
à la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail
(était) un élément qui contribuait à établir
la légitimité de la modification du contrat de travail
proposée par l'employeur et, par voie de conséquence, celle du
licenciement prononcé en cas de refus du salarié "
. Elle
concluait sa réponse en estimant qu'il était important d'ajouter
"
qu'en pratique
, comme l'avait montré, du reste, la mise
en oeuvre de la loi du 11 juin 1996,
les situations de refus par les
salariés et donc de licenciements éventuels étaient
exceptionnels
; la négociation collective, que le projet de loi
privilégiait, permettant de dégager des compromis
équilibrés et de nature à susciter l'adhésion des
salariés "
.
Autrement dit, le problème soulevé par votre rapporteur
constituait un cas d'école auquel la ministre ne considérait pas
devoir répondre dans la loi.
c) Le Gouvernement semble décidé à prendre en considération ces " cas d'école " dans le second projet de loi
Quinze
mois de mise en oeuvre semblent avoir démontré que le " cas
d'école " constituait bien une menace pour les entreprises
engagées dans la réduction du temps de travail.
Comme le soulignait Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité lors de son audition par la commission des Affaires
culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale le mardi
7 septembre 1999 :
" des termes des accords signés
à ce jour, il ressort que 80 % des salariés n'ont pas connu
de baisse de salaire "
132(
*
)
. Ceci revient à admettre
que 20 % des salariés sont susceptibles de refuser la remise en
cause de leur rémunération et de demander à être
licenciés, ceci avec les conditions incertaines pour l'entreprise que
nous avons déjà mentionnées.
Prenant acte de cette situation, le Gouvernement a décidé
d'inclure dans son projet de loi un article 15 qui dispose que le
licenciement consécutif au refus d'un salarié d'accepter une
modification substantielle de son contrat de travail à la suite d'un
accord relatif à la réduction du temps de travail est
réputé reposer sur une cause réelle et sérieuse et
doit suivre la procédure individuelle.
Cet article constitue une forme de désaveu pour le Gouvernement. Il
signifie aussi que, contrairement à ce qu'il avait annoncé en
1998, les accords sur la réduction du temps de travail sont
susceptibles, dans un certain nombre de cas, de remettre en cause le niveau de
la rémunération.
Il est à noter que l'article 15 du projet de loi n'est pas sans
poser de nouveaux problèmes du fait de son caractère
imprécis, voire incomplet, comme il sera exposé
ultérieurement.