EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE 1ER
DISPOSITIONS RELATIVES
A L'ACTION
PUBLIQUE EN MATIÈRE PÉNALE
Le
premier chapitre du projet de loi concerne les relations entre la Chancellerie
et les magistrats du parquet ; il comprend trois articles qui tendent
à préciser les rôles respectifs du ministre de la justice,
du procureur général et du procureur de la République.
L'Assemblée nationale a complété ce chapitre par deux
articles additionnels, le premier prévoyant la possibilité pour
une association reconnue d'utilité publique, partie civile, de demander
au parquet de faire appel de la décision sur l'action publique en cas de
jugement de relaxe (
article 1
er
bis
)
et le second
fixant des délais pour l'examen des pourvois dans l'intérêt
de la loi formés par le garde des Sceaux devant la Cour de cassation
(
article 1
er
ter
).
Article
1
er
(art. 30 à 30-2 du
code
de procédure pénale)
Attributions du ministre de la
justice
L'article 1
er
du projet de loi a pour objet de
définir le rôle du ministre de la justice en matière
d'action publique. A cette fin, il tend à insérer dans le
titre Ier du Livre Ier du code de procédure pénale,
consacré aux "
autorités chargées de l'action
publique et de l'instruction
", un nouveau chapitre intitulé
"
Du ministre de la justice
" qui est appelé à
s'insérer entre les chapitres concernant respectivement la police
judiciaire et le ministère public et qui introduirait, selon sa
rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, trois
nouveaux articles dans le code de procédure pénale
(articles 30
11(
*
)
à
30-2).
A l'initiative de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a
remanié la présentation formelle de l'article 1
er
du projet de loi en y apportant un certain nombre de modifications de fond.
Article 30 du code de procédure
pénale
Définition des orientations générales
de la politique pénale
Interdiction des instructions dans les
affaires individuelles
A
l'initiative de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a
regroupé dans un même article du code de procédure
pénale (art. 30) deux dispositions que la rédaction initiale
du projet de loi faisait figurer dans deux articles séparés et
qui concernent respectivement :
- la définition par le ministre de la justice des orientations
générales de la politique pénale
(1
èr
alinéa) ;
- et l'interdiction faite à ce même ministre de donner des
instructions dans les affaires individuelles
(2
nd
alinéa).
•
La définition des orientations générales de la
politique pénale
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait que le
ministre de la justice définissait les "
orientations
générales
" de la politique pénale,
destinées aux magistrats du ministère public et portées
à la connaissance des magistrats du siège.
Afin semble-t-il de mieux marquer le caractère impératif de ces
orientations générales définies par le garde des Sceaux,
l'Assemblée nationale a préféré les désigner
sous le terme de "
directives
" ; elle a en outre
précisé qu'elles seraient adressées aux magistrats du
ministère public "
pour application
" et aux magistrats
du siège "
pour information
".
Cette disposition n'a pas d'équivalent dans la législation
actuelle, aucune disposition législative ne prévoyant
formellement la définition d'orientations ou d'instructions de
caractère général par le garde des Sceaux.
Cependant, dans la pratique, il est d'usage que la direction des affaires
criminelles et des grâces du ministère de la justice adresse des
circulaires aux magistrats du parquet, notamment à l'occasion de la
publication de nouveaux textes législatifs.
Mme Elisabeth Guigou, actuel garde des Sceaux, a d'ailleurs
considérablement développé cette pratique. En effet, alors
que les circulaires concernant la politique pénale étaient jusque
là relativement peu nombreuses, pas moins de 39 circulaires ont
été adressées aux magistrats depuis son accession à
la Chancellerie (5 en 1997, 26 en 1998 et 8 en 1999
12(
*
)
). Ces circulaires ont porté
tant sur des priorités générales de la politique
pénale telles que l'aide aux victimes d'infractions pénales, les
réponses à apporter à la délinquance
juvénile, la lutte contre le racisme et la xénophobie ou la lutte
contre les sectes, que sur des problèmes d'actualité plus
ponctuels comme la sécurité des transports publics, le dispositif
judiciaire mis en place à l'occasion de la coupe du monde de football,
la poursuite des actes délictueux dirigés contre les produits
agricoles importés, la gestion des "
crises urbaines
"
ou encore les conditions de travail dans les transports routiers.
Certes, il peut apparaître légitime que le Gouvernement,
chargé, aux termes de l'article 20 de la Constitution, de
déterminer et de conduire la politique de la Nation, définisse
des priorités en matière de politique pénale, dans la
mesure où les magistrats du parquet n'ont en pratique pas les moyens de
poursuivre toutes les infractions et sont appelés à faire des
choix d'opportunité. Cependant, il convient de veiller à ce
qu'une telle définition de priorités n'entraîne par contre
coup l'indication de domaines non prioritaires et n'aboutisse ainsi à un
infléchissement du code pénal qui doit rester la base essentielle
de la politique pénale.
La consécration dans le code de procédure pénale de ces
"
orientations
" ou "
directives
" du
ministre pose ainsi le problème de leur valeur juridique.
En effet, ainsi que l'a d'ailleurs confirmé
Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, au cours de son audition
devant votre commission des Lois, elles ne sauraient avoir une valeur
réglementaire, le pouvoir réglementaire étant
exercé par le seul Premier ministre en application de l'article 21
de la Constitution.
Elles ne sauraient non plus a fortiori empiéter sur la compétence
du législateur ; or il est à souligner qu'en vertu de
l'article 34 de la Constitution, le droit pénal relève du
domaine de la loi.
De même que les circulaires actuelles, conformément à une
jurisprudence constante du Conseil d'Etat
13(
*
)
, les "
directives
"
générales du ministre de la justice ne pourront avoir qu'une
valeur interprétative et non normative.
C'est pourquoi votre commission juge préférable d'employer le
terme d'"
orientations
" plutôt que celui de
" directives
" afin de bien marquer qu'elles ne peuvent jouer
qu'un rôle d'impulsion ; elle vous propose donc d'adopter des
amendements
rédigés en ce sens.
Par ailleurs, reste posée la question de savoir si un magistrat du
parquet qui ne respecterait pas les orientations générales de la
politique pénale définies par le ministre s'exposerait à
des sanctions disciplinaires, le projet de loi n'apportant de réponse
claire à ce sujet ni dans son dispositif ni dans son exposé des
motifs.
Au cours de son audition devant votre commission des Lois,
Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, a pour sa part estimé
que le pouvoir disciplinaire pourrait s'exercer, mais qu'il serait sans doute
difficile de le mettre en oeuvre la première fois qu'un procureur ne
respecterait pas une directive générale, dans la mesure où
celui-ci pourrait justifier ce non-respect en invoquant les circonstances
locales.
•
L'interdiction des instructions dans les affaires individuelles
Dans un second alinéa, le texte proposé par
l'article 1
er
du projet de loi pour l'article 30 du code
de procédure pénale, tel que modifié par
l'Assemblée nationale, pose le principe de l'interdiction faite au
ministre de la justice de donner des instructions dans les affaires
individuelles.
On rappellera que dans le droit actuel, le pouvoir reconnu au garde des Sceaux
de donner des instructions dans les affaires individuelles, de par son
autorité hiérarchique sur les magistrats du parquet, est
strictement encadré par l'article 36 du code de procédure
pénale
14(
*
)
, dans sa
rédaction issue de la loi n° 93-1013 du
24 août 1993 dite "
loi Méhaignerie
".
Aux termes de cet article, "
le ministre de la justice peut
dénoncer au procureur général les infractions à la
loi pénale dont il a connaissance, lui enjoindre, par instructions
écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager
ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction
compétente de telles réquisitions écrites que le ministre
juge opportunes.
"
Depuis la loi du 24 août 1993 qui a cherché par cette
rédaction à clarifier les relations entre le ministre de la
justice et les parquets, seules sont donc légales les instructions
"
écrites et versées au dossier
" . Par
ailleurs, la lettre du texte n'autorise que les instructions tendant à
l'engagement de poursuites et prohibe donc en principe les instructions tendant
au classement sans suite, qui seraient les plus contestables puisqu'elles
aboutiraient à une décision insusceptible de recours et non
soumise à un juge.
L'interdiction de toute instruction du ministre de la justice dans les affaires
individuelles, à laquelle tend le projet de loi, a une valeur symbolique
forte. Elle marque la volonté de garantir l'impartialité des
décisions des magistrats du parquet et de lever tout soupçon
quant à une éventuelle motivation politique des interventions du
ministre.
Elle correspond ainsi à l'engagement pris par l'actuel Premier ministre
au cours de sa déclaration de politique générale du
19 juin 1997
15(
*
)
et
à la pratique constamment réaffirmée par
Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, depuis son arrivée
à la Chancellerie.
Cependant, force est de constater que l'abrogation des dispositions actuelles
de l'article 36 du code de procédure pénale ne devrait avoir
que peu d'incidence pratique dans la mesure où les instructions
écrites et versées au dossier semblent avoir été
fort rares.
De plus, aucune disposition législative ne pourra jamais empêcher
d'éventuelles conversations entre la Chancellerie et les magistrats du
parquet et il n'est pas inutile de rappeler que le garde des Sceaux conservera
une influence sur la carrière des magistrats du parquet puisque qu'il
gardera en tout état de cause le pouvoir de proposition pour les
nominations, même lorsque celles-ci seront soumises à l'avis
conforme du Conseil supérieur de la magistrature à la suite de
l'entrée en vigueur de la révision constitutionnelle en instance
d'adoption par le Congrès.
Par ailleurs, le projet de loi entoure l'interdiction des instructions
individuelles faite au ministre de la justice, d'importantes contreparties qui
en relativisent singulièrement la portée.
D'une part, il met l'accent sur le développement des instructions
générales. Or, la politique pénale n'étant
finalement que le résultat du traitement d'une multitude d'affaires
individuelles, la différence entre les instructions
générales -qui visent le traitement d'affaires
particulières- et les instructions individuelles, peut n'être que
ténue. En témoigne l'exemple donné par
Mme Elisabeth Guigou, au cours du débat à
l'Assemblée nationale, de la production par la Chancellerie de
directives générales adaptables d'heure en heure pour faire face
à une grève de routiers.
D'autre part, ainsi qu'on le verra plus loin, le projet de loi tend à
instituer un droit d'action propre du ministre de la justice lui permettant
d'intervenir directement dans les affaires individuelles en provoquant la mise
en mouvement de l'action publique (cf. ci-après article 30-1
nouveau du code de procédure pénale).
En outre, le ministre dispose d'un droit d'information sur toutes les affaires.
Quoi qu'il en soit, votre commission considère que lorsque les
intérêts fondamentaux de l'Etat sont en jeu, il est de la
responsabilité du Gouvernement de garantir la cohérence de
l'action publique.
C'est pourquoi elle vous propose d'adopter un
amendement
tendant
à prévoir la possibilité pour le ministre de la justice de
donner des
instructions
individuelles pour ce qui concerne les
infractions relatives aux atteintes aux intérêts fondamentaux
de l'Etat et au terrorisme
, visées aux titres Ier et II du
livre IV du code pénal, consacré aux crimes et délits
contre la Nation, l'Etat et la paix publique. Il s'agit notamment de la
trahison, de l'espionnage, des attentats, complots et mouvements
insurrectionnels, des atteintes au secret de la défense nationale et des
actes de terrorisme.
Dans les affaires relatives à ces infractions, le ministre pourrait
donc, comme dans le droit actuel, enjoindre aux procureurs
généraux d'engager ou de faire
engager des poursuites
ou
de saisir la juridiction compétente des
réquisitions
écrites
qu'il jugerait opportunes.
De même qu'à l'heure actuelle, ces instructions devraient
être
écrites
et
versées au dossier
;
votre commission a en outre souhaité qu'elles soient
motivées
.
Ce n'est donc que sous réserve du maintien des prérogatives
actuelles du ministre de la justice dans ce " domaine
réservé " que votre commission vous propose d'
accepter
l'interdiction générale des instructions du ministre dans les
affaires individuelles
.
Pour les affaires autres que celles mettant en jeu les intérêts
fondamentaux de l'Etat, elle vous proposera de confier le soin d'assurer
l'unité de l'application de la politique pénale à une
autorité indépendante nouvelle, le
procureur
général de la République
auquel serait reconnu le
pouvoir de donner des instructions dans les affaires individuelles dans les
mêmes conditions que celles qui sont actuellement prévues par
l'article 36 du code de procédure pénale pour le ministre de
la justice (cf.
article additionnel après
l'article 1
er
du projet de loi).
Votre commission vous propose d'adopter le texte proposé pour
l'article 30 du code de procédure pénale après
l'avoir modifié par les
amendements
présentés
ci-dessus.
Article 30-1 nouveau du code de procédure
pénale
Droit d'action propre du ministre de la justice
Le texte
proposé pour l'article 30-1 nouveau du code de procédure
pénale, dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée
nationale, tend à permettre au ministre de la justice de mettre en
mouvement l'action publique dans l'intérêt général
en cas de carence du parquet.
Il s'agirait d'un pouvoir d'action propre qui devrait être exercé
personnellement par le garde des Sceaux dans l'hypothèse où
celui-ci estimerait, en l'absence de poursuites pénales, que
l'intérêt général commanderait de telles poursuites.
Cette action permettrait donc, à titre subsidiaire, de mettre en
mouvement l'action publique, mais non d'y mettre fin. Elle serait mise en
oeuvre selon les modalités suivantes :
- le ministre de la justice saisirait lui-même la juridiction
d'instruction par voie de réquisitoire ou la juridiction de jugement par
voie de citation directe ;
- une copie de l'acte de poursuite serait adressée, par
l'intermédiaire du procureur général, au parquet
compétent (par tous moyens en cas d'urgence) ;
- le parquet devrait ensuite jouer le même rôle dans la
procédure que s'il avait lui-même enclenché l'action
publique, le ministre n'étant ni partie à cette procédure,
ni représenté par un avocat .
16(
*
)
L'Assemblée nationale a complété ce dispositif en
permettant au ministre de la justice d'exercer un "
droit de
suite
" dans la procédure en cas de décision
ultérieure du juge tendant à mettre fin aux poursuites ;
ainsi, le ministre pourrait subsidiairement se pourvoir en appel ou en
cassation contre une décision de refus d'informer, de non-lieu ou de
relaxe intervenant dans une procédure à l'origine de laquelle il
aurait mis en mouvement l'action publique.
Le droit d'action propre du ministre de la justice qui serait ainsi
institué a pour objet de lui permettre, à titre exceptionnel, de
provoquer l'engagement de poursuites pénales si l'intérêt
général lui semble l'exiger, nonobstant l'interdiction de toute
instruction dans les affaires individuelles. Selon les explications fournies
par Mme Elisabeth Guigou devant la commission des Lois de
l'Assemblée nationale, cette procédure pourrait par exemple
être utilisée dans des affaires concernant la défense des
intérêts nationaux, la défense nationale, les crimes contre
l'humanité, la lutte contre le terrorisme ou encore les discriminations
raciales.
Mme Elisabeth Guigou a en outre précisé au cours de son
audition devant votre commission des Lois que ce droit d'action propre lui
paraissait susceptible d'être mis en oeuvre dans des hypothèses
où le parquet se refuserait à poursuivre, par exemple, des
commandos anti-IVG, ou un fonctionnaire détenant des documents
classés secret défense sans respecter les règles
prévues en la matière, ou une entreprise pratiquant des ventes
d'armes illégales, ou encore en vue de sanctionner le nouveau
délit de bizutage.
A la différence d'une instruction donnée à un magistrat du
parquet, le caractère public de cette procédure aurait l'avantage
d'une plus grande transparence ; en outre, le garde des Sceaux devrait en
assumer personnellement la responsabilité et en rendre compte devant le
Parlement (cf. ci-après article 30-2 nouveau du code de
procédure pénale).
Cependant, elle apparaît quelque peu contradictoire avec le principe de
la suppression de toute instruction du garde des Sceaux dans les affaires
individuelles, ces différences portant davantage sur la forme que sur le
fond.
Au surplus, l'instauration de ce droit d'action directe du ministre de la
justice ne va pas sans soulever quelques interrogations tant sur le plan des
principes que quant à sa mise en oeuvre pratique.
Tout d'abord, ce dispositif peut être considéré comme
portant atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, dans la
mesure où il fait jouer au garde des Sceaux, membre de
l'exécutif, le rôle d'un magistrat et où il aboutit ainsi
à la création d'un second ministère public ou d'un
" parquet bis ".
D'autre part, dans la pratique, le parquet se trouverait dans une situation
curieuse puisqu'après avoir été désavoué par
le ministre, il devrait reprendre à son compte une poursuite qu'il
n'aurait pas souhaité engager. En outre, la publicité
donnée à cette poursuite risque d'aboutir à une
médiatisation telle que la procédure ne pourrait être que
très rarement, voire jamais engagée et qu'en tout cas la
sérénité des éventuels débats serait quelque
peu compromise.
Enfin, sous la Vème République, ainsi que l'a rappelé le
président Jacques Larché, il n'existe pas de
responsabilité politique individuelle des ministres. Le ministre de la
justice ne saurait donc engager sa responsabilité politique à
l'occasion du recours à cette procédure.
Pour toutes ces raisons, votre commission considère que la
création de ce droit d'action propre du ministre de la justice n'est pas
opportune. Au demeurant, cette procédure n'aurait plus de raison
d'être dans la mesure où, comme votre commission vous le propose,
le garde des Sceaux conserverait la possibilité de donner des
instructions dans les affaires mettant en jeu les intérêts
fondamentaux de l'Etat et où serait instituée une autorité
indépendante susceptible de provoquer l'engagement de poursuites dans
les autres affaires si des considérations d'intérêt
général le justifiaient.
Votre commission vous propose donc d'adopter un
amendement de
suppression
du texte proposé pour l'article 30-1 nouveau du
code de procédure pénale.
Article
30-2 nouveau du code de procédure pénale
Publicité
des orientations générales de la politique pénale
Information du Parlement sur leur mise en oeuvre
Dans un
souci de transparence et de meilleure participation du Parlement, le texte
proposé pour l'article 30-2 nouveau du code de procédure
pénale tend à prévoir la publicité des orientations
générales de la politique pénale et l'information du
Parlement sur les conditions de leur mise en oeuvre.
• Dans son premier alinéa, tel qu'issu des travaux de
l'Assemblée nationale, il pose tout d'abord le principe de la
publicité des directives générales du ministre de la
justice. Selon les informations communiquées à votre rapporteur,
la Chancellerie envisage, comme pour les circulaires actuelles, une publication
systématique au Bulletin officiel du ministère de la justice,
mais pas nécessairement au Journal officiel.
Votre commission vous propose d'adopter cette disposition sous réserve
d'un
amendement de coordination
tendant à remplacer le terme
"
directives
" par le terme "
orientations
".
• Dans son second alinéa, tel que rédigé par
l'Assemblée nationale, le texte proposé pour l'article 30-2
nouveau du code de procédure pénale prévoit l'obligation
pour le ministre de la justice d'informer chaque année le Parlement des
conditions de mise en oeuvre de ses directives générales de
politique pénale, ainsi que de l'application de son pouvoir propre
d'engagement de poursuites pénales, prévu à
l'article 30-1 nouveau du code de procédure pénale.
L'Assemblée nationale a souhaité préciser que cette
information du Parlement donnerait lieu à une déclaration du
ministre de la justice pouvant être suivie d'un débat, qui devrait
normalement avoir lieu dans chacune des deux assemblées.
Votre commission approuve cette disposition tendant à renforcer
l'information du Parlement et à lui permettre d'exercer plus
efficacement sa mission de contrôle de l'action du Gouvernement dans le
domaine de la politique pénale. L'ensemble du dispositif constitue l'un
des aspects les plus positifs et novateurs du projet.
Elle vous propose donc d'adopter le texte proposé pour
l'article 30-2 nouveau du code de procédure pénale sous
réserve d'
amendements
de
coordination
tendant
à substituer le mot "
orientations
" au mot
"
directives
" et à faire disparaître la
référence au droit d'action propre du ministre de la justice
(article 30-1 nouveau du code de procédure pénale) qu'elle
vous a précédemment proposé de supprimer.
Votre commission vous propose d'adopter
l'article premier du projet de
loi
tel que modifié par l'ensemble des
amendements
présentés ci-dessus.
Article additionnel après l'article
1
er
Création d'un procureur général
de la République
Après l'article premier, votre commission vous propose
d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel
prévoyant l'institution d'une autorité indépendante,
placée au sommet de la hiérarchie du ministère public et
chargée d'assurer la cohérence de l'action publique au niveau
national pour ce qui concerne les infractions autres que celles relatives aux
atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et au terrorisme.
Cette autorité serait désignée sous les termes de
"
procureur général de la République
".
La mise en place de cette autorité indépendante répondrait
à la nécessité de garantir une application
homogène, sur l'ensemble du territoire national, de la politique
pénale définie par le Gouvernement, et d'assurer aussi
l'égalité de tous les citoyens devant la loi. Sur le plan
technique, elle aurait en outre pour effet de permettre une coordination de
l'action des procureurs généraux près les cours d'appel
non suspecte de politisation, et garantissant aussi l'impartialité des
décisions du parquet vis-à-vis du pouvoir exécutif.
Elle apporterait ainsi une solution radicale à la question
récurrente de l'influence politique sur la conduite des affaires
pénales.
Elle s'inspirerait des organes indépendants placés à la
tête du parquet dans plusieurs Etats étrangers, tels que par
exemple le Directeur des poursuites publiques anglais, le " Fiscal
général " espagnol ou le procureur général de
la République portugais.
L'amendement propose donc d'introduire dans le code de procédure
pénale un nouveau chapitre intitulé "
Du procureur
général de la République
" qui
s'insérerait entre les divisions respectivement consacrées au
ministre de la justice et au procureur général près la
cour d'appel, et qui comporterait des dispositions relatives aux attributions
et à la désignation du procureur général de la
République.
• S'agissant tout d'abord de ses
attributions
, le procureur
général de la République devrait veiller à la
cohérence de l'exercice de l'action publique sur l'ensemble du
territoire national
et au
respect des orientations
générales de la politique pénale
définies par
le ministre de la justice.
De même que le procureur général près la cour
d'appel est chargé de coordonner l'action des procureurs de la
République, le procureur général de la République
serait chargé de
coordonner l'action des procureurs
généraux
de manière à éviter
d'éventuelles distorsions dans la conduite de l'action publique entre
les ressorts des différentes cours d'appel.
Alors que le garde des Sceaux n'interviendrait plus en aucune façon dans
les affaires individuelles, hormis les cas où les intérêts
fondamentaux de l'Etat seraient en cause, le procureur général de
la République, autorité indépendante et apolitique, aurait
en revanche la possibilité de donner des
instructions
aux
procureurs généraux pour ce qui concerne les infractions autres
que celles visées aux titres Ier et II du livre IV du code
pénal, à condition toutefois qu'elles soient
écrites,
motivées et versées au dossier
, de même que pour les
instructions susceptibles d'être données par les procureurs
généraux aux procureurs de la République. Cette
disposition lui permettrait le cas échéant de faire valoir des
considérations d'intérêt général, par exemple
en matière d'extradition ou encore en cas de mouvements sociaux
menaçant l'ordre public.
Son action devrait s'inscrire dans le cadre général de la loi
pénale et de la politique pénale définie par le
Gouvernement.
Bien entendu, il devrait rendre compte de l'exercice de sa mission, en
adressant chaque année au Président de la République et au
ministre de la justice un
rapport sur son activité
.
• Les modalités de
désignation
du procureur
général de la République devraient permettre de garantir
sa légitimité et son impartialité.
Dans cet esprit, l'amendement propose qu'il soit nommé par le
Président de la République, issu du suffrage universel et qui,
aux termes de l'article 64 de la Constitution, est "
garant de
l'indépendance de l'autorité judiciaire
".
Cependant, afin d'éviter toute politisation de cette nomination, le
Président de la République serait tenu de le choisir sur une
liste de trois personnalités proposées par le Conseil
supérieur de la magistrature, qui est chargé de l'assister dans
sa mission constitutionnelle de garant de l'indépendance de
l'autorité judiciaire. Le Conseil supérieur de la magistrature,
qui se réunirait à cette fin en formation plénière,
resterait pour sa part libre de présenter toute personnalité qui
lui semblerait qualifiée pour exercer les fonctions attribuées au
procureur général de la République. De manière
à assurer son indépendance, le mandat du procureur
général de la République devrait être d'une
durée suffisante, qui pourrait être fixée à cinq
ans, mais ne serait pas renouvelable.
On observera que la nomination du procureur général de la
République par le Président de la République serait
soumise au contreseing du Premier ministre et du ministre de la justice,
conformément aux dispositions des articles 13 et 19 de la
Constitution.
Ainsi serait donc désignée une personnalité
éminente qui pourrait assumer en toute indépendance la
responsabilité d'une application cohérente de la politique
pénale définie par le Gouvernement.
Il convient cependant de ne pas conférer à cette
personnalité une irresponsabilité totale.
L'amendement prévoit donc que dans l'éventualité où
le procureur général de la République se trouverait
empêché d'exercer ses fonctions, de même que dans
l'hypothèse où il aurait commis un manquement grave aux
obligations de sa charge, le Président de la République mettrait
fin à ses fonctions sur décision du Conseil supérieur de
la magistrature saisi par le ministre de la justice et statuant en formation
plénière à la majorité absolue de ses membres.
Désireuse de garantir la cohérence de l'action publique tout en
levant toute ambiguïté quant à son éventuelle
politisation, votre commission vous propose donc de prévoir la mise en
place d'un procureur général de la République
indépendant à la tête du ministère public en
adoptant un
amendement
tendant à insérer après
l'article premier un article additionnel ainsi rédigé.
Article 1
er
bis
(art. 497-1 nouveau du
code de
procédure pénale)
Droit pour les associations de demander
au procureur
de faire appel sur l'action publique
Cet
article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale sur
proposition de M. Alain Tourret, a pour objet d'insérer dans le code de
procédure pénale un article 497-1, afin de permettre aux
associations reconnues d'utilité publique, parties civiles, ayant fait
appel d'un jugement sur leurs intérêts civils, de demander au
procureur de la République de faire appel de la décision sur
l'action publique. Dans les dix jours, le procureur devrait, s'il
décidait de ne pas donner suite à cette demande, informer la
partie civile des motifs de sa décision. En cas de réponse
négative ou en l'absence de réponse, l'association pourrait
former un recours devant le procureur général qui devrait
l'informer des motifs de sa décision s'il décidait de ne pas
interjeter appel.
Le texte proposé prévoit que ses dispositions ne modifient pas
les délais prévus par le code de procédure pénale
en matière d'appel des jugements correctionnels (les parties disposent
de dix jours pour faire appel à l'exception du procureur
général qui dispose de deux mois).
Depuis plusieurs années, le rôle des associations dans le
procès pénal se renforce de manière continue. Le
législateur a en effet reconnu à un grand nombre d'entre elles le
droit de participer au procès, soit en joignant leur action à
celle du procureur ou de la victime soit en mettant elles-mêmes en
mouvement l'action publique. Ainsi, le projet de loi renforçant la
protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, en
cours de discussion, prévoit-il la possibilité pour les
associations de lutte contre les sectes d'exercer les droits reconnus à
la partie civile lorsque l'action publique a été mise en
mouvement par le ministère public ou la partie lésée.
Cette extension continue du rôle des associations dans le procès
pénal n'est pas sans susciter certaines interrogations. M. Pierre
Albertini, député, dans le rapport qu'il a présenté
sur ce sujet au nom de l'office parlementaire d'évaluation de la
législation, note ainsi : "
Dans le procès
pénal, ces groupements n'apparaîtront pas comme des victimes
ordinaires en raison de la nature des intérêts statutaires qu'ils
expriment. Entre l'intérêt général qui guide la
société et l'intérêt particulier des personnes qui
la composent, faut-il admettre l'existence d'une catégorie
intermédiaire ou mixte, empruntant à l'un et à l'autre
certains caractères ?
"
17(
*
)
.
Il est sans doute nécessaire de revoir complètement la question
du rôle des associations dans le procès pénal. En effet, la
législation sur cette question s'est développée de
manière désordonnée et il est difficile de percevoir
aujourd'hui la cohérence de l'ensemble. Certaines associations peuvent
mettre en mouvement l'action publique tandis que d'autres ne peuvent que
joindre leur action à celle du procureur ou de la victime, les
durées d'existence nécessaires pour pouvoir exercer les droits
reconnus à la partie civile ne sont pas les mêmes pour toutes les
associations, dans certains cas la reconnaissance d'utilité publique ou
un agrément est exigé, dans d'autres cas une certaine
durée d'existence est suffisante.
Dans ce contexte, il ne paraît pas souhaitable d'adopter, dans le cadre
du présent projet de loi, une nouvelle mesure ponctuelle, qui
permettrait à certaines associations de demander au procureur de faire
appel sur l'action publique. Une telle évolution mérite une
réflexion approfondie. Le principe de notre procédure
pénale est que les parties civiles peuvent faire appel quant à
leurs intérêts civils seulement. Est-il réellement opportun
de leur permettre d'intervenir dans la décision du procureur en ce qui
concerne l'action publique ? Si une telle évolution est
souhaitable, ne serait-il pas logique qu'elle bénéficie à
toutes les parties civiles et non seulement à certaines
associations ?
Compte tenu des incertitudes qui entourent la mesure proposée, votre
commission vous propose la
suppression
de l'article 1
er
bis.
Article 1
er
ter
(art. 620 du
code de
procédure pénale)
Pourvois dans l'intérêt de
la loi
Cet
article, inséré par l'Assemblée nationale à
l'initiative de Mme Véronique Neiertz, a pour objet de fixer
un délai de six mois pour l'examen par la Cour de cassation des pourvois
dans l'intérêt de la loi formés à la demande du
garde des Sceaux.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 620 du code de procédure
pénale prévoit la possibilité pour le ministre de la
Justice de demander au procureur général près la Cour de
cassation, par un "
ordre formel
", de
"
dénoncer à la chambre criminelle des actes
judiciaires
18(
*
)
, arrêts ou
jugements contraires à la loi
" aux fins d'annulation.
Le pourvoi alors formé par le procureur général
près la Cour de cassation est un pourvoi dans l'intérêt de
la loi qui, lorsqu'il donne lieu à annulation, ne peut porter
préjudice ni au condamné, ni à la partie civile, à
l'égard de laquelle le jugement subsiste et conserve l'autorité
de la chose jugée. L'annulation d'une décision qui serait
reconnue n'être que le résultat d'une application erronée
de la loi pénale peut en revanche profiter au condamné,
conformément aux principes généraux du droit pénal.
Les pourvois dans l'intérêt de la loi formés à
l'initiative du ministre de la justice sont fort peu nombreux ; en effet,
selon les informations communiquées par la Chancellerie, on en recense 5
en 1992, 3 en 1993, 9 en 1994, 4 en 1995, aucun en 1996, 3 en 1997 et aucun en
1998 et 1999.
La nouvelle rédaction de cet article résultant de
l'article 1
er
ter du projet de loi maintient la
faculté pour le ministre de la Justice d'être à
l'initiative d'un pourvoi dans l'intérêt de la loi tout en
complétant le dispositif par la fixation de deux délais :
- un premier délai de dix jours est fixé au procureur
général près la Cour de cassation pour saisir à la
chambre criminelle ;
- et un second délai de six mois est fixé à la Cour de
cassation pour rendre son arrêt.
La précision de ces délais est motivée par le souci que
les pourvois dans l'intérêt de la loi formés à la
demande du garde des Sceaux soient examinés rapidement. Au cours du
débat à l'Assemblée nationale, Mme Véronique
Neiertz a invoqué, à l'appui de son amendement, certains domaines
pouvant nécessiter une intervention exceptionnelle du ministre de la
justice, tels que les problèmes de l'interruption volontaire de
grossesse et de la bioéthique, des sectes, de la liberté de la
presse ou encore de la nationalité.
Cependant la justification de ces délais peut être
contestée car l'examen d'un pourvoi dans l'intérêt de la
loi n'est pas forcément plus urgent que l'examen d'un pourvoi ordinaire.
Au surplus, aucune sanction n'est prévue en cas de non respect de ces
délais par la Cour de cassation.
Il n'apparaît donc pas opportun de fixer de tels délais.
Aussi votre commission vous propose-t-elle d'en rester au texte actuel de
l'article 620 du code de procédure pénale et d'adopter un
amendement de suppression
de l'article 1er.
Article 2
(art. 35 à 37 du code de
procédure pénale)
Attributions du procureur
général près la cour d'appel
Cet
article a pour objet de préciser le rôle du procureur
général près la cour d'appel qui se trouve renforcé
dans le nouveau dispositif. A cette fin, il tend à modifier la section
II du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code de procédure
pénale, intitulée "
Des attributions du procureur
général près la cour d'appel
", dont seuls deux
articles sont laissés inchangés, à savoir, d'une part,
l'article 34 disposant que le procureur général
représente en personne ou par ses substituts le ministère public
auprès de la cour d'appel et auprès de la cour d'assises
instituée au siège de la cour d'appel et, d'autre part,
l'article 38 précisant que les officiers et agents de police
judiciaire sont placés sous la surveillance du procureur
général.
L'Assemblée nationale, suivant les propositions de sa commission des
Lois, a modifié la rédaction de l'article 2 du projet de loi
en y apportant des modifications essentiellement formelles.
Article 35 du code de procédure
pénale
Application de la loi pénale dans le ressort de la
cour d'appel
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 35 du code de procédure
pénale prévoit successivement :
- que le procureur général est chargé de veiller
à l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du
ressort de la cour d'appel ;
- qu'à cette fin, les procureurs de la République
concernés lui adressent un état mensuel des affaires de leur
ressort ;
- et qu'il a le droit de requérir directement la force publique
dans l'exercice de ses fonctions.
Dans sa rédaction résultant du projet de loi tel que
modifié par l'Assemblée nationale, le nouveau texte
proposé pour l'article 35 du code de procédure pénale
reprend la première et la troisième de ces dispositions
19(
*
)
. Il y ajoute en outre la
mention selon laquelle le procureur général a autorité sur
tous les magistrats du ministère public de son ressort, laquelle figure
actuellement à l'article 37 du code de procédure
pénale.
La nouvelle rédaction proposée pour l'article 35 du code de
procédure pénale n'apporte donc pas de modification substantielle
au droit positif.
Votre commission vous propose de l'adopter
sans modification
.
Article 36 du code de procédure
pénale
Coordination de l'application des orientations
générales de la politique pénale
Ainsi
qu'il a été rappelé précédemment (cf.
article 1
er
du projet de loi), l'article 36 du code de
procédure pénale permet actuellement au ministre de la justice de
donner des instructions au procureur général dans les affaires
individuelles.
Cette faculté étant supprimée par le projet de loi,
celui-ci utilise la " coquille " de l'article 36 du code de
procédure pénale pour y insérer des dispositions nouvelles
relatives à la coordination par le procureur général de
l'action des procureurs de la République.
Dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, le
nouveau texte proposé pour l'article 36 du code de procédure
pénale charge en effet le procureur général d'animer et de
coordonner l'application par les procureurs de la République des
directives générales du ministre de la Justice, d'adapter, le cas
échéant, ces directives en fonction des circonstances locales,
ainsi que d'évaluer leur application dans son ressort.
Ces nouvelles dispositions répondent au souci de renforcer le rôle
du procureur général en vue d'une application homogène de
la politique pénale définie par le ministre à travers des
orientations générales que l'Assemblée nationale a
jugé préférable de baptiser " directives ".
Cependant, si une coordination de l'action des procureurs de la
République est ainsi prévue au niveau du procureur
général, en revanche aucune disposition n'est prévue par
le projet de loi pour assurer l'homogénéité de l'action
des procureurs généraux.
Ceux-ci étant en outre autorisés à adapter les
orientations générales définies par le garde des Sceaux en
fonction des circonstances locales, on peut légitimement s'interroger
sur le danger d'une atomisation ou d'une " balkanisation " de la
politique pénale suivant les différentes cours d'appel. Des
distorsions pourraient ainsi apparaître dans l'application de la
politique pénale d'une cour d'appel à l'autre, au risque de
remettre en cause le principe de l'égalité des citoyens devant la
loi.
C'est pourquoi votre commission vous a proposé de confier la
coordination globale de l'action des procureurs généraux à
un procureur général de la République (cf.
article
additionnel après l'article 1
er
).
Au niveau de la cour d'appel, elle approuve la coordination de l'action des
procureurs de la République par le procureur général.
Votre commission vous propose de compléter le texte proposé pour
cet article 36 du code de procédure pénale par un
amendement
tendant à préciser que le procureur
général serait tenu de prendre des réquisitions
écrites conformes aux instructions qui pourraient lui être
données soit par le ministre, pour des affaires mettant en jeu les
intérêts fondamentaux de l'Etat (cf. art. 30 du code de
procédure pénale), soit par le procureur général de
la République pour les autres affaires (cf. art. 30-4 du code de
procédure pénale), de même que le procureur de la
République est tenu de prendre des réquisitions écrites
conformes aux instructions qui lui sont données par le procureur
général (cf. art. 39-2 du code de procédure
pénale).
Votre commission vous propose donc d'adopter le texte proposé pour le
nouvel article 36 du code de procédure pénale, sous
réserve de cet
amendement
ainsi que d'
amendements de
coordination
tendant à remplacer le terme " directives "
par le terme " orientations ".
Article
37 du code de procédure pénale
Instructions du procureur
général aux procureurs
de la République dans les
affaires individuelles
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 37 du code de procédure
pénale pose tout d'abord le principe de l'autorité
hiérarchique du procureur général sur l'ensemble des
magistrats du ministère public du ressort de la cour d'appel ; ce
principe est repris par le projet de loi dans le texte proposé pour le
nouvel article 35 du code de procédure pénale, ainsi qu'il a
été indiqué précédemment.
L'actuel article 37 du code de procédure pénale
confère en outre au procureur général la
prérogative de donner à ces magistrats des instructions dans les
affaires individuelles (ainsi que de leur dénoncer des infractions
à la loi pénale) dans les mêmes conditions que celles
prévues par l'actuel article 36 du code de procédure
pénale pour les instructions du ministre de la justice au procureur
général, ce qui implique notamment l'exigence que ces
instructions soient écrites et versées au dossier.
S'il tend à supprimer toute intervention du ministre de la justice dans
les affaires individuelles, le projet de loi entend en revanche maintenir la
possibilité pour le procureur général de donner des
instructions aux procureurs de la République.
Aussi, le texte proposé pour le nouvel article 37 du code de
procédure pénal précise-t-il les modalités
d'intervention du procureur général dans les affaires
individuelles. Il reproduit à cette fin les dispositions actuellement
prévues en faveur du ministre par l'actuel article 36 du code de
procédure pénale, sous réserve de deux innovations :
- d'une part, les instructions devraient désormais être non
seulement écrites et versées au dossier, mais
motivées
(1
er
alinéa) ;
- d'autre part, les instructions " négatives " faisant
obstacle à la mise en mouvement de l'action publique seraient
désormais explicitement prohibées
(2
nd
alinéa).
Cette interdiction est susceptible de viser les instructions tendant au
classement sans suite, mais aussi des instructions qui tendraient à la
poursuite d'une enquête afin d'empêcher la mise en mouvement de
l'action publique.
Il n'apparaît cependant pas indispensable de la préciser
explicitement dans un second alinéa dans la mesure où le premier
alinéa du texte proposé pour l'article 37 du code de
procédure pénale, décalqué de l'actuel
article 36, n'autorise littéralement que les seules instructions
"
d'engager des poursuites ou de saisir la juridiction
compétente des réquisitions écrites qu'il juge
opportunes
".
Votre commission vous propose donc d'adopter un
amendement
tendant
à supprimer le second alinéa du texte proposé pour
l'article 37 du code de procédure pénale.
Article
37-1 nouveau du code de procédure pénale
Information des
magistrats de la cour d'appel
sur la mise en oeuvre de la politique
pénale
A
l'instar de l'obligation d'information publique du Parlement par le ministre de
la justice des conditions de mise en oeuvre de la politique pénale,
prévue au niveau national par l'article 1
er
du projet de
loi (article 30-2 nouveau du code de procédure pénale), le
texte proposé pour être inséré dans un
article 37-1 nouveau du code de procédure pénale
prévoit l'obligation pour le procureur général d'informer
au moins une fois par an l'assemblée des magistrats de la cour d'appel
des conditions de mise en oeuvre des directives générales du
ministère de la justice dans le ressort de la cour d'appel, cette
information étant rendue publique.
Cette disposition répond au souci de transparence de la politique
pénale qui caractérise le projet de loi.
L'exigence d'une information spécifique de l'ensemble des magistrats (du
siège comme du parquet) sur les conditions locales de la mise en oeuvre
de la politique pénale constitue une innovation ; on rappellera
cependant que ces questions sont d'ores et déjà susceptibles
d'être abordées à l'occasion de l'audience solennelle de
rentrée au cours de laquelle il est fait un exposé de
l'activité de la juridiction durant l'année écoulée
(cf. article R 711-2 du code de l'organisation judiciaire).
Votre commission vous propose d'adopter le texte proposé pour
l'article 37-1 du code de procédure pénale sous
réserve d'un
amendement de coordination
tendant à
substituer le terme "
orientations
" au terme
"
directives
".
Article
37-2 nouveau du code de procédure pénale
Information du
ministre de la justice sur les affaires individuelles
et sur la mise en
oeuvre de la politique pénale
Le texte
proposé pour être inséré dans un nouvel
article 37-2 du code de procédure pénale a pour objet de
prévoir l'obligation pour le procureur général d'informer
le ministre de la justice, d'une part, de manière ponctuelle, sur les
affaires individuelles en cours et, d'autre part, de manière
générale, sur la mise en oeuvre, dans son ressort, de la
politique pénale définie par le ministre. Le devoir d'information
du ministre incombant au procureur général est ainsi pour la
première fois explicité dans un texte.
• S'agissant tout d'abord des
affaires individuelles
, le premier
alinéa impose au procureur général d'informer le ministre
"
des affaires lui paraissant devoir être portées à
sa connaissance
", formule au demeurant peu explicite, ainsi que du
déroulement des procédures correspondant aux affaires pour
lesquelles le ministre aurait exercé son propre droit d'engagement de
poursuites, prévu par l'article 1
er
du projet de loi
(article 30-1 nouveau du code de procédure pénale).
En outre, le ministre pourrait demander à être informé
"
de toute autre affaire dont les parquets sont saisis
", le
procureur général étant tenu de déférer
à cette demande.
Selon les explications fournies par Mme Elisabeth Guigou, garde des
Sceaux, la remontée d'information ainsi organisée doit permettre
au Gouvernement de disposer des éléments de réflexion
nécessaires à l'élaboration de ses orientations
générales de politique pénale.
On peut cependant s'interroger sur la portée concrète de
l'obligation d'information du ministre ; celle-ci s'étend-elle aux
pièces de la procédure couvertes par le secret de l'instruction,
ce qui pourrait entraîner des risques de fuites ?
Votre commission, approuvant la volonté de supprimer toute intervention
du garde des Sceaux dans les affaires individuelles autres que celles mettant
en cause les intérêts fondamentaux de l'Etat, a néanmoins
souhaité que la cohérence générale de la politique
pénale soit assurée par une autorité indépendante,
le procureur général de la République, qui se verrait
conférer la possibilité de donner des instructions dans les
affaires individuelles, à condition qu'elles soient écrites,
motivées et versées au dossier. Dans la logique de cette
proposition, le procureur général de la République serait
également fondé à demander des informations sur les
affaires individuelles.
Par coordination avec ses précédentes propositions, votre
commission vous propose donc d'adopter un
amendement
tendant à
prévoir, s'agissant des affaires individuelles, l'obligation pour le
procureur général d'informer non seulement le ministre de la
justice, mais également le procureur général de la
République, ainsi qu'à faire disparaître la
référence à l'article 30-1 nouveau du code de
procédure pénale relatif au droit d'action propre du ministre
qu'elle vous a précédemment proposé de supprimer.
• Par ailleurs, d'une manière plus générale, le
second alinéa du texte proposé pour le nouvel article 37-2
du code de procédure pénale prévoit l'obligation pour le
procureur général d'adresser au ministre de la justice un
rapport annuel
sur la mise en oeuvre des directives
générales du ministre dans son ressort.
Les rapports annuels ainsi élaborés par les procureurs
généraux devraient contribuer à alimenter la
réflexion du garde des Sceaux en vue de l'élaboration des
orientations générales de sa politique pénale.
Votre commission vous propose d'adopter un
amendement
tendant à
ce que le ministre de la justice transmette ces rapports au procureur
général de la République pour alimenter son information.
Elle vous soumet en outre un
amendement de coordination
tendant à
remplacer le terme "
directives
" par le terme
"
orientations
".
Votre commission vous propose d'adopter
l'article 2 du projet de
loi
tel que modifié par l'ensemble des
amendements
présentés ci-dessus.
Article 3
(art. 39-1 à 39-4 nouveaux du code de
procédure pénale)
Attributions du procureur de la
République
Cet
article a pour objet de préciser le rôle du procureur de la
République. A cette fin, il tend à compléter par quatre
nouveaux articles la section III du chapitre II du titre Ier du
livre Ier du code de procédure pénale, intitulée
"
Des attributions du procureur de la République
",
dont les dispositions actuelles (art. 39 à 44) ne sont pas
modifiées quant au fond.
A l'initiative de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a
remanié la rédaction de l'article 3 du projet de loi en y
apportant des modifications essentiellement formelles.
Article
39-1 nouveau du code de procédure pénale
Application de la
loi pénale dans le ressort
du tribunal de grande instance
Dans sa
rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, le texte
proposé pour le nouvel article 39-1 du code de procédure
pénale constitue le pendant, pour le procureur de la République,
des dispositions prévues par la nouvelle rédaction de
l'article 35 du code de procédure pénale pour le procureur
général (cf. article 2 du projet de loi).
Il précise en effet :
- d'une part, que le procureur de la République est chargé
de faire assurer l'application de la loi pénale dans le ressort du
tribunal de grande instance (alors que le procureur général
veille pour sa part à l'application de la loi pénale dans le
ressort de la cour d'appel) ;
- et, d'autre part, qu'il a le droit de requérir directement la
force publique dans l'exercice de ses fonctions (de même que le procureur
général).
Cette seconde disposition figure actuellement à l'article 42 du
code de procédure pénale, dont l'abrogation est prévue par
le paragraphe II ter de l'article 11 du projet de loi.
Votre commission vous propose d'adopter le texte proposé pour le nouvel
article 39-1 du code de procédure pénale
sans
modification
.
Article
39-2 nouveau du code de procédure pénale
Mise en oeuvre des
orientations générales
de la politique pénale
Dans la
rédaction que lui a donnée l'Assemblée nationale, le texte
proposé pour le nouvel article 39-2 du code de procédure
pénale précise que le procureur de la République doit
mettre en oeuvre les directives générales du ministre de la
justice, qui lui sont transmises par le procureur général, le cas
échéant après adaptation en fonction des circonstances
propres au ressort de la cour d'appel, conformément aux dispositions
prévues par la nouvelle rédaction de l'article 36 du code de
procédure pénale.
Le procureur de la République se voit donc en principe contraint
d'appliquer les orientations générales de la politique
pénale définies par le ministre de la justice ;
néanmoins, le texte du projet de loi lui accorde, de même qu'au
procureur général, une marge d'adaptation en fonction des
circonstances locales du ressort du tribunal de grande instance.
Cette disposition peut être justifiée par un souci de
souplesse ; elle prête cependant à interrogations au regard
de la nécessaire unité de la politique pénale sur
l'ensemble du territoire et du principe de l'égalité des citoyens
devant la loi.
Votre commission vous propose d'adopter le texte proposé pour
l'article 39-2 nouveau du code de procédure pénale sous
réserve d'
amendements de coordination
tendant à substituer
le terme "
orientations
" au terme
"
directives
".
Article
39-3 nouveau du code de procédure pénale
Conformité
des réquisitions écrites
aux instructions du procureur
général
Dans sa
rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, le premier
alinéa du texte proposé pour le nouvel article 39-3 du code
de procédure pénale prévoit l'obligation pour le procureur
de la République de prendre des réquisitions écrites
conformes aux instructions qui lui sont données par le procureur
général, qu'il s'agisse d'une manière
générale des instructions écrites, motivées et
versées au dossier prévues par la nouvelle rédaction de
l'article 37 du code de procédure pénale
(cf. article 2 du projet de loi), ou plus particulièrement des
instructions d'engagement de poursuites délivrées par le
procureur général à la suite de l'exercice d'un recours
hiérarchique contre un classement sans suite dans le cadre des
dispositions prévues par le nouvel article 48-1 du code de
procédure pénale (cf. article 5 du projet de loi).
Il est à souligner que le principe de l'obligation de prendre des
réquisitions écrites conformes aux instructions est
déjà prévu, pour l'ensemble du ministère public,
par la première phrase de l'article 33 du code de procédure
pénale que le paragraphe I de l'article 11 du projet de loi
prévoit d'abroger. D'autre part, le principe de la liberté de
parole du ministère public à l'audience est maintenu puisqu'il
n'est pas prévu de modifier la seconde phrase du même
article 33 du code de procédure pénale qui pose ce
principe
20(
*
)
.
Le premier alinéa du texte proposé pour le nouvel
article 39-3 du code de procédure pénale n'apporte donc pas
de modification substantielle au droit positif.
Quant au second alinéa, il prévoit l'obligation pour le procureur
de la République de mettre en mouvement l'action publique à la
demande de la commission de recours contre les classements sans suite, que tend
à instituer le nouvel article 48-2 du code de procédure
pénale résultant de l'article 4 du projet de loi.
Cependant, votre commission vous proposera de supprimer ce nouvel
article 48-2 du code de procédure pénale, la création
d'une commission de recours contre les classements sans suite ne lui paraissant
pas fondée (cf. commentaire de l'article 5 du projet de loi).
En conséquence, elle vous propose d'adopter un
amendement
tendant
à supprimer le second alinéa du texte proposé pour
l'article 39-3 du code de procédure pénale.
Elle vous propose également d'adopter un autre
amendement de
coordination
tendant à remplacer la référence à
l'article 48-1 nouveau du code de procédure pénale (qu'elle
vous proposera de supprimer) par une référence à
l'article 40-2 nouveau du même code dans lequel elle vous proposera
de faire figurer les dispositions relatives à l'exercice du recours
hiérarchique contre un classement sans suite.
Votre commission vous propose d'adopter le texte proposé pour le nouvel
article 39-3 nouveau du code de procédure pénale
ainsi
modifié
.
Article
39-4 nouveau du code de procédure pénale
Information des
magistrats du tribunal de grande instance
sur la mise en oeuvre de la
politique pénale
Le texte
proposé pour être inséré dans un nouvel
article 39-4 du code de procédure pénale constitue l'exacte
réplique, pour le procureur de la République, du nouvel
article 37-1 du code de procédure pénale
(cf. article 2 du projet de loi) relatif à l'obligation
d'information des magistrats incombant au procureur général.
Il prévoit en effet l'obligation pour le procureur de la
République d'informer au moins une fois par an l'assemblée des
magistrats du tribunal de grande instance des conditions de mise en oeuvre des
directives générales du ministre de la justice dans le ressort du
tribunal de grande instance, cette information étant rendue publique.
De même qu'au niveau de la cour d'appel, l'exigence d'une information
spécifique de l'ensemble des magistrats du tribunal de grande instance
sur les conditions de mise en oeuvre de la politique pénale est
nouvelle, même si ces questions sont d'ores et déjà
susceptibles d'être abordées au cours de l'audience solennelle de
rentrée.
Votre commission vous propose d'adopter le texte proposé pour le nouvel
article 39-4 du code de procédure pénale, sous
réserve d'un
amendement de coordination
tendant à
remplacer le terme "
directives
" par le terme
"
orientations
", ainsi que d'un
amendement
rédactionnel
21(
*
)
.
Article
39-5 du code de procédure pénale
Information du procureur
général sur les affaires individuelles
et sur la mise en
oeuvre de la politique pénale
Le texte
proposé pour être inséré dans un nouvel
article 39-5 du code de procédure pénale tend à
définir les obligations d'information du procureur général
incombant au procureur de la République.
Il s'inspire très précisément des dispositions
prévues par le nouvel article 37-2 du code de procédure
pénale relatif aux obligations d'information du ministre de la justice
incombant au procureur général (cf. article 2 du projet de
loi).
• S'agissant tout d'abord des
affaires individuelles
, le premier
alinéa impose ainsi au procureur de la République d'informer le
procureur général "
des affaires lui paraissant devoir
être portées à sa connaissance
", ainsi que du
déroulement des affaires correspondant aux procédures dans
lesquelles le ministre aurait exercé son droit propre d'engagement de
poursuites prévu par le nouvel article 30-1 du code de
procédure pénale (cf. article 1
er
du projet de
loi).
En outre, le procureur général pourrait demander à
être informé "
de toute autre affaire dont le procureur
est saisi
".
Ces dispositions ont pour objet d'assurer la remontée vers le procureur
général des informations qui lui sont nécessaires pour
exercer son rôle de coordination de l'action des procureurs de la
République et, le cas échéant, leur donner des
instructions dans le cadre des dispositions prévues par la nouvelle
rédaction de l'article 37 du code de procédure pénale
(cf. article 2 du projet de loi).
Par coordination avec les propositions qu'elle vous a faites
précédemment, votre commission vous propose d'adopter un
amendement
tendant à faire disparaître la
référence au droit d'action propre du ministre de la justice
(article 30-1 nouveau du code de procédure pénale) qu'elle
vous a proposé de supprimer.
• Enfin, d'une manière plus générale, le second
alinéa du texte proposé pour l'article 39-5 du code de
procédure pénale prévoit l'obligation pour le procureur de
la République d'adresser au procureur général un
rapport annuel
sur la mise en oeuvre des directives
générales du ministre de la justice dans son ressort.
Les rapports ainsi élaborés par les procureurs de la
République sont destinés à permettre au procureur
général de préparer le rapport annuel de synthèse
adressé au garde des Sceaux.
Votre commission vous propose d'adopter cette disposition sous réserve
d'un
amendement de coordination
tendant à substituer au terme
"
directives
" le terme "
orientations
".
Elle vous propose d'adopter l'
article 3 du projet de loi
après l'avoir modifié par l'ensemble des
amendements
présentés ci-dessus.