V. LES ACCORDS CONCLUS ENTRE LES PARTENAIRES SOCIAUX SONT REMIS EN CAUSE PAR LE GOUVERNEMENT

A. LA LOI DU 13 JUIN 1998 A MODIFIÉ UNE RÉGLEMENTATION DÉJÀ ABONDANTE ET COMPLEXE SUR LE TEMPS DE TRAVAIL

1. Le principe de la hiérarchie des normes en droit du travail

L'adoption de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail a mis en évidence la complexité des règles relatives à la négociation collective. Elle a également donné lieu à des critiques sur le thème de la nécessité de repenser le dialogue social de manière à mieux prendre en compte la diversité des situations des entreprises et des salariés. Avant d'examiner cette complexité et les réactions qu'elle suscite, il convient de rappeler les principes fondamentaux qui déterminent cette matière.

Les sources du droit du travail mêlent des textes de droit public et de droit privé. Au sommet de la pyramide se trouve la Constitution, et notamment son Préambule de 1946, puis les traités ratifiés, la loi, le règlement, la convention collective, l'usage et enfin le contrat de travail.

Traditionnellement, en France, les sources " imposées " ont toujours dominé les sources " négociées ", la première norme juridique dans le domaine du droit du travail est d'ailleurs une loi du 22 mars 1841 relative au travail des enfants dans les manufactures. Il faut attendre 1919 pour voir apparaître la convention collective, la loi du 23 mars 1919 prévoyant que les clauses du contrat de travail contraires à celles de la convention collective seront considérées comme non écrites et remplacées de plein droit par les dispositions correspondantes de la convention collective. Toutefois, la véritable mesure de la convention collective n'apparaît qu'avec la loi du 24 juin 1936 qui permet à l'autorité publique de procéder par arrêté ministériel à l'extension de la convention collective dès lors qu'elle a été signée par les syndicats représentatifs de la profession.

Le principe de l'ordre public social 102( * ) assure l'harmonie de cet édifice en prévoyant que la norme inférieure doit impérativement se révéler plus favorable au salarié que la norme supérieure.

Le principe de la hiérarchie des normes en droit public suppose que la Constitution s'impose à la loi qui s'impose au règlement, il se retrouve pour les " sources négociées " qu'il s'agisse de leur niveau de négociation 103( * ) (établissement, entreprise, branche ou niveau professionnel ou interprofessionnel) ou de leur champ d'application géographique 104( * ) (local, régional ou national).

Nature juridique et application de la convention collective

La convention collective de travail est un accord conclu entre un employeur ou un groupement d'employeurs et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives des salariés, en vue de fixer en commun les conditions d'emploi et de travail ainsi que les garanties sociales.

L'article L. 132-1 du code du travail distingue la convention collective de l'accord collectif. La convention collective a vocation à traiter de l'ensemble des conditions d'emploi, de travail et des garanties sociales alors que l'accord collectif ne traite qu'un ou plusieurs sujets déterminés de cet ensemble. Cette distinction entre convention et accord s'applique quel que soit le niveau de négociation ; il existe des conventions et des accords d'entreprise comme des conventions et accords nationaux de branche.

Une convention collective a des effets différents pour les salariés et pour les entreprises.

La convention collective s'applique à tous les salariés qu'elle vise, telle une loi, contrairement à un principe essentiel du droit énoncé à l'article 1165 du code civil selon lequel " les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point aux tiers, et ne lui profitent que dans les cas prévus par l'article 1121 " .

Par contre, elle ne concerne que les entreprises qui sont partie à sa négociation. Un chef d'entreprise n'adhérant à aucun syndicat patronal n'est donc soumis à aucune convention collective en l'absence de procédure d'extension. Par contre, s'il adhère à un syndicat, les conventions signées par ses représentants mandatés lui seront applicables. Il est à noter que la démission du syndicat patronal n'emporte pas la non-application de la convention pour l'employeur. Elle aura seulement pour conséquence la non-application à l'avenir des avenants futurs.

Une convention collective peut toutefois produire ses effets à l'encontre d'une entreprise non signataire dans la mesure où elle a fait l'objet d'une procédure d'extension. En vertu de l'article L. 133-8 du code du travail, les dispositions d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel peuvent, en effet, être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de ladite convention ou dudit accord, par arrêté du ministre chargé du travail, après avis motivé de la commission nationale de la convention collective.

Par ailleurs, l'article L. 133-12 du code du travail prévoit qu'en cas d'absence ou de carence des organisations de salariés ou d'employeurs se traduisant par une impossibilité persistante de conclure une convention ou un accord dans une branche d'activité ou un secteur territorial déterminé, le ministre chargé du travail peut élargir le champ d'application d'une convention ou d'un accord de branche déjà étendu à cette branche ou à ce secteur.

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