Projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale
FAUCHON (Pierre)
RAPPORT 11 (1999-2000) - commission des lois
Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
-
EXPOSÉ GÉNÉRAL
-
I. QUELLE INDÉPENDANCE POUR LE PARQUET ?
- A. LA SITUATION ACTUELLE : UN MINISTÈRE PUBLIC TRADITIONNELLEMENT HIERARCHISÉ SOUS L'AUTORITÉ DU GARDE DES SCEAUX
-
B. UN PROJET DE LOI PRÉSENTÉ COMME DESTINÉ À
ASSURER L'INDÉPENDANCE DES DÉCISIONS DU MINISTÈRE PUBLIC
MAIS QUI RENFORCE À BIEN DES ÉGARDS L'ORGANISATION
HIÉRARCHIQUE DU PARQUET
- 1. Une interdiction des instructions du ministre de la justice dans les affaires individuelles contrebalancée par la création d'un droit d'action propre lui permettant d'engager directement des poursuites
- 2. L'affirmation de la définition par le garde des Sceaux des directives générales de la politique pénale
- 3. Une accentuation de l'organisation hiérarchique du parquet sous l'autorité du procureur général
-
C. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : CONFIER À UNE
AUTORITÉ INDÉPENDANTE LA MISSION DE GARANTIR LA COHÉRENCE
DE L'EXERCICE DE L'ACTION PUBLIQUE
- 1. Un garde des Sceaux qui resterait responsable de la définition des orientations générales de la politique pénale mais qui ne pourrait intervenir que dans les seules affaires mettant en jeu les intérêts fondamentaux de l'Etat
- 2. Un procureur général de la République chargé d'assurer la cohérence de l'exercice de l'action publique dans les autres affaires et nommé dans des conditions garantissant son indépendance
- II. UNE VOLONTÉ D'AMÉLIORER LES GARANTIES OFFERTES AUX JUSTICIABLES FACE AUX CLASSEMENTS SANS SUITE
- III. QUEL CONTRÔLE DE L'AUTORITÉ JUDICIAIRE SUR LA POLICE JUDICIAIRE ?
-
I. QUELLE INDÉPENDANCE POUR LE PARQUET ?
- EXAMEN DES ARTICLES
-
CHAPITRE 1ER
DISPOSITIONS RELATIVES
A L'ACTION PUBLIQUE EN MATIÈRE PÉNALE -
CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX
CLASSEMENTS SANS SUITE -
CHAPITRE III
DISPOSITIONS RENFORÇANT LE CONTRÔLE
DE L'AUTORITÉ JUDICIAIRE SUR LA POLICE JUDICIAIRE -
CHAPITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES - ANNEXES
-
ANNEXE 1
TRAVAUX DE LA COMMISSION DES LOIS -
ANNEXE 2
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR M. PIERRE FAUCHON, RAPPORTEUR -
ANNEXE 3
ETUDE D'IMPACT DU PROJET DE LOI - ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF
N° 11
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 13 octobre 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , relatif à l' action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale,
Par M.
Pierre FAUCHON,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM.
Jacques
Larché,
président
; René-Georges Laurin, Mme Dinah
Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour,
vice-présidents
; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck,
Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest,
secrétaires
;
Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José
Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel,
Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière,
Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot,
Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel
Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Simon
Loueckhote, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude
Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.
Voir les numéros :
Assemblée nationale
(11
ème
législature) :
957
,
1702
et T.A.
350
Sénat :
470
(1998-1999).
Code pénal. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Après avoir entendu, le 7 octobre 1999,
Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, ministre de la justice
et M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation
puis, le 12 octobre 1999,
M. Jean-François Burgelin, procureur général
près la Cour de cassation, M. Jean-Marie Darde, procureur
général près la cour d'appel d'Amiens et
M. Laurent Lemesle, procureur de la République près le
tribunal de grande instance de Nancy
, la commission des Lois du
Sénat, réunie le 13 octobre 1999 sous la
présidence de
M. Jacques Larché
, a
examiné, sur le rapport de
M. Pierre Fauchon
, le projet de
loi adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'action
publique en matière pénale et modifiant le code de
procédure pénale.
M. Pierre Fauchon, rapporteur
, a constaté que ce projet
de loi était présenté par le Gouvernement comme
destiné à assurer l'indépendance des décisions du
ministère public vis à vis du pouvoir exécutif mais qu'il
renforçait à bien des égards l'organisation
hiérarchique du parquet.
Il a en effet relevé que l'interdiction faite au ministre de la justice
d'intervenir dans les affaires individuelles s'accompagnerait d'importantes
contreparties tendant à renforcer ses moyens d'action, telles que la
définition de directives générales de politique
pénale s'imposant aux magistrats du parquet et la création d'un
droit d'action propre lui permettant d'engager directement des poursuites,
l'autorité hiérarchique du procureur général dans
le ressort de la cour d'appel étant par ailleurs accentuée.
Il a cependant souligné que la nouvelle organisation du ministère
public proposée par le projet de loi risquait d'aboutir à une
" balkanisation " de l'application de la politique pénale au
niveau national, puisqu'aucune autorité ne serait plus en mesure de
coordonner l'action des procureurs généraux et de remédier
aux distorsions susceptibles d'apparaître dans l'exercice de l'action
publique d'une région à l'autre.
Afin de maintenir une régulation de l'action publique assurant
l'unité de l'application de la politique pénale tout en
écartant les risques de suspicion politique qui pèsent
actuellement sur les interventions du ministre de la justice,
M. Pierre
Fauchon, rapporteur
, a proposé que le ministre de la justice
conserve ses prérogatives actuelles pour les seules affaires mettant en
jeu les intérêts fondamentaux de l'Etat, qui lui sont apparus
relever de la responsabilité du Gouvernement, tandis que pour l'ensemble
des autres affaires, la mission de garantir la cohérence de l'action
publique au niveau national serait confiée à une autorité
indépendante présentant toutes les garanties
d'impartialité.
A l'issue d'un débat auquel ont pris part
MM. Christian Bonnet,
Patrice Gélard, Lucien Lanier, Charles Jolibois,
Jean-Jacques Hyest, Robert Badinter, Robert Bret, Maurice Ulrich et
Jacques Larché, président
, la commission, suivant les
orientations de son rapporteur, a adopté les principales propositions
suivantes :
• Le
garde des Sceaux
(article 1
er
)
resterait
responsable de la définition des orientations générales
de la politique pénale
dans le respect des compétences du
législateur. En outre, il conserverait la possibilité de donner
des
instructions
(
écrites, motivées et versées
au dossier
) aux procureurs généraux
dans les seules
affaires
relatives aux infractions visées par les titres I et II du
livre IV du code pénal, c'est-à-dire les
atteintes aux
intérêts fondamentaux de l'Etat
et le
terrorisme
.
L'interdiction des instructions individuelles
du ministre de la
justice, prévue par le projet de loi serait
maintenue pour toutes les
autres affaires
.
Le
droit d'action propre
du ministre de la justice, institué
par le projet de loi serait en revanche
supprimé
car il n'aurait
plus de raison d'être, compte tenu du maintien de ses prérogatives
actuelles dans ce " domaine réservé " et de
l'institution d'une autorité indépendante chargée de
réguler l'action publique pour les autres affaires.
• Il serait créé un
procureur général de
la République
(article additionnel après l'article
1
er
)
chargé de veiller à la cohérence de
l'exercice de l'action publique et au respect des orientations
générales définies par le ministre de la justice
sur
l'ensemble du territoire.
Afin d'exercer efficacement cette mission, le procureur général
de la République pourrait, le cas échéant, donner des
instructions
aux procureurs généraux pour faire valoir des
considérations d'intérêt général dans toutes
les affaires autres que celles concernant les atteintes aux
intérêts fondamentaux de l'Etat et le terrorisme, à
condition toutefois qu'elles soient
écrites, motivées et
versées au dossier
.
Il devrait rendre compte de son activité au Président de la
République et au ministre de la justice dans un
rapport annuel
.
De manière à garantir son impartialité, il serait
nommé pour cinq ans par le Président de la République
sur une liste de trois personnalités proposées par le Conseil
supérieur de la magistrature
; son mandat, d'une durée
de
cinq ans
, ne serait pas renouvelable. En cas d'empêchement ou
de manquement grave aux obligations de sa charge, il pourrait être
mis
fin à ses fonctions
par le Président de la République
prenant acte d'une décision du Conseil supérieur de la
magistrature saisi par le ministre de la justice.
• S'agissant des dispositions du projet de loi tendant à
renforcer les
garanties offertes aux justiciables face aux
classements sans suite
,
la commission a approuvé l'exigence
d'une motivation des décisions de ne pas poursuivre
, qui constitue
davantage la généralisation d'une pratique qu'une
véritable innovation
(article 4
),
mais a souhaité
simplifier la procédure de recours contre ces décisions
. Elle
a en effet
accepté la consécration de l'existence d'un recours
hiérarchique devant le procureur général
, ouvert
à toute personne ayant dénoncé les faits donnant lieu
à décision de ne pas poursuivre ; en revanche, elle a
rejeté la mise en place de commissions régionales de recours
contre les classements sans suite
qui lui est apparue source de lourdeur et
de complexité alors que son utilité n'est pas
démontrée (
article 5
).
• Enfin, pour ce qui concerne le dernier chapitre du projet de loi,
relatif au
contrôle de l'autorité judiciaire sur les services
de police judiciaire
, la commission a
souhaité que l'inspection
générale des services judiciaires soit associée aux
enquêtes administratives concernant le comportement des officiers ou
agents de police judiciaire
dans l'exercice de leurs missions de police
judiciaire (
article additionnel après l'article 10
). Elle a
en outre supprimé des dispositions dépourvues de portée
normative qui lui ont semblé source d'ambiguïté car
plaçant sur un pied d'égalité le procureur de la
République et les chefs de service de la police ou de la gendarmerie
(article 7)
.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Au cours des dernières années, un large débat s'est
engagé dans notre pays autour de la question de l'indépendance de
la justice vis à vis du pouvoir exécutif, et plus
particulièrement de la nature des relations entre le ministre de la
justice et les magistrats du parquet.
Cette question constituait notamment l'un des principaux thèmes de
réflexion que le Président de la République avait
souhaité soumettre à la commission constituée en 1997,
à son initiative, sous la présidence de
M. Pierre Truche, alors Premier président de la Cour de
cassation.
Le projet de loi relatif à l'action publique en matière
pénale, aujourd'hui soumis au Sénat après son adoption par
l'Assemblée nationale le 29 juin 1999, s'inspire pour une
large part des propositions formulées par cette commission dans ce
domaine et prend place dans le cadre d'un projet de réforme d'ensemble
de la justice élaboré par Mme Elisabeth Guigou, garde
des Sceaux.
Il est en connexité étroite avec la révision
constitutionnelle relative au Conseil supérieur de la magistrature,
actuellement en instance d'adoption définitive par le Congrès.
L'accroissement des garanties statutaires des magistrats du parquet, auquel
tend cette révision constitutionnelle, ne peut en effet être
pleinement apprécié dans l'ignorance de la définition de
leurs prérogatives et de leurs relations avec le ministre de la justice.
Votre commission des Lois l'avait d'ailleurs souligné à
l'occasion du débat constitutionnel de l'an dernier.
Présenté, comme le projet de loi constitutionnelle, comme devant
renforcer l'indépendance et l'impartialité de la justice qui
constitue l'un des principaux thèmes du projet de réforme de la
justice présenté par le Gouvernement, le présent projet de
loi, relatif à l'action publique en matière pénale,
s'articule autour de trois volets concernant respectivement :
- l'organisation des relations entre le ministre de la justice et les
magistrats du parquet (chapitre Ier) ;
- le renforcement des garanties offertes aux citoyens en cas de classement sans
suite (chapitre II) ;
- et le contrôle de l'autorité judiciaire sur les services de
police judiciaire (chapitre III).
I. QUELLE INDÉPENDANCE POUR LE PARQUET ?
Le
chapitre Ier du projet de loi tend à mettre en place une nouvelle
organisation des rapports entre le pouvoir politique et le ministère
public qui a pour objectif, selon l'exposé des motifs, "
de les
placer sous le signe de la légitimité et de la
transparence
".
Il reprend à son compte pour une bonne part les propositions
formulées sur ce point par la commission de réflexion sur la
justice présidée par M. Pierre Truche, qui avait
préconisé une organisation de la politique d'action publique
articulée sur trois niveaux conformément aux principes
suivants :
Propositions de la commission de réflexion sur la justice
•
Le
garde des Sceaux
conserverait la responsabilité de la
politique d'action publique et fixerait publiquement ses orientations
générales ; il ne pourrait en aucun cas adresser des
instructions de quelque nature que ce soit aux procureurs
généraux dans des affaires particulières mais disposerait
d'un droit propre de saisine de toute juridiction et de présentation
d'observations par l'entremise d'un magistrat de la Chancellerie ou d'un
avocat
1(
*
)
.
• Le
procureur général
animerait et coordonnerait
la politique d'action publique dans son ressort, compte tenu des
réalités régionales.
• Le
procureur de la République
la mettrait en oeuvre
localement.
Le dispositif du projet de loi, qui s'inspire de ces principes, doit être
apprécié à la lumière d'un bref rappel de
l'organisation actuelle.
A. LA SITUATION ACTUELLE : UN MINISTÈRE PUBLIC TRADITIONNELLEMENT HIERARCHISÉ SOUS L'AUTORITÉ DU GARDE DES SCEAUX
Dans la
conception française, le ministère public, confié à
des
magistrats spécialisés
et chargé,
conformément à l'article 31 du code de procédure
pénale, d'exercer l'action publique et de requérir l'application
de la loi, constitue une articulation entre le pouvoir exécutif et les
juges.
Son organisation est en effet
hiérarchisée
sous
l'autorité du garde des Sceaux, ainsi que le prévoit
l'article 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 relative
au statut de la magistrature, aux termes duquel : "
les magistrats
du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs
chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des
Sceaux
".
Cette organisation trouve sa place dans un système
d'opportunité des poursuites
qui laisse aux magistrats du parquet
le soin d'apprécier au cas par cas l'opportunité de mettre ou non
en mouvement l'action publique.
Le principe de l'opportunité des poursuites permet des priorités
et des choix dans la conduite de l'action publique pour l'application de la loi
pénale. Ces priorités peuvent être définies au plan
national. Or, le Gouvernement est seul responsable de la politique
pénale, ce qui peut justifier que le garde des Sceaux soit placé
au sommet de la hiérarchie du ministère public et qu'un pouvoir
d'intervention lui soit reconnu.
1. Un droit reconnu au ministre de la justice de donner des instructions dans les affaires individuelles
Le droit actuel reconnaît au ministre de la justice, placé au sommet de la hiérarchie du ministère public, le droit de donner des instructions aux magistrats du parquet. Cependant ce droit est strictement encadré et les instructions fort rares dans la pratique.
a) Un pouvoir strictement encadré par le code de procédure pénale
La
faculté pour le ministre de la justice de donner des instructions
résulte de l'actuel article 36 du code de procédure
pénale, qui dispose que : "
Le ministre de la justice peut
dénoncer au procureur général les infractions à la
loi pénale dont il a connaissance, lui enjoindre, par instructions
écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager
ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction
compétente de telles réquisitions écrites que le ministre
juge opportunes
".
Cette rédaction est issue de la loi n° 93-1013 du 24 août
1993 qui, dans un souci de transparence, a précisé que les
instructions
devraient être
écrites et versées au
dossier
.
Par ailleurs, selon l'interprétation qui en est le plus souvent faite,
les instructions qui tendraient au
classement sans suite
d'une affaire
sont en principe
interdites
dans la mesure où la lettre du texte
n'autorise que les instructions tendant à "
engager des
poursuites
".
Enfin, il n'est pas inutile de rappeler qu'en vertu de l'adage "
la
plume est serve mais la parole est libre
", si les magistrats du
parquet sont tenus de prendre des réquisitions écrites conformes
aux instructions qui leur sont données, en revanche ils restent libres
de présenter à l'audience les observations orales qu'ils croient
"
convenables au bien de la justice
", ainsi que le
prévoit l'article 33 du code de procédure
pénale.
b) Des instructions fort rares dans la pratique
Au
demeurant, il semble que les instructions écrites et versées au
dossier conformément à l'article 36 du code de procédure
pénale aient été fort rares dans la pratique, les
instructions éventuelles résultant plutôt d'un dialogue
informel entre les magistrats du parquet et la Chancellerie sur quelques
affaires sensibles. Encore cette pratique de suivi par la Chancellerie de
certaines affaires dites signalées semble-t-elle être devenue de
moins en moins fréquente au fil des années.
Certains magistrats auditionnés par votre rapporteur ont même
regretté l'insuffisance des instructions données par la
Chancellerie, jugeant que celles-ci pourraient être utiles dans des
affaires posant des problèmes techniques complexes ou présentant
un caractère national, voire européen, du fait de l'existence de
plusieurs affaires similaires réparties sur l'ensemble du territoire.
Pour sa part, suivant l'exemple de M. Pierre Méhaignerie,
Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, a clairement affirmé,
dès son arrivée à la Chancellerie, qu'elle entendait ne
plus donner aucune instruction aux magistrats dans les affaires
individuelles.
2. Des orientations générales émises par voie de circulaires
Si le
droit du ministre de la justice de donner des instructions dans les affaires
individuelles est précisément défini par le code de
procédure pénale, en revanche, aucun texte ne prévoit
expressément à l'heure actuelle la possibilité pour le
garde des Sceaux de donner des instructions de caractère
général.
Cependant, dans la pratique, des circulaires sont parfois adressées aux
magistrats du parquet par le ministre de la justice ou par la direction des
affaires criminelles et des grâces, notamment pour commenter des lois
nouvelles (cf. par exemple la circulaire du 14 mai 1993 commentant le nouveau
code pénal) ou pour définir des priorités dans certains
domaines particuliers (cf. par exemple la circulaire du 29 février
1996 relative à la lutte contre les sectes).
Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, a considérablement
développé cette pratique depuis son arrivée à la
Chancellerie. En effet, alors que les circulaires relatives à la
politique pénale étaient jusqu'alors assez peu fréquentes,
pas moins de 39 circulaires ont été adressées aux
magistrats du parquet depuis la mi-1997. Ces circulaires ont porté sur
des priorités générales telle que l'aide aux victimes
d'infractions pénales (circulaire du 13 juillet 1998) ou la
lutte contre la délinquance juvénile (circulaire du
15 juillet 1998) mais aussi sur des problèmes plus ponctuels
comme l'organisation de la coupe du monde de football (circulaire du
3 mars 1998) ou les réponses à apporter aux actes de
violence urbaine dans la perspective des fêtes de fin d'année
(circulaire du 23 décembre 1998).
Ces circulaires n'ont qu'une
valeur interprétative
, ce que le
garde des Sceaux a confirmé lors de son audition par la commission.
Elles ne peuvent édicter de prescriptions nouvelles, ainsi que l'a
rappelé le Conseil d'Etat à propos d'une circulaire du 26
septembre 1995 relative à la lutte contre l'immigration clandestine
émanant du garde des Sceaux de l'époque
2(
*
)
.
En effet, le droit pénal relève de
la seule compétence du législateur, conformément aux
dispositions de l'article 34 de la Constitution
.
3. Une organisation hiérarchisée
Soumis
à l'autorité du garde des Sceaux, le ministère
public
3(
*
)
a une organisation interne
hiérarchisée qui comporte deux niveaux :
- au niveau de la cour d'appel, le parquet général est
composé du procureur général entouré d'avocats
généraux et de substituts généraux ;
- au niveau du tribunal de grande instance, le parquet est composé du
procureur de la République assisté de procureurs adjoints et de
substituts.
Ainsi que le prévoit l'actuel article 37 du code de procédure
pénale, le procureur général a autorité sur tous
les membres du ministère public du ressort de la cour d'appel et peut
leur donner des instructions dans les mêmes conditions que celles
prévues par l'actuel article 36 du code de procédure
pénale pour les instructions susceptibles d'être données
par le ministre de la justice au procureur général. Les
procureurs de la République sont tenus de se conformer à ces
instructions dans leurs réquisitions écrites, conformément
aux dispositions précitées de l'article 33 du code de
procédure pénale.
En outre, le procureur général est chargé, aux termes de
l'article 35 du code de procédure pénale, "
de veiller
à l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du
ressort de la cour d'appel
".
Cependant, les modalités d'exercice de cette mission ne sont pas
précisées et son rôle de coordination de l'action des
procureurs de la République de son ressort n'est pas explicitement
prévu. Les pratiques en la matière semblent actuellement
variables suivant les cours d'appel.
B. UN PROJET DE LOI PRÉSENTÉ COMME DESTINÉ À ASSURER L'INDÉPENDANCE DES DÉCISIONS DU MINISTÈRE PUBLIC MAIS QUI RENFORCE À BIEN DES ÉGARDS L'ORGANISATION HIÉRARCHIQUE DU PARQUET
Le
projet de loi adopté par l'Assemblée nationale propose une
nouvelle organisation des relations entre le ministre de la justice et les
magistrats du parquet qui a pour objectif de garantir l'impartialité et
la transparence de la politique pénale.
Selon la présentation qui en est faite par le Gouvernement, il tendrait
ainsi à assurer l'indépendance, à l'égard du
pouvoir exécutif, des décisions prises par les magistrats du
parquet.
Cependant, l'examen détaillé de ses dispositions fait
apparaître que la suppression des instructions du ministre de la justice
dans les affaires individuelles s'accompagnerait d'importantes contreparties
tendant à renforcer ses moyens d'action, telles que la création
d'un droit d'action propre lui permettant d'engager directement des poursuites
et la définition de directives générales de politique
pénale s'imposant aux magistrats du parquet. Le renforcement de
l'organisation hiérarchique du parquet sous l'autorité du
procureur général lui permettrait en outre de disposer de moyens
d'information accrus.
1. Une interdiction des instructions du ministre de la justice dans les affaires individuelles contrebalancée par la création d'un droit d'action propre lui permettant d'engager directement des poursuites
Si le projet de loi pose le principe de l'interdiction de toute instruction du garde des Sceaux dans les affaires individuelles, il prévoit néanmoins de lui ouvrir la possibilité de mettre lui-même en mouvement l'action publique, s'il estime que l'intérêt général l'exige.
a) Une mesure emblématique : l'interdiction de toute instruction du ministre dans les affaires individuelles
L'
article 1
er
du projet de loi
prévoit que le ministre de la justice ne pourrait désormais plus
donner aucune instruction dans les affaires individuelles (
cf. art. 30
- 2
nd
alinéa nouveau du code de procédure
pénale
).
Cette interdiction consacre la volonté, constamment
réaffirmée par Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux,
depuis son arrivée à la Chancellerie, de n'intervenir en aucune
façon dans les affaires individuelles, conformément à
l'engagement pris par le Premier ministre au cours de sa déclaration de
politique générale du 19 juin 1997
4(
*
)
.
Elle a pour objet de lever tout soupçon quant à une
éventuelle motivation politique des instructions susceptibles
d'être données par le ministre et revêt une valeur
symbolique forte.
Cependant, sa portée pratique doit être relativisée puisque
les instructions écrites et versées au dossier
conformément aux dispositions de l'article 36 du code de
procédure pénale, seules instructions légales dans le
droit actuel, semblent avoir été très rares. Quant aux
éventuelles instructions informelles qui pourraient résulter
d'échanges verbaux ou téléphoniques, aucune disposition
législative n'est susceptible de les interdire efficacement, en
l'absence de toute possibilité de contrôle.
b) Mais une possibilité nouvelle donnée au ministre de mettre lui-même en mouvement l'action publique
Nonobstant la volonté de mettre fin à toute
intervention du ministre dans les affaires individuelles,
l'
article 1
er
du projet de loi
prévoit
également la possibilité pour le ministre de provoquer
lui-même l'engagement de poursuites, à titre subsidiaire, en cas
de carence du parquet, s'il estime "
que l'intérêt
général commande de telles poursuites
" (
cf.
article 30-1 nouveau du code de procédure pénale
).
Dans cette éventualité, le ministre saisirait lui-même la
juridiction compétente par voie de réquisitoire ou de citation
directe. Cependant, il ne serait ni partie à la procédure ni
représenté par un avocat
5(
*
)
, le
parquet étant appelé à jouer le même rôle,
dans la suite de la procédure, que s'il avait engagé
lui-même l'action publique.
Selon les intentions des auteurs du projet de loi, cette nouvelle
procédure présenterait l'avantage d'assurer une plus grande
transparence à l'intervention du garde des Sceaux, le texte
prévoyant que celui-ci devrait exercer personnellement son droit de mise
en mouvement de l'action publique et en rendre compte annuellement devant le
Parlement (
cf. article 30-2 nouveau du code de procédure
pénale
).
Selon les explications fournies par Mme Elisabeth Guigou, garde des
Sceaux, à l'Assemblée nationale, elle ne devrait être mise
en oeuvre qu'à titre exceptionnel et pourrait servir de " soupape
de sécurité " dans certaines affaires concernant par exemple
la défense des intérêts nationaux, la défense
nationale, le terrorisme ou les discriminations raciales.
Au cours de son audition devant votre commission des Lois,
Mme Elisabeth Guigou a en outre cité plusieurs exemples
précis d'infractions qui lui paraîtraient susceptibles de
justifier l'engagement de poursuites par le ministre, à savoir l'action
des " commandos anti-IVG ", la conservation de documents
classés secret défense par un fonctionnaire ne respectant pas les
règles prévues en la matière, la livraison illégale
d'armes par une entreprise d'armement, ou encore des actes de bizutage.
L'institution d'une telle procédure, formellement novatrice par rapport
à la tradition juridique française, ne va cependant pas sans
soulever quelques interrogations. En effet, elle fait jouer au garde des
Sceaux, membre de l'exécutif, le rôle d'un magistrat, ce qui
pourrait être considéré comme portant atteinte au principe
de la séparation des pouvoirs, encore que la différence soit plus
formelle que substantielle entre l'ancienne et la nouvelle formule.
De plus, sa mise en oeuvre pratique, qui donnerait probablement lieu à
une forte médiatisation, risquerait de susciter des difficultés
tenant notamment au fait que le parquet, après avoir été
désavoué, serait tenu de reprendre à son compte une
poursuite qu'il n'aurait pas souhaité engager.
La possibilité de prolonger cette initiative ministérielle au
niveau des voies de recours, instituée par l'Assemblée nationale,
a pour résultat d'accuser la singularité de cette
poursuite.
2. L'affirmation de la définition par le garde des Sceaux des directives générales de la politique pénale
Si
Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, a entendu mettre fin aux
instructions dans les affaires individuelles, elle a en revanche
souhaité développer les instructions de caractère
général précisant les orientations de sa politique
pénale, ainsi qu'en témoigne la multiplication des circulaires
adressées aux magistrats depuis son arrivée à la
Chancellerie.
Le projet de loi tend à consacrer cette pratique dans le code de
procédure pénale en prévoyant la définition par le
ministre de la justice des "
orientations
"
générales de la politique pénale, que l'Assemblée
nationale a pour sa part préféré désigner sous le
terme de "
directives
".
a) Une consécration dans le code de procédure pénale des " directives générales " du ministre de la justice s'imposant aux magistrats du parquet
Dans sa
rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale,
l'
article 1
er
du projet de loi précise ainsi que
le ministre de la justice aura pour rôle de définir les directives
générales de la politique pénale destinées à
être adressées aux magistrats du parquet pour application et aux
magistrats du siège pour information (
cf. art. 30 -
1
er
alinéa nouveau du code de procédure
pénale
).
Selon l'exposé des motifs, les orientations générales
ainsi définies "
auront pour finalité essentielle de
déterminer les priorités à mettre en oeuvre dans la
conduite de l'action publique et la définition des conditions dans
lesquelles la loi pénale doit être appliquée de
manière coordonnée et dans le respect de l'égalité
des citoyens
".
Elles constituent l'un des fils directeurs de la nouvelle organisation du
ministère public proposée par le projet de loi, qui comporte de
nombreuses dispositions à leur sujet.
- Ainsi, les
procureurs généraux
auront pour mission de
coordonner et d'évaluer la mise en oeuvre des directives
générales du ministre par les procureurs de la République
après les avoir adaptées, le cas échéant, en
fonction des circonstances locales ; ils devront en outre rendre compte de
cette mise en oeuvre au ministre de la justice, par un rapport annuel, et en
informer l'assemblée des magistrats de la cour d'appel
(cf.
article 2
du projet de loi
).
- Les
procureurs de la République
seront pour leur part
chargés d'appliquer les directives générales du ministre
de la justice qui leur auront été transmises par les procureurs
généraux, sous réserve, là encore, d'une
faculté d'adaptation en fonction des circonstances propres à leur
ressort ; ils devront en outre rendre compte de cette application au
procureur général, par un rapport annuel, et en informer
l'assemblée des magistrats du tribunal de grande instance
(cf.
article
3
du projet de loi
).
Par ailleurs, dans un souci de transparence, le projet de loi prévoit,
dans son
article 1
er
, que les directives
générales de la politique pénale seront rendues publiques
et que le
Parlement
sera tenu informé des conditions de leur mise
en oeuvre à l'occasion d'une déclaration annuelle du ministre de
la justice qui pourra être suivie d'un débat, ainsi qu'a
souhaité le préciser l'Assemblée nationale
(
cf. article 30-2 nouveau du code de procédure
pénale
). C'est sans doute l'élément le plus
substantiellement novateur du dispositif.
b) Des interrogations sur la valeur juridique de ces directives
La
consécration législative des orientations générales
de la politique pénales définies par le ministre, dont
l'Assemblée nationale a semble-t-il souhaité renforcer le
caractère impératif en les baptisant
"
directives
", soulève toutefois des interrogations
quant à leur valeur juridique.
En effet, s'il apparaît légitime que le Gouvernement
définisse les priorités de la politique pénale, il ne
saurait pour autant fixer des règles nouvelles en matière de
droit pénal sans empiéter sur le domaine du législateur
tel qu'il est fixé par l'article 34 de la Constitution.
Comme les circulaires actuelles, les directives générales
prévues par le projet de loi ne pourront donc avoir qu'une
valeur
interprétative et non normative
, une marge d'adaptation étant
d'ailleurs laissée aux magistrats du parquet chargés de les
appliquer. Interrogée sur ce point au cours de son audition devant votre
commission des Lois, Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, a
confirmé que la définition de ces directives ne participait pas
de l'exercice du pouvoir réglementaire.
Cependant, un magistrat du parquet qui se refuserait systématiquement
à les respecter encourrait très probablement des sanctions
disciplinaires, même si le projet de loi ne tranche pas clairement cette
question. Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux a, pour sa part,
estimé devant votre commission des Lois que le pouvoir disciplinaire
serait sans doute difficile à mettre en oeuvre dès la
première violation d'une directive générale, susceptible
d'être justifiée par l'invocation des circonstance locales, mais
qu'il pourrait, par exemple, s'exercer en cas de refus
réitérés de poursuivre les auteurs de propos racistes.
Par ailleurs, la mise en oeuvre des orientations générales de la
politique pénale passant nécessairement par le traitement
d'affaires individuelles, la distinction entre une directive dite
générale et ses applications individuelles peut s'avérer
ténue, ainsi qu'en témoigne l'exemple évoqué par
Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, devant l'Assemblée
nationale, de "
directives
pouvant être
adaptées
d'heure en heure
" destinées à
indiquer aux magistrats du parquet la conduite à tenir devant une
grève de routiers.
3. Une accentuation de l'organisation hiérarchique du parquet sous l'autorité du procureur général
Enfin, le projet de loi prévoit un renforcement du rôle des procureurs généraux qui seront désormais expressément chargés de coordonner l'action des procureurs de la République en vue d'une application cohérente de la politique pénale dans le ressort de leur cour d'appel. Il laisse en revanche pendante la question de la coordination de l'action des procureurs généraux.
a) Un renforcement du rôle du procureur général
L'
article 2
du projet de loi tend à
préciser et à renforcer les attributions du procureur
général près la cour d'appel qui, selon l'exposé
des motifs, se voit reconnaître "
un rôle de garant d'une
application réelle et uniforme de la politique pénale dans son
ressort de compétence
".
Ainsi, le procureur général, qui a traditionnellement pour
mission de veiller à l'application de la loi pénale dans le
ressort de la cour d'appel (
cf. article 35 du code de
procédure pénale
), sera désormais plus
précisément chargé d'animer l'action des procureurs de la
République de son ressort et de coordonner l'application par ceux-ci des
directives générales du ministre de la justice, après les
avoir le cas échéant adaptées en fonction des
circonstances locales (
cf. article 36 nouveau du code de
procédure pénale
).
Pour exercer ces nouvelles attributions, il conservera, comme dans le droit
actuel, son autorité hiérarchique sur tous les magistrats du
parquet du ressort de la cour d'appel, ainsi que le pouvoir de donner des
instructions
aux procureurs de la République dans les mêmes
conditions que celles qui sont aujourd'hui prévues par l'actuel
article 36 du code de procédure pénale pour les instructions
du ministre, sous réserve des deux nouvelles précisions
suivantes :
- d'une part, ces instructions devraient être, non seulement
écrites et versées au dossier, mais encore
"
motivées
" ;
- d'autre part, les instructions "
faisant obstacle à la
mise en mouvement de l'action publique dans les affaires
individuelles
" seraient désormais explicitement
prohibées au lieu de l'être implicitement comme
précédemment (
cf. article 37 nouveau du code de
procédure pénale
).
De même qu'à l'heure actuelle, les procureurs de la
République resteront tenus de prendre des réquisitions
écrites conformes aux instructions données par le procureur
général (
cf. article 3 du projet de loi et
article 39-3 nouveau du code de procédure pénale
).
L'
article 3
du projet de loi les charge en outre dorénavant
de mettre en oeuvre les directives générales du ministre de la
justice qui leur seront transmises par le procureur général, sous
réserve de leur éventuelle adaptation aux circonstances
locales
(cf. article 39-2 nouveau du code de procédure
pénale
).
Enfin, le projet de loi organise la remontée de l'
information
,
d'une part du procureur de la République vers le procureur
général et, d'autre part, du procureur général vers
le ministre de la justice, ce qui n'était jusque là pas
expressément prévu dans le code de procédure
pénale.
Cette information concernera tant les conditions de mise en oeuvre des
directives générales du ministre de la justice, qui donneront
lieu à des rapports annuels, que les affaires particulières
jugées devoir être portées à la connaissance du
procureur général ou du ministre
(
cf.
articles 37-2 et 39-5 nouveaux du code de
procédure pénale
). En outre, de même que le procureur
général pourrait demander à être informé par
le procureur de la République de toute affaire individuelle dont
celui-ci serait saisi, le ministre de la justice pourrait demander à
être informé par le procureur général de toute
affaire individuelle traitée par le parquet dans le ressort de la cour
d'appel.
Si la possibilité pour le procureur général d'être
informé de toute affaire individuelle semble effectivement
nécessaire pour lui permettre le cas échéant de donner une
instruction, on peut en revanche s'interroger sur la nécessité de
prévoir la possibilité pour le ministre d'être
informé d'une affaire individuelle dans laquelle des poursuites seraient
déjà engagées, puisque toute réaction à
cette information lui serait en principe interdite du fait de la suppression de
la faculté d'instruction dans les affaires individuelles. N'y a-t-il pas
une certaine contradiction entre cette abstention et ce droit d'information qui
implique tout de même une certaine idée de contrôle ?
L'information recueillie pourra néanmoins être utile au garde des
Sceaux en vue de la préparation de ses instructions
générales.
b) Le problème de la coordination de l'action des procureurs généraux
Les
dispositions du projet de loi permettent donc d'assurer la cohérence de
l'application de la politique pénale à l'intérieur du
ressort de la cour d'appel, grâce au rôle de coordination
confié au procureur général doté de
l'autorité hiérarchique et du pouvoir de donner le cas
échéant des instructions aux procureurs de la République
pour mettre fin à d'éventuelles distorsions dans l'exercice de
l'action publique.
Le problème de
l'unité de l'application de la politique
pénale au niveau national
demeure néanmoins pendant,
puisqu'aucune autorité ne serait plus en mesure de remédier
directement à d'éventuelles discordances susceptibles de survenir
d'une cour d'appel à l'autre.
C. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : CONFIER À UNE AUTORITÉ INDÉPENDANTE LA MISSION DE GARANTIR LA COHÉRENCE DE L'EXERCICE DE L'ACTION PUBLIQUE
Au terme
de l'examen de la nouvelle organisation du ministère public
proposée par le projet de loi, une question reste donc posée.
C'est celle de la cohérence de l'exercice de l'action publique sur
l'ensemble du territoire national. En effet, faute de dispositions permettant
d'assurer la coordination de l'action des 35 procureurs
généraux, des distorsions dans l'application de la loi
pénale risqueraient d'apparaître d'une région à
l'autre, au risque de menacer l'unité de la politique pénale et
l'égalité des citoyens devant la loi.
Ainsi, en l'absence d'autorité placée au sommet de la pyramide
hiérarchique du ministère public et fondée à
intervenir face à de telles distorsions, les mêmes infractions
pourraient donner lieu à l'engagement de poursuites systématiques
dans telle région et être tolérées dans d'autres.
D'éventuelles directives à caractère général
ne peuvent suffire à remédier à cette situation car,
dépourvues de valeur contraignante, elles laissent subsister
l'appréciation d'opportunité du magistrat du parquet sur une
affaire individuelle.
D'autre part, d'un point de vue purement technique et pratique, n'est-il pas
souhaitable que les procureurs ou substituts isolés chacun dans leur
ressort disposent d'une source commune d'information et d'échange
particulièrement utile pour les infractions dépassant le cadre
local ?
A l'évidence, le problème ainsi posé ne peut être
éludé.
Or, un constat s'impose aujourd'hui : la justification d'une intervention
du pouvoir exécutif dans les affaires judiciaires individuelles est,
à tort ou à raison, contestée car cette intervention peut
prêter au soupçon surtout si une ambiguïté
apparaît quant à ses motivations.
La fonction de régulation de l'action publique qui apparaît
indispensable pour assurer sa cohérence au niveau national ne pourrait
plus être assumée efficacement par un garde des Sceaux
privé du pouvoir général d'intervention dans les affaires
individuelles.
Comment concilier l'indépendance à l'égard du pouvoir
politique et la nécessaire coordination de l'action publique ?
La solution pourrait être qu'à défaut d'être
exercée par le garde des Sceaux, la coordination soit confiée,
comme dans certains Etats étrangers, à une autorité
indépendante présentant toutes garanties d'impartialité.
Ces considérations conduisent votre commission à vous proposer
l'institution d'un
procureur général de la
République
placé au sommet de la hiérarchie du
ministère public et chargé d'assurer la cohérence de
l'exercice de l'action publique.
La mise en place de cette autorité indépendante pourrait
s'inspirer des exemples étrangers constitués notamment par le
Directeur des poursuites publiques anglais, le " Fiscal general "
espagnol ou encore le procureur général de la République
portugais.
Cependant, votre commission estime que les prérogatives actuelles du
ministre de la justice doivent être maintenues pour les affaires mettant
en jeu les intérêts fondamentaux de l'Etat, qui lui apparaissent
relever de la responsabilité du Gouvernement. La mission du procureur
général de la République ne s'exercerait donc que pour
l'ensemble des autres affaires.
Ce système se rapprocherait à certains égards de celui en
vigueur en Grande-Bretagne où l' "
Attorney
general
", ministre de la justice, assure la conduite de l'action
publique pour ce qui concerne certaines infractions graves mettant en jeu les
intérêts de l'Etat, comme les actes de terrorisme, alors que le
"
Director of public prosecutions
" veille à la
cohérence de l'action publique pour les autres affaires.
Par ailleurs, le garde des Sceaux resterait bien entendu responsable de la
définition des orientations générales de la politique
pénale.
1. Un garde des Sceaux qui resterait responsable de la définition des orientations générales de la politique pénale mais qui ne pourrait intervenir que dans les seules affaires mettant en jeu les intérêts fondamentaux de l'Etat
La mise en place du procureur général de la République proposée par votre commission s'accompagnerait logiquement d'une meilleure clarification du rôle du garde des Sceaux. Celui-ci resterait responsable de la définition des orientations générales de la politique pénale, mais ne conserverait la possibilité de donner des instructions individuelles que dans les seules affaires mettant en jeu les intérêts fondamentaux de l'Etat.
a) La définition des orientations générales de la politique pénale dans le respect des compétences du législateur
Ainsi
que le prévoyait le projet de loi, le garde des Sceaux serait
chargé de définir les orientations générales de la
politique pénale afin notamment d'en fixer les priorités car
c'est bien au Gouvernement qu'il appartient, aux termes de l'article 20 de
la Constitution, de déterminer et de conduire la politique de la Nation.
Cependant, ces orientations ne sauraient empiéter sur la
compétence du législateur en matière de droit pénal
et seraient donc dépourvues de valeur normative.
C'est pourquoi votre commission préfère rétablir le terme
initial d' "
orientations
" plutôt que celui
de "
directives
" retenu par l'Assemblée nationale et
vous propose d'adopter une série d'amendements rédigés en
ce sens et tendant à modifier les
articles 1
er
, 2 et
3 du projet de loi.
b) Une possibilité d'intervention du ministre de la justice dans les affaires mettant en jeu les intérêts fondamentaux de l'Etat
Votre
commission considère que lorsque la sécurité de l'Etat est
en jeu, le garde des Sceaux doit conserver la responsabilité de la
cohérence de l'action publique.
C'est pourquoi elle vous propose de prévoir la
possibilité
pour le ministre de la justice de donner des
instructions
individuelles aux procureurs généraux dans les seules affaires
mettant en jeu les intérêts fondamentaux de l'Etat,
c'est-à-dire
pour ce qui concerne les infractions relatives aux
atteintes aux intérêts fondamentaux de l'Etat et au
terrorisme
, visées aux titres I et II du livre IV du code
pénal, consacré aux crimes et délits contre la Nation,
l'Etat et la paix publique.
Il pourrait s'agir, comme dans le droit actuel, d'instructions tendant à
faire engager des poursuites ou à saisir la juridiction
compétente des réquisitions écrites que le ministre de la
justice jugerait opportunes.
De même qu'à l'heure actuelle, les instructions du ministre
devraient être
écrites
et
versées
au
dossier
; votre commission a en outre souhaité préciser
qu'elles devraient être
motivées
.
Pour l'ensemble des autres affaires, la mission de veiller à la
cohérence de l'exercice de l'action publique serait désormais
confiée à une autorité indépendante dotée
à cette fin d'un pouvoir d'instruction strictement encadré dans
les affaires individuelles. Le maintien d'une possibilité d'intervention
du ministre en-dehors de ce " domaine réservé "
n'aurait donc plus de justification.
En conséquence, votre commission vous propose :
- d'une part, de
maintenir l'interdiction des instructions du ministre
de la justice dans les affaires individuelles
telle qu'elle est
prévue par l'
article 1
er
du projet de loi
,
à l'exception toutefois des affaires mettant en jeu les
intérêts fondamentaux de l'Etat
(cf. art. 30, dernier
alinéa nouveau du code de procédure pénale
) ;
- et, d'autre part, de
supprimer
par un amendement
le droit
d'action propre du ministre de la justice
prévu par ce même
article 1
er
du projet de loi
(
cf.
art. 30-1 nouveau du code de procédure
pénale
).
La création de ce droit de saisine directe d'une juridiction aux fins
d'engagement de poursuites en cas de carence du parquet pouvait être
justifiée par le souci de faire valoir des considérations
d'intérêt général dans des affaires mettant en jeu
les intérêts fondamentaux de l'Etat, par exemple en matière
de lutte contre le terrorisme. Or, la faculté pour le ministre de donner
des instructions dans de telles affaires répond justement à cette
préoccupation.
Par ailleurs, dans les autres affaires, le procureur général de
la République pourrait également faire valoir des
considérations d'intérêt général en donnant
le cas échéant des instructions.
Le droit d'action propre du ministre n'aurait donc plus de raison d'être.
Sa suppression permettrait au surplus de régler les problèmes de
principe qu'aurait posé l'institution d'une procédure permettant
au garde des Sceaux, qui n'a pas la qualité de magistrat, d'intervenir
directement dans une procédure judiciaire, sans même
évoquer les probables difficultés d'application
pratique.
2. Un procureur général de la République chargé d'assurer la cohérence de l'exercice de l'action publique dans les autres affaires et nommé dans des conditions garantissant son indépendance
Votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 1 er afin de préciser les attributions et les modalités de nomination de cette autorité indépendante.
a) Sa mission : assurer la cohérence de l'exercice de l'action publique au niveau national
Sans
préjudice des prérogatives reconnues au garde des Sceaux, le
procureur général de la République devrait veiller
à la cohérence de l'exercice de l'action publique et au respect
des orientations générales de la politique pénale
définies par le ministre de la justice sur l'ensemble du territoire. Il
serait chargé de coordonner l'action des procureurs
généraux et la mise en oeuvre par ceux-ci de ces orientations, de
la même façon que le procureur général près
la cour d'appel est chargé par le projet de loi de coordonner l'action
des procureurs de la République.
Afin d'exercer efficacement cette mission, il serait doté du pouvoir de
donner le cas échéant des
instructions
aux procureurs
généraux dans les affaires individuelles, dans les mêmes
conditions de transparence que celles prévues par le projet de loi pour
les instructions données par les procureurs généraux aux
procureurs de la République, c'est-à-dire à condition que
ces instructions soient
écrites, motivées et versées au
dossier
. La faculté générale de donner des
instructions actuellement reconnue au garde des Sceaux se trouverait ainsi
transférée au procureur général de la
République sans en modifier les modalités, sous réserve
d'une exigence supplémentaire : la motivation des instructions.
Enfin, l'
information
du procureur général de la
République sur les affaires individuelles serait organisée dans
les mêmes conditions que celles prévues par le projet de loi pour
la remontée d'information vers les procureurs généraux. De
même que le ministre de la justice, le procureur général de
la République pourrait ainsi demander à être informé
de toute affaire individuelle traitée par le parquet et, en tant que de
besoin, réagir à cette information en donnant une instruction
justifiée par des considérations d'intérêt
général. Par ailleurs, le ministre de la justice transmettrait
les rapports annuels des procureurs généraux au procureur
général de la République pour alimenter son information.
Le procureur général de la République devrait en outre
rendre compte de l'exercice de sa mission au Président de la
République et au ministre de la justice en établissant un
rapport d'activité
annuel
.
b) Des modalités de nomination garantissant son indépendance
Les
modalités de désignation du procureur général de la
République devraient permettre de garantir sa légitimité
et son impartialité.
Ces préoccupations conduisent votre commission à vous proposer la
procédure suivante :
- le
Président de la République
, issu du suffrage
universel et "
garant de l'indépendance de l'autorité
judiciaire
", aux termes de l'article 64 de la Constitution,
procéderait à la nomination du procureur général de
la République ;
- toutefois, il serait tenu de choisir l'une des trois
personnalités que lui proposerait le
Conseil supérieur de la
magistrature
, chargé de l'assister dans sa mission constitutionnelle
de garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire.
La personnalité ainsi désignée n'aurait pas
nécessairement la qualité de magistrat. De manière
à assurer son indépendance, son mandat devrait être d'une
durée suffisante, qui pourrait être fixée à
cinq ans
, mais ne serait pas renouvelable.
En cas d'
empêchement
ou de
manquement grave aux obligations de
sa charge
, il reviendrait au Président de la République de
mettre fin à ses fonctions
en prenant acte d'une décision
du Conseil supérieur de la magistrature saisi par le ministre de la
justice et statuant en formation plénière à la
majorité absolue de ses membres.
II. UNE VOLONTÉ D'AMÉLIORER LES GARANTIES OFFERTES AUX JUSTICIABLES FACE AUX CLASSEMENTS SANS SUITE
Le
chapitre II du projet de loi est consacré aux classements sans suite et
tend, d'une part à imposer la notification écrite et la
motivation des décisions de classement, d'autre part à instaurer
un recours contre ces décisions.
De fait, le nombre très élevé des classements sans suite
est incontestablement un aveu d'impuissance très préoccupant face
à la délinquance et il paraît indispensable que les
décisions de classement soient à tout le moins convenablement
expliquées aux justiciables.
A. LES CLASSEMENTS SANS SUITE : MYTHES ET RÉALITÉS
En 1998, comme les années précédentes, 80 % des procès-verbaux reçus ont été classés sans suite. Ce chiffre, connu de tous aujourd'hui, donne la mesure de l'impuissance de la justice pénale face à une délinquance proliférante. Il faut toutefois reconnaître qu'il sert parfois également à formuler des critiques injustifiées sur le fonctionnement de notre système judiciaire.
1. Classements sans suite et opportunité des poursuites
Souvent,
le nombre de classements sans suite est attribué au principe de
l'opportunité des poursuites, qui permet au procureur d'apprécier
la suite à donner à une plainte ou à une
dénonciation.
Or, les classements sans suite recouvrent des réalités
extrêmement variées et le nombre de classements n'apporte à
lui seul aucune information pertinente sur l'efficacité ou
l'inefficacité du système judiciaire. Un nombre
considérable de classements ne sont pas dus à la mise en oeuvre
du principe de l'opportunité des poursuites. Jusqu'à une
époque récente, il était difficile d'opérer des
distinctions parmi les motifs de classements sans suite.
En 1996, le conseil de la statistique du ministère de la justice a
décidé la production d'une statistique qui soit non plus
seulement quantitative mais également qualitative. Par la suite, des
expérimentations ont été effectuées dans quelques
ressorts afin de faire apparaître précisément les motifs de
classement. Une table des motifs de classement est désormais
implantée dans tous les ressorts.
L'utilisation de cette table permet désormais d'avoir une vision
beaucoup plus claire des raisons pour lesquelles 80 % des plaintes ne
donnent pas lieu à mise en mouvement de l'action publique par les
procureurs de la République.
Table
des motifs de classements sans suite
|
|
• Absence d'infraction |
• Procédures alternatives mises en oeuvre par parquet : |
• Infraction insuffisamment caractérisée |
- réparation / mineur |
•
Motifs juridiques :
|
-
médiation
|
•
Poursuite inopportune :
|
•
Procédures alternatives mises en oeuvre par d'autres
autorités :
|
Cette
table a été utilisée pour la première fois dans
l'ensemble des ressorts en 1998.
4.573.493
plaintes,
procès-verbaux ou dénonciations ont été
traités par les parquets avec les résultats suivants :
-
3.047.970 procédures ont été classées
sans suite pour défaut d'élucidation
. Dans un tel cas les
parquets n'ont d'autre choix que de classer la procédure,
l'enquête n'ayant pas permis d'identifier l'auteur de l'infraction. Il
faut toutefois noter, d'une part que le défaut d'élucidation
n'est pas une donnée sur laquelle justice et police n'ont aucune prise,
d'autre part que l'absence de réponse judiciaire donnée à
un grand nombre d'infractions ne constitue pas un encouragement pour les forces
de police ou de gendarmerie à l'élucidation de certaines
affaires ;
- 292.464 procédures ont été classées sans suite
pour absence d'infraction ou infraction insuffisamment
caractérisée ;
- 36.679 procédures ont été classées pour des
motifs juridiques tels que l'amnistie, le retrait de plainte, la
prescription ;
- 419.505 procédures ont été classées pour
inopportunité des poursuites, notamment en cas de carence du plaignant,
de responsabilité de la victime, d'état mental déficient
de l'auteur des faits ;
- 163.819 procédures ont donné lieu à des mesures
alternatives aux poursuites, telles que la médiation ou le rappel
à la loi et se sont donc conclues par un classement sans suite ;
-
613.056 plaintes, procès-verbaux ou dénonciations ont
donné lieu à poursuite pénale
.
La lecture de ces chiffres appelle plusieurs commentaires. Il convient tout
d'abord de noter que l'ensemble des classements sans suite ne peuvent
être imputés au principe d'opportunité des poursuites qui
gouverne notre procédure pénale. Dans un nombre
considérable de cas, le procureur de la République n'a d'autre
choix que de classer sans suite et le principe de l'opportunité des
poursuites ne trouve pas à s'exercer.
En 1998, seuls 419.505 classements sans suite sont explicables par
l'inopportunité des poursuites. En fait, le motif de classement qui
traduit le mieux le principe d'opportunité des poursuites est celui du
"
préjudice ou trouble peu important causé par
l'infraction "
. Il s'agit là d'une appréciation propre
au procureur, qui a concerné 224.644 affaires en 1998.
Votre rapporteur estime donc qu'il est temps de lever certaines
ambiguïtés dans ce domaine. Il n'est pas possible de laisser croire
que 80 % des affaires n'ont pas de suite pour cette seule raison.
Comme l'a noté la commission de réflexion sur la justice
présidée par M. Pierre Truche dans son rapport, "
s'il y
a des classements, ce ne sont pas des " classements sans suite ",
selon la terminologie habituelle, mais des " classements sans
poursuite " qui impliquent qu'une réponse judiciaire a
néanmoins été donnée : en droit (absence
d'infraction caractérisée), en fait (enquête restée
infructueuse : auteur inconnu, préjudice réparé et
retrait de plainte) ou par le recours à des mesures non
répressives (avertissement, médiation, transaction, sanctions
disciplinaires)
"
6(
*
)
.
En fait, la terminologie utilisée devrait être revue afin de
mettre fin à des confusions.
La notion de classement sans suite a
perdu toute signification parce qu'elle recouvre des situations trop
différentes
.
Ainsi, votre rapporteur est un partisan actif des mesures dites
"
alternatives aux poursuites
" telles que la
médiation, le rappel à la loi et surtout la nouvelle
procédure de composition pénale. Ces procédures offrent en
effet la perspective d'une justice plus digne, mais également plus
efficace. La mise en oeuvre d'une mesure de composition pénale
après un dialogue entre un délinquant et le procureur n'est-elle
pas préférable à certaines de ces audiences
correctionnelles où des dizaines de prévenus voient leurs cas
réglés en quelques minutes ?
Les mesures alternatives aux poursuites, de plus en plus utilisées
par les parquets, sont de véritables réponses de la
société face à la délinquance et il est
incohérent qu'elles soient comptabilisées parmi les classements
sans suite
. Avec la mise en oeuvre d'une médiation réussie,
une suite est bel et bien donnée à une plainte, parfois plus
efficace qu'une poursuite. Le terme même d'alternative aux poursuites
n'est guère heureux. Bien souvent en effet, les affaires
concernées se termineraient par un classement en l'absence de telles
mesures.
Les alternatives aux poursuites peuvent contribuer à
désengorger les tribunaux, mais également à limiter ces
classements de pure opportunité souvent dénoncés.
Votre rapporteur souhaite donc saisir l'occasion de l'examen du présent
projet de loi pour demander instamment qu'une révision complète
de la terminologie utilisée en cette matière soit entreprise. Une
médiation ne devrait plus figurer parmi les classements sans suite, de
même qu'un classement effectué parce que le procureur estime que
le trouble est peu important ne devrait pas pouvoir être confondu avec un
classement lié à la prescription de l'action publique, le
procureur n'ayant dans ce dernier cas aucun choix. La publication
récente des " chiffres-clés de la justice " montre
qu'une évolution est en cours puisque les procédures alternatives
aux poursuites sont isolées des classements sans suite et que les
affaires poursuivables sont distinguées des affaires non poursuivables.
Afin de faciliter cette évolution, votre commission propose que la
notion de classement sans suite ne soit plus employée dans le code de
procédure pénale et que celui-ci fasse plutôt
référence aux décisions de ne pas poursuivre.
2. Une situation toujours inquiétante
Si
l'amélioration des outils statistiques employés et de la
terminologie utilisée sont indispensables, il n'en reste pas moins que
trop d'infractions ne reçoivent aujourd'hui aucune réponse. En
1998, 420.000 plaintes ou dénonciations ont été
classées pour des motifs d'opportunité, 225.000 l'ayant
été après que le procureur a estimé que
l'infraction avait causé un trouble ou un préjudice peu
important.
Dans un grand nombre de cas, ces motifs de classement servent en fait à
désengorger la juridiction, qui ne parvient pas à assurer le
traitement de l'ensemble des affaires. Au cours des auditions auxquelles il a
procédé, votre rapporteur a entendu citer le cas d'un procureur
qui, venant d'arriver dans une juridiction, a décidé de classer
l'ensemble des plaintes en attente de traitement afin de pouvoir entamer son
travail sur des bases assainies.
Comme votre rapporteur l'a déjà noté à l'occasion
de l'examen du projet de loi relatif à l'efficacité de la
procédure pénale, une telle situation signifie l'impunité
complète pour un grand nombre de délinquants et
l'insécurité chronique de leurs victimes. Nombre d'entre elles
ont désormais intégré cette impuissance de la justice et
renoncent à porter plainte
de sorte que les statistiques ne
rendent qu'imparfaitement compte de l'ampleur de la délinquance dans
notre pays.
Il n'est pas possible de s'accommoder d'une situation dans laquelle les
victimes ne reçoivent aucune réponse du système
judiciaire. Il est certes possible d'améliorer les procédures, de
renforcer l'information donnée aux plaignants, mais
l'amélioration du traitement de la délinquance est d'abord une
question de moyens. La mise en oeuvre de mesures alternatives aux poursuites
est une piste tout à fait intéressante face à la
prolifération d'un contentieux pénal de masse, notamment dans les
zones urbaines, mais elle implique des moyens, même si ces solutions sont
moins coûteuses que les poursuites devant le tribunal correctionnel. De
la même manière, le nombre très élevé
d'infractions pour lesquelles l'auteur demeure inconnu est très
préoccupant et la solution passe sans doute pour partie par une
amélioration de l'action des forces de sécurité.
Il convient donc, dans le cadre de la réforme de la justice en cours, de
veiller à ne pas accroître sans cesse les tâches des
magistrats du parquet par la création de nouvelles procédures et
l'accroissement des missions qui sont les leurs.
Gardons à l'esprit
que la justice a besoin, à tâches constantes, de moyens
supplémentaires. L'accroissement des moyens ne peut qu'être vain
s'il s'accompagne de la création ininterrompue de nouvelles
obligations
.
B. LE PROJET DE LOI
Marqué, selon l'exposé des motifs, par une volonté de " rapprocher l'institution judiciaire du justiciable ", le projet de loi contient deux mesures importantes en ce qui concerne les classements sans suite.
1. La motivation des décisions de classement
Le texte
prévoit tout d'abord, dans son
article 4
, la
notification par
écrit et la motivation de l'ensemble des décisions de
classement
. En fait, la notification est déjà prévue
par le code de procédure pénale, mais il arrive encore que des
justiciables ne soient pas informés des suites données à
leurs plaintes. La motivation des décisions de classement est
déjà prévue depuis juin 1998 pour certaines infractions
à caractère sexuel commises contre des mineurs.
Les motivations des décisions de classement seront standardisées,
afin d'éviter la paralysie des parquets. Les procureurs reçus par
votre rapporteur lui ont indiqué que, dans les affaires
particulièrement difficiles sur le plan affectif, ils prendraient
naturellement la peine d'expliquer de manière très
complète les raisons les poussant à classer une procédure.
La motivation est d'ores et déjà appliquée dans un grand
nombre de parquets et la mesure proposée dans le projet de loi constitue
davantage la consécration d'une pratique en expansion qu'une innovation.
Dans ces conditions,
elle ne devrait nécessiter que peu de nouveaux
moyens, même si l'étude d'impact transmise au Sénat pouvait
susciter de sérieuses interrogations à cet égard
7(
*
)
.
ETUDE D'IMPACT ET RESPECT DU LÉGISLATEUR
L'étude d'impact accompagnant le présent projet
de loi
contient, comme elle doit le faire, des indications chiffrées sur le
coût des principales mesures proposées.
A propos de la motivation des classements sans suite, l'étude d'impact
contient les observations suivantes :
" En 1995, 1.145.291 classements sans suite concernaient des
procédures dans lesquelles l'auteur était connu.
" Il est estimé que dans 30 % de ces affaires, il n'y a pas de
victimes (par exemple, infraction à la réglementation technique,
violation des règles du code de la route sans victime...).
" La motivation des classements sans suite ne concernait donc que
801.704 procédures. 30 minutes étant nécessaires
à la formalisation de la décision, cela équivaut (sur la
base du temps moyen de travail annuel des magistrats de 1.716 heures)
à 234 emplois équivalents temps plein (234 ETP =
801.714 x 30 mn/60mn/1.716).
" Il conviendra donc de créer 234 ETP de magistrats. "
De tels chiffres ont naturellement suscité l'inquiétude de votre
rapporteur qui, pour s'être penché sur la question des moyens de
la justice, ne pouvait que ressentir quelque appréhension à
l'idée que 234 créations de postes de magistrats
étaient nécessaires à la motivation des classements sans
suite.
Il s'avère en pratique que les chiffres énumérés ne
reposent sur aucune base sérieuse. La motivation est déjà
appliquée par nombre de parquets et aucun procureur ne met
30 minutes à formaliser la décision de classement, compte
tenu des tables de motifs fournies aux parquets...
La chancellerie estime
aujourd'hui qu'aucune création de poste de magistrat n'est
nécessaire pour mettre en oeuvre cette mesure.
Dans ces conditions, il convient peut-être de rappeler que l'étude
d'impact d'un projet de loi n'est pas l'occasion pour un ministre de tenter
d'obtenir des moyens supplémentaires auprès de son
collègue des finances en procédant à des estimations
infondées du coût des mesures proposées.
L'étude
d'impact est adressée au Parlement par le Premier ministre et a pour
objet d'informer le législateur aussi précisément que
possible du coût prévisible des projets qui sont soumis à
son appréciation
.
2. La mise en place d'un recours
Le
projet de loi tend, dans son
article 5,
à permettre d'exercer un
recours contre les décisions de classement
. Ce recours
comporterait deux étapes. Dans un premier temps, la personne ayant
dénoncé des faits au procureur et ne pouvant se constituer partie
civile tout en justifiant d'un intérêt suffisant pourrait
contester une décision de classement sans suite en saisissant le
procureur général
, qui pourrait alors enjoindre au
procureur de la République de mettre en mouvement l'action publique ou
au contraire confirmer la décision de classement.
Dans un second temps, en cas de confirmation de la décision de
classement, les mêmes personnes pourraient saisir une
commission
,
compétente sur le ressort de plusieurs cours d'appel et composée
de magistrats du parquet des différentes cours d'appel situées
dans son ressort. La commission statuerait par une décision
motivée insusceptible de recours et pourrait ordonner au procureur de la
République de mettre en mouvement l'action publique.
L'Assemblée nationale a complété ces dispositions pour
prévoir que les recours contre les décisions de classement
suspendraient, au seul bénéfice du ministère public, la
prescription de l'action publique.
C. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : CONCILIER EFFICACITÉ ET DROITS DES JUSTICIABLES
1. Faire disparaître la notion de classement du code de procédure pénale
Comme il
a été exposé ci-dessus, la notion de classement sans suite
recouvre des réalités très différentes et n'a
guère de signification. La Chancellerie et les parquets ont entrepris
des efforts qui permettent aujourd'hui d'avoir une vision plus claire et plus
complète des suites données aux plaintes et dénonciations.
Dans ces conditions, votre commission propose de faire disparaître toute
référence à la notion de classement dans le code de
procédure pénale. Cette notion ne rend pas compte en effet du
cheminement qui conduit un procureur à décider de ne pas mettre
en mouvement l'action publique. Il convient donc
d'évoquer la
décision de ne pas poursuivre plutôt que le classement d'une
affaire
. Une médiation ou une composition pénale ne sont pas
des classements, encore moins des classements sans suite, même si elles
n'aboutissent pas à une mise en mouvement de l'action publique. Une
telle évolution peut paraître de pure forme, mais elle permettra
une meilleure compréhension du traitement réservé par les
parquets aux plaintes et dénonciations.
2. Approuver la motivation des décisions
Le code de procédure pénale prévoit déjà explicitement que le procureur de la République avise le plaignant du classement de l'affaire. La motivation de ces décisions n'est aujourd'hui explicitement prévue que pour certaines infractions sexuelles commises contre des mineurs. Nombre de parquets ont toutefois d'ores et déjà entrepris de motiver les décisions de classement, grâce à la table des motifs élaborée par la Chancellerie. Dans ces conditions, la mesure prévue par l'article 4 du projet de loi est davantage une consécration qu'une innovation . Elle mérite d'être approuvée, les justiciables étant en droit de connaître les raisons pour lesquelles leurs plaintes n'aboutissent pas à une mise en mouvement de l'action publique.
3. Simplifier le système de recours
Le
système de recours contre les décisions de classement
prévu par
l'article 5
du projet de loi est apparu trop complexe
à votre commission. En ce qui concerne le
recours auprès du
procureur général
, il existe d'ores et déjà en
l'absence de tout texte - il s'agit d'un recours hiérarchique - et est
ouvert à tous les justiciables. Il est utile de consacrer ce recours en
l'inscrivant dans la loi, afin qu'il soit mieux connu.
Toutefois, il paraît contestable de n'offrir ce recours qu'aux personnes
n'ayant pas la possibilité de se constituer partie civile. La
consécration d'un recours devant le procureur général
ouvert aux seules requérants n'ayant pas qualité pour se
constituer partie civile peut logiquement être interprétée
comme ayant pour conséquence de faire disparaître le recours
hiérarchique qui correspond à un principe général
du droit public ouvert à tous les plaignants. Or, la constitution de
partie civile est beaucoup plus contraignante pour le plaignant que la mise en
mouvement de l'action publique par le procureur et l'on voit mal pourquoi les
victimes d'une infraction seraient privées du droit de contester devant
le procureur général une décision de classement. En outre,
la notion d' " intérêt suffisant "
nécessaire pour exercer un recours permet toutes les
interprétations.
Votre commission propose donc d'accepter la consécration du recours
hiérarchique devant le procureur général tout en ouvrant
ce recours - comme actuellement - à toutes les personnes ayant
dénoncé des faits à propos desquels le procureur a
décidé de ne pas mettre en mouvement l'action publique.
En revanche, la mise en place de
commissions régionales de magistrats
du parquet
devant lesquelles les décisions du procureur
général pourraient être contestées a suscité
la perplexité de votre commission. Le système proposé est
en effet fort complexe et le bénéfice qui peut en être
attendu paraît faible. Il est difficile en effet d'imaginer que des
affaires importantes puissent échapper successivement à la
vigilance d'un procureur de la République et d'un procureur
général. En outre, il paraît contestable, dans un projet de
loi qui tend par ailleurs à réaffirmer le principe de
hiérarchisation du parquet, de permettre à une commission qui
pourra être composée de substituts de remettre en cause la
décision d'un procureur général. Le présent projet
de loi est marqué par une volonté de renforcer les attributions
des procureurs généraux et il paraît normal de leur faire
confiance en ce qui concerne leur pouvoir de remettre en cause les
décisions de classement prises par les procureurs de la
République.
Votre commission propose donc la suppression de ce recours devant une
commission régionale, dont les modalités sont
particulièrement lourdes et complexes et dont l'utilité n'est pas
démontrée
. Votre rapporteur se permettra d'ajouter qu'il a
procédé à de très nombreuses auditions sur ce
projet de loi et que cette disposition n'a été soutenue par aucun
de ses interlocuteurs.
III. QUEL CONTRÔLE DE L'AUTORITÉ JUDICIAIRE SUR LA POLICE JUDICIAIRE ?
A. DES RAPPORTS COMPLEXES
La
police judiciaire est un auxiliaire indispensable de l'action publique. Certes,
le procureur a tous les pouvoirs et prérogatives attachés
à la qualité d'officier de police judiciaire et peut
procéder à tous les actes nécessaires à la
recherche et à la poursuite des infractions à la loi
pénale. En pratique cependant, ces missions sont confiées aux
officiers et agents de police judiciaire.
Les rapports entre l'autorité judiciaire et la police judiciaire sont
complexes, une double autorité s'exerçant sur les officiers et
agents de police judiciaire. Les policiers et gendarmes relèvent
respectivement du ministère de l'intérieur et du ministère
de la défense. Dans la plupart des cas, ils ne consacrent pas l'ensemble
de leur activité à des missions de police judiciaire. Ils ne
dépendent pas du ministère de la justice pour leur recrutement,
leur rémunération, leur carrière.
Néanmoins, l'article 12 du code de procédure pénale
prévoit que la police judiciaire est exercée "
sous la
direction du procureur de la République
". L'article 41
souligne que le procureur "
dirige l'activité des officiers et
agents de la police judiciaire dans le ressort de son tribunal
".
Ainsi, les officiers de police judiciaire sont tenus d'informer sans
délai le procureur de la République des infractions dont ils ont
connaissance. L'article D 3 du code de procédure pénale
permet au procureur de choisir le service enquêteur. Par ailleurs, le
procureur général habilite les officiers de police judiciaire et
peut retirer ou suspendre cette habilitation. La chambre d'accusation est, pour
sa part, chargée du contrôle et peut prononcer des sanctions
disciplinaires.
Il convient enfin de noter que le ministre de la justice co-signe avec le
ministre de la défense ou le ministre de l'intérieur les
arrêtés de nomination des officiers de police judiciaire. Le
procureur général note les officiers de police judiciaire et
l'article 19-1 du code de procédure pénale précise
que cette notation est prise en compte pour toute décision d'avancement.
Un décret n° 98-1203 du 28 décembre 1998 est
venu préciser que les dossiers individuels sont détenus au
parquet général de la cour d'appel et a modifié les
éléments d'appréciation à prendre en compte pour la
notation des officiers de police judiciaire par le procureur
général.
L'équilibre qui découle de ces différentes règles
est aujourd'hui critiqué. Ainsi, la commission de réflexion sur
la justice présidée par M. Pierre Truche a mis en
lumière les " failles " de ce système, soulignant
notamment que "
le magistrat ne maîtrise pas les conditions
d'emploi des personnels
".
Cette commission a également observé que "
la double
dépendance des policiers et gendarmes les conduit à transmettre
des éléments d'une enquête couverte par le secret à
des autorités non judiciaires
".
La commission de réflexion sur la justice a enfin évoqué
certaines situations particulières dans lesquelles le rôle de la
justice apparaît ambigu : "
(...) au-delà des
relations magistrats - policiers à propos d'affaires
particulières, se pose la question de déterminer qui
définit la politique d'action publique lorsque les impératifs
d'ordre public prennent une importance exceptionnelle : mouvements
revendicatifs violents, manifestations publiques accompagnées de
pillages, d'incendies, crises urbaines...
Des infractions d'une
gravité certaine sont commises et leur résultat largement
diffusé dans le public ; il est évident que la gestion de
ces situations implique une action politique.
"
La part du judiciaire dans ces dernières hypothèses est
ambiguë. Son intervention est justifiée par l'existence
d'infractions ; son efficacité est réduite : il ne
suffit pas de connaître l'existence de délits, encore faut-il en
identifier les auteurs et les retrouver. Ici plus qu'ailleurs, la
maîtrise des enquêtes échappe à la justice dont
l'intervention n'entre généralement pas en ligne de compte dans
le règlement politique des affaires. Il n'y a pas ici d'instructions de
non poursuites, mais une impossibilité de poursuivre faute
d'éléments qui ne sont pas collectés. Un Etat de droit
peut-il s'accommoder d'îlots soustraits à la justice ou
plutôt de zones dont l'accès ne lui est permis que lorsqu'il est
estimé ailleurs que son intervention est devenue indispensable au
règlement d'un conflit ? La crainte que l'on a de voir le conflit
s'envenimer à la suite de décisions de justice (mise en
détention, condamnation...) est certainement surestimée le plus
souvent, mais pas forcément inexistante
"
8(
*
)
.
Confrontée à cet équilibre précaire, Mme Elisabeth
Guigou, garde des sceaux, a constamment affirmé sa volonté de
renforcer le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police
judiciaire. Dans son document d'orientation intitulé "
Une
réforme pour la justice
" présenté le 29 octobre
1997, elle indiquait ainsi : "
La police dispose de moyens que la
justice doit pouvoir connaître et mieux utiliser. Le contrôle des
opérations de police par la justice est une garantie offerte aux
citoyens
".
B. LE PROJET DE LOI : DES MESURES TRÈS TIMIDES
Il faut
pourtant constater que le projet de loi soumis au Sénat, qui a notamment
pour objet de renforcer le contrôle de l'autorité judiciaire sur
la police judiciaire, ne contient que quelques mesures de portée
très limitée.
Il s'agit tout d'abord d'instaurer un droit de regard de l'autorité
judiciaire sur les moyens consacrés à une enquête. Ainsi,
l'article 41 du code de procédure pénale serait
modifié pour prévoir que le procureur et les chefs des services
de police et de gendarmerie "
se tiennent informés
" au
moins une fois par trimestre des moyens à mettre en oeuvre pour
atteindre les objectifs fixés par les directives générales
de politique pénale. De même, ils devraient
"
définir d'un commun accord
" les moyens à
mettre en oeuvre en cas d'enquête longue ou complexe (
article 7
du
projet de loi).
Le projet de loi prévoit par ailleurs dans son
article 8
que le
procureur de la République fixe un délai lorsqu'il donne
instruction à des officiers de police judiciaire de procéder
à une enquête préliminaire. En cas d'enquête
menée d'office, les officiers de police judiciaire devront rendre compte
de l'état d'avancement de l'enquête après une durée
de six mois. Le texte tend en outre à contraindre les officiers de
police judiciaire à aviser le procureur dès qu'une personne
à l'encontre de laquelle existent des indices faisant présumer
qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction sur laquelle porte
une enquête est identifiée.
C. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : IMPLIQUER L'AUTORITÉ JUDICIAIRE DANS LES ENQUÊTES ADMINISTRATIVES CONCERNANT LES OFFICIERS DE POLICE JUDICIAIRE
•
Les mesures proposées dans le projet de loi pour renforcer le
contrôle de l'autorité judiciaire paraissent
particulièrement modestes. Il est vrai que la gestion des rapports entre
police judiciaire et autorité judiciaire est complexe et qu'il est
difficile de porter atteinte aux équilibres existants sans risquer des
effets contraires au but recherché.
Toutefois, la rédaction du texte pourrait dans certains cas être
à l'origine de malentendus fâcheux. Ainsi, le projet de loi
prévoit dans son
article 7
que le procureur et les chefs de
service "
se tiennent informés
" au moins une fois par
trimestre des moyens à mettre en oeuvre pour l'application des
directives générales de politique pénale. De même,
le procureur et les chefs de service devraient définir "
d'un
commun accord
" les moyens à mettre en oeuvre pour
procéder aux investigations en cas d'enquête longue ou complexe.
Si la volonté de donner à l'autorité judiciaire un droit
de regard sur les moyens affectés aux enquêtes est louable, il
faut pourtant reconnaître que ces dispositions sont entièrement
dépourvues de portée normative. Surtout, elles donnent le
sentiment que les chefs de service de la police ou de la gendarmerie sont
placés sur un pied d'égalité avec le procureur de la
République ou le juge d'instruction, ce qui paraît peu conforme
à la volonté de renforcer le contrôle de l'autorité
judiciaire sur la police judiciaire.
Votre commission propose donc la suppression de ces dispositions.
• Votre commission souhaite par ailleurs renforcer le dispositif
prévu par le projet de loi en ce qui concerne le contrôle
exercé sur la police judiciaire.
Le dispositif proposé dans le projet de loi est en effet beaucoup trop
modeste pour permettre une évolution des rapports entre
l'autorité judiciaire et la police judiciaire.
Des propositions ambitieuses ont été formulées depuis
plusieurs années sur ce sujet. Il a ainsi pu être proposé
de rattacher au ministère de la justice les services de police
judiciaire. Séduisante au premier abord, cette idée suscite
cependant de nombreuses interrogations. Dans la plupart des cas, en effet, les
officiers et agents de police judiciaire n'exercent pas uniquement des missions
de police judiciaire. La création d'un corps dépendant du
ministère de la justice risquerait d'avoir pour effet de priver ses
membres de tout lien avec les autres services de police et donc de toute
information.
La commission de réflexion sur la justice présidée par
M. Pierre Truche a pour sa part estimé que, dans chacun des
ministères concernés, le contrôle de la police judiciaire
devrait être confié à un magistrat de l'ordre
judiciaire : "
(...) trois magistrats de haut grade,
assistés de collaborateurs issus notamment du ministère de la
justice (...) devraient être placés respectivement auprès
du directeur central de la police, du directeur général de la
gendarmerie et du directeur général des douanes pour
contrôler toutes les missions de police judiciaire. Cette mesure n'est
pas exclusive de la nomination d'un magistrat comme directeur de la police
judiciaire, de la gendarmerie ou des douanes
"
9(
*
)
.
Une autre proposition a retenu l'attention de votre commission.
Dès 1991, une commission de contrôle sénatoriale,
chargée d'examiner les conditions de fonctionnement des services
relevant de l'autorité judiciaire, présidée par
M. Hubert Haenel et dont le rapporteur était
M. Jean Arthuis, s'inquiétait de l'insuffisance du
contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire. Le
rapport de la commission de contrôle précisait ainsi :
"
(...) le bras séculier du Parquet qu'est la police judiciaire
est certes placé sous la direction de celui-ci mais il ne relève
pas de son autorité, et la diligence plus ou moins exacte de la police,
quand ce n'est pas son obstruction ou la transmission tardive des informations
constitue indiscutablement une atteinte à
l'indépendance "
10(
*
)
.
Face à cette situation, la commission de contrôle avait
proposé la création d'une
inspection générale de
la police judiciaire
relevant du ministère de la justice et
comprenant des magistrats, des policiers, des gendarmes et des agents des
douanes.
Cette inspection devait avoir compétence pour toute
investigation ou enquête mettant en cause un officier ou un agent de
police judiciaire dans l'exercice de ses fonctions ou à l'occasion de
l'exercice de ses fonctions
.
Au mois de juin dernier, le Sénat, lors de l'examen du projet de loi
relatif au renforcement de la protection de la présomption d'innocence
et aux droits des victimes, a adopté sur proposition de
M. Hubert Haenel, un amendement prévoyant la création
d'une inspection générale de la police judiciaire
"
chargée d'enquêter sur les infractions commises par les
officiers de police judiciaire dans l'exercice ou à l'occasion de
l'exercice de leurs fonctions
".
Au cours du débat, Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux,
avait indiqué : "
(...) une telle réforme
supposerait des discussions interministérielles qui n'ont pas
été menées, et l'examen du texte relatif à l'action
publique sera l'occasion de revenir sur ces sujets de police
judiciaire "
.
Votre commission estime que le présent projet de loi est la meilleure
occasion donnée au législateur d'adopter une mesure forte pour
faire du contrôle de l'autorité judiciaire sur la police
judiciaire une réalité.
Elle propose que l'autorité
judiciaire soit toujours associée aux inspections concernant les
officiers et agents de police judiciaire lorsque ces inspections concernent les
activités de police judiciaire de ces officiers et agents et que le
ministre de la justice puisse prendre l'initiative de telles inspections.
La proposition de votre commission s'écarte sur deux points de celle
formulée par M. Hubert Haenel. En premier lieu, il
paraît plus simple d'impliquer l'inspection générale des
services judiciaires dans les inspections concernant les officiers et agents de
police judiciaire plutôt que de créer une nouvelle inspection
générale. En second lieu, il semble souhaitable que
l'intervention de l'autorité judiciaire ne soit pas limitée aux
cas dans lesquels des infractions ont été commises par des
officiers de police judiciaire. Des missions d'inspection pourront être
ordonnées lorsque sont constatés des dysfonctionnements
n'impliquant pas la commission d'infraction et il paraît souhaitable que
l'autorité judiciaire y soit associée.
Votre commission propose donc que les enquêtes administratives relatives
au comportement d'un officier ou agent de police judiciaire dans
l'exécution d'une mission de police judiciaire associent le service
d'enquête compétent et l'inspection générale des
services judiciaires. Ces enquêtes pourraient être ordonnées
par le garde des Sceaux et seraient alors dirigées par un magistrat.
L'objectif de votre commission est donc d'affirmer clairement que la police
judiciaire est placée sous le contrôle de l'autorité
judiciaire, sans se rallier toutefois à des solutions aussi hasardeuses
que le rattachement de la police judiciaire au ministère de la justice.
Cette approche est exactement celle défendue par Mme le garde
des Sceaux qui, en 1997, prenait clairement position en faveur de la
proposition formulée par votre commission. Dans son document
d'orientation intitulé "
une réforme pour la
justice
", Mme Elisabeth Guigou indiquait :
"
le contrôle des activités des officiers de police
judiciaire implique la prise en compte effective de l'évaluation
judiciaire dans leur carrière. Afin de renforcer ce contrôle, les
enquêtes administratives relatives au comportement d'un officier de
police judiciaire dans l'exécution d'une mission de police judiciaire
associeront l'inspection générale des services judiciaires au
service d'enquête compétent
".
Votre commission ayant constaté que cette proposition ne figurait pas
dans le projet de loi soumis à son examen, elle a souhaité
réparer cet oubli, partageant pleinement les préoccupations du
garde des Sceaux en ce domaine.
* *
*
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le présent projet de loi.
EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE 1ER
DISPOSITIONS RELATIVES
A L'ACTION
PUBLIQUE EN MATIÈRE PÉNALE
Le
premier chapitre du projet de loi concerne les relations entre la Chancellerie
et les magistrats du parquet ; il comprend trois articles qui tendent
à préciser les rôles respectifs du ministre de la justice,
du procureur général et du procureur de la République.
L'Assemblée nationale a complété ce chapitre par deux
articles additionnels, le premier prévoyant la possibilité pour
une association reconnue d'utilité publique, partie civile, de demander
au parquet de faire appel de la décision sur l'action publique en cas de
jugement de relaxe (
article 1
er
bis
)
et le second
fixant des délais pour l'examen des pourvois dans l'intérêt
de la loi formés par le garde des Sceaux devant la Cour de cassation
(
article 1
er
ter
).
Article
1
er
(art. 30 à 30-2 du
code
de procédure pénale)
Attributions du ministre de la
justice
L'article 1
er
du projet de loi a pour objet de
définir le rôle du ministre de la justice en matière
d'action publique. A cette fin, il tend à insérer dans le
titre Ier du Livre Ier du code de procédure pénale,
consacré aux "
autorités chargées de l'action
publique et de l'instruction
", un nouveau chapitre intitulé
"
Du ministre de la justice
" qui est appelé à
s'insérer entre les chapitres concernant respectivement la police
judiciaire et le ministère public et qui introduirait, selon sa
rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, trois
nouveaux articles dans le code de procédure pénale
(articles 30
11(
*
)
à 30-2).
A l'initiative de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a
remanié la présentation formelle de l'article 1
er
du projet de loi en y apportant un certain nombre de modifications de fond.
Article 30 du code de procédure
pénale
Définition des orientations générales
de la politique pénale
Interdiction des instructions dans les
affaires individuelles
A
l'initiative de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a
regroupé dans un même article du code de procédure
pénale (art. 30) deux dispositions que la rédaction initiale
du projet de loi faisait figurer dans deux articles séparés et
qui concernent respectivement :
- la définition par le ministre de la justice des orientations
générales de la politique pénale
(1
èr
alinéa) ;
- et l'interdiction faite à ce même ministre de donner des
instructions dans les affaires individuelles
(2
nd
alinéa).
•
La définition des orientations générales de la
politique pénale
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait que le
ministre de la justice définissait les "
orientations
générales
" de la politique pénale,
destinées aux magistrats du ministère public et portées
à la connaissance des magistrats du siège.
Afin semble-t-il de mieux marquer le caractère impératif de ces
orientations générales définies par le garde des Sceaux,
l'Assemblée nationale a préféré les désigner
sous le terme de "
directives
" ; elle a en outre
précisé qu'elles seraient adressées aux magistrats du
ministère public "
pour application
" et aux magistrats
du siège "
pour information
".
Cette disposition n'a pas d'équivalent dans la législation
actuelle, aucune disposition législative ne prévoyant
formellement la définition d'orientations ou d'instructions de
caractère général par le garde des Sceaux.
Cependant, dans la pratique, il est d'usage que la direction des affaires
criminelles et des grâces du ministère de la justice adresse des
circulaires aux magistrats du parquet, notamment à l'occasion de la
publication de nouveaux textes législatifs.
Mme Elisabeth Guigou, actuel garde des Sceaux, a d'ailleurs
considérablement développé cette pratique. En effet, alors
que les circulaires concernant la politique pénale étaient jusque
là relativement peu nombreuses, pas moins de 39 circulaires ont
été adressées aux magistrats depuis son accession à
la Chancellerie (5 en 1997, 26 en 1998 et 8 en 1999
12(
*
)
). Ces circulaires ont porté tant sur des
priorités générales de la politique pénale telles
que l'aide aux victimes d'infractions pénales, les réponses
à apporter à la délinquance juvénile, la lutte
contre le racisme et la xénophobie ou la lutte contre les sectes, que
sur des problèmes d'actualité plus ponctuels comme la
sécurité des transports publics, le dispositif judiciaire mis en
place à l'occasion de la coupe du monde de football, la poursuite des
actes délictueux dirigés contre les produits agricoles
importés, la gestion des "
crises urbaines
" ou encore
les conditions de travail dans les transports routiers.
Certes, il peut apparaître légitime que le Gouvernement,
chargé, aux termes de l'article 20 de la Constitution, de
déterminer et de conduire la politique de la Nation, définisse
des priorités en matière de politique pénale, dans la
mesure où les magistrats du parquet n'ont en pratique pas les moyens de
poursuivre toutes les infractions et sont appelés à faire des
choix d'opportunité. Cependant, il convient de veiller à ce
qu'une telle définition de priorités n'entraîne par contre
coup l'indication de domaines non prioritaires et n'aboutisse ainsi à un
infléchissement du code pénal qui doit rester la base essentielle
de la politique pénale.
La consécration dans le code de procédure pénale de ces
"
orientations
" ou "
directives
" du
ministre pose ainsi le problème de leur valeur juridique.
En effet, ainsi que l'a d'ailleurs confirmé
Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, au cours de son audition
devant votre commission des Lois, elles ne sauraient avoir une valeur
réglementaire, le pouvoir réglementaire étant
exercé par le seul Premier ministre en application de l'article 21
de la Constitution.
Elles ne sauraient non plus a fortiori empiéter sur la compétence
du législateur ; or il est à souligner qu'en vertu de
l'article 34 de la Constitution, le droit pénal relève du
domaine de la loi.
De même que les circulaires actuelles, conformément à une
jurisprudence constante du Conseil d'Etat
13(
*
)
,
les "
directives
" générales du ministre de la
justice ne pourront avoir qu'une valeur interprétative et non normative.
C'est pourquoi votre commission juge préférable d'employer le
terme d'"
orientations
" plutôt que celui de
" directives
" afin de bien marquer qu'elles ne peuvent jouer
qu'un rôle d'impulsion ; elle vous propose donc d'adopter des
amendements
rédigés en ce sens.
Par ailleurs, reste posée la question de savoir si un magistrat du
parquet qui ne respecterait pas les orientations générales de la
politique pénale définies par le ministre s'exposerait à
des sanctions disciplinaires, le projet de loi n'apportant de réponse
claire à ce sujet ni dans son dispositif ni dans son exposé des
motifs.
Au cours de son audition devant votre commission des Lois,
Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, a pour sa part estimé
que le pouvoir disciplinaire pourrait s'exercer, mais qu'il serait sans doute
difficile de le mettre en oeuvre la première fois qu'un procureur ne
respecterait pas une directive générale, dans la mesure où
celui-ci pourrait justifier ce non-respect en invoquant les circonstances
locales.
•
L'interdiction des instructions dans les affaires individuelles
Dans un second alinéa, le texte proposé par
l'article 1
er
du projet de loi pour l'article 30 du code
de procédure pénale, tel que modifié par
l'Assemblée nationale, pose le principe de l'interdiction faite au
ministre de la justice de donner des instructions dans les affaires
individuelles.
On rappellera que dans le droit actuel, le pouvoir reconnu au garde des Sceaux
de donner des instructions dans les affaires individuelles, de par son
autorité hiérarchique sur les magistrats du parquet, est
strictement encadré par l'article 36 du code de procédure
pénale
14(
*
)
, dans sa rédaction
issue de la loi n° 93-1013 du 24 août 1993 dite
"
loi Méhaignerie
". Aux termes de cet article,
"
le ministre de la justice peut dénoncer au procureur
général les infractions à la loi pénale dont il a
connaissance, lui enjoindre, par instructions écrites et versées
au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites
ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions
écrites que le ministre juge opportunes.
"
Depuis la loi du 24 août 1993 qui a cherché par cette
rédaction à clarifier les relations entre le ministre de la
justice et les parquets, seules sont donc légales les instructions
"
écrites et versées au dossier
" . Par
ailleurs, la lettre du texte n'autorise que les instructions tendant à
l'engagement de poursuites et prohibe donc en principe les instructions tendant
au classement sans suite, qui seraient les plus contestables puisqu'elles
aboutiraient à une décision insusceptible de recours et non
soumise à un juge.
L'interdiction de toute instruction du ministre de la justice dans les affaires
individuelles, à laquelle tend le projet de loi, a une valeur symbolique
forte. Elle marque la volonté de garantir l'impartialité des
décisions des magistrats du parquet et de lever tout soupçon
quant à une éventuelle motivation politique des interventions du
ministre.
Elle correspond ainsi à l'engagement pris par l'actuel Premier ministre
au cours de sa déclaration de politique générale du
19 juin 1997
15(
*
)
et à la
pratique constamment réaffirmée par
Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, depuis son arrivée
à la Chancellerie.
Cependant, force est de constater que l'abrogation des dispositions actuelles
de l'article 36 du code de procédure pénale ne devrait avoir
que peu d'incidence pratique dans la mesure où les instructions
écrites et versées au dossier semblent avoir été
fort rares.
De plus, aucune disposition législative ne pourra jamais empêcher
d'éventuelles conversations entre la Chancellerie et les magistrats du
parquet et il n'est pas inutile de rappeler que le garde des Sceaux conservera
une influence sur la carrière des magistrats du parquet puisque qu'il
gardera en tout état de cause le pouvoir de proposition pour les
nominations, même lorsque celles-ci seront soumises à l'avis
conforme du Conseil supérieur de la magistrature à la suite de
l'entrée en vigueur de la révision constitutionnelle en instance
d'adoption par le Congrès.
Par ailleurs, le projet de loi entoure l'interdiction des instructions
individuelles faite au ministre de la justice, d'importantes contreparties qui
en relativisent singulièrement la portée.
D'une part, il met l'accent sur le développement des instructions
générales. Or, la politique pénale n'étant
finalement que le résultat du traitement d'une multitude d'affaires
individuelles, la différence entre les instructions
générales -qui visent le traitement d'affaires
particulières- et les instructions individuelles, peut n'être que
ténue. En témoigne l'exemple donné par
Mme Elisabeth Guigou, au cours du débat à
l'Assemblée nationale, de la production par la Chancellerie de
directives générales adaptables d'heure en heure pour faire face
à une grève de routiers.
D'autre part, ainsi qu'on le verra plus loin, le projet de loi tend à
instituer un droit d'action propre du ministre de la justice lui permettant
d'intervenir directement dans les affaires individuelles en provoquant la mise
en mouvement de l'action publique (cf. ci-après article 30-1
nouveau du code de procédure pénale).
En outre, le ministre dispose d'un droit d'information sur toutes les affaires.
Quoi qu'il en soit, votre commission considère que lorsque les
intérêts fondamentaux de l'Etat sont en jeu, il est de la
responsabilité du Gouvernement de garantir la cohérence de
l'action publique.
C'est pourquoi elle vous propose d'adopter un
amendement
tendant
à prévoir la possibilité pour le ministre de la justice de
donner des
instructions
individuelles pour ce qui concerne les
infractions relatives aux atteintes aux intérêts fondamentaux
de l'Etat et au terrorisme
, visées aux titres Ier et II du
livre IV du code pénal, consacré aux crimes et délits
contre la Nation, l'Etat et la paix publique. Il s'agit notamment de la
trahison, de l'espionnage, des attentats, complots et mouvements
insurrectionnels, des atteintes au secret de la défense nationale et des
actes de terrorisme.
Dans les affaires relatives à ces infractions, le ministre pourrait
donc, comme dans le droit actuel, enjoindre aux procureurs
généraux d'engager ou de faire
engager des poursuites
ou
de saisir la juridiction compétente des
réquisitions
écrites
qu'il jugerait opportunes.
De même qu'à l'heure actuelle, ces instructions devraient
être
écrites
et
versées au dossier
;
votre commission a en outre souhaité qu'elles soient
motivées
.
Ce n'est donc que sous réserve du maintien des prérogatives
actuelles du ministre de la justice dans ce " domaine
réservé " que votre commission vous propose d'
accepter
l'interdiction générale des instructions du ministre dans les
affaires individuelles
.
Pour les affaires autres que celles mettant en jeu les intérêts
fondamentaux de l'Etat, elle vous proposera de confier le soin d'assurer
l'unité de l'application de la politique pénale à une
autorité indépendante nouvelle, le
procureur
général de la République
auquel serait reconnu le
pouvoir de donner des instructions dans les affaires individuelles dans les
mêmes conditions que celles qui sont actuellement prévues par
l'article 36 du code de procédure pénale pour le ministre de
la justice (cf.
article additionnel après
l'article 1
er
du projet de loi).
Votre commission vous propose d'adopter le texte proposé pour
l'article 30 du code de procédure pénale après
l'avoir modifié par les
amendements
présentés
ci-dessus.
Article 30-1 nouveau du code de procédure
pénale
Droit d'action propre du ministre de la justice
Le texte
proposé pour l'article 30-1 nouveau du code de procédure
pénale, dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée
nationale, tend à permettre au ministre de la justice de mettre en
mouvement l'action publique dans l'intérêt général
en cas de carence du parquet.
Il s'agirait d'un pouvoir d'action propre qui devrait être exercé
personnellement par le garde des Sceaux dans l'hypothèse où
celui-ci estimerait, en l'absence de poursuites pénales, que
l'intérêt général commanderait de telles poursuites.
Cette action permettrait donc, à titre subsidiaire, de mettre en
mouvement l'action publique, mais non d'y mettre fin. Elle serait mise en
oeuvre selon les modalités suivantes :
- le ministre de la justice saisirait lui-même la juridiction
d'instruction par voie de réquisitoire ou la juridiction de jugement par
voie de citation directe ;
- une copie de l'acte de poursuite serait adressée, par
l'intermédiaire du procureur général, au parquet
compétent (par tous moyens en cas d'urgence) ;
- le parquet devrait ensuite jouer le même rôle dans la
procédure que s'il avait lui-même enclenché l'action
publique, le ministre n'étant ni partie à cette procédure,
ni représenté par un avocat .
16(
*
)
L'Assemblée nationale a complété ce dispositif en
permettant au ministre de la justice d'exercer un "
droit de
suite
" dans la procédure en cas de décision
ultérieure du juge tendant à mettre fin aux poursuites ;
ainsi, le ministre pourrait subsidiairement se pourvoir en appel ou en
cassation contre une décision de refus d'informer, de non-lieu ou de
relaxe intervenant dans une procédure à l'origine de laquelle il
aurait mis en mouvement l'action publique.
Le droit d'action propre du ministre de la justice qui serait ainsi
institué a pour objet de lui permettre, à titre exceptionnel, de
provoquer l'engagement de poursuites pénales si l'intérêt
général lui semble l'exiger, nonobstant l'interdiction de toute
instruction dans les affaires individuelles. Selon les explications fournies
par Mme Elisabeth Guigou devant la commission des Lois de
l'Assemblée nationale, cette procédure pourrait par exemple
être utilisée dans des affaires concernant la défense des
intérêts nationaux, la défense nationale, les crimes contre
l'humanité, la lutte contre le terrorisme ou encore les discriminations
raciales.
Mme Elisabeth Guigou a en outre précisé au cours de son
audition devant votre commission des Lois que ce droit d'action propre lui
paraissait susceptible d'être mis en oeuvre dans des hypothèses
où le parquet se refuserait à poursuivre, par exemple, des
commandos anti-IVG, ou un fonctionnaire détenant des documents
classés secret défense sans respecter les règles
prévues en la matière, ou une entreprise pratiquant des ventes
d'armes illégales, ou encore en vue de sanctionner le nouveau
délit de bizutage.
A la différence d'une instruction donnée à un magistrat du
parquet, le caractère public de cette procédure aurait l'avantage
d'une plus grande transparence ; en outre, le garde des Sceaux devrait en
assumer personnellement la responsabilité et en rendre compte devant le
Parlement (cf. ci-après article 30-2 nouveau du code de
procédure pénale).
Cependant, elle apparaît quelque peu contradictoire avec le principe de
la suppression de toute instruction du garde des Sceaux dans les affaires
individuelles, ces différences portant davantage sur la forme que sur le
fond.
Au surplus, l'instauration de ce droit d'action directe du ministre de la
justice ne va pas sans soulever quelques interrogations tant sur le plan des
principes que quant à sa mise en oeuvre pratique.
Tout d'abord, ce dispositif peut être considéré comme
portant atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, dans la
mesure où il fait jouer au garde des Sceaux, membre de
l'exécutif, le rôle d'un magistrat et où il aboutit ainsi
à la création d'un second ministère public ou d'un
" parquet bis ".
D'autre part, dans la pratique, le parquet se trouverait dans une situation
curieuse puisqu'après avoir été désavoué par
le ministre, il devrait reprendre à son compte une poursuite qu'il
n'aurait pas souhaité engager. En outre, la publicité
donnée à cette poursuite risque d'aboutir à une
médiatisation telle que la procédure ne pourrait être que
très rarement, voire jamais engagée et qu'en tout cas la
sérénité des éventuels débats serait quelque
peu compromise.
Enfin, sous la Vème République, ainsi que l'a rappelé le
président Jacques Larché, il n'existe pas de
responsabilité politique individuelle des ministres. Le ministre de la
justice ne saurait donc engager sa responsabilité politique à
l'occasion du recours à cette procédure.
Pour toutes ces raisons, votre commission considère que la
création de ce droit d'action propre du ministre de la justice n'est pas
opportune. Au demeurant, cette procédure n'aurait plus de raison
d'être dans la mesure où, comme votre commission vous le propose,
le garde des Sceaux conserverait la possibilité de donner des
instructions dans les affaires mettant en jeu les intérêts
fondamentaux de l'Etat et où serait instituée une autorité
indépendante susceptible de provoquer l'engagement de poursuites dans
les autres affaires si des considérations d'intérêt
général le justifiaient.
Votre commission vous propose donc d'adopter un
amendement de
suppression
du texte proposé pour l'article 30-1 nouveau du
code de procédure pénale.
Article
30-2 nouveau du code de procédure pénale
Publicité
des orientations générales de la politique pénale
Information du Parlement sur leur mise en oeuvre
Dans un
souci de transparence et de meilleure participation du Parlement, le texte
proposé pour l'article 30-2 nouveau du code de procédure
pénale tend à prévoir la publicité des orientations
générales de la politique pénale et l'information du
Parlement sur les conditions de leur mise en oeuvre.
• Dans son premier alinéa, tel qu'issu des travaux de
l'Assemblée nationale, il pose tout d'abord le principe de la
publicité des directives générales du ministre de la
justice. Selon les informations communiquées à votre rapporteur,
la Chancellerie envisage, comme pour les circulaires actuelles, une publication
systématique au Bulletin officiel du ministère de la justice,
mais pas nécessairement au Journal officiel.
Votre commission vous propose d'adopter cette disposition sous réserve
d'un
amendement de coordination
tendant à remplacer le terme
"
directives
" par le terme "
orientations
".
• Dans son second alinéa, tel que rédigé par
l'Assemblée nationale, le texte proposé pour l'article 30-2
nouveau du code de procédure pénale prévoit l'obligation
pour le ministre de la justice d'informer chaque année le Parlement des
conditions de mise en oeuvre de ses directives générales de
politique pénale, ainsi que de l'application de son pouvoir propre
d'engagement de poursuites pénales, prévu à
l'article 30-1 nouveau du code de procédure pénale.
L'Assemblée nationale a souhaité préciser que cette
information du Parlement donnerait lieu à une déclaration du
ministre de la justice pouvant être suivie d'un débat, qui devrait
normalement avoir lieu dans chacune des deux assemblées.
Votre commission approuve cette disposition tendant à renforcer
l'information du Parlement et à lui permettre d'exercer plus
efficacement sa mission de contrôle de l'action du Gouvernement dans le
domaine de la politique pénale. L'ensemble du dispositif constitue l'un
des aspects les plus positifs et novateurs du projet.
Elle vous propose donc d'adopter le texte proposé pour
l'article 30-2 nouveau du code de procédure pénale sous
réserve d'
amendements
de
coordination
tendant
à substituer le mot "
orientations
" au mot
"
directives
" et à faire disparaître la
référence au droit d'action propre du ministre de la justice
(article 30-1 nouveau du code de procédure pénale) qu'elle
vous a précédemment proposé de supprimer.
Votre commission vous propose d'adopter
l'article premier du projet de
loi
tel que modifié par l'ensemble des
amendements
présentés ci-dessus.
Article additionnel après l'article
1
er
Création d'un procureur général
de la République
Après l'article premier, votre commission vous propose
d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel
prévoyant l'institution d'une autorité indépendante,
placée au sommet de la hiérarchie du ministère public et
chargée d'assurer la cohérence de l'action publique au niveau
national pour ce qui concerne les infractions autres que celles relatives aux
atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et au terrorisme.
Cette autorité serait désignée sous les termes de
"
procureur général de la République
".
La mise en place de cette autorité indépendante répondrait
à la nécessité de garantir une application
homogène, sur l'ensemble du territoire national, de la politique
pénale définie par le Gouvernement, et d'assurer aussi
l'égalité de tous les citoyens devant la loi. Sur le plan
technique, elle aurait en outre pour effet de permettre une coordination de
l'action des procureurs généraux près les cours d'appel
non suspecte de politisation, et garantissant aussi l'impartialité des
décisions du parquet vis-à-vis du pouvoir exécutif.
Elle apporterait ainsi une solution radicale à la question
récurrente de l'influence politique sur la conduite des affaires
pénales.
Elle s'inspirerait des organes indépendants placés à la
tête du parquet dans plusieurs Etats étrangers, tels que par
exemple le Directeur des poursuites publiques anglais, le " Fiscal
général " espagnol ou le procureur général de
la République portugais.
L'amendement propose donc d'introduire dans le code de procédure
pénale un nouveau chapitre intitulé "
Du procureur
général de la République
" qui
s'insérerait entre les divisions respectivement consacrées au
ministre de la justice et au procureur général près la
cour d'appel, et qui comporterait des dispositions relatives aux attributions
et à la désignation du procureur général de la
République.
• S'agissant tout d'abord de ses
attributions
, le procureur
général de la République devrait veiller à la
cohérence de l'exercice de l'action publique sur l'ensemble du
territoire national
et au
respect des orientations
générales de la politique pénale
définies par
le ministre de la justice.
De même que le procureur général près la cour
d'appel est chargé de coordonner l'action des procureurs de la
République, le procureur général de la République
serait chargé de
coordonner l'action des procureurs
généraux
de manière à éviter
d'éventuelles distorsions dans la conduite de l'action publique entre
les ressorts des différentes cours d'appel.
Alors que le garde des Sceaux n'interviendrait plus en aucune façon dans
les affaires individuelles, hormis les cas où les intérêts
fondamentaux de l'Etat seraient en cause, le procureur général de
la République, autorité indépendante et apolitique, aurait
en revanche la possibilité de donner des
instructions
aux
procureurs généraux pour ce qui concerne les infractions autres
que celles visées aux titres Ier et II du livre IV du code
pénal, à condition toutefois qu'elles soient
écrites,
motivées et versées au dossier
, de même que pour les
instructions susceptibles d'être données par les procureurs
généraux aux procureurs de la République. Cette
disposition lui permettrait le cas échéant de faire valoir des
considérations d'intérêt général, par exemple
en matière d'extradition ou encore en cas de mouvements sociaux
menaçant l'ordre public.
Son action devrait s'inscrire dans le cadre général de la loi
pénale et de la politique pénale définie par le
Gouvernement.
Bien entendu, il devrait rendre compte de l'exercice de sa mission, en
adressant chaque année au Président de la République et au
ministre de la justice un
rapport sur son activité
.
• Les modalités de
désignation
du procureur
général de la République devraient permettre de garantir
sa légitimité et son impartialité.
Dans cet esprit, l'amendement propose qu'il soit nommé par le
Président de la République, issu du suffrage universel et qui,
aux termes de l'article 64 de la Constitution, est "
garant de
l'indépendance de l'autorité judiciaire
".
Cependant, afin d'éviter toute politisation de cette nomination, le
Président de la République serait tenu de le choisir sur une
liste de trois personnalités proposées par le Conseil
supérieur de la magistrature, qui est chargé de l'assister dans
sa mission constitutionnelle de garant de l'indépendance de
l'autorité judiciaire. Le Conseil supérieur de la magistrature,
qui se réunirait à cette fin en formation plénière,
resterait pour sa part libre de présenter toute personnalité qui
lui semblerait qualifiée pour exercer les fonctions attribuées au
procureur général de la République. De manière
à assurer son indépendance, le mandat du procureur
général de la République devrait être d'une
durée suffisante, qui pourrait être fixée à cinq
ans, mais ne serait pas renouvelable.
On observera que la nomination du procureur général de la
République par le Président de la République serait
soumise au contreseing du Premier ministre et du ministre de la justice,
conformément aux dispositions des articles 13 et 19 de la
Constitution.
Ainsi serait donc désignée une personnalité
éminente qui pourrait assumer en toute indépendance la
responsabilité d'une application cohérente de la politique
pénale définie par le Gouvernement.
Il convient cependant de ne pas conférer à cette
personnalité une irresponsabilité totale.
L'amendement prévoit donc que dans l'éventualité où
le procureur général de la République se trouverait
empêché d'exercer ses fonctions, de même que dans
l'hypothèse où il aurait commis un manquement grave aux
obligations de sa charge, le Président de la République mettrait
fin à ses fonctions sur décision du Conseil supérieur de
la magistrature saisi par le ministre de la justice et statuant en formation
plénière à la majorité absolue de ses membres.
Désireuse de garantir la cohérence de l'action publique tout en
levant toute ambiguïté quant à son éventuelle
politisation, votre commission vous propose donc de prévoir la mise en
place d'un procureur général de la République
indépendant à la tête du ministère public en
adoptant un
amendement
tendant à insérer après
l'article premier un article additionnel ainsi rédigé.
Article 1
er
bis
(art. 497-1 nouveau du
code de
procédure pénale)
Droit pour les associations de demander
au procureur
de faire appel sur l'action publique
Cet
article, introduit dans le projet de loi par l'Assemblée nationale sur
proposition de M. Alain Tourret, a pour objet d'insérer dans le code de
procédure pénale un article 497-1, afin de permettre aux
associations reconnues d'utilité publique, parties civiles, ayant fait
appel d'un jugement sur leurs intérêts civils, de demander au
procureur de la République de faire appel de la décision sur
l'action publique. Dans les dix jours, le procureur devrait, s'il
décidait de ne pas donner suite à cette demande, informer la
partie civile des motifs de sa décision. En cas de réponse
négative ou en l'absence de réponse, l'association pourrait
former un recours devant le procureur général qui devrait
l'informer des motifs de sa décision s'il décidait de ne pas
interjeter appel.
Le texte proposé prévoit que ses dispositions ne modifient pas
les délais prévus par le code de procédure pénale
en matière d'appel des jugements correctionnels (les parties disposent
de dix jours pour faire appel à l'exception du procureur
général qui dispose de deux mois).
Depuis plusieurs années, le rôle des associations dans le
procès pénal se renforce de manière continue. Le
législateur a en effet reconnu à un grand nombre d'entre elles le
droit de participer au procès, soit en joignant leur action à
celle du procureur ou de la victime soit en mettant elles-mêmes en
mouvement l'action publique. Ainsi, le projet de loi renforçant la
protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, en
cours de discussion, prévoit-il la possibilité pour les
associations de lutte contre les sectes d'exercer les droits reconnus à
la partie civile lorsque l'action publique a été mise en
mouvement par le ministère public ou la partie lésée.
Cette extension continue du rôle des associations dans le procès
pénal n'est pas sans susciter certaines interrogations. M. Pierre
Albertini, député, dans le rapport qu'il a présenté
sur ce sujet au nom de l'office parlementaire d'évaluation de la
législation, note ainsi : "
Dans le procès
pénal, ces groupements n'apparaîtront pas comme des victimes
ordinaires en raison de la nature des intérêts statutaires qu'ils
expriment. Entre l'intérêt général qui guide la
société et l'intérêt particulier des personnes qui
la composent, faut-il admettre l'existence d'une catégorie
intermédiaire ou mixte, empruntant à l'un et à l'autre
certains caractères ?
"
17(
*
)
.
Il est sans doute nécessaire de revoir complètement la question
du rôle des associations dans le procès pénal. En effet, la
législation sur cette question s'est développée de
manière désordonnée et il est difficile de percevoir
aujourd'hui la cohérence de l'ensemble. Certaines associations peuvent
mettre en mouvement l'action publique tandis que d'autres ne peuvent que
joindre leur action à celle du procureur ou de la victime, les
durées d'existence nécessaires pour pouvoir exercer les droits
reconnus à la partie civile ne sont pas les mêmes pour toutes les
associations, dans certains cas la reconnaissance d'utilité publique ou
un agrément est exigé, dans d'autres cas une certaine
durée d'existence est suffisante.
Dans ce contexte, il ne paraît pas souhaitable d'adopter, dans le cadre
du présent projet de loi, une nouvelle mesure ponctuelle, qui
permettrait à certaines associations de demander au procureur de faire
appel sur l'action publique. Une telle évolution mérite une
réflexion approfondie. Le principe de notre procédure
pénale est que les parties civiles peuvent faire appel quant à
leurs intérêts civils seulement. Est-il réellement opportun
de leur permettre d'intervenir dans la décision du procureur en ce qui
concerne l'action publique ? Si une telle évolution est
souhaitable, ne serait-il pas logique qu'elle bénéficie à
toutes les parties civiles et non seulement à certaines
associations ?
Compte tenu des incertitudes qui entourent la mesure proposée, votre
commission vous propose la
suppression
de l'article 1
er
bis.
Article 1
er
ter
(art. 620 du
code de
procédure pénale)
Pourvois dans l'intérêt de
la loi
Cet
article, inséré par l'Assemblée nationale à
l'initiative de Mme Véronique Neiertz, a pour objet de fixer
un délai de six mois pour l'examen par la Cour de cassation des pourvois
dans l'intérêt de la loi formés à la demande du
garde des Sceaux.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 620 du code de procédure
pénale prévoit la possibilité pour le ministre de la
Justice de demander au procureur général près la Cour de
cassation, par un "
ordre formel
", de
"
dénoncer à la chambre criminelle des actes
judiciaires
18(
*
)
, arrêts ou jugements
contraires à la loi
" aux fins d'annulation.
Le pourvoi alors formé par le procureur général
près la Cour de cassation est un pourvoi dans l'intérêt de
la loi qui, lorsqu'il donne lieu à annulation, ne peut porter
préjudice ni au condamné, ni à la partie civile, à
l'égard de laquelle le jugement subsiste et conserve l'autorité
de la chose jugée. L'annulation d'une décision qui serait
reconnue n'être que le résultat d'une application erronée
de la loi pénale peut en revanche profiter au condamné,
conformément aux principes généraux du droit pénal.
Les pourvois dans l'intérêt de la loi formés à
l'initiative du ministre de la justice sont fort peu nombreux ; en effet,
selon les informations communiquées par la Chancellerie, on en recense 5
en 1992, 3 en 1993, 9 en 1994, 4 en 1995, aucun en 1996, 3 en 1997 et aucun en
1998 et 1999.
La nouvelle rédaction de cet article résultant de
l'article 1
er
ter du projet de loi maintient la
faculté pour le ministre de la Justice d'être à
l'initiative d'un pourvoi dans l'intérêt de la loi tout en
complétant le dispositif par la fixation de deux délais :
- un premier délai de dix jours est fixé au procureur
général près la Cour de cassation pour saisir à la
chambre criminelle ;
- et un second délai de six mois est fixé à la Cour de
cassation pour rendre son arrêt.
La précision de ces délais est motivée par le souci que
les pourvois dans l'intérêt de la loi formés à la
demande du garde des Sceaux soient examinés rapidement. Au cours du
débat à l'Assemblée nationale, Mme Véronique
Neiertz a invoqué, à l'appui de son amendement, certains domaines
pouvant nécessiter une intervention exceptionnelle du ministre de la
justice, tels que les problèmes de l'interruption volontaire de
grossesse et de la bioéthique, des sectes, de la liberté de la
presse ou encore de la nationalité.
Cependant la justification de ces délais peut être
contestée car l'examen d'un pourvoi dans l'intérêt de la
loi n'est pas forcément plus urgent que l'examen d'un pourvoi ordinaire.
Au surplus, aucune sanction n'est prévue en cas de non respect de ces
délais par la Cour de cassation.
Il n'apparaît donc pas opportun de fixer de tels délais.
Aussi votre commission vous propose-t-elle d'en rester au texte actuel de
l'article 620 du code de procédure pénale et d'adopter un
amendement de suppression
de l'article 1er.
Article 2
(art. 35 à 37 du code de
procédure pénale)
Attributions du procureur
général près la cour d'appel
Cet
article a pour objet de préciser le rôle du procureur
général près la cour d'appel qui se trouve renforcé
dans le nouveau dispositif. A cette fin, il tend à modifier la section
II du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code de procédure
pénale, intitulée "
Des attributions du procureur
général près la cour d'appel
", dont seuls deux
articles sont laissés inchangés, à savoir, d'une part,
l'article 34 disposant que le procureur général
représente en personne ou par ses substituts le ministère public
auprès de la cour d'appel et auprès de la cour d'assises
instituée au siège de la cour d'appel et, d'autre part,
l'article 38 précisant que les officiers et agents de police
judiciaire sont placés sous la surveillance du procureur
général.
L'Assemblée nationale, suivant les propositions de sa commission des
Lois, a modifié la rédaction de l'article 2 du projet de loi
en y apportant des modifications essentiellement formelles.
Article 35 du code de procédure
pénale
Application de la loi pénale dans le ressort de la
cour d'appel
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 35 du code de procédure
pénale prévoit successivement :
- que le procureur général est chargé de veiller
à l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du
ressort de la cour d'appel ;
- qu'à cette fin, les procureurs de la République
concernés lui adressent un état mensuel des affaires de leur
ressort ;
- et qu'il a le droit de requérir directement la force publique
dans l'exercice de ses fonctions.
Dans sa rédaction résultant du projet de loi tel que
modifié par l'Assemblée nationale, le nouveau texte
proposé pour l'article 35 du code de procédure pénale
reprend la première et la troisième de ces dispositions
19(
*
)
. Il y ajoute en outre la mention selon
laquelle le procureur général a autorité sur tous les
magistrats du ministère public de son ressort, laquelle figure
actuellement à l'article 37 du code de procédure
pénale.
La nouvelle rédaction proposée pour l'article 35 du code de
procédure pénale n'apporte donc pas de modification substantielle
au droit positif.
Votre commission vous propose de l'adopter
sans modification
.
Article 36 du code de procédure
pénale
Coordination de l'application des orientations
générales de la politique pénale
Ainsi
qu'il a été rappelé précédemment (cf.
article 1
er
du projet de loi), l'article 36 du code de
procédure pénale permet actuellement au ministre de la justice de
donner des instructions au procureur général dans les affaires
individuelles.
Cette faculté étant supprimée par le projet de loi,
celui-ci utilise la " coquille " de l'article 36 du code de
procédure pénale pour y insérer des dispositions nouvelles
relatives à la coordination par le procureur général de
l'action des procureurs de la République.
Dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, le
nouveau texte proposé pour l'article 36 du code de procédure
pénale charge en effet le procureur général d'animer et de
coordonner l'application par les procureurs de la République des
directives générales du ministre de la Justice, d'adapter, le cas
échéant, ces directives en fonction des circonstances locales,
ainsi que d'évaluer leur application dans son ressort.
Ces nouvelles dispositions répondent au souci de renforcer le rôle
du procureur général en vue d'une application homogène de
la politique pénale définie par le ministre à travers des
orientations générales que l'Assemblée nationale a
jugé préférable de baptiser " directives ".
Cependant, si une coordination de l'action des procureurs de la
République est ainsi prévue au niveau du procureur
général, en revanche aucune disposition n'est prévue par
le projet de loi pour assurer l'homogénéité de l'action
des procureurs généraux.
Ceux-ci étant en outre autorisés à adapter les
orientations générales définies par le garde des Sceaux en
fonction des circonstances locales, on peut légitimement s'interroger
sur le danger d'une atomisation ou d'une " balkanisation " de la
politique pénale suivant les différentes cours d'appel. Des
distorsions pourraient ainsi apparaître dans l'application de la
politique pénale d'une cour d'appel à l'autre, au risque de
remettre en cause le principe de l'égalité des citoyens devant la
loi.
C'est pourquoi votre commission vous a proposé de confier la
coordination globale de l'action des procureurs généraux à
un procureur général de la République (cf.
article
additionnel après l'article 1
er
).
Au niveau de la cour d'appel, elle approuve la coordination de l'action des
procureurs de la République par le procureur général.
Votre commission vous propose de compléter le texte proposé pour
cet article 36 du code de procédure pénale par un
amendement
tendant à préciser que le procureur
général serait tenu de prendre des réquisitions
écrites conformes aux instructions qui pourraient lui être
données soit par le ministre, pour des affaires mettant en jeu les
intérêts fondamentaux de l'Etat (cf. art. 30 du code de
procédure pénale), soit par le procureur général de
la République pour les autres affaires (cf. art. 30-4 du code de
procédure pénale), de même que le procureur de la
République est tenu de prendre des réquisitions écrites
conformes aux instructions qui lui sont données par le procureur
général (cf. art. 39-2 du code de procédure
pénale).
Votre commission vous propose donc d'adopter le texte proposé pour le
nouvel article 36 du code de procédure pénale, sous
réserve de cet
amendement
ainsi que d'
amendements de
coordination
tendant à remplacer le terme " directives "
par le terme " orientations ".
Article
37 du code de procédure pénale
Instructions du procureur
général aux procureurs
de la République dans les
affaires individuelles
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 37 du code de procédure
pénale pose tout d'abord le principe de l'autorité
hiérarchique du procureur général sur l'ensemble des
magistrats du ministère public du ressort de la cour d'appel ; ce
principe est repris par le projet de loi dans le texte proposé pour le
nouvel article 35 du code de procédure pénale, ainsi qu'il a
été indiqué précédemment.
L'actuel article 37 du code de procédure pénale
confère en outre au procureur général la
prérogative de donner à ces magistrats des instructions dans les
affaires individuelles (ainsi que de leur dénoncer des infractions
à la loi pénale) dans les mêmes conditions que celles
prévues par l'actuel article 36 du code de procédure
pénale pour les instructions du ministre de la justice au procureur
général, ce qui implique notamment l'exigence que ces
instructions soient écrites et versées au dossier.
S'il tend à supprimer toute intervention du ministre de la justice dans
les affaires individuelles, le projet de loi entend en revanche maintenir la
possibilité pour le procureur général de donner des
instructions aux procureurs de la République.
Aussi, le texte proposé pour le nouvel article 37 du code de
procédure pénal précise-t-il les modalités
d'intervention du procureur général dans les affaires
individuelles. Il reproduit à cette fin les dispositions actuellement
prévues en faveur du ministre par l'actuel article 36 du code de
procédure pénale, sous réserve de deux innovations :
- d'une part, les instructions devraient désormais être non
seulement écrites et versées au dossier, mais
motivées
(1
er
alinéa) ;
- d'autre part, les instructions " négatives " faisant
obstacle à la mise en mouvement de l'action publique seraient
désormais explicitement prohibées
(2
nd
alinéa).
Cette interdiction est susceptible de viser les instructions tendant au
classement sans suite, mais aussi des instructions qui tendraient à la
poursuite d'une enquête afin d'empêcher la mise en mouvement de
l'action publique.
Il n'apparaît cependant pas indispensable de la préciser
explicitement dans un second alinéa dans la mesure où le premier
alinéa du texte proposé pour l'article 37 du code de
procédure pénale, décalqué de l'actuel
article 36, n'autorise littéralement que les seules instructions
"
d'engager des poursuites ou de saisir la juridiction
compétente des réquisitions écrites qu'il juge
opportunes
".
Votre commission vous propose donc d'adopter un
amendement
tendant
à supprimer le second alinéa du texte proposé pour
l'article 37 du code de procédure pénale.
Article
37-1 nouveau du code de procédure pénale
Information des
magistrats de la cour d'appel
sur la mise en oeuvre de la politique
pénale
A
l'instar de l'obligation d'information publique du Parlement par le ministre de
la justice des conditions de mise en oeuvre de la politique pénale,
prévue au niveau national par l'article 1
er
du projet de
loi (article 30-2 nouveau du code de procédure pénale), le
texte proposé pour être inséré dans un
article 37-1 nouveau du code de procédure pénale
prévoit l'obligation pour le procureur général d'informer
au moins une fois par an l'assemblée des magistrats de la cour d'appel
des conditions de mise en oeuvre des directives générales du
ministère de la justice dans le ressort de la cour d'appel, cette
information étant rendue publique.
Cette disposition répond au souci de transparence de la politique
pénale qui caractérise le projet de loi.
L'exigence d'une information spécifique de l'ensemble des magistrats (du
siège comme du parquet) sur les conditions locales de la mise en oeuvre
de la politique pénale constitue une innovation ; on rappellera
cependant que ces questions sont d'ores et déjà susceptibles
d'être abordées à l'occasion de l'audience solennelle de
rentrée au cours de laquelle il est fait un exposé de
l'activité de la juridiction durant l'année écoulée
(cf. article R 711-2 du code de l'organisation judiciaire).
Votre commission vous propose d'adopter le texte proposé pour
l'article 37-1 du code de procédure pénale sous
réserve d'un
amendement de coordination
tendant à
substituer le terme "
orientations
" au terme
"
directives
".
Article
37-2 nouveau du code de procédure pénale
Information du
ministre de la justice sur les affaires individuelles
et sur la mise en
oeuvre de la politique pénale
Le texte
proposé pour être inséré dans un nouvel
article 37-2 du code de procédure pénale a pour objet de
prévoir l'obligation pour le procureur général d'informer
le ministre de la justice, d'une part, de manière ponctuelle, sur les
affaires individuelles en cours et, d'autre part, de manière
générale, sur la mise en oeuvre, dans son ressort, de la
politique pénale définie par le ministre. Le devoir d'information
du ministre incombant au procureur général est ainsi pour la
première fois explicité dans un texte.
• S'agissant tout d'abord des
affaires individuelles
, le premier
alinéa impose au procureur général d'informer le ministre
"
des affaires lui paraissant devoir être portées à
sa connaissance
", formule au demeurant peu explicite, ainsi que du
déroulement des procédures correspondant aux affaires pour
lesquelles le ministre aurait exercé son propre droit d'engagement de
poursuites, prévu par l'article 1
er
du projet de loi
(article 30-1 nouveau du code de procédure pénale).
En outre, le ministre pourrait demander à être informé
"
de toute autre affaire dont les parquets sont saisis
", le
procureur général étant tenu de déférer
à cette demande.
Selon les explications fournies par Mme Elisabeth Guigou, garde des
Sceaux, la remontée d'information ainsi organisée doit permettre
au Gouvernement de disposer des éléments de réflexion
nécessaires à l'élaboration de ses orientations
générales de politique pénale.
On peut cependant s'interroger sur la portée concrète de
l'obligation d'information du ministre ; celle-ci s'étend-elle aux
pièces de la procédure couvertes par le secret de l'instruction,
ce qui pourrait entraîner des risques de fuites ?
Votre commission, approuvant la volonté de supprimer toute intervention
du garde des Sceaux dans les affaires individuelles autres que celles mettant
en cause les intérêts fondamentaux de l'Etat, a néanmoins
souhaité que la cohérence générale de la politique
pénale soit assurée par une autorité indépendante,
le procureur général de la République, qui se verrait
conférer la possibilité de donner des instructions dans les
affaires individuelles, à condition qu'elles soient écrites,
motivées et versées au dossier. Dans la logique de cette
proposition, le procureur général de la République serait
également fondé à demander des informations sur les
affaires individuelles.
Par coordination avec ses précédentes propositions, votre
commission vous propose donc d'adopter un
amendement
tendant à
prévoir, s'agissant des affaires individuelles, l'obligation pour le
procureur général d'informer non seulement le ministre de la
justice, mais également le procureur général de la
République, ainsi qu'à faire disparaître la
référence à l'article 30-1 nouveau du code de
procédure pénale relatif au droit d'action propre du ministre
qu'elle vous a précédemment proposé de supprimer.
• Par ailleurs, d'une manière plus générale, le
second alinéa du texte proposé pour le nouvel article 37-2
du code de procédure pénale prévoit l'obligation pour le
procureur général d'adresser au ministre de la justice un
rapport annuel
sur la mise en oeuvre des directives
générales du ministre dans son ressort.
Les rapports annuels ainsi élaborés par les procureurs
généraux devraient contribuer à alimenter la
réflexion du garde des Sceaux en vue de l'élaboration des
orientations générales de sa politique pénale.
Votre commission vous propose d'adopter un
amendement
tendant à
ce que le ministre de la justice transmette ces rapports au procureur
général de la République pour alimenter son information.
Elle vous soumet en outre un
amendement de coordination
tendant à
remplacer le terme "
directives
" par le terme
"
orientations
".
Votre commission vous propose d'adopter
l'article 2 du projet de
loi
tel que modifié par l'ensemble des
amendements
présentés ci-dessus.
Article 3
(art. 39-1 à 39-4 nouveaux du code de
procédure pénale)
Attributions du procureur de la
République
Cet
article a pour objet de préciser le rôle du procureur de la
République. A cette fin, il tend à compléter par quatre
nouveaux articles la section III du chapitre II du titre Ier du
livre Ier du code de procédure pénale, intitulée
"
Des attributions du procureur de la République
",
dont les dispositions actuelles (art. 39 à 44) ne sont pas
modifiées quant au fond.
A l'initiative de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a
remanié la rédaction de l'article 3 du projet de loi en y
apportant des modifications essentiellement formelles.
Article
39-1 nouveau du code de procédure pénale
Application de la
loi pénale dans le ressort
du tribunal de grande instance
Dans sa
rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, le texte
proposé pour le nouvel article 39-1 du code de procédure
pénale constitue le pendant, pour le procureur de la République,
des dispositions prévues par la nouvelle rédaction de
l'article 35 du code de procédure pénale pour le procureur
général (cf. article 2 du projet de loi).
Il précise en effet :
- d'une part, que le procureur de la République est chargé
de faire assurer l'application de la loi pénale dans le ressort du
tribunal de grande instance (alors que le procureur général
veille pour sa part à l'application de la loi pénale dans le
ressort de la cour d'appel) ;
- et, d'autre part, qu'il a le droit de requérir directement la
force publique dans l'exercice de ses fonctions (de même que le procureur
général).
Cette seconde disposition figure actuellement à l'article 42 du
code de procédure pénale, dont l'abrogation est prévue par
le paragraphe II ter de l'article 11 du projet de loi.
Votre commission vous propose d'adopter le texte proposé pour le nouvel
article 39-1 du code de procédure pénale
sans
modification
.
Article
39-2 nouveau du code de procédure pénale
Mise en oeuvre des
orientations générales
de la politique pénale
Dans la
rédaction que lui a donnée l'Assemblée nationale, le texte
proposé pour le nouvel article 39-2 du code de procédure
pénale précise que le procureur de la République doit
mettre en oeuvre les directives générales du ministre de la
justice, qui lui sont transmises par le procureur général, le cas
échéant après adaptation en fonction des circonstances
propres au ressort de la cour d'appel, conformément aux dispositions
prévues par la nouvelle rédaction de l'article 36 du code de
procédure pénale.
Le procureur de la République se voit donc en principe contraint
d'appliquer les orientations générales de la politique
pénale définies par le ministre de la justice ;
néanmoins, le texte du projet de loi lui accorde, de même qu'au
procureur général, une marge d'adaptation en fonction des
circonstances locales du ressort du tribunal de grande instance.
Cette disposition peut être justifiée par un souci de
souplesse ; elle prête cependant à interrogations au regard
de la nécessaire unité de la politique pénale sur
l'ensemble du territoire et du principe de l'égalité des citoyens
devant la loi.
Votre commission vous propose d'adopter le texte proposé pour
l'article 39-2 nouveau du code de procédure pénale sous
réserve d'
amendements de coordination
tendant à substituer
le terme "
orientations
" au terme
"
directives
".
Article
39-3 nouveau du code de procédure pénale
Conformité
des réquisitions écrites
aux instructions du procureur
général
Dans sa
rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, le premier
alinéa du texte proposé pour le nouvel article 39-3 du code
de procédure pénale prévoit l'obligation pour le procureur
de la République de prendre des réquisitions écrites
conformes aux instructions qui lui sont données par le procureur
général, qu'il s'agisse d'une manière
générale des instructions écrites, motivées et
versées au dossier prévues par la nouvelle rédaction de
l'article 37 du code de procédure pénale
(cf. article 2 du projet de loi), ou plus particulièrement des
instructions d'engagement de poursuites délivrées par le
procureur général à la suite de l'exercice d'un recours
hiérarchique contre un classement sans suite dans le cadre des
dispositions prévues par le nouvel article 48-1 du code de
procédure pénale (cf. article 5 du projet de loi).
Il est à souligner que le principe de l'obligation de prendre des
réquisitions écrites conformes aux instructions est
déjà prévu, pour l'ensemble du ministère public,
par la première phrase de l'article 33 du code de procédure
pénale que le paragraphe I de l'article 11 du projet de loi
prévoit d'abroger. D'autre part, le principe de la liberté de
parole du ministère public à l'audience est maintenu puisqu'il
n'est pas prévu de modifier la seconde phrase du même
article 33 du code de procédure pénale qui pose ce
principe
20(
*
)
.
Le premier alinéa du texte proposé pour le nouvel
article 39-3 du code de procédure pénale n'apporte donc pas
de modification substantielle au droit positif.
Quant au second alinéa, il prévoit l'obligation pour le procureur
de la République de mettre en mouvement l'action publique à la
demande de la commission de recours contre les classements sans suite, que tend
à instituer le nouvel article 48-2 du code de procédure
pénale résultant de l'article 4 du projet de loi.
Cependant, votre commission vous proposera de supprimer ce nouvel
article 48-2 du code de procédure pénale, la création
d'une commission de recours contre les classements sans suite ne lui paraissant
pas fondée (cf. commentaire de l'article 5 du projet de loi).
En conséquence, elle vous propose d'adopter un
amendement
tendant
à supprimer le second alinéa du texte proposé pour
l'article 39-3 du code de procédure pénale.
Elle vous propose également d'adopter un autre
amendement de
coordination
tendant à remplacer la référence à
l'article 48-1 nouveau du code de procédure pénale (qu'elle
vous proposera de supprimer) par une référence à
l'article 40-2 nouveau du même code dans lequel elle vous proposera
de faire figurer les dispositions relatives à l'exercice du recours
hiérarchique contre un classement sans suite.
Votre commission vous propose d'adopter le texte proposé pour le nouvel
article 39-3 nouveau du code de procédure pénale
ainsi
modifié
.
Article
39-4 nouveau du code de procédure pénale
Information des
magistrats du tribunal de grande instance
sur la mise en oeuvre de la
politique pénale
Le texte
proposé pour être inséré dans un nouvel
article 39-4 du code de procédure pénale constitue l'exacte
réplique, pour le procureur de la République, du nouvel
article 37-1 du code de procédure pénale
(cf. article 2 du projet de loi) relatif à l'obligation
d'information des magistrats incombant au procureur général.
Il prévoit en effet l'obligation pour le procureur de la
République d'informer au moins une fois par an l'assemblée des
magistrats du tribunal de grande instance des conditions de mise en oeuvre des
directives générales du ministre de la justice dans le ressort du
tribunal de grande instance, cette information étant rendue publique.
De même qu'au niveau de la cour d'appel, l'exigence d'une information
spécifique de l'ensemble des magistrats du tribunal de grande instance
sur les conditions de mise en oeuvre de la politique pénale est
nouvelle, même si ces questions sont d'ores et déjà
susceptibles d'être abordées au cours de l'audience solennelle de
rentrée.
Votre commission vous propose d'adopter le texte proposé pour le nouvel
article 39-4 du code de procédure pénale, sous
réserve d'un
amendement de coordination
tendant à
remplacer le terme "
directives
" par le terme
"
orientations
", ainsi que d'un
amendement
rédactionnel
21(
*
)
.
Article
39-5 du code de procédure pénale
Information du procureur
général sur les affaires individuelles
et sur la mise en
oeuvre de la politique pénale
Le texte
proposé pour être inséré dans un nouvel
article 39-5 du code de procédure pénale tend à
définir les obligations d'information du procureur général
incombant au procureur de la République.
Il s'inspire très précisément des dispositions
prévues par le nouvel article 37-2 du code de procédure
pénale relatif aux obligations d'information du ministre de la justice
incombant au procureur général (cf. article 2 du projet de
loi).
• S'agissant tout d'abord des
affaires individuelles
, le premier
alinéa impose ainsi au procureur de la République d'informer le
procureur général "
des affaires lui paraissant devoir
être portées à sa connaissance
", ainsi que du
déroulement des affaires correspondant aux procédures dans
lesquelles le ministre aurait exercé son droit propre d'engagement de
poursuites prévu par le nouvel article 30-1 du code de
procédure pénale (cf. article 1
er
du projet de
loi).
En outre, le procureur général pourrait demander à
être informé "
de toute autre affaire dont le procureur
est saisi
".
Ces dispositions ont pour objet d'assurer la remontée vers le procureur
général des informations qui lui sont nécessaires pour
exercer son rôle de coordination de l'action des procureurs de la
République et, le cas échéant, leur donner des
instructions dans le cadre des dispositions prévues par la nouvelle
rédaction de l'article 37 du code de procédure pénale
(cf. article 2 du projet de loi).
Par coordination avec les propositions qu'elle vous a faites
précédemment, votre commission vous propose d'adopter un
amendement
tendant à faire disparaître la
référence au droit d'action propre du ministre de la justice
(article 30-1 nouveau du code de procédure pénale) qu'elle
vous a proposé de supprimer.
• Enfin, d'une manière plus générale, le second
alinéa du texte proposé pour l'article 39-5 du code de
procédure pénale prévoit l'obligation pour le procureur de
la République d'adresser au procureur général un
rapport annuel
sur la mise en oeuvre des directives
générales du ministre de la justice dans son ressort.
Les rapports ainsi élaborés par les procureurs de la
République sont destinés à permettre au procureur
général de préparer le rapport annuel de synthèse
adressé au garde des Sceaux.
Votre commission vous propose d'adopter cette disposition sous réserve
d'un
amendement de coordination
tendant à substituer au terme
"
directives
" le terme "
orientations
".
Elle vous propose d'adopter l'
article 3 du projet de loi
après l'avoir modifié par l'ensemble des
amendements
présentés ci-dessus.
CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX
CLASSEMENTS
SANS SUITE
Par coordination avec un amendement présenté à l'article 4, votre commission vous soumet un amendement tendant à modifier l'intitulé de ce chapitre pour remplacer la référence aux classements sans suite par une référence aux décisions de ne pas poursuivre.
Article 4
(art. 40-1 nouveau du code de
procédure
pénale)
Notification et motivation des classements sans suite
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 40 du code de procédure
pénale prévoit notamment que le procureur avise le plaignant du
classement de l'affaire ainsi que la victime lorsqu'elle est identifiée.
Depuis l'adoption de la loi n° 98-468 du 17 juin 1998
relative aux infractions sexuelles et à la protection des mineurs, cet
article prévoit également l'obligation pour le procureur de
motiver et de notifier par écrit le classement lorsqu'il s'agit de
certaines infractions à caractère sexuel commises contre des
mineurs. La motivation des classements sans suite est actuellement
limitée à ces seules infractions.
L'article 4 du projet de loi tend à insérer après
l'article 40 du code de procédure pénale un
article 40-1 prévoyant, dans son premier alinéa, la
notification par écrit et la motivation de l'ensemble des
décisions de classement sans suite. Le projet de loi initial ne
prévoyait d'inscrire dans l'article 40-1 nouveau que l'obligation de
motivation, mais l'Assemblée nationale a préféré
regrouper au sein du même article les dispositions sur la notification
écrite et celles sur la motivation.
Par ailleurs, dans la rédaction initiale du projet de loi, cette
exigence de notification et de motivation n'était pas prévue pour
les classements effectués pour cause d'absence d'identification de
l'auteur des faits, mais l'Assemblée nationale a
préféré généraliser ce système. De
fait, il paraît difficilement justifiable que certains classements soient
motivés et d'autres pas, sauf à considérer que les
classements pour absence d'identification de l'auteur des faits seraient
imputables aux forces de police et que le procureur n'aurait donc pas à
se préoccuper d'informer le plaignant du motif du classement.
Le texte prévoit que la décision de classement doit être
motivée en distinguant les considérations de droit et de fait.
Cette précision est apparue sans portée à votre
commission. En effet, la chancellerie et les parquets ont élaboré
une table de motifs qui sera utilisée pour l'élaboration de
lettres types aux plaignants. En pratique, ces lettres ne feront pas
apparaître une distinction explicite entre des considérations de
droit et des considérations de fait. Ainsi, lorsqu'un procureur
écrit à un plaignant : "
Après enquête,
j'estime que les faits dénoncés ne peuvent constituer une
infraction pénale. J'ai donc décidé de classer sans suite
votre plainte
", il est difficile de percevoir une distinction entre
des considérations de droit et des considérations de fait. Votre
commission vous soumet donc un
amendement
de suppression de cette
référence à la distinction entre considérations de
droit et considérations de fait.
Le deuxième alinéa du texte proposé pour
l'article 40-1 nouveau du code de procédure pénale
prévoit que la décision de classement doit préciser les
conditions dans lesquelles la victime, le plaignant ou la personne ayant
dénoncé les faits peuvent, selon les cas, soit engager des
poursuites par voie de citation directe ou de plainte avec constitution de
partie civile, ainsi que les conditions dans lesquelles elles peuvent
bénéficier de l'aide juridictionnelle, soit exercer un recours
contre la décision de classement (ce recours est prévu par
l'article 5 du projet de loi). Votre commission vous soumet un
amendement
de coordination avec un autre amendement
présenté à l'article 5.
Enfin, le dernier alinéa de cet article précise que la
décision de classement rappelle les dispositions du code pénal et
du code de procédure pénale relatives aux dénonciations
calomnieuses et aux constitutions de partie civile abusives ou dilatoires.
D'après les informations transmises à votre rapporteur, il semble
que la notification écrite des décisions de classements sans
suite soit d'ores et déjà fort répandue (le texte actuel
de l'article 40 du code de procédure pénale prévoit que le
procureur avise le plaignant ainsi que la victime lorsqu'elle est
identifiée), même si elle ne revêt pas un caractère
systématique. En ce qui concerne la motivation, elle tend
également à se généraliser, notamment grâce
à l'élaboration d'une table des motifs de classements
désormais utilisée par l'ensemble des parquets. L'article 4
a donc pour objet de généraliser et de rendre obligatoires des
pratiques déjà répandues. Les dispositions
proposées méritent donc d'être approuvées.
Toutefois, la notion de classement recouvre des réalités
très différentes. Il paraît nécessaire de faire
évoluer la terminologie employée afin d'éviter que des
procédures ayant donné lieu à un traitement soient
néanmoins classées parmi les classements sans suite. Ainsi, les
procédures dites " de la troisième voie " ou
" alternatives aux poursuites ", telles que le rappel à la loi
ou la médiation entrent parmi les statistiques des classements sans
suite au motif qu'il n'y a pas mise en mouvement de l'action publique. La
médiation ne peut être assimilée à un classement,
encore moins à un classement sans suite. Dans ces conditions, votre
commission souhaite éviter de consacrer dans le code de procédure
pénale le terme de classements sans suite. C'est pourquoi elle vous
soumet un
amendement
tendant à remplacer la notion de
décision de classement par celle de décision de ne pas
poursuivre.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 4
ainsi
modifié
.
Article 5
(art. 48-1 à 48-5 nouveaux du code de
procédure pénale)
Recours contre les classements sans
suite
L'article 5 du projet de loi tend à instituer un
système de recours contre les décisions de classement des
plaintes et dénonciations. La mise en place d'un tel recours a
été proposée par la commission de réflexion sur la
justice présidée par M. Pierre Truche. Celle-ci avait
suggéré la mise en place d'une commission composée de
manière similaire à la commission des requêtes de la Cour
de justice de la République. Cette commission aurait été
saisie non seulement des recours contre les classements sans suite, mais
également des recours contre les refus d'étendre la saisine d'un
juge d'instruction en cas de découverte par ce dernier de faits nouveaux.
Le Gouvernement a choisi, dans le présent projet de loi, de consacrer le
recours hiérarchique ouvert à toute personne devant le procureur
général et de proposer la mise en place de commissions
régionales de recours composées exclusivement de membres du
ministère public.
1- Le dispositif proposé
Le présent article tend donc à insérer au sein du chapitre
du code de procédure pénale consacré au ministère
public une section V intitulée " Des recours contre les classements
sans suite " et comportant sept articles numérotés 48-1
à 48-6.
• Le texte proposé pour
l'article 48-1
nouveau du
code de procédure pénale pose, dans son premier alinéa, le
principe de la possibilité d'un recours contre les décisions de
classements.
Le recours ne serait ouvert qu'aux personnes n'ayant pas
qualité pour se constituer partie civile et justifiant d'un
intérêt suffisant
.
Le deuxième alinéa prévoit que le recours est possible
contre les décisions de classement sans suite prises en application de
l'article 80 du code de procédure pénale. L'article 80 concerne
les faits non visés au réquisitoire et portés à la
connaissance du juge d'instruction. Il prévoit que le juge d'instruction
doit immédiatement communiquer au procureur les plaintes ou
procès-verbaux qui concernent ces faits nouveaux. Le procureur doit
alors apprécier la suite qu'il convient de leur donner. Dans sa
rédaction issue de la loi n°99-515 du 23 juin 1999
renforçant l'efficacité de la procédure pénale,
l'article 80 précise que le procureur peut décider d'un
classement sans suite.
Le troisième alinéa du texte proposé pour cet article
prévoit que le recours doit être adressé au procureur
général dans le mois suivant la notification du classement ou, en
l'absence d'une telle notification, à l'expiration d'un délai de
huit mois à compter de la dénonciation. Le procureur
général pourrait alors enjoindre au procureur de la
République d'engager des poursuites ou confirmer la décision de
classement en informant le plaignant des conditions dans lesquelles il peut
porter le recours devant la commission de recours compétente.
Le quatrième alinéa du texte proposé pour cet article
prévoit que le requérant peut saisir la commission de recours
compétente dans le mois suivant la décision de confirmation du
classement ou, en l'absence de réponse du procureur
général, à compter d'un délai de deux mois suivant
la saisine.
• Le texte proposé pour l'
article 48-2
nouveau du
code de procédure pénale concerne les commissions de recours qui
pourraient être saisies en cas de confirmation de la décision de
classement par le procureur général. Ces commissions seraient
compétentes sur le ressort de plusieurs cours d'appel et
composées exclusivement de magistrats des parquets des
différentes cours d'appel situées dans leur ressort,
désignés pour cinq ans. Le texte initial prévoyait la
désignation des membres des commissions par les assemblées
générales des magistrats des cours d'appel, mais
l'Assemblée nationale a estimé préférable qu'ils
soient désignés par les seuls magistrats du parquet. Le nombre
des commissions de recours ainsi que leur ressort, leur siège et le
nombre de magistrats de chaque cour d'appel les composant seraient fixés
par décret en Conseil d'Etat. Le texte proposé prévoit
logiquement que les magistrats de la cour d'appel dans le ressort de laquelle
un recours a été formé ne pourront pas siéger lors
de l'examen de ce recours.
• Le texte proposé pour l'
article 48-3
nouveau du
code de procédure pénale concerne les modalités de recours
devant le procureur général et devant la commission de recours.
Dans les deux cas, le recours devrait faire l'objet d'une requête
motivée adressée par lettre recommandée avec demande
d'avis de réception. Le recours au procureur général
devrait être accompagné de l'avis de classement du procureur de la
République ou de la dénonciation lorsque celle-ci est
restée sans réponse. Le recours auprès de la commission
devrait être accompagné de l'avis de classement et de la
décision de confirmation du procureur général ou, en
l'absence de réponse de celui-ci, de la justification du recours qui lui
a été adressé.
• Le texte proposé pour l'
article 48-4
nouveau du
code de procédure pénale prévoit que la commission de
recours statue sur dossier, qu'elle peut se faire communiquer copie de la
procédure d'enquête ou d'instruction et demander au
requérant ou au procureur général des
éléments d'informations supplémentaires. Si la commission
estimait la poursuite justifiée, elle pourrait demander au procureur de
la République de mettre en mouvement l'action publique. La
décision devrait être motivée et notifiée au
procureur de la République, au procureur général et au
requérant. Elle serait insusceptible de recours.
• Le texte proposé pour l'
article 48-5
nouveau du
code de procédure pénale tend à permettre à la
commission de recours de demander au ministère public de citer un
requérant devant le tribunal correctionnel lorsqu'elle estime qu'elle a
été abusivement saisie. Le tribunal pourrait condamner l'auteur
du recours abusif à une amende civile d'un montant maximal de
10.000 F (le texte initial prévoyait un montant de 100.000 F
que l'Assemblée nationale a jugé excessif).
• Enfin, le texte proposé pour l'
article 48-6
nouveau
du code de procédure pénale, inséré dans le projet
de loi par l'Assemblée nationale, prévoit que les recours
formés contre les décisions de classement suspendent, au seul
bénéfice du ministère public, la prescription de l'action
publique à l'égard des faits dénoncés. De fait, le
dispositif de recours serait tout à fait vain si, au terme de la
procédure, la prescription devait empêcher la mise en mouvement de
l'action publique.
2- La position de votre commission
Le dispositif proposé est apparu peu convaincant à votre
commission. Il convient tout d'abord de rappeler que
le recours
hiérarchique devant le procureur général existe d'ores et
déjà aujourd'hui, même s'il n'est pas inscrit dans un texte
législatif
. Le projet de loi tend donc à codifier et à
encadrer ce recours, ce qui peut être utile afin d'assurer une meilleure
information des justiciables.
Toutefois, le texte proposé tend à n'offrir ce recours devant le
procureur général qu'aux personnes n'ayant pas qualité
pour se constituer partie civile si elles justifient d'un intérêt
suffisant. Or, actuellement, le recours hiérarchique est - par
définition - ouvert à tous les citoyens et l'on voit mal pourquoi
les victimes directes d'une infraction n'en bénéficieraient plus.
Le texte proposé risque pourtant d'être interprété
de cette manière.
Rappelons que la procédure de constitution de partie civile implique le
versement d'une consignation et que nombre de victimes peuvent
préférer que l'action publique soit mise en mouvement par le
procureur de la République. Il ne paraît pas souhaitable
d'écarter du droit au recours hiérarchique les personnes les plus
directement concernées par une infraction, même si elles disposent
d'autres moyens d'action.
En outre, la notion d'intérêt suffisant pour former un recours
laisse la porte ouverte à toutes les interprétations. Enfin, la
mention explicite du fait que le recours est possible contre les
décisions de classement prises en application de l'article 80 du code de
procédure pénale (relatif aux faits nouveaux en cours
d'instruction) paraît tout à fait inutile, dans la mesure
où les classements de l'article 80 ne diffèrent en rien des
autres classements.
Dans ces conditions, votre commission vous propose
d'accepter d'inscrire
explicitement dans le code de procédure pénale la
possibilité d'un recours devant le procureur général
contre les décisions de ne pas poursuivre tout en ouvrant ce droit
à toutes les personnes ayant dénoncé les faits au
procureur de la République comme c'est actuellement le cas
. Elle
vous propose également de préciser explicitement qu'il s'agit
d'un recours hiérarchique et d'inscrire cette disposition
immédiatement après l'article du code de procédure
pénale relatif à la motivation des décisions de ne pas
poursuivre. Cette proposition présente l'avantage d'encadrer le recours
hiérarchique dans des délais, que le requérant ait
qualité pour se constituer partie civile ou pas.
La seconde partie du système de recours proposé dans le projet de
loi a moins convaincu votre commission des lois. La mise en place de
commissions de recours compétentes sur le ressort de plusieurs cours
d'appel, composées de magistrats du parquet désignés par
les assemblées générales des magistrats du parquet des
cours d'appel intéressées, paraît très complexe
alors même que la justice pénale souffre d'abord de son
engorgement, de son incapacité à traiter dans des délais
raisonnables les affaires portées devant elles. Sur le plan pratique, la
composition de ces commissions peut être contestée. N'est-il pas
singulier qu'un projet de loi, qui réaffirme par ailleurs le principe de
hiérarchisation du parquet, puisse avoir pour conséquence de
permettre à une commission composée de substituts d'invalider la
décision d'un procureur général ?
Il est vrai que, dans une version initiale, le projet de loi prévoyait
la présence de magistrats du siège au sein des commissions de
recours, solution bien plus contestable encore.
Sur le plan des principes, on perçoit difficilement l'apport qui
pourrait être celui de ces commissions. Celles-ci ne seraient saisies que
lorsqu'un procureur et un procureur général auraient
estimé que la mise en mouvement de l'action publique ne s'imposait pas.
En outre, les commissions ne seraient saisies que des demandes émanant
de personnes n'ayant pas qualité pour se constituer partie civile ou
engager des poursuites par voie de citation directe.
Dans ces conditions, il est difficile de cerner le type d'affaires susceptibles
de justifier la mise en place des commissions de recours. L'exemple le plus
souvent cité à votre rapporteur a été celui de
grands-parents dénonçant des violences parentales exercées
sur leurs petits-enfants. Si ce type d'affaires a longtemps été
ignoré, elles sont aujourd'hui attentivement examinées par les
parquets et l'on voit mal pourquoi une plainte fondée en cette
matière échapperait successivement à la vigilance d'un
procureur de la République et d'un procureur général.
En définitive, le dispositif proposé comporte des
inconvénients sérieux et paraît excessivement complexe pour
le bénéfice qui peut en être attendu. Votre commission vous
propose donc, par un
amendement
, la
suppression du recours devant
une commission régionale
. Elle propose en revanche d'accepter
d'inscrire dans la loi le principe du recours hiérarchique devant le
procureur général sans pour autant qu'une nouvelle section soit
nécessaire dans le code de procédure pénale. Votre
commission estime que ce recours peut être utilement prévu
après l'article 40-1 nouveau du code de procédure
pénale, relatif à la notification et à la motivation des
décisions de ne pas poursuivre.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 5
ainsi
modifié
.
CHAPITRE III
DISPOSITIONS RENFORÇANT LE
CONTRÔLE
DE L'AUTORITÉ JUDICIAIRE SUR LA POLICE
JUDICIAIRE
Article 6
(art. 14 du code de
procédure
pénale)
Prise en compte des directives générales de
politique pénale
dans l'activité de la police judiciaire
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 14 du code de procédure
pénale dispose notamment que la police judiciaire est chargée de
constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les
preuves et d'en rechercher les auteurs tant qu'une information n'est pas
ouverte.
Le présent article tend simplement à prévoir que ces
missions de la police judiciaire s'exercent dans le cadre des directives
générales de politique pénale que le projet de loi tend
à consacrer. Si la mesure proposée apparaît de
portée limitée, il peut effectivement être utile de
rappeler que les orientations de politique pénale concernent non
seulement les procureurs, mais également la police judiciaire,
l'activité de celle-ci étant, aux termes de l'article 41 du
code de procédure pénale, dirigée par le procureur de la
République.
Votre commission vous soumet un
amendement
de coordination et vous
propose d'adopter l'article 6
ainsi modifié
.
Article 7
(art. 41 du code de procédure
pénale)
Renforcement des attributions du procureur de la
République
en matière de police judiciaire
L'article 41 du code de procédure pénale
définit les attributions du procureur de la République en
matière de police judiciaire. Il prévoit notamment que le
procureur de la République procède ou fait procéder
à tous les actes nécessaires à la recherche et à la
poursuite des infractions à la loi pénale et qu'il dirige
l'activité des officiers et agents de police judiciaire dans le ressort
de son tribunal. Cet article dispose également que le procureur de la
République contrôle les mesures de garde à vue, qu'il a
tous les pouvoirs et prérogatives attachés à la
qualité d'officier de police.
Le présent article tend à compléter ces dispositions de
l'article 41 du code de procédure pénale afin de renforcer
le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire.
Le texte proposé prévoit que le procureur contrôle non
seulement les mesures de garde à vue, mais également le
déroulement des enquêtes.
Il dispose en outre que le procureur donne connaissance aux officiers et agents
de police judiciaire des directives générales de la politique
pénale qui doivent être mises en oeuvre dans son ressort. Votre
commission vous soumet un
amendement
de coordination pour tenir compte
de sa décision de remplacer les directives générales par
des orientations générales.
Ces mesures paraissent d'une portée limitée et il apparaît
à votre commission que, pour certaines d'entre elles, elles sont
déjà appliquées, en particulier le contrôle du
déroulement des enquêtes par le procureur.
Deux dispositions de cet article paraissent plus novatrices. Ainsi le procureur
de la République et les chefs de services de police ou de gendarmerie
devraient se tenir informés au moins une fois par trimestre des moyens
à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs fixés par les
directives générales de politique pénale.
Par ailleurs, en cas d'enquête longue ou complexe, le procureur de la
République et le chef du service saisi définiraient d'un commun
accord les moyens à mettre en oeuvre pour procéder aux
investigations nécessaires.
Il est possible de s'interroger sur l'intérêt de ces dispositions.
L'exposé des motifs du projet de loi indique qu'"
il est
proposé de donner aux autorités judiciaires un droit de regard
sur l'affectation des effectifs de police judiciaire dont celles-ci sont
actuellement dépourvues
". L'intention est louable, mais les
expressions choisies (le procureur et les chefs de service "
se
tiennent informés
", "
définissent d'un commun
accord
") n'apportent rigoureusement rien au droit positif et peuvent
même donner le sentiment que le procureur et les chefs des services de
police et de gendarmerie sont placés sur un pied d'égalité
alors que l'article 41 du code de procédure pénale
précise par ailleurs clairement que le procureur de la République
"
dirige l'activité des officiers et agents de police judiciaire
dans le ressort de son tribunal
".
Dans ces conditions, votre commission vous propose par deux
amendements
de supprimer les deux dispositions relatives aux moyens à mettre en
oeuvre, considérant qu'elles ne renforcent en rien le contrôle de
l'autorité judiciaire sur la police judiciaire et paraissent même
avoir l'effet inverse.
Elle vous propose d'adopter l'article 7
ainsi modifié
.
Article 8
(art. 75-1 et 75-2 nouveaux du code de
procédure pénale)
Fixation d'un délai en
matière d'enquête préliminaire
Information du procureur
en cas d'identification d'un suspect
Cet
article a pour objet d'insérer dans le code de procédure
pénale deux nouveaux articles après l'article 75 relatif aux
enquêtes préliminaires.
• Le texte proposé pour l'
article 75-1
nouveau du code
de procédure pénale prévoit que le procureur de la
République fixe le délai dans lequel une enquête
préliminaire doit se dérouler lorsqu'il donne instruction aux
officiers de police judiciaire de procéder à une telle
enquête. Ce délai pourrait être prorogé au vu des
justifications fournies par les enquêteurs.
L'Assemblée nationale a ajouté un alinéa au texte
proposé, afin de prévoir qu'en cas d'enquête menée
d'office par les officiers de police judiciaire, ceux-ci rendent compte au
procureur de la République de son état d'avancement lorsqu'elle
est commencée depuis plus de six mois.
La portée du texte proposé apparaît peu importante. Rien en
effet n'interdit aujourd'hui au procureur de fixer un délai pour le
déroulement d'une enquête préliminaire qu'il ordonne. En
pratique, il est toutefois souvent difficile d'avoir, au moment où une
enquête préliminaire est ordonnée, une idée claire
de la durée prévisible de cette enquête. Même s'il
est possible de considérer qu'elles auraient davantage leur place dans
une circulaire que dans la loi, les mesures proposées peuvent conduire
à renforcer les liens entre la police judiciaire et les procureurs en
imposant des bilans périodiques de l'état d'avancement d'une
enquête préliminaire.
• Le texte proposé pour l'
article 75-2
nouveau du
code de procédure pénale tend à imposer aux officiers de
police judiciaire qui mènent une enquête préliminaire
concernant un crime ou un délit d'aviser le procureur de la
République dès qu'une personne à l'encontre de laquelle
existent des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté
de commettre l'infraction est identifiée.
Une telle mesure peut, au premier abord, susciter un certain étonnement
dans la mesure où il est permis d'espérer que, d'ores et
déjà, en l'absence d'un tel texte, les officiers de police
judiciaire informent le procureur de l'identification d'un suspect au cours
d'une enquête préliminaire.
Toutefois, la disposition proposée peut présenter un
intérêt dans le cas des enquêtes préliminaires
auxquelles les officiers de police judiciaire procèdent d'office. En
effet, aux termes de l'article 75 du code de procédure
pénale, les officiers de police judiciaire procèdent à des
enquêtes préliminaires soit sur instruction du procureur de la
République, soit d'office. Il paraît effectivement souhaitable que
le procureur soit informé du déroulement d'une enquête
préliminaire -et notamment de l'identification d'un suspect- même
lorsque l'enquête n'a pas été entreprise à sa
demande.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 8
sans modification
.
Article 9
(art. 152-1 nouveau du code de
procédure pénale)
Droit de regard du juge d'instruction sur
les moyens
mis en oeuvre en cas de commission rogatoire
L'article 7 du projet de loi tend notamment à
compléter l'article 41 du code de procédure pénale
pour prévoir que lorsque la durée ou la complexité d'une
enquête le justifie, le procureur de la République et le chef de
service saisi définissent d'un commun accord les moyens à mettre
en oeuvre pour procéder aux investigations nécessaires.
Le présent article a pour objet d'insérer un article 152-1
après l'article 152 du code de procédure pénale, afin
de prévoir l'application de cette disposition aux commissions rogatoires
délivrées par le juge d'instruction.
Votre commission considère que cette disposition n'apporte rien au droit
positif et risque d'aller à l'encontre de l'objectif du renforcement du
contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire en
donnant le sentiment que magistrats et chefs de service de la police ou de la
gendarmerie sont placés sur un pied d'égalité.
Par cohérence avec la décision prise à l'article 7,
votre commission vous propose la
suppression
de l'article 9.
Article 10
(art. 227 du code de procédure
pénale)
Application immédiate des décisions prises
par la chambre d'accusation en matière disciplinaire
En
matière disciplinaire, un triple contrôle peut s'exercer sur les
officiers de police judiciaire. L'autorité hiérarchique est tout
d'abord habilitée à prendre des mesures disciplinaires.
Par ailleurs, l'article 13 du code de procédure pénale dispose
que la police judiciaire est placée "
dans chaque ressort de
cour d'appel, sous la surveillance du procureur général et sous
le contrôle de la chambre d'accusation
".
Le procureur général, en vertu de l'article R. 15-2 du code
de procédure pénale, peut prononcer le retrait ou la suspension
de l'habilitation à exercer les attributions attachées à
la qualité d'officier de police judiciaire.
En 1998, 17 suspensions d'habilitations et 14 retraits d'habilitation ont
été prononcés par les procureurs généraux.
Les articles 16-2 et 16-3 du code de procédure pénale organisent
un recours contre les décisions du procureur général
devant une commission composée de trois magistrats du siège de la
Cour de cassation ayant le grade de président de chambre ou de
conseiller.
Enfin, en vertu de l'article 224 du code de procédure
pénale, la chambre d'accusation est chargée d'exercer un
contrôle sur l'activité des fonctionnaires civils et militaires,
officiers et agents de police judiciaire, pris en cette qualité.
Conformément à l'article 227 du code de procédure
pénale, la chambre d'accusation peut adresser des observations à
l'officier ou agent de police judiciaire ou décider qu'il ne pourra,
temporairement ou définitivement, exercer, soit dans le ressort de la
cour d'appel, soit sur l'ensemble du territoire, ses fonctions d'officier de
police judiciaire et de délégué du juge d'instruction ou
ses fonctions d'agent de police judiciaire.
Une difficulté s'est récemment posée à propos de
cette dernière disposition dans l'affaire concernant M. Olivier
Foll, ancien directeur de la police judiciaire à la préfecture
de police. La chambre d'accusation a suspendu M. Foll de ses fonctions de
police judiciaire parce qu'il avait fait interdiction à des officiers de
police judiciaire placés sous son autorité d'assister un juge
d'instruction au cours d'une perquisition au motif qu'aucune commission
rogatoire expresse ni aucune réquisition écrite n'avaient
été délivrées.
Examinant le pourvoi formé par l'intéressé, la chambre
criminelle de la cour de cassation a notamment souligné que le recours
avait un effet suspensif. Elle a en effet considéré que
"
les décisions juridictionnelles des chambres d'accusation,
statuant sur le fondement des articles 224 à 230 du code de
procédure pénale, sont susceptibles d'un pourvoi en
cassation ; que, conformément à la règle posée
par l'article 569 et en l'absence d'une dérogation expresse de la
loi, ce recours a un effet suspensif, à la différence de celui
prévu par les dispositions réglementaires de
l'article R.15-16 du même code, concernant les mesures
administratives de retrait ou de suspension de l'habilitation des officiers de
police judiciaire prises par arrêté du procureur
général, immédiatement
exécutoires
"
.
Le présent article a pour objet de compléter l'article 227
du code de procédure pénale afin de prévoir que les
décisions de la chambre d'accusation en cette matière prennent
effet immédiatement. Il est en effet paradoxal que les décisions
de retrait ou de suspension de l'habilitation des officiers de police
judiciaire par le procureur général prennent effet
immédiatement, contrairement aux décisions d'interdiction
d'exercer les fonctions d'officier de police judiciaire prises par la chambre
d'accusation.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 10
sans modification.
Article additionnel après l'article
10
Participation de l'inspection générale des services
judiciaires aux enquêtes administratives concernant les officiers de
police judiciaire
En 1991,
une commission de contrôle sénatoriale sur les conditions de
fonctionnement des services judiciaires présidée par M. Hubert
Haenel et dont le rapporteur était M. Jean Arthuis, a proposé,
afin de renforcer le contrôle de l'autorité judiciaire sur la
police judiciaire, la création d'une inspection générale
de la police judiciaire placée sous l'autorité du ministre de la
justice.
En juin dernier, examinant le projet de loi relatif au renforcement de la
présomption d'innocence et aux droits des victimes, le Sénat a
adopté, sur proposition de M. Hubert Haenel, un amendement
prévoyant la création d'une inspection générale de
la police judiciaire compétente en cas d'infraction commise par un
officier de police judiciaire. Le Sénat a estimé
nécessaire de montrer l'importance qu'il attache à cette
question, même si l'amendement présenté n'avait qu'un lien
indirect avec le projet de loi en discussion.
Le présent projet de loi comporte un chapitre entier consacré aux
rapports entre l'autorité judiciaire et la police judiciaire. Son examen
constitue donc la meilleure opportunité pour le législateur
d'adopter une mesure en faveur d'un véritable contrôle de
l'autorité judiciaire sur la police judiciaire.
Plutôt que d'envisager la constitution d'une nouvelle inspection, votre
commission propose que les enquêtes administratives concernant le
comportement d'officiers et d'agents de police judiciaire puissent être
ordonnées par le ministre de la justice et qu'elles associent
systématiquement l'inspection générale des services
judiciaires au service d'enquête compétent. Ces inspections
seraient dirigées par un magistrat.
La commission de réflexion sur la justice présidée par M.
Pierre Truche a défendu une position très proche de celle de
votre commission : "
L'inspection des activités de police
judiciaire en cas d'incident dans l'exécution du service, si elle doit
associer policiers et gendarmes détachés, doit être aussi
composée de magistrats et dirigée par l'un d'eux, voire
rattachée à l'inspection générale des services
judiciaires ".
Le système proposé par votre commission permettra d'associer
magistrats d'une part, policiers et gendarmes d'autre part, aux enquêtes
concernant le comportement d'officiers ou d'agents de police judiciaire dans
l'exercice de missions de police judiciaire.
Votre commission vous propose donc d'adopter un
amendement
tendant
à insérer un article additionnel ainsi rédigé
après l'article 10 du projet de loi.
CHAPITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 11
Coordinations et dispositions
diverses
Cet
article tend à opérer certaines coordinations dans le code de
procédure pénale rendues nécessaires par les autres
dispositions du projet de loi. L'Assemblée nationale l'a
complété afin de renforcer les attributions du garde des sceaux
dans l'exercice du droit d'action qui lui est reconnu par le projet de loi. Le
présent article contient enfin une disposition novatrice tendant
à permettre aux députés et aux sénateurs de visiter
à tout moment les établissements pénitentiaires
situés dans leur département.
• Le
paragraphe I
tend à supprimer la première
phrase de l'article 33 du code de procédure pénale, qui
prévoit que le procureur de la République prend des
réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont
données dans les conditions prévues aux articles 36, 37 et 44.
Cette suppression est logique, dans la mesure où ce texte est repris et
adapté, pour tenir compte notamment de la suppression des instructions
individuelles du garde des sceaux, dans le texte proposé à
l'article 3 du projet de loi pour l'article 39-3 du code de procédure
pénale.
• Le
paragraphe II
tend à supprimer, dans les articles 34 et
39 du code de procédure pénale, des références au
code forestier et au code rural. L'article 34 du code de procédure
pénale prévoit que le procureur général
représente le ministère public auprès de la cour d'appel
et de la cour d'assises sans préjudice des dispositions de l'article 105
du code forestier et de l'article 446 du code rural. L'article 39
prévoit pour sa part que le procureur représente le
ministère public auprès du tribunal de grande instance sans
préjudice des mêmes articles des mêmes codes.
La suppression de ces références dans le code de
procédure pénale est opportune. En effet, les articles 105 du
code forestier et 446 du code rural n'existent plus et ont respectivement fait
place aux articles L. 153-1 du code forestier et L. 238-2 du code rural. Ces
articles prévoient que des fonctionnaires qualifiés à cet
effet exercent, conjointement avec le ministère public, les poursuites
de certaines infractions. Leurs dispositions ne contredisent en rien les
articles 34 et 39 du code de procédure pénale et n'ont donc pas
à être rappelées dans ce code.
• Le
paragraphe II bis
, inséré dans le
projet de loi par l'Assemblée nationale, tend à supprimer les
dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale qui
prévoient la notification au plaignant du classement de l'affaire, ainsi
que la motivation des décisions de classement dans certaines affaires
concernant des infractions à caractère sexuel commises contre un
mineur.
La suppression de ces dispositions est logique, le projet de loi
insérant par ailleurs un nouvel article 40-1 dans le code de
procédure pénale, qui tend à prévoir la
notification et la motivation de l'ensemble des décisions de classement.
• Le
paragraphe II ter
, inséré dans le projet de loi
par l'Assemblée nationale, tend à abroger l'article 42 du code de
procédure pénale, qui permet au procureur de la République
de requérir directement la force publique. La suppression de cet article
se justifie par la reprise de cette disposition dans le texte proposé,
à l'article 3 du projet, pour l'article 39-1 du code de procédure
pénale.
• Le
paragraphe II quater
, inséré par
l'Assemblée nationale, a pour objet de compléter l'article 51 du
code de procédure pénale, qui prévoit que le juge
d'instruction ne peut informer qu'après avoir été saisi
par un réquisitoire du procureur de la République ou par une
plainte avec constitution de partie civile, afin de permettre au juge
d'instruction d'informer après avoir été saisi d'un
réquisitoire du ministre de la justice. Votre commission vous soumet,
par cohérence avec sa décision de supprimer le droit d'action
propre du garde des sceaux prévu par l'article 1
er
du projet
de loi, un
amendement
de suppression de ce paragraphe.
• Le
paragraphe III
tend à modifier l'article 80 du code de
procédure pénale, qui prévoit que le juge d'instruction ne
peut informer qu'en vertu d'un réquisitoire du procureur de la
République, afin de prévoir l'hypothèse d'un
réquisitoire du ministre de la justice dans le cadre du droit d'action
propre que tend à lui reconnaître le projet de loi. Votre
commission ayant décidé de supprimer les dispositions relatives
à ce droit d'action du garde des sceaux, elle vous soumet un
amendement
de suppression de ce paragraphe.
• Le
paragraphe III bis
, inséré dans le projet de
loi par l'Assemblée nationale, tend à compléter l'article
497 du code de procédure pénale, relatif à l'appel des
jugements correctionnels, afin de reconnaître au ministre de la justice
la faculté d'appeler lorsqu'il a mis lui-même en mouvement
l'action publique. Le projet de loi initial ne prévoyait un tel appel
qu'en cas de relaxe lorsque l'intérêt général le
justifiait. Votre commission, opposée à la possibilité
pour le ministre de mettre en mouvement l'action publique, vous soumet un
amendement
de suppression de ce paragraphe.
• Le
paragraphe III ter
, inséré par
l'Assemblée nationale, tend à compléter l'article 546 du
code de procédure pénale, relatif à l'appel des jugements
de police, afin de permettre au ministre de la justice de faire appel lorsqu'il
a mis en mouvement l'action publique. Pour la raison précédemment
énoncée, votre commission vous soumet un
amendement
de
suppression de ce paragraphe.
• Le
paragraphe IV
, comme les précédents, concerne le
droit d'action du ministre de la justice, et tend à modifier l'article
551 du code de procédure pénale pour permettre au ministre de
requérir la délivrance de citations à comparaître
dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de mettre en mouvement l'action
publique. Votre commission vous soumet un
amendement
de suppression de
ce paragraphe.
• Le
paragraphe V
, inséré par l'Assemblée
nationale, tend à modifier l'article 567 du code de procédure
pénale, relatif au pourvoi en cassation, afin de permettre au ministre
de la justice de former un pourvoi en cassation lorsqu'il a mis en mouvement
l'action publique. Votre commission ayant décidé de supprimer la
possibilité pour le ministre de mettre en mouvement l'action publique,
elle vous soumet un
amendement
de suppression de ce paragraphe.
• Le
paragraphe VI
, inséré dans le projet de
loi par l'Assemblée nationale, sur proposition de M. Jean-Luc Warsmann
et contre l'avis du garde des sceaux, tend à insérer dans le code
de procédure pénale un nouvel article 720-1A
prévoyant que les députés et sénateurs sont
autorisés à visiter à tout moment tout
établissement de l'administration pénitentiaire situé dans
leur département.
D'ores et déjà, nombre de parlementaires visitent les
établissements pénitentiaires situés dans leur
département. Votre commission des Lois, pour sa part, souhaite effectuer
régulièrement de telles visites et a récemment
visité la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis.
Le mérite de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale
est de permettre d'éviter le formalisme de visites
préparées à l'avance. Il ne fait aucun doute que les
parlementaires sauront faire de cette mesure un usage tel que ces visites ne
perturberont pas le fonctionnement normal des établissements
visités.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
Article 12
Application dans les territoires
d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie
et dans la collectivité
territoriale de Mayotte
Cet
article prévoit l'application de la loi dans les territoires
d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et dans la collectivité
territoriale de Mayotte.
Un projet de loi constitutionnelle sur la Polynésie française est
en cours de discussion. S'il est adopté, la Polynésie
française ne sera plus un territoire d'outre-mer mais un pays
d'outre-mer. Dans ces conditions, votre commission vous propose, par un
amendement
, de mentionner dans cet article la Polynésie
française et les îles Wallis-et-Futuna plutôt que les
territoires d'outre-mer.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
ainsi
modifié
.
* *
*
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi.
ANNEXES
___________
ANNEXE 1
TRAVAUX DE LA COMMISSION DES
LOIS
AUDITIONS
DE LA COMMISSION DES LOIS
Mme
Elisabeth Guigou
, Garde des Sceaux, ministre de la justice
M. Guy Canivet
, Premier président de la Cour de cassation.
M. Jean-François Burgelin
, procureur général
près la Cour de cassation.
M. Jean-Marie Darde
, procureur général près la cour
d'appel d'Amiens.
M. Laurent Le Mesle
, procureur de la République près le
tribunal de grande instance de Nancy.
AUDITION DE MME ELISABETH GUIGOU,
GARDE DES SCEAUX,
MINISTRE
DE LA JUSTICE
Mme Elisabeth Guigou
a tout d'abord
souligné
que le projet de loi relatif à l'action publique en matière
pénale avait pour premier objet de garantir l'impartialité de la
justice. Elle a fait valoir que, ces dernières années, le
sentiment s'était répandu que l'égalité des
citoyens devant la loi n'était pas assurée. Elle a indiqué
que le projet de loi tendait donc à consacrer la fin des instructions
individuelles du garde des sceaux et qu'elle-même n'avait donné
aucune instruction depuis son arrivée à la Chancellerie, sans que
l'Etat se soit pour autant trouvé démuni malgré
l'existence d'affaires sensibles et de situations de crise. Elle a
indiqué que les magistrats avaient dû abandonner une
" culture de soumission " consistant à demander en toutes
circonstances des instructions de la Chancellerie.
Mme le garde des sceaux
a observé que les
instructions individuelles n'avaient pas permis la conduite d'une
véritable politique pénale. Elle a indiqué qu'un tri
était effectué entre les affaires afin de déterminer
celles qui appelaient de telles instructions individuelles et que, si le tri se
faisait parfois en utilisant des critères respectables, il pouvait
également se faire sur la base d'intentions moins avouables.
Mme Elisabeth Guigou
a estimé que la conduite d'une
politique pénale impliquait la mise en oeuvre de directives
générales précises et explicites adressées au
Parquet ainsi qu'une information réciproque entre la Chancellerie et les
parquets. Elle a indiqué qu'elle avait adressé 5 circulaires au
Parquet en 1997, 26 en 1998 et 8 en 1999. Elle a précisé que ces
circulaires étaient moins volumineuses que par le passé, mais
plus précises et explicites. Elle a ainsi fait valoir qu'elle avait
notamment adressé au Parquet des circulaires relatives aux mineurs
délinquants, à l'aide aux victimes, à la lutte contre le
racisme et la xénophobie, aux contrats locaux de sécurité,
à la lutte contre la drogue, aux sectes, à la
sécurité dans les transports publics et aux violences urbaines.
Elle a également observé que l'information du garde des sceaux
par les parquets était une pratique tombée en
désuétude qu'elle s'efforçait de remettre en vigueur. Elle
a précisé que le rôle des parquets généraux
s'était renforcé depuis son arrivée à la
Chancellerie et qu'elle réunissait fréquemment les procureurs
généraux.
Soulignant que les deux dernières années avaient
été marquées par un certain nombre de situations de crise,
par exemple des manifestations d'agriculteurs ou de routiers, des violences
urbaines, la délinquance des mineurs ou l'organisation de la coupe du
monde de football marquée par des menaces terroristes,
Mme le garde
des sceaux
a indiqué que la disparition des instructions
individuelles avait conduit à anticiper ces situations de crise et
à innover dans les réponses qui leur étaient
apportées, par exemple en organisant la présence des procureurs
sur les stades. Elle a fait valoir que la politique pénale serait
désormais rendue publique, qu'elle pourrait donner lieu à une
évaluation précise et que le Parlement serait informé de
manière très complète.
Mme le garde des sceaux
a ensuite présenté
les dispositions les plus importantes du projet de loi. Elle a indiqué
que le ministre de la justice ne pourrait plus donner d'instructions
individuelles, mais qu'il continuerait à adresser aux parquets des
directives générales de politique pénale, et qu'il serait
informé par eux de la conduite de la politique pénale. Elle a
précisé que le garde des sceaux se verrait reconnaître un
droit d'action propre lui permettant de saisir une juridiction dans des cas
où l'intérêt général le commanderait et
où le Parquet n'aurait pas engagé de poursuites. Elle a
souligné que cette action du garde des sceaux serait subsidiaire,
encadrée, personnelle et que le ministre devrait en rendre compte devant
le Parlement, de sorte que sa responsabilité politique serait
engagée.
Mme le garde des sceaux
a fait valoir que les
procureurs généraux assureraient la coordination de l'action des
procureurs et qu'ils seraient garants de l'application de la politique
pénale. Elle a précisé qu'ils pourraient, pour leur part,
donner aux procureurs des instructions écrites, motivées et
versées au dossier, de mettre en mouvement l'action publique.
Mme Elisabeth Guigou
a alors observé que les procureurs
auraient de nouvelles obligations, en particulier celle d'informer les victimes
des motifs ayant conduit à un classement sans suite de leur plainte.
Elle a souligné que les personnes n'ayant pas qualité pour se
constituer partie civile pourraient former un recours contre les classements
sans suite devant le procureur général, puis devant une
commission régionale composée de membres des parquets.
Evoquant le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police
judiciaire,
Mme le
garde des sceaux
a
indiqué qu'elle avait écarté l'idée de rattacher la
police judiciaire au ministère de la justice compte tenu du
caractère irréaliste d'un tel projet. Elle a
précisé que les magistrats seraient davantage associés
à la définition des moyens nécessaires pour la conduite
des enquêtes.
Concluant son propos,
Mme Elisabeth Guigou
, a fait valoir que
les projets de loi qu'elle présentait au Parlement auraient pour effet
de renforcer la responsabilité des magistrats. Elle a ainsi
précisé que les procureurs seraient tenus de motiver les
décisions de classement sans suite et a rappelé que le projet de
loi relatif à la présomption d'innocence contenait des mesures
importantes, telles que la présence d'un avocat en garde à vue ou
la création d'un juge de la détention provisoire, distinct du
juge d'instruction.
M. Pierre Fauchon, rapporteur
, observant que les procureurs
généraux allaient voir leurs pouvoirs accrus, s'est
interrogé sur les moyens de coordination de leurs actions au niveau
national. Il a demandé quand le ministre de la justice serait conduit
à exercer le droit d'action propre prévu par le projet de loi.
M. Christian Bonnet
a indiqué que, si aucune
instruction individuelle n'était plus donnée depuis
juin 1997, cette pratique avait également été celle
de M. Pierre Méhaignerie entre 1993 et 1995.
Mme Dinah Derycke
a souligné la nécessité
que la justice soit plus impartiale et ressentie comme telle par les citoyens.
Elle a rappelé que quelques affaires, certes peu nombreuses, avaient
accrédité l'idée de l'existence d'une justice à
deux vitesses. Elle a fait part de son accord et de celui du groupe socialiste
sur les orientations du projet de loi, tout en observant que ce projet tendait
à modifier des pratiques anciennes et qu'il suscitait encore des
interrogations sur le fonctionnement du nouveau système. Elle a
souhaité savoir jusqu'à quel point les directives
générales de politique pénale pourraient faire l'objet
d'adaptations et a demandé des précisions sur les commissions de
recours en matière de classements sans suite.
M. Robert Bret
a observé que l'application de ce projet
de loi était tributaire de la réforme du Conseil supérieur
de la magistrature et a demandé des précisions sur la date de
réunion du Parlement en Congrès. A propos du contrôle de
l'autorité judiciaire sur la police judiciaire, il a indiqué que
le projet de loi suscitait des inquiétudes chez les officiers de police
judiciaire, qui redoutaient de passer sous le contrôle organique des
magistrats. Il a enfin demandé si le droit d'action propre du ministre
de la justice était conforme au principe constitutionnel de
séparation des pouvoirs.
M. Jacques Larché, président
, observant que la
ministre avait fait allusion à la responsabilité politique du
garde des sceaux dans l'exercice de son droit d'action propre, a rappelé
qu'il n'existait aucun moyen de mettre en cause la responsabilité
politique personnelle d'un ministre et que le droit d'interpellation avait
disparu. Il a indiqué, en outre, que l'article du projet de loi
permettant aux parlementaires de visiter les établissements
pénitentiaires paraissait pour le moins curieux, dans la mesure
où les parlementaires visitaient, depuis bien longtemps, ces
établissements, sans avoir attendu que la loi les y autorise.
Mme Elisabeth Guigou
a tout d'abord précisé que
le ministre de la justice assurait la coordination de l'action des procureurs
généraux et continuerait à le faire. Elle a indiqué
qu'elle adressait des directives aux procureurs généraux et
qu'elle leur demandait des rapports, mais que les magistrats du Parquet
conduisaient l'action publique. Elle a alors observé que la commission
de réflexion sur la justice avait envisagé la création
d'un procureur général de la nation, mais qu'elle avait, à
juste titre, rejeté cette idée. Elle s'est demandé comment
il serait possible de faire mener une partie de la politique pénale par
une personne substituée au garde des sceaux et qui ne détiendrait
aucune légitimité. Elle a rappelé qu'un exemple
récent aux Etats-Unis avait démontré le risque qu'il y
avait à mettre en place des procureurs spéciaux et a noté
que le Gouvernement américain avait décidé de ne pas
proroger la loi sur les procureurs spéciaux. Elle a enfin noté
qu'il existait une autorité de ce type en Espagne et que le ministre de
la justice espagnol lui avait indiqué que ce système
présentait bien des inconvénients.
Evoquant le droit d'action propre du ministre de la justice prévu par le
projet de loi, elle a indiqué que ce droit d'action pourrait être
utilisé, par exemple, lorsqu'un procureur refuserait de poursuivre des
commandos anti-I.V.G ou des fonctionnaires qui détiendraient des
documents classés secret défense en dehors des règles
prévues, lorsqu'un procureur refuserait de poursuivre une entreprise
pratiquant des ventes d'armes illégales, enfin pour l'application du
nouveau délit de bizutage. Elle a fait valoir qu'il n'existait certes
pas de possibilité de mettre en cause la responsabilité
personnelle d'un ministre, mais que l'utilisation par le garde des sceaux de
son droit d'action propre serait rendue publique et qu'une utilisation abusive
de cette prérogative poserait naturellement des difficultés au
Gouvernement.
Mme le garde des sceaux
a donné acte à
M. Christian Bonnet que M. Pierre Méhaignerie
s'était en effet interdit de donner des instructions individuelles.
Evoquant l'adaptation des directives générales de politique
pénale, elle a souligné qu'elle était destinée
à faire en sorte que chaque procureur général puisse tenir
compte des circonstances locales. Elle a ainsi constaté que la
législation sur la protection des animaux coexistait avec des traditions
locales d'organisation de corridas ou de combats de coqs. Elle a
souligné que ces adaptations ne pourraient naturellement pas consister
en une application fortement divergente de directives relatives à des
sujets aussi importants que la lutte contre le racisme. A propos des
commissions régionales de recours contre les classements sans suite,
elle a indiqué que le ressort de compétence n'était pas
déterminé et qu'il convenait qu'un équilibre soit
trouvé entre la nécessité que ces commissions ne soient
pas trop éloignées des justiciables et la nécessité
qu'elles ne soient pas trop proches des magistrats du Parquet ayant pris la
décision de classement.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux
,
ministre de la
justice
, a ensuite indiqué qu'elle n'avait pas d'informations sur la
date de réunion du Parlement en Congrès, mais a
précisé que le Président de la République avait
fait savoir que la réunion du Congrès serait possible lorsque
chaque assemblée aurait examiné en première lecture le
projet de loi sur la présomption d'innocence et le projet de loi relatif
à l'action publique en matière pénale. Elle a
rappelé que le dépôt de deux projets de loi organique
était conditionné par l'adoption du projet de loi
constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature et a
souligné que l'un des projets de loi organique contiendrait des
dispositions importantes relatives à la responsabilité des
magistrats. Elle a noté qu'une concertation était en cours sur
des dispositions, telles qu'une limitation de la durée d'exercice des
fonctions de chef de juridiction et la possibilité pour les citoyens de
saisir des commissions de recours, afin de dénoncer des comportements
professionnels inadmissibles des magistrats.
Evoquant les craintes des officiers de police judiciaire,
Mme le garde des sceaux
a rappelé que le code
de procédure pénale prévoyait déjà
explicitement que le procureur dirigeait l'activité des officiers et
agents de police judiciaire dans le ressort du tribunal. Elle a souligné
l'importance de la formation donnée aux officiers de police judiciaire
pour l'exercice de leur mission de police judiciaire. Elle a indiqué que
dans nombre de cas, la coopération entre autorité judiciaire et
police judiciaire fonctionnait de manière satisfaisante.
A propos du droit d'action propre du garde des sceaux,
Mme Elisabeth Guigou
a estimé qu'il ne porterait pas
atteinte au principe de séparation des pouvoirs, dans la mesure
où il ne concernait que la poursuite et non l'instruction ou le
jugement. Elle a rappelé que le juge administratif sanctionnait
régulièrement le Gouvernement, sans que personne ne s'en
scandalise, et a souligné que certains fonctionnaires pouvaient mettre
en mouvement, d'ores et déjà, l'action publique et qu'il
n'existait pas de raison de refuser ce droit au garde des sceaux.
Enfin, à propos des visites de parlementaires dans les
établissements pénitentiaires,
Mme le
garde des sceaux
a rappelé qu'elle s'était
opposée à cet amendement présenté à
l'Assemblée nationale, mais qu'elle était favorable au
développement d'un regard extérieur sur le fonctionnement des
établissements pénitentiaires. Elle a estimé qu'une telle
mesure pourrait avoir des effets positifs si chacun respectait un code de bonne
conduite, dans la mesure où toute visite dans un établissement
pénitentiaire impliquait une réorganisation de la
détention.
M. Jacques Larché, président,
s'est
interrogé sur le calendrier d'adoption de la réforme
constitutionnelle, des projets de loi ordinaire en cours de discussion et des
projets de loi organique non encore déposés. Il a souligné
qu'il existait au Parlement une tradition forte consistant à s'efforcer
de parvenir à un accord sur certains projets de loi très
importants. Il a rappelé que cela avait été le cas sur des
textes tels que la réforme du code pénal ou l'abolition de la
peine de mort et a fait valoir que les projets de loi sur la présomption
d'innocence et sur l'action publique en matière pénale
méritaient également qu'un accord soit recherché entre les
deux assemblées. Il s'est toutefois interrogé sur les chances du
Sénat de voir retenues dans une proportion suffisante ses propositions
pour qu'un tel accord soit effectivement envisageable. Il s'est
inquiété du fait que la deuxième lecture du projet de loi
relatif à la présomption d'innocence n'aurait lieu qu'à la
fin du mois de janvier à l'Assemblée nationale.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a indiqué qu'elle souhaitait que les projets de loi qu'elle avait
déposés fassent l'objet du plus large accord possible et a
indiqué qu'elle ferait tout pour que ces textes soient approuvés
par l'Assemblée nationale et le Sénat. Elle a toutefois
indiqué que le Gouvernement ne pourrait accepter certains des
amendements adoptés par le Sénat sur le projet de loi relatif
à la présomption d'innocence. Elle a ainsi estimé que la
responsabilité pénale des élus locaux était un
sujet fondamental, mais qu'il convenait d'éviter de régler cette
question en donnant le sentiment d'un rétablissement des
privilèges de juridiction. Elle a souhaité que des solutions
innovantes soient recherchées.
M. Jacques Larché, président
, a alors
indiqué que les amendements adoptés par le Sénat à
propos de la responsabilité pénale des élus locaux
n'avaient en aucun cas pour objet d'établir une immunité des
élus puisque des poursuites demeureraient possibles, et qu'on ne pouvait
parler de privilège de juridiction, cette expression visant
exclusivement le recours à des juridictions spéciales.
M. Christian Bonnet
a alors souligné que l'ancien maire
d'Ouessant venait d'être traîné devant les tribunaux parce
qu'un enfant s'était tué à vélo il y a quelques
années sur un sentier côtier. Il a constaté que la mise en
cause de cet élu était ressentie par une large fraction de la
population comme incompréhensible.
Mme Elisabeth Guigou
a déclaré partager
l'inquiétude de M. Christian Bonnet, mais a souhaité que des
solutions applicables à tous les justiciables soient recherchées.
Elle a rappelé qu'elle avait mis en place une commission,
présidée par M. Jean Massot et chargée de
réfléchir à cette question, et a indiqué que des
problèmes similaires se posaient pour d'autres catégories de
personnes, par exemple les enseignants, pour qui elle avait mis en place une
mission de réflexion spécifique.
M. Maurice Ulrich
a alors fait valoir que le texte
adopté par le Sénat sur la présomption d'innocence devait
naturellement être amélioré au cours de la navette. Il a
toutefois exprimé le regret que la seconde lecture de ce projet de loi
ne soit envisagée que tardivement à l'Assemblée nationale.
Il a souhaité que des indications concernant le résultat des
travaux de la commission sur la responsabilité pénale des
élus locaux puissent être données avant la fin de
l'année et a fait valoir qu'il serait utile que le Sénat puisse
savoir rapidement si les amendements les plus importants qu'il a adoptés
sur le projet de loi relatif à la présomption d'innocence avaient
quelques chances de retenir l'attention du Gouvernement,
particulièrement sur la garde à vue, la mise en examen et la
détention provisoire.
M. Nicolas About
a indiqué que les situations des
élus et des enseignants ne pouvaient être comparées. Il a
estimé qu'un enseignant accompagnant un groupe d'élèves
n'était pas dans la même situation que des élus tenus pour
responsables globalement de tous les événements survenant sur un
territoire.
M. Pierre Fauchon, rapporteur,
a rappelé que
l'Assemblée nationale avait remplacé dans le projet de loi les
orientations générales de politique pénale par des
directives générales de politique pénale. Rappelant que la
notion de directive évoquait directement le droit communautaire, il
s'est interrogé sur la portée normative de ces textes et a
souhaité connaître les conséquences du non-respect de ces
documents.
Mme Elisabeth Guigou
a indiqué que la commission
présidée par M. Massot devrait rendre son rapport avant la
fin de l'année. Elle a souligné qu'il existait au moins un point
commun entre la situation des élus locaux et celle des enseignants,
à savoir le recours excessif à la mise en cause de la
responsabilité pénale plutôt qu'à d'autres formes de
responsabilité.
A propos des orientations ou directives de politique pénale,
le garde
des sceaux
a indiqué qu'elles n'avaient pas de caractère
normatif et ne participaient pas du pouvoir réglementaire. Elle a
rappelé que les procureurs généraux pouvaient les adapter.
Elle a estimé qu'en cas de non-respect de ces orientations, le pouvoir
disciplinaire pourrait s'exercer, mais qu'il serait sans doute difficile de le
mettre en oeuvre lorsqu'un procureur ne respecterait pas pour la
première fois un texte, dans la mesure où le non-respect d'une
circulaire générale pourrait sans doute être
justifié, par exemple en invoquant les circonstances locales. Elle a
observé que dans l'ancien système, le garde des sceaux
était démuni face à un procureur refusant d'obéir
à une instruction individuelle.
En concluant,
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de
la justice
, a estimé que la pratique des instructions avait
été dévoyée dans des cas rares, mais
spectaculaires, et qu'il convenait expressément de dissiper tout
soupçon. Elle a souligné que la disparition des interventions
politiques dans le fonctionnement de la justice légitimerait un
renforcement du contrôle interne et externe de la magistrature.
AUDITION DE M. GUY CANIVET,
PREMIER PRÉSIDENT DE LA
COUR DE CASSATION
M. Guy Canivet
a indiqué que ses
observations
sur le projet de loi, qui concerne principalement les relations du Parquet avec
la Chancellerie, auraient essentiellement trait aux répercussions du
texte sur le fonctionnement des juridictions de jugement.
Il a fait valoir que l'indépendance du Parquet aurait une certaine
incidence sur celle des juridictions de jugement, dans la mesure où on
reprocherait moins facilement aux magistrats du siège de suivre, le cas
échéant, les réquisitions d'un ministère public
plus indépendant.
M. Guy Canivet
a
considéré que le projet
de loi renforcerait la transparence des orientations générales de
la politique pénale, puisque celles-ci seraient définies
publiquement par le ministre de la justice et que leur exécution serait
contrôlée par le Parlement, destinataire d'un rapport annuel.
M. Guy Canivet
a souligné que les procureurs
généraux, indépendants du ministre de la justice,
disposeraient parallèlement d'une autorité renforcée sur
les procureurs de la République de leur ressort, évoquant en
particulier leur pouvoir d'instruction, et se demandant si un équilibre
satisfaisant avait été trouvé.
Il s'est interrogé sur l'autorité qui resterait au garde des
sceaux, réduite aussi bien pour la nomination que pour le
déroulement de la carrière des magistrats du Parquet, son pouvoir
étant alors essentiellement limité aux questions disciplinaires.
M. Guy Canivet
a estimé que le renforcement du
contrôle du procureur de la République sur la police judiciaire
serait une conséquence logique de son rôle dans la mise en oeuvre
de la procédure pénale, relevant cependant que l'absence de tout
pouvoir de sanction limiterait la portée de cette innovation.
M. Guy Canivet
,
évoquant ensuite la
possibilité de mise en mouvement de l'action publique qui serait
reconnue au ministre de la justice, a estimé que cette disposition,
conséquence logique de l'indépendance du Parquet, n'aurait qu'un
impact limité à certaines affaires, en cas de carence du
ministère public dans la mise en oeuvre de la politique pénale.
Evoquant ensuite les dispositions relatives aux classements sans suite des
poursuites, contraignant le procureur de la République à motiver
sa décision,
M. Guy Canivet
a souligné que, dans
la plupart des cas, cette obligation aurait une portée limitée,
les classements résultant le plus souvent de l'absence d'identification
de l'auteur de l'infraction.
Il a fait valoir, à ce sujet, que la question centrale non
traitée par le projet de loi portait sur l'accueil du plaignant dans les
services de police, dont les dépositions restaient trop
fréquemment sans suite.
M. Guy Canivet
a considéré que la
procédure de recours contre les classements sans suite, si elle pouvait
contribuer à tempérer le renforcement de l'autonomie du Parquet,
risquait cependant d'être à la source d'un alourdissement de la
procédure judiciaire dans son ensemble.
Enfin, il a évoqué le risque de redondance des commissions de
recours, composées de magistrats des ministères publics des cours
d'appel du ressort.
En réponse à
M. Pierre Fauchon, rapporteur,
M. Guy Canivet
a considéré que la
juridictionalisation du recours contre les décisions de classement sans
suite n'aurait pas une influence excessive sur les décisions des
juridictions de jugement, car les magistrats du siège sauraient
sauvegarder leur indépendance habituelle.
Il a souligné, en revanche, que cette nouvelle procédure pourrait
susciter une confusion pour les justiciables, qui ne distingueraient pas
toujours clairement la procédure sur le classement du jugement au fond.
Il a aussi estimé qu'il n'était pas nécessaire d'ouvrir
aux personnes ayant qualité pour se constituer partie civile une
possibilité de recours contre les classements sans suite.
M. Jacques Larché, président,
s'est
interrogé sur l'impact de la procédure de recours contre les
classements sans suite, 75 à 80 % de ces classements étant,
en fait, motivés par l'encombrement des juridictions.
M. Pierre
Fauchon,
rapporteur,
a estimé que l'absence d'identification
d'une personne susceptible d'être mise en cause provenait
généralement d'une recherche insuffisante.
En réponse à
M. Maurice Ulrich
,
M. Guy Canivet
a constaté que l'influence du Conseil
supérieur de la magistrature concernant la nomination des magistrats du
Parquet résultera de l'impossibilité pour le ministre de la
justice de procéder à une nomination sans l'avis conforme de ce
conseil.
AUDITION DE M. JEAN-FRANCOIS BURGELIN,
PROCUREUR
GÉNÉRAL PRÈS LA COUR DE CASSATION
M. Jean-François Burgelin
a estimé
que
le projet de loi, se situant dans l'évolution historique, favorisait
l'émergence d'un réel pouvoir judiciaire se substituant à
l'autorité judiciaire à laquelle se réfère
l'article 66 de la Constitution, par un réel pouvoir judiciaire.
Il a cité parmi les multiples facteurs ayant favorisé la
montée du pouvoir judiciaire le doublement du nombre des magistrats en
quarante ans, la création de l'Ecole nationale de la Magistrature,
l'esprit de corps parmi les magistrats et leur syndicalisation, la
judiciarisation de la société, le développement des
affaires politico-judiciaires et les divers renforcements législatifs
des attributions des juges.
M. Jean-François Burgelin
a relevé que les
magistrats avaient progressivement pris conscience de l'utilité de
certaines compétences qu'ils détenaient déjà sans y
avoir fréquemment recours, comme le placement sous contrôle
judiciaire ou la mise en liberté sous caution.
Il a ajouté que les juges avaient été conduits à
écarter l'application de certaines lois nationales, en raison de
dispositions du Traité de Rome ou de la Convention européenne des
droits de l'homme.
M. Jean-François Burgelin
a considéré que
les médias et de l'opinion publique avaient aussi encouragé
l'émergence d'un pouvoir judiciaire.
Il a rappelé que les magistrats du siège échappaient
à l'autorité du pouvoir exécutif, y compris pour leur
nomination, tandis que la situation des magistrats du Parquet apparaissait
ambiguë, les textes, appuyés par la tradition, prévoyant
leur soumission hiérarchique au garde des sceaux, alors que depuis deux
ans et demi, la ministre de la justice s'était engagée à
ne plus donner d'instruction dans les dossiers individuels.
M. Jean-François Burgelin
a cité parmi les
pouvoirs du garde des sceaux maintenus vis-à-vis du Parquet, celui de
donner des instructions sur la politique pénale, l'obligation faite au
Parquet de lui rendre compte de l'application de ces instructions et la
nomination des magistrats du Parquet, rappelant toutefois que la garde des
sceaux s'était engagée à ne procéder à
aucune nomination contre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature.
Il a considéré que si le Parquet faisait partie intégrante
de l'autorité judiciaire, il relevait encore largement du pouvoir
hiérarchique du ministre de la justice.
M. Jean-François Burgelin
s'est déclaré
favorable aux orientations générales du projet de loi, estimant
que l'opinion publique doutait de l'indépendance du Parquet et croyait
trop souvent que le ministère public agissait sur instruction.
Il a considéré néanmoins que le projet de loi n'allait pas
jusqu'au bout de sa logique qui impliquerait le remplacement des liens du
Parquet avec le Gouvernement par l'établissement de liens avec une autre
autorité étatique, en raison de sa fonction d'application de la
loi.
A l'appui de cette observation,
M. Jean-François Burgelin
a évoqué
l'existence de forces centrifuges au sein des Parquets, qui avaient souvent
leurs propres pratiques, le problème se trouvant accentué par le
souhait de nombreux magistrats d'être nommés dans leur
région d'origine.
Il a craint que l'autonomie des Parquets par rapport à toute
autorité étatique n'aggrave l'inégalité des
citoyens devant l'application de la loi.
M. Jean-François Burgelin
a considéré que
la lutte contre le terrorisme nécessitait l'existence d'une
autorité nationale pouvant donner des instructions applicables à
l'ensemble du territoire, rappelant que la 14ème section du Parquet de
Paris, spécialisée dans les affaires de cette nature, n'avait que
des compétences concurrentes à celles des autres Parquets.
Il a observé que le traitement des conflits sociaux à
caractère national ou des affaires à dimension internationale
supposait nécessairement l'intervention d'une autorité
supérieure nationale pour diriger l'action publique.
Se référant aux exemples du Portugal, de l'Espagne, de la
Norvège et de plusieurs pays d'Europe de l'Est, il a
préconisé l'institution d'une autorité étatique non
gouvernementale pour contrôler la bonne exécution des instructions
définissant l'action publique, se demandant toutefois si une telle
réforme n'apparaîtrait pas prématurée pour certains.
M. Patrice Gélard
s'est interrogé sur la
lisibilité du projet de loi, relevant en particulier que l'opinion
publique ne doutait de l'indépendance du ministère public que
pour le traitement de certaines affaires particulières, mais
considérait que, dans la justice quotidienne, les magistrats du Parquet
demeuraient libres.
Il s'est inquiété de l'insuffisante responsabilisation des
magistrats du Parquet et du fonctionnement du système
hiérarchique, l'autonomie ne facilitant pas la mise en oeuvre d'une
politique pénale cohérente et lisible.
Convenant qu'il n'était pas possible de revenir sur le statut de
magistrat conféré aux procureurs et substituts,
M. Patrice Gélard
a estimé néanmoins
nécessaire de maintenir un lien particulier entre ces derniers et une
autorité nationale.
Enfin,
M. Patrice Gélard
a observé que
l'impossibilité pour le garde des sceaux de donner des instructions dans
des dossiers individuels n'empêcherait pas les contacts informels.
M. Jean-Jacques Hyest
a douté de la logique des
dispositions du projet de loi selon lesquelles, d'une part, interdiction serait
faite au garde des sceaux de donner des instructions dans les dossiers
individuels et, d'autre part, capacité lui serait donnée de
mettre en mouvement l'action publique en l'absence de poursuites pénales
par le Parquet.
M. Christian Bonnet
a demandé à M. Burgelin
si son intervention pouvait être résumée ainsi : le
projet de loi tend à consacrer un phénomène
irréversible, des garde-fous sont nécessaires que le Sénat
pourrait utilement mettre en place. Il a exprimé son inquiétude
sur la volonté de plus en plus fréquente des magistrats d'exercer
leurs fonctions dans leur région d'origine.
M. Robert Badinter
a demandé si les procureurs des
tribunaux consultaient la direction des affaires criminelles du
ministère de la justice sur les aspects juridiques complexes de
certaines affaires et l'expérience des autres Parquets.
Il a estimé indispensable que l'autonomie du Parquet, qui ne devait pas
être confondue avec l'indépendance, soit contenue afin de
préserver une unité de direction de la politique pénale.
M. Robert Badinter
a déploré que dans l'attente
du vote par le Congrès du projet de loi constitutionnelle sur le Conseil
supérieur de la magistrature, les hauts magistrats du Parquet soient
toujours nommés en Conseil des ministres comme les préfets.
Il s'est interrogé sur l'autorité compétente pour nommer
un éventuel procureur général de la République,
évoquant des irrégularités constatées par le
Tribunal constitutionnel lors de la nomination du procureur
général de la Couronne en Espagne, et sur
l'éventualité d'un contrôle juridictionnel de cette
nomination.
M. Robert Badinter
s'est inquiété de ce qu'un
procureur général de la République acquerrait des pouvoirs
plus importants que le ministre de la justice, échappant au
contrôle parlementaire sans que sa responsabilité puisse
être mise en cause.
M. Jacques Larché, président,
a
considéré qu'il fallait distinguer l'avis des médias sur
l'orientation générale du projet de loi de celui de l'opinion
publique en général.
Il a rappelé que la décision de convoquer le Parlement en
Congrès appartenait au Président de la République et a
indiqué comprendre son souhait de connaître préalablement
les orientations qui seraient retenues pour les projets de loi concernant la
présomption d'innocence et l'action publique en matière
pénale.
M. Robert Badinter
a considéré que cette logique
devrait conduire à attendre de connaître l'ensemble des
dispositions législatives proposées pour réformer la
justice, y compris celles concernant la responsabilité des magistrats,
avant de convoquer le Congrès, réaffirmant cependant qu'il en
souhaitait une convocation plus rapide.
Répondant aux différents orateurs,
M. Jean-François Burgelin
a considéré que
la confusion de l'opinion publique entre les fonctions des magistrats du
siège et celles des magistrats du Parquet avaient été
voulue à l'origine, jamais remise en cause depuis deux siècles et
qu'elle était facilitée par l'unité de carrière des
magistrats du siège et du Parquet, les uns et les autres étant
formés au sein d'une même Ecole nationale de la magistrature.
Il a considéré que ce système pouvait apparaître
atypique par rapport à celui mis en place dans différents pays de
l'Union européenne, en particulier au Royaume-Uni, ajoutant que
l'harmonisation des législations européennes conduirait
très certainement à une plus grande différenciation des
carrières.
M. Jean-François Burgelin
a toutefois estimé
nécessaire de préserver une certaine proximité entre
magistrats du siège et magistrats du Parquet, et de ne pas trop
assimiler ces derniers aux fonctions de police afin de préserver la
culture de respect de la liberté individuelle propre aux magistrats.
Rappelant ses fonctions de président de la formation disciplinaire du
Conseil supérieur de la magistrature compétente à
l'égard des magistrats du Parquet, il a exposé qu'en moyenne
chaque année, six sanctions étaient prononcées à
l'encontre de magistrats du Parquet et douze à l'encontre de magistrats
du siège, précisant toutefois qu'elles étaient
généralement motivées par des manquements dans la vie
privée et rarement par des motifs professionnels.
M. Jean-François Burgelin
a estimé qu'il serait
souhaitable de dépasser une réticence traditionnelle à
sanctionner certaines fautes professionnelles caractérisées,
citant en particulier les exemples de jugements non motivés ou de trop
fréquents classements sans suite.
Il a considéré logique la possibilité qui serait reconnue
par le projet de loi au garde des sceaux de mettre en mouvement l'action
publique, le Gouvernement ne pouvant pas être privé de toute
possibilité d'agir.
M. Jean-François Burgelin
a
estimé que cette mise en mouvement revêtirait un caractère
exceptionnel et respecterait le principe de la séparation des pouvoirs.
Il a fait valoir que la tendance croissante à la nomination de
magistrats dans leur région d'origine constituait une
réalité contre laquelle il serait difficile de lutter, beaucoup
d'entre eux privilégiant une telle affectation à un choix de
carrière et il s'est inquiété de la valorisation exclusive
de la mobilité comme critère de qualité professionnelle.
Au sujet de l'institution éventuelle d'une autorité
étatique indépendante du gouvernement chargée de
contrôler la mise en oeuvre de la politique pénale,
M. Jean-François Burgelin
a fait valoir qu'à
l'instar du système néerlandais, cette autorité pourrait
éventuellement être collégiale. Il a souligné que la
désignation de cette autorité devrait associer, selon des
modalités à définir, le Président de la
République, les présidents des assemblées parlementaires
et le Conseil supérieur de la magistrature, pour un mandat de cinq ans
non renouvelable. Il a estimé que ce personnage ou cette autorité
devrait être inamovibles, sauf cas de maladie ou d'impossibilité
d'exercer ses fonctions.
Enfin, il a estimé que si l'institution judiciaire dans son ensemble
n'était pas populaire auprès de l'opinion publique, il en allait
différemment de l'action de certains juges dans des affaires
déterminées.
AUDITION DE M. JEAN-MARIE DARDE,
PROCUREUR
GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL D'AMIENS
M.
Jean-Marie Darde
a indiqué que la Conférence des procureurs
généraux, organe informel, s'était prononcé
à la quasi-unanimité en faveur des dispositions du projet de loi.
Soulignant que la rupture du lien entre le Parquet et la Chancellerie avait
été engagée depuis plusieurs années, il a
relevé que les parquets rendaient compte à la Chancellerie des
affaires qui pouvaient présenter un intérêt mais qu'en
revanche, ils ne recevaient pas d'instructions négatives tendant
à l'arrêt des poursuites.
M. Jean-Marie Darde
a par ailleurs précisé que la
suppression des instructions individuelles prévues par le projet de loi
était également inscrite dans les faits depuis quelques
années. Il a néanmoins fait observer que dans la pratique la
distinction entre les instructions générales envisagées
par le projet de loi et les instructions individuelles qui seraient
prohibées pourrait s'avérer délicate.
Puis, relevant que les procureurs généraux pourraient donner des
instructions de poursuivre mais pas d'instructions de ne pas poursuivre,
M. Jean-Marie Darde
a indiqué que certains procureurs
généraux avaient regretté l'interdiction des instructions
négatives dans la mesure où ils ne pourraient prévenir
d'éventuels excès de zèle, lesquels pourraient aboutir
à des différences de traitement entre les justiciables. Il a
néanmoins précisé que la majorité des procureurs
généraux approuvait la prohibition des instructions
négatives.
Abordant le problème des classements sans suite,
M. Jean-Marie Darde
a fait observer que les parquets
informaient d'ores et déjà de leur décision les victimes.
Après avoir relevé qu'une commission interrégionale
pourrait être saisie des décisions de classement confirmés
par les parquets généraux, il a, à titre personnel,
considéré que cette commission devrait être composée
exclusivement de procureurs généraux afin de respecter le
principe hiérarchique qui régit le fonctionnement des parquets.
Il s'est enfin interrogé sur l'article premier bis nouveau
inséré par l'Assemblée nationale, faisant observer que
cette disposition aboutirait à ce qu'une association reconnue
d'utilité publique bénéficie de droits plus importants
qu'une partie civile personne privée dans la mise en oeuvre de la
procédure d'appel.
Puis, répondant à
M. Pierre Fauchon
, rapporteur, qui
s'inquiétait des risques de distorsion dans les appréciations des
parquets compte tenu de la nouvelle organisation qui résulterait du
projet de loi,
M. Jean-Marie Darde
a fait valoir que les instructions
générales de politique pénale, auxquelles les parquets
devraient se soumettre, fixeraient un cadre. Il a en outre relevé que
dans la pratique les procureurs généraux disposaient de marges de
manoeuvres limitées qui tenaient compte essentiellement du contexte
local et que le risque de distorsion entre les pratiques des parquets
était limité au niveau des procureurs généraux,
lesquels bénéficiaient d'une expérience professionnelle
comparable. Il a enfin fait observer que l'homogénéité des
pratiques des parquets était également liée au
problème de la réforme de la carte judiciaire et du statut des
magistrats.
En réponse à M. Jacques Larché, président, qui
s'interrogeait sur les possibilités de recours contre des
décisions de classements sans suite, lesquelles étaient le plus
souvent motivées par l'absence d'identification de l'auteur des faits,
M. Jean-Marie Darde
a estimé que de tels recours devraient
être relativement rares dans la mesure où dans la plupart des cas
la partie civile avait la possibilité de déclencher l'action
publique.
Après avoir fait observer que dans la mise en oeuvre d'un droit de plus
en plus complexe, les procureurs de la République ne disposaient pas
tous des mêmes moyens,
M. Robert Badinter
a souhaité savoir
s'ils recueillaient des informations auprès de la direction des affaires
criminelles et des grâces ou par l'intermédiaire des procureurs
généraux.
En réponse,
M. Jean-Marie Darde
a indiqué que les
substituts et procureurs de la République formulaient leurs demandes par
l'intermédiaire des procureurs généraux. Il a fait
état du souhait de la direction des affaires criminelles et des
grâces de mettre en place un système informatique de
documentation. Il a précisé que les procureurs
généraux eux-mêmes pouvaient soumettre des questions
complexes à cette direction ou au service de la chancellerie
chargé des questions européennes.
M. Robert Badinter
a alors fait valoir que la Chancellerie devait
constituer un foyer d'informations pour les parquets et faciliter leur
concertation. Il s'est par ailleurs demandé s'il ne serait pas
préférable de maintenir la possibilité pour les procureurs
généraux de donner des instructions négatives aux parquets
afin d'éviter des excès de zèle.
En réponse,
M. Jean-Marie Darde
, constatant que la
hiérarchie exercée par les procureurs généraux sur
les parquets n'avaient plus la même nature qu'autrefois, a
considéré qu'une modification statutaire et une limitation dans
le temps de l'exercice des fonctions de chef de juridiction pourraient
constituer une réponse adaptée.
M. Robert Badinter
s'est enfin interrogé sur la définition
de la notion " d'intérêt suffisant " envisagée
par le projet de loi pour le recours contre les décisions de classement
sans suite.
AUDITION DE M. LAURENT LE MESLE
PROCUREUR DE LA
RÉPUBLIQUE
PRÈS LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANCY
M .
Laurent Le Mesle
a tout d'abord indiqué qu'il avait exercé
préalablement les fonctions de sous-directeur à la direction des
affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice.
Il a souligné l'importance du maintien par le projet de loi d'un lien
entre le pouvoir exécutif et les parquets, compte tenu des pouvoirs
importants confiés aux procureurs.
Il a observé que le projet de loi prévoyait la possibilité
pour le garde des sceaux de donner des instructions générales que
les procureurs généraux devraient relayer auprès des
procureurs de la République. Il a fait valoir que les procureurs
généraux et les procureurs de la République devraient
établir chaque année un rapport sur l'exécution de ces
orientations générales et a estimé que ces rapports
pourraient avoir une grande utilité à condition de ne pas devenir
des exercices purement formels.
M. Laurent Le Mesle
a ensuite noté que le renforcement des
pouvoirs des procureurs généraux était également
une évolution positive. Il a rappelé que les procureurs
généraux pouvaient actuellement donner des instructions
individuelles, mais qu'ils n'étaient que l'intermédiaire du
ministre de la justice, le projet de loi tendant à leur accorder en
propre ce pouvoir de donner des instructions. Il en a déduit que le
risque que certaines affaires importantes ne soient pas poursuivies serait
réduit en conséquence, dans la meure où il faudrait alors
une volonté concertée du procureur et du procureur
général.
A propos des instructions individuelles données par le garde des sceaux,
M. Laurent Le Mesle
a fait valoir qu'elles avaient été
extrêmement rares au cours des dernières années, mais qu'il
existait un dialogue entre la direction des affaires criminelles et des
grâces et les procureurs généraux à propos
d'affaires individuelles. Il a observé que, dans la mesure où
elles existaient, les instructions individuelles " anormales " ou
même contraires à l'honneur n'empruntaient pas par
définition les circuits traditionnels et ne passaient pas par la
direction des affaires criminelles et des grâces. Il s'est
déclaré très attaché aux dispositions du projet de
loi prévoyant l'information du ministre de la justice par les procureurs
généraux et l'obligation pour le garde des sceaux de rendre
compte devant le parlement. Évoquant le droit d'action propre du garde
des sceaux prévu par le projet de loi, il a estimé que cette
disposition pourrait constituer une garantie contre l'inertie de tel ou tel
parquet.
M. Jacques Larché, président
, a observé que le
projet de loi tendait à transférer du ministre aux procureurs
généraux le pouvoir de donner des instructions individuelles et a
fait valoir que si la légitimité du ministre était
incontestable, on pouvait s'interroger sur celle des procureurs
généraux.
M. Laurent Le Mesle
a alors rappelé que les procureurs
généraux resteraient nommés par le chef de l'Etat sur avis
conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Il a indiqué
que, pour sa part, il se serait accommodé du maintien de la
possibilité pour le ministre de la justice de donner des instructions
uniquement de poursuivre, et a relevé que le projet de loi ne
prévoyait également pour les procureurs généraux
que le droit de donner des instructions de poursuite. Il a alors fait valoir
que le pouvoir le plus important du procureur n'était pas le pouvoir de
poursuivre, une juridiction étant ensuite appelée à se
prononcer, mais bien la capacité de classer des affaires. Il a
observé qu'il s'agissait là d'un pouvoir d'opportunité,
s'exerçant en dehors de la règle de droit, celle-ci
prévoyant sans plus de précisions que le procureur
apprécie la suite à donner aux plaintes et dénonciations.
Il en a déduit que le pouvoir des procureurs généraux
serait relatif par rapport à celui des procureurs et qu'il
n'était en conséquence pas nécessairement utile
d'accroître leur légitimité par rapport à celle des
autres magistrats.
M. Robert Badinter
s'est déclaré convaincu de la
nécessité qu'un dialogue perdure entre la direction des affaires
criminelles et des grâces et les magistrats du parquet et a estimé
qu'il s'agirait de l'une des clés de la réussite du nouveau
système.
M. Laurent Le Mesle
a indiqué qu'une évolution positive
s'était produite au cours des dernières années. Il a
observé que les procureurs généraux étaient
fréquemment reçus à la chancellerie, mais que les
procureurs ne l'avaient pas été pendant longtemps. Il a
estimé que des réunions régulières des magistrats
du parquet à la chancellerie étaient fondamentales pour assurer
l'unité de la politique pénale. Il a souligné qu'il
appartenait à la chancellerie de donner aux procureurs une culture, une
pratique et une approche des problèmes communs. Il a fait valoir que ces
réunions régulières présentaient une importance
plus grande encore que les circulaires générales du garde des
sceaux, lesquelles risquaient de n'avoir plus d'impact si elles devenaient trop
nombreuses.
M. Laurent Le Mesle
s'est en revanche déclaré
réservé à l'égard du mécanisme de recours
contre les classements sans suite. Il a estimé que, contrairement
à une idée répandue, les commissions de recours seraient
fréquemment saisies et s'est déclaré
préoccupé par la multiplication du nombre de dénonciations
qui lui étaient adressées. Il a rappelé que les
requérants recevraient une réponse du procureur de la
République, puis pourraient exercer un recours normal auprès du
procureur général et que les commissions de recours seraient
appelées à connaître des décisions de rejet du
recours par le procureur général. Il a indiqué que le
système était extrêmement lourd et qu'il
privilégiait fortement les personnes n'ayant pas directement subi un
préjudice par rapport aux victimes. Il a observé que la plainte
avec constitution de partie civile était très contraignante pour
la victime et que celle-ci préférait que l'action publique soit
engagée par le procureur de la République.
M. Jacques Larché, président,
a alors observé que
le nombre de dénonciations anonymes augmentait de manière
préoccupante. Il a regretté que le Sénat, lors de l'examen
du projet de loi renforçant la protection de la présomption
d'innocence et les droits des victimes, n'ait pas adopté un amendement
visant à interdire l'utilisation des dénonciations anonymes sauf
à l'égard de certaines infractions.
Évoquant les dispositions du présent projet de loi relatives au
contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire,
M.
Laurent Le Mesle
s'est déclaré très attaché
à la direction par le procureur de l'exercice de la police judiciaire,
rappelant que la direction de la police judiciaire relevait pour sa part du
ministère de l'intérieur. Il a indiqué que les relations
entre autorité judiciaire et police judiciaire étaient souvent
bonnes, mais que des difficultés pouvaient notamment se poser quant
à l'affectation des moyens. Il a estimé que les dispositions du
projet de loi sur ce point risquaient de ne rien changer à la situation
actuelle puisqu'elles ne revêtaient aucun caractère contraignant.
Il a estimé très intéressante la proposition de la
commission de réflexion sur la justice tendant à prévoir
la présence de magistrats de haut niveau au sein des directions
concernées par l'exercice de la police judiciaire. Il a en outre
jugé souhaitable la création d'une inspection de la police
judiciaire ou l'association de l'inspection générale des services
judiciaires aux enquêtes concernant les officiers ou agents de police
judiciaire.
EXAMEN EN COMMISSION
M.
Pierre Fauchon, rapporteur
, a tout d'abord observé que le projet de
loi comportait trois parties très inégales, visant respectivement
à réorganiser la relation hiérarchique entre le Parquet et
le ministère de la justice, à améliorer les garanties
offertes aux citoyens face aux classements sans suite, enfin à renforcer
le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire.
Le rapporteur a souligné que la question des relations entre la
chancellerie et le Parquet donnait lieu à débat depuis bien
longtemps et que le projet de loi ne contestait pas le principe de la
hiérarchisation du Parquet, tout en modifiant sensiblement
l'organisation de cette hiérarchie. Il a rappelé que l'article 36
du code de procédure pénale permettait actuellement au ministre
de la justice de dénoncer aux procureurs généraux les
infractions à la loi pénale et de leur enjoindre d'engager ou de
faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente des
réquisitions qu'il jugeait opportunes. Il a indiqué que ce texte
était généralement interprété comme
empêchant le ministre de la justice de donner des instructions de
classement.
M. Pierre Fauchon, rapporteur
, a alors fait valoir que ce système
était aujourd'hui critiqué et que le Gouvernement souhaitait
mettre fin à l'idée selon laquelle les instructions
données par le ministre de la justice seraient de nature politique. Il a
précisé que le projet de loi tendait tout d'abord à
supprimer la rédaction actuelle de l'article 36 du code de
procédure pénale et à interdire expressément au
ministre de la justice de donner des instructions dans les affaires
individuelles.
Le rapporteur a observé que trois dispositions tendaient à
réaffirmer, en contrepartie, la hiérarchisation du Parquet et les
responsabilités du ministre. Il a indiqué que le pouvoir de
donner des instructions individuelles était transféré du
ministre de la justice aux procureurs généraux, qui se verraient
investis d'un pouvoir fort. Il a souligné que le projet de loi tendait
à reconnaître au ministre la possibilité de définir
des orientations générales de politique pénale,
naturellement dans le cadre de la loi pénale votée par le
Parlement. Il a noté que ces orientations seraient envoyées aux
procureurs généraux, qu'elles pourraient faire l'objet
d'adaptations, qu'elles seraient diffusées aux procureurs mais aussi au
public et que leur mise en oeuvre donnerait lieu chaque année à
des rapports des procureurs et des procureurs généraux. Il a
enfin précisé que le ministre devrait rendre compte de
l'application de la politique pénale devant le Parlement et que cette
déclaration pourrait donner lieu à un débat. Il a
estimé que cette dernière disposition était une
évolution importante.
Le rapporteur a enfin fait valoir que le projet de loi tendait à
reconnaître au ministre de la justice le droit de mettre lui-même
en mouvement l'action publique.
Citant le mot du poète " Dichtung und Wahrheit ",
c'est-à-dire " poésie et vérité ", le
rapporteur a estimé que le projet de loi relevait plus, à
certains égards, de la poésie que de la vérité. Il
a indiqué que la suppression des instructions individuelles
écrites et versées au dossier ne mettrait pas fin au
soupçon concernant l'intervention du politique dans les affaires
judiciaires et qu'il était parfois possible de faire comprendre beaucoup
de choses par un simple geste. Il en a conclu qu'il ne fallait guère se
faire d'illusions à propos des instructions de nature politique,
rappelant que les instructions anormales ne passaient jamais par des canaux
normaux.
M. Pierre Fauchon, rapporteur
, a alors estimé qu'une vision
optimiste du projet de loi pouvait laisser penser que la chancellerie ne
donnerait plus d'instructions individuelles tout en demeurant informée
du déroulement des affaires et en donnant toute l'assistance technique
nécessaire aux membres du Parquet. Il a déclaré ne pas
partager cet optimisme, observant que, d'ores et déjà, les
procureurs se sentaient seuls et qu'ils ne recevaient que fort peu
d'informations de la chancellerie. Il a exprimé la crainte que ce projet
de loi, joint à la tendance actuelle des magistrats de vouloir exercer
leurs fonctions dans leur région d'origine, n'aboutisse à une
" balkanisation " et à une régionalisation de l'action
publique. Il a fait valoir que le projet de loi ne pouvait conduire qu'à
un renforcement de l'autonomie des magistrats, qui étaient d'ores et
déjà convaincus qu'ils n'avaient à agir qu'en fonction de
leur conscience. Il a enfin fait valoir que le désengagement de la
chancellerie pourrait provoquer, en contrepartie, un renforcement du pouvoir du
ministère de l'intérieur.
Le rapporteur a estimé que le Sénat ne pouvait se contenter
d'exprimer son scepticisme face au projet de loi, mais qu'il lui revenait de se
montrer constructif. Il a indiqué que le maintien du texte en vigueur
pourrait être aisément justifié, mais que le Sénat
mènerait un combat inutile en choisissant cette solution et qu'il ne
parviendrait vraisemblablement pas à faire comprendre un tel choix par
l'opinion publique.
M. Pierre Fauchon, rapporteur
, a alors proposé, en observant que
cette idée lui avait été inspirée par
M. Christian Bonnet, qu'à tout le moins, le ministre de la
justice conserve le pouvoir de donner des instructions individuelles dans les
affaires relatives à la sûreté de l'Etat, et
singulièrement en matière de terrorisme. Il a estimé que,
dans les autres affaires, le ministre ne désirant plus assumer ses
prérogatives, il était souhaitable de mettre en place une
autorité indépendante du pouvoir politique chargée de
coordonner l'action publique.
Le rapporteur a rappelé que l'Espagne, le Portugal et la Grande-Bretagne
connaissaient d'ores et déjà de tels systèmes. Il a
indiqué qu'en Grande-Bretagne, les affaires concernant la
sûreté de l'Etat relevaient du ministre de la justice, les autres
d'un directeur des poursuites publiques.
Il a proposé qu'un procureur général de la
République soit nommé pour cinq ans par le Chef de l'Etat sur une
liste de trois noms proposés par le Conseil supérieur de la
magistrature. Il a précisé que son mandat ne serait pas
renouvelable et qu'il pourrait être mis fin à ses fonctions sur
décision du Conseil supérieur de la magistrature.
Le rapporteur a alors indiqué que ce procureur général de
la République pourrait, pour sa part, donner les instructions
écrites, motivées et versées au dossier que le ministre de
la justice se refusait désormais à donner. Il a indiqué
que cette solution prenait pleinement en compte la volonté du
Gouvernement de mettre fin au soupçon relatif au caractère
politique des instructions individuelles, tout en évitant un risque de
" balkanisation " de l'action publique.
Au cours du débat qui a suivi l'exposé du rapporteur,
M. Christian Bonnet
a regretté que l'Etat
délaisse de plus en plus ses attributs régaliens. Il a
rappelé que les pouvoirs de l'Etat étaient de plus en plus
enserrés entre ceux de l'Union européenne et ceux des
collectivités locales. Il a noté que les lois trouvaient en outre
de plus en plus leur origine dans des faits et que le Parlement se trouvait
aujourd'hui conduit à examiner un amendement " Michelin " ou
un projet de loi " Himalaya ".
Rappelant que Paul Valéry avait écrit qu'un homme
compétent est un homme qui se trompe suivant les règles,
M.
Christian Bonnet
a constaté que le législateur
compétent était désormais celui qui
légiférait selon l'air du temps. Approuvant les propositions
formulées par le rapporteur, il a considéré qu'il
était impensable d'abandonner aux procureurs généraux
l'ensemble des décisions concernant l'action publique dans des affaires
mettant en cause l'Etat, en particulier en matière de terrorisme.
M. Patrice Gélard
a approuvé la solution proposée
par le rapporteur, tout en regrettant que le système actuel soit remis
en cause. Il a observé que le projet de loi ne prévoyait rien
à propos de la responsabilité des procureurs et que, d'ores et
déjà, chaque procureur, chaque substitut agissait comme bon lui
semblait. Il a estimé nécessaire de lier l'entrée en
vigueur du présent texte à l'adoption du projet de loi organique
concernant le statut de la magistrature.
M. Jacques Larché, président
, a rappelé
que Mme Elisabeth Guigou s'était déclarée attachée
à ce que les décisions du Conseil supérieur de la
magistrature deviennent publiques. Il a rappelé qu'il existait bien
quelques décisions disciplinaires du Conseil supérieur de la
magistrature mais qu'elles ne sanctionnaient que des affaires privées.
M. Lucien Lanier
a observé que le projet de loi donnait des
pouvoirs considérables aux procureurs généraux et que l'on
pouvait craindre, à la limite, une réapparition des Parlements de
province d'Ancien régime. Il s'est déclaré favorable
à la création d'une autorité permettant un contrôle
de l'action des procureurs généraux et s'est demandé si ce
rôle ne pourrait pas être exercé par le procureur
général près la cour de Cassation.
M. Charles Jolibois
a souligné que l'idée de lier
l'application du projet de loi relatif à l'action pénale à
l'adoption du projet de loi organique sur le statut des magistrats
n'apporterait que des garanties minimes, le Sénat n'ayant qu'une prise
limitée sur le contenu de la loi organique.
M. Jean-Jacques Hyest
s'est déclaré ouvert aux
évolutions nécessaires concernant le fonctionnement de la
justice, mais a estimé préoccupante la situation actuelle. Il a
rappelé que la mobilité des magistrats tendait à devenir
lettre morte et que le projet de loi engageait le Parquet dans une voie
très incertaine. Il a fait valoir que, pour les citoyens, le procureur
était le représentant de l'Etat, en partageant le sentiment que,
d'ores et déjà, le Parquet n'était pas dirigé. Il a
rappelé que dans certains pays fédéraux, notamment en
Allemagne, la lutte contre le terrorisme avait été
entravée par la difficulté de coordonner l'action publique et
s'est demandé s'il était opportun, pour la France, de suivre un
tel chemin. Il a enfin estimé singulier que le ministre puisse mettre en
mouvement l'action publique, considérant qu'il s'agissait là
d'une prérogative du Parquet. Il a estimé
préférable que le ministre donne des instructions quand le
Parquet ne remplit pas son office.
M. Robert Badinter
a tout d'abord noté que la question des
rapports entre la chancellerie et les parquets était
évoquée depuis très longtemps dans les milieux judiciaires
et qu'elle avait donné lieu à de nombreux colloques. Il a
estimé que l'autorité ministérielle s'était
écrasée en hélicoptère sur les pentes de l'Himalaya
et que l'on n'y pouvait rien changer. Il s'est déclaré partisan
de donner aux magistrats du Parquet des garanties fortes sur le
déroulement de leur carrière et a souhaité que le projet
de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature
puisse être adopté dans les meilleurs délais. Il a
indiqué qu'il aurait préféré que les conditions de
nomination des procureurs et des procureurs généraux soient
purement et simplement alignées sur les conditions de nomination des
magistrats du siège.
M. Robert Badinter
a alors estimé que, dans un monde où se
développait la criminalité organisée nationale et surtout
internationale, l'exercice de l'action publique impliquait unité,
hiérarchie et responsabilité. Soulignant qu'il était
possible de s'interroger sur l'importance de la criminalité
organisée dans la future Europe élargie, il a affirmé
qu'il était de la responsabilité du garde des sceaux d'exercer
l'action publique et qu'il devait en être responsable devant l'opinion
publique.
Notant que Charles Péguy avait déclaré qu'il était
bien d'avoir les mains propres, pourvu qu'on ne se coupe pas les mains,
M.
Robert Badinter
a estimé que cette responsabilité du ministre
en matière d'action publique n'était pas dans l'air du temps. Il
a constaté qu'il n'était pas possible de répéter
impunément pendant des années que les instructions de la
chancellerie étaient un mal sans que cela ait des conséquences
sur la mentalité et la culture des magistrats. Il a fait valoir que les
nouveaux magistrats étaient convaincus que, seule, leur conscience
devait dicter leurs choix et que les procureurs généraux
n'avaient qu'une autorité de principe sur les procureurs, ces derniers
n'ayant eux-mêmes qu'une autorité de principe sur les substituts.
Il a indiqué que la magistrature évoluait d'une culture de
soumission à une culture de concertation.
M. Robert Badinter
a ensuite fait valoir que nous vivions dans une
démocratie d'opinion et qu'il était impossible de l'ignorer. Il a
rappelé qu'en 1998, selon un sondage, 16 % seulement des citoyens
estimaient que la magistrature était indépendante à
l'égard du pouvoir politique.
Evoquant la solution proposée par le rapporteur,
M. Robert Badinter
a estimé qu'elle n'avait pas le
mérite de l'originalité. Il a rappelé que l'exemple
anglais n'était pas comparable, le directeur des poursuites étant
nommé par l'Attorney général, ministre de la justice. Il a
indiqué que le véritable exemple était celui du Fiscal
général espagnol et a rappelé que la Cour
constitutionnelle espagnole avait déjà eu l'occasion d'annuler
une décision du conseil des ministres relative au choix de cette
personnalité. Il a souligné qu'en France, l'idée de
créer un procureur général de la République avait
été défendue par l'association professionnelle des
magistrats.
M. Robert Badinter
a déclaré qu'il était impossible
de retenir la solution proposée par le rapporteur, observant que ce
nouveau personnage aurait la maîtrise complète des poursuites et
des classements, tout en n'ayant aucune responsabilité. Il a fait valoir
que le projet de loi tendait simplement à inscrire dans la loi les
propositions de la commission de réflexion sur la justice, à
savoir la définition d'orientations générales de politique
pénale par le ministre de la justice, l'absence d'instructions
individuelles du ministre, le maintien d'une concertation et d'échange
d'informations entre les parquets et la chancellerie. Il a conclu son propos en
observant qu'il existait des situations où nul ne pouvait exercer la
responsabilité de la décision en matière d'action
publique, hors le pouvoir politique. Il a estimé que, face à
certains actes terroristes ou à des situations telles qu'une prise
d'otages, le ministre devrait pouvoir donner des instructions écrites et
versées au dossier. Il a enfin fait valoir qu'un procureur ou un
procureur général n'avait pas à assumer des
décisions aussi lourdes.
M. Robert Bret
s'est déclaré favorable à
l'orientation de la réforme proposée par le Gouvernement, mais a
indiqué avoir des interrogations sur la méthode proposée.
Il a observé que la société française doutait,
qu'elle était en crise, en manque de repères. Il a fait valoir
que s'il ne fallait pas légiférer en fonction d'une opinion, il
était nécessaire de tenir compte de l'évolution de la
société. Il a souhaité que le législateur prenne
désormais toujours en compte le développement de l'Union
européenne ainsi que la mondialisation. Il a enfin estimé que la
solution proposée par le rapporteur n'aurait pour effet que de
créer de nouvelles difficultés.
En réponse à M. Robert Badinter,
M. Maurice Ulrich
a
souligné qu'il était facile de réduire la situation
psychologique actuelle à quelque épisode exotique passé,
mais que d'autres comportements, tout aussi contestables, avaient pu être
observés. Il a souhaité savoir si M. Robert Badinter
considérait que la nécessité, pour le ministre de la
justice, d'intervenir dans certaines circonstances, notamment face à des
actes de terrorisme, impliquait la remise en cause de l'adage : " la
plume est serve mais la parole est libre ".
M. Robert Badinter
a alors souligné que ce principe, auquel on
pouvait attacher une valeur constitutionnelle, existait depuis l'origine du
Parquet, que l'audience était vivante et modifiait la conviction de
chacun et qu'il ne convenait pas de supprimer la liberté de parole du
Procureur.
M. Jacques Larché, président
, a rappelé
que l'adage " la plume est serve mais la parole est libre "
était lié au pouvoir hiérarchique.
Répondant aux orateurs,
M. Pierre Fauchon, rapporteur
,
a indiqué qu'il avait regretté pendant la préparation de
son rapport, de ne pas disposer du projet de loi organique sur le statut de la
magistrature. Il a estimé cohérent que le Président de la
République attende de connaître l'ensemble des
éléments relatifs au futur statut du Parquet pour réunir
le Parlement en Congrès sur le projet de loi constitutionnelle relatif
au Conseil supérieur de la magistrature.
Le rapporteur a ensuite noté qu'aucun orateur n'avait soutenu le projet
de loi présenté par le Gouvernement. Il a estimé
contradictoires certains propos de M. Robert Badinter et a
remarqué qu'il était difficile d'affirmer à la fois que
l'intervention du ministre de la justice dans la politique d'action publique
était absolument nécessaire, qu'elle n'était cependant pas
dans l'air du temps et qu'il ne fallait surtout pas, malgré
l'impossibilité que le ministre conserve son rôle actuel,
créer une nouvelle autorité chargée d'assumer ce
rôle. Il a en outre noté qu'il était conduit à
formuler des propositions parce que l'actuel garde des sceaux refusait
d'assumer une mission jugée essentielle par M. Robert Badinter.
Le rapporteur a déclaré que, toujours, lorsqu'une institution
nouvelle était proposée, certains prédisaient
l'échec inévitable. Il a fait valoir que l'indépendance de
la Banque de France n'avait pas conduit au cataclysme annoncé par
certains. Il a enfin souligné que la France n'était pas l'Espagne
et qu'elle était capable de mettre en place un système qui lui
soit propre.
M. Robert Badinter
a indiqué que la demande d'examiner la
nécessité éventuelle de rompre les liens entre le Parquet
et le Gouvernement avait été exprimée à l'origine
par le Président de la République.
M. Patrice Gélard
a observé que le système
proposé par le rapporteur ne fonctionnait pas qu'en Espagne ou en
Grande-Bretagne, mais aussi aux Pays-Bas et au Japon.
La commission a ensuite examiné les amendements présentés
par le rapporteur.
A l'
article premier
(attributions du ministre de la justice), elle a
adopté un amendement tendant à remplacer dans le texte
proposé pour l'article 30 du code de procédure pénale
le mot " directives " par le mot " orientations ".
M. Pierre Fauchon, rapporteur
, a indiqué que les
circulaires de politique pénale n'avaient pas de valeur normative et que
le terme d' " orientations ", qui figurait dans le projet de loi
initial paraissait plus clair, à cet égard, que celui de
" directives ".
La commission a adopté un amendement tendant à compléter
le texte proposé pour l'article 30 du code de procédure
pénale afin de prévoir la possibilité pour le ministre de
la justice de donner des instructions individuelles dans les affaires
concernant les infractions visées aux titres premier et II du
livre IV du code pénal. Le rapporteur a fait valoir que le
Sénat se devait de demander solennellement au garde des sceaux de
conserver ses responsabilités dans les affaires mettant en cause la
sûreté de l'Etat.
M. Patrice Gélard
s'est demandé s'il ne faudrait
pas faire référence à toutes les affaires ayant une
implication en matière de relations internationales.
M. Jacques Larché, président
, a observé
qu'on ne pouvait définir les pouvoirs du ministre qu'en prenant en
compte des infractions précises.
M. Robert Badinter
s'est opposé à l'amendement, soulignant que l'intervention du
ministre pouvait être indispensable, non face à certaines
infractions quelle que soit leur gravité, mais face à certaines
situations dans lesquelles l'intérêt national peut être mis
en cause.
M. Charles Jolibois
s'est demandé s'il ne
conviendrait pas que le ministre de la justice conserve également le
pouvoir de donner des instructions individuelles en matière de trafic de
stupéfiants.
La commission a ensuite adopté un amendement supprimant le texte
proposé pour l'article 30-1 du code de procédure
pénale, relatif au droit d'action propre du ministre de la justice. Le
rapporteur a fait valoir qu'au cours des auditions auxquelles il avait
procédé, toutes les personnes entendues avaient qualifié
de singulière cette intervention personnelle du garde des sceaux. Il a
indiqué que les exemples donnés par la ministre concernant
l'utilisation de ce pouvoir propre n'apparaissaient pas convaincants.
M. Jean-Pierre Schosteck
a fait valoir que ce droit d'action
était l'expression du remords d'avoir abandonné le droit de
donner des instructions individuelles.
M. Jacques Larché, président
, a souligné
que le garde des sceaux avait indiqué que ce droit d'action engagerait
sa responsabilité. Il a rappelé que, sous la
V
e
République, il n'existait aucun moyen d'engager la
responsabilité politique personnelle d'un ministre.
La commission a enfin adopté trois amendements de coordination et un
amendement de conséquence tendant à supprimer l'information du
Parlement sur l'application du droit d'action propre du ministre de la justice.
Après l'article premier
, la commission a examiné un
amendement tendant à insérer un
article additionnel
afin
d'insérer un chapitre premier ter composé de quatre
articles 30-3 à 30-6 dans le titre premier du
livre premier du code de procédure pénale, relatif au
procureur général de la République. Le rapporteur a
souligné que celui-ci veillerait à la cohérence de
l'exercice de l'action publique et coordonnerait l'action des procureurs
généraux.
Il a précisé que le procureur général de la
République pourrait donner des instructions individuelles aux procureurs
généraux et qu'il devrait adresser chaque année au
Président de la République et au ministre de la justice un
rapport sur son activité. Il a observé qu'il serait
désigné par le Président de la République sur une
liste de trois personnalités proposées par le Conseil
supérieur de la magistrature et que son mandat, d'une durée de
cinq ans, ne serait pas renouvelable. Il a enfin indiqué qu'il pourrait
être mis fin aux fonctions du procureur général de la
République en cas d'empêchement ou de manquement grave aux
obligations de sa charge, sur décision du Conseil supérieur de la
magistrature, prise sur proposition du ministre de la justice.
M. Jacques Larché, président
, a indiqué que la
nomination du procureur général de la République serait
nécessairement un acte soumis à contreseing, les actes ne donnant
pas lieu à un tel contreseing étant limitativement
énumérés à l'article 19 de la Constitution.
M. Patrice Gélard
a souhaité que la
décision de mettre fin aux fonctions soit prise par le Conseil
supérieur de la magistrature mais que, par respect du
parallélisme des formes, elle donne lieu à une décision
formelle du Président de la République qui aurait alors
compétence liée.
La commission a alors adopté l'amendement ainsi modifié.
La commission a adopté un amendement de suppression de
l'
article premier bis
(droit pour les associations de demander
au procureur de faire appel sur l'action publique). Le rapporteur a
estimé contestable de permettre à certaines associations de faire
pression sur le procureur pour qu'il fasse appel. Il a fait valoir que toutes
les parties civiles pourraient revendiquer le même droit.
La commission a adopté un amendement de suppression de
l'
article premier ter
(pourvois dans l'intérêt de
la loi) tendant à modifier l'article 620 du code de
procédure pénale, afin de fixer des délais pour l'examen
par la Cour de Cassation des pourvois dans l'intérêt de la loi.
A l'
article 2
(attributions du procureur général
près la cour d'appel), outre quatre amendements de coordination, la
commission a adopté un amendement tendant à compléter le
texte proposé pour l'article 36 du code de procédure
pénale afin de prévoir que le procureur général
prend des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui
sont données soit par le ministre de la justice soit par le procureur
général de la République.
La commission a adopté un amendement tendant à supprimer la
disposition du texte proposé pour l'article 37 du code de
procédure pénale interdisant explicitement aux procureurs
généraux de donner des instructions faisant obstacle à la
mise en mouvement de l'action publique. Le rapporteur a indiqué que
cette précision n'était pas indispensable, la phrase
précédente n'autorisant que les seules instructions d'engager des
poursuites ou de saisir la juridiction compétente de réquisitions
écrites.
La commission a adopté un amendement tendant à modifier le
premier alinéa du texte proposé pour l'article 37-2 du code
de procédure pénale, afin de permettre au procureur
général de la République, comme au ministre de la justice,
d'être informés sur les affaires individuelles.
Enfin, la commission a examiné un amendement tendant à
compléter le texte proposé pour l'article 37-2 du code de
procédure pénale, afin de prévoir que les procureurs
généraux communiquent leur rapport au procureur
général de la République. A la suite d'une intervention de
M. Jacques Larché, président
, la commission a
estimé préférable que les rapports des procureurs
généraux soient transmis au procureur général de la
République par le ministre de la justice. Elle a adopté
l'amendement ainsi modifié.
A l'
article 3
(attributions du procureur de la République),
la commission a adopté deux amendements de coordination.
La commission a ensuite examiné par priorité un amendement
tendant à réécrire l'
article 5
(recours contre
les classements sans suite) du projet de loi.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur
, a indiqué que le chapitre II du projet de loi
tendait à renforcer les garanties offertes aux citoyens face aux
classements sans suite. Il a précisé que le projet de loi
prévoyait la notification et la motivation des décisions de
classement et qu'il organisait, dans son article 5, un recours contre ces
décisions. Il a observé que cet article tendait à
permettre aux personnes n'ayant pas qualité pour se constituer partie
civile de faire un recours contre les décisions de classement
auprès du procureur général, puis, en cas de
réponse négative ou d'absence de réponse, devant une
commission interrégionale composée de magistrats du Parquet.
Le rapporteur a estimé qu'il était contestable de limiter le
droit d'intenter un recours hiérarchique aux seules personnes n'ayant
pas qualité pour se constituer partie civile. Il a souligné que
le recours devant les commissions interrégionales était lourd et
complexe. Il a donc proposé, d'une part d'ouvrir le recours
hiérarchique à tous et de l'inscrire après l'article du
code de procédure pénale relatif à la motivation des
décisions de classement, d'autre part, de supprimer le second
échelon du recours.
Le rapporteur a enfin souhaité que le terme de classement sans suite ne
soit plus employé dans le code de procédure pénale et dans
le projet de loi, observant que les alternatives aux poursuites
n'étaient pas des classements et encore moins des classements sans
suite. Il a proposé de remplacer la référence aux
décisions de classement par une référence aux
décisions de ne pas poursuivre.
La commission a alors adopté l'amendement proposé par le
rapporteur.
A l'
article 3
(attributions du procureur de la République),
la commission a ensuite adopté un amendement de coordination ainsi que
deux amendements tirant les conséquences de l'amendement adopté
à l'article 5.
Avant l'article 4
, la commission a adopté un amendement de
conséquence tendant à modifier l'intitulé du
chapitre II afin qu'il ne fasse plus référence aux
classements sans suite, mais aux décisions de ne pas poursuivre.
A l'
article 4
(notification et motivation des classements sans
suite), la commission a adopté un amendement tendant à modifier
le texte proposé pour l'article 40-1 du code de procédure
pénale, afin de remplacer la référence à la
décision de classement par une référence à la
décision de ne pas poursuivre.
Elle a également adopté un amendement tendant à supprimer
la précision selon laquelle la motivation des décisions de ne pas
poursuivre doit être faite en distinguant les considérations de
droit et de fait. Le rapporteur a fait valoir qu'en pratique les motivations
données par les procureurs ne distingueraient pas réellement les
considérations de droit et les considérations de fait.
A l'
article 6
(prise en compte des directives
générales de politique pénale dans l'activité de la
police judiciaire), la commission a adopté un amendement de coordination.
A l'
article 7
(renforcement des attributions du procureur de la
République en matière de police judiciaire), outre un amendement
de coordination, la commission a adopté deux amendements tendant
à supprimer les deux derniers alinéas de cet article. Le
rapporteur a constaté que ces alinéas prévoyaient que le
procureur et les services de police ou de gendarmerie définissaient d'un
commun accord les moyens à mettre en oeuvre en cas d'enquête
longue ou complexe et qu'ils se tenaient informés des moyens à
mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs fixés par les orientations
générales de politique pénale. Il a fait valoir que ces
dispositions n'apportaient rien au droit positif et donnaient même le
sentiment que le procureur et les services de police et de gendarmerie
étaient placés sur un pied d'égalité.
Par coordination avec les décisions prises à l'article 7, la
commission a adopté un amendement de suppression de
l'
article 9
(droit de regard du juge d'instruction sur les moyens
mis en oeuvre en cas de commission rogatoire).
Après l'article 10
, la commission a adopté un
amendement tendant à insérer un
article additionnel
pour
prévoir que les enquêtes relatives au comportement d'officiers ou
d'agents de police judiciaire dans l'exercice d'une mission de police
judiciaire associent l'inspection générale des services
judiciaires au service d'enquête compétent et peuvent être
ordonnées par le ministre de la justice.
M. René-Georges Laurin
a souhaité savoir si la
gendarmerie serait concernée par cette mesure.
M. Jean-Jacques Hyest
a alors fait valoir qu'il existait une
inspection de la police nationale, ainsi qu'une inspection de la gendarmerie,
et que l'amendement du rapporteur avait pour objet d'associer l'inspection des
services judiciaires aux inspections concernant l'ensemble des officiers de
police judiciaire, qu'ils soient policiers ou gendarmes.
A l'
article 11
(coordinations et dispositions diverses), la
commission a adopté six amendements de conséquence avec la
décision de supprimer le droit d'action propre du garde des sceaux.
A l'
article 12
(application dans les territoires d'outre-mer, en
Nouvelle-Calédonie et dans la collectivité territoriale de
Mayotte), la commission a adopté un amendement tendant à
remplacer la référence aux territoires d'outre-mer par une
référence à la Polynésie française et aux
îles Wallis et Futuna.
La commission a alors
approuvé l'ensemble du projet de loi ainsi
modifié.
ANNEXE 2
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR
M. PIERRE FAUCHON, RAPPORTEUR
(par ordre chronologique)
|
|
|
•
Union syndicale des magistrats
|
|
•
Synergie Officiers
:
|
|
•
Syndicat national des officiers de police
:
|
|
•
M. JEANNIN, procureur de la République près le tribunal de grande
instance de Meaux
|
ANNEXE 3
ETUDE D'IMPACT DU PROJET DE
LOI
PROJET
DE LOI RELATIF
À L'ACTION PUBLIQUE EN MATIÈRE PÉNALE
ET
MODIFIANT LE CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
- ETUDE D'IMPACT -
I.-
ANALYSE DE L'IMPACT JURIDIQUE ET ADMINISTRATIF
A.-
Législation applicable (état et historique) et
intérêt des solutions retenues
1.-
Les rapports entre le Garde des Sceaux et l'organisation
hiérarchique du ministère public
Conformément aux dispositions de l'article 5 de
l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature,
les magistrats du Parquet sont placés sous l'autorité du Garde
des Sceaux, ministre de la justice.
En application de cette disposition, l'article 36 du code de
procédure pénale accorde aujourd'hui au Garde des Sceaux non
seulement la faculté de dénoncer au procureur
général territorialement compétent les infractions
à la loi pénale dont il peut avoir connaissance mais
également le pouvoir d'enjoindre à ce magistrat, par instructions
écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager
ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction
compétente des réquisitions écrites que lui-même
juge opportunes.
Le Garde des Sceaux, responsable ministériel et donc autorité
publique, se voit par conséquence reconnaître par le droit positif
le droit de donner au ministère public des instructions de toute nature
dans le cadre de procédures particulières.
Certains ont au surplus soutenu la thèse selon laquelle, bien que
l'article 36 du code de procédure pénale ne fasse
expressément référence qu'à des instructions de
poursuites, les dispositions générales de l'article 5 du
statut de la magistrature permettaient au Garde des Sceaux d'adresser aux
parquets des instructions de classement sans suite des procédures
pénales.
Cet état de fait juridique a permis dans le passé des
interventions directes du politique dans des affaires considérées
comme " sensibles ". Certaines d'entre elles,
révélées par les médias à l'opinion
publique, ont indubitablement suscité en son sein, un soupçon
profond à l'égard des responsables publics et des doutes sur le
caractère impartial de leurs instructions.
Le projet de loi proposé aujourd'hui par le Gouvernement permettra de
mettre fin au temps du soupçon et de réhabiliter l'institution
judiciaire dont l'indépendance et l'impartialité ne pourront plus
être contestées.
Ce texte s'inscrit dans une évolution législative constante qui a
tendu à encadrer les interventions du Garde des Sceaux,
représentant de l'exécutif, dans le cheminement des affaires
judiciaires, et à assurer leur publicité et donc leur
transparence.
La loi du 24 janvier 1993 avait ainsi complété l'article 36
du code de procédure pénale afin de préciser que les
instructions du ministre de la justice devaient toujours être
écrites.
Le législateur avait ensuite manifesté sa volonté d'un
surcroît de transparence modifiant à nouveau l'article 36 par
la loi du 24 août 1993, afin de préciser que le ministre de la
justice ne peut enjoindre au procureur général d'engager ou de
faire engager des poursuites que par des instructions non seulement
écrites mais également versées au dossier de la
procédure.
C'est ce texte encore aujourd'hui en vigueur que le présent projet de
loi a l'intention de modifier dans le sens d'une plus grande transparence de
l'intervention ministérielle dans la mise en mouvement ou l'orientation
de l'action publique.
Ainsi, le Garde des Sceaux ne pourra dorénavant plus donner
d'instructions de quelque nature que ce soit dans les dossiers particuliers.
Ses interventions en matière pénale se feront désormais,
d'une part, par l'élaboration et la diffusion des orientations
générales de la politique pénale, d'autre part, par la
possibilité, exceptionnelle et subsidiaire, de mettre lui-même en
mouvement l'action publique.
Afin de donner corps à la volonté du Gouvernement d'agir en
matière judiciaire dans un souci constant de transparence, le Garde des
Sceaux présentera chaque année au Parlement une
déclaration sur sa politique judiciaire, informera la
représentation nationale des orientations générales de
politique pénale qui auront été adressées aux
juridictions et fera connaître aux parlementaires le nombre et la
qualification juridique des infractions pour lesquelles il aura lui-même
mis en mouvement l'action publique.
Le présent projet de texte aura donc un impact important sur le droit
positif actuel puisqu'il modifie profondément, non seulement le texte
même du code de procédure pénale, mais également
l'esprit présidant aux rapports entre le Garde des Sceaux et le
ministère public.
2.-
Rôle des procureurs généraux et des procureurs de la
République
Les dispositions du projet précisant les attributions des procureurs
généraux et des procureurs de la République, notamment en
ce qui concerne la mise en oeuvre des orientations générales de
la politique pénale, sont présentées dans l'exposé
des motifs.
3.-
La motivation des classements sans suite
Le droit positif en vigueur ne crée nulle obligation à la charge
du ministère public de motiver ses décisions de classement sans
suite d'une plainte ou d'une dénonciation. L'article 40 du code de
procédure pénale, dont la rédaction sur ce point date de
la loi du 30 décembre 1985, dispose seulement que le procureur de la
République avise le plaignant du classement de l'affaire ainsi que la
victime lorsque celle-ci est identifiée.
Cependant, de nombreux parquets ont développé depuis plusieurs
années des pratiques de motivation et de notification des classements
sans suite.
L'on comprendra toutefois que le dispositif légal puisse engendrer
frustration et incompréhension chez un justiciable qui se voit notifier
une décision de justice dans pouvoir connaître le motif de
celle-ci.
Aussi, dans un souci de transparence et afin de rapprocher l'institution
judiciaire du justiciable, est-il proposé de créer une obligation
de motivation à la charge du procureur de la République. Celui-ci
fera connaître au justiciable qui lui aura adressé une plainte ou
une dénonciation les raisons de droit et de fait qui l'ont conduit
à prendre une décision de classement.
Ce dispositif, qui ne pourra s'appliquer qu'aux procédures dans
lesquelles une personne est susceptible d'être mise en cause,
reconnaît de fait aux justiciables un droit nouveau.
4.-
Le recours contre les classements sans suite
L'article 40 du code de procédure pénale définit le
pouvoir dit " d'opportunité des poursuites " reconnu au
procureur de la République : ce magistrat reçoit les
plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur
donner. Il peut donc procéder, même lorsque les
éléments constitutifs d'une infraction sont réunis
à leur classement, c'est à dire choisir de ne pas leur donner de
suites pénales s'il l'estime opportun. Son appréciation doit se
fonder notamment sur des considérations relatives à l'ordre
public et à la paix sociale.
Certains ont été amenés à penser, au vu notamment
d'exemples précis ayant défrayé la chronique
médiatique, que ce pouvoir accordé au procureur de la
République était exorbitant. Certains classements ont pu
paraître inspirés plus par un souci de satisfaire aux voeux ou aux
intérêts du pouvoir en place que par une stricte volonté de
préserver l'ordre public ou la paix sociale.
La situation actuelle n'étant manifestement pas satisfaisante car
inspirant le soupçon envers le ministère public, une modification
du droit positif apparaît nécessaire. Il est donc
créée une voie spéciale de recours qui sera ouverte aux
personnes intéressées, à l'exception de tous ceux qui ont
qualité pour se constituer partie civile et qui peuvent donc agir par
voie de dépôt de plainte avec constitution de partie civile ou de
citation directe devant le tribunal correctionnel.
Ce nouveau dispositif permettra sans nul doute d'éviter ou, tout au
moins, de limiter le risque qu'une erreur manifeste d'appréciation ou un
choix de complaisance ne conduise à un deni de justice ou à une
absence coupable d'application de la loi pénale.
5.-
Le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police
judiciaire
Les articles 12 et 41 du code de procédure pénale disposent
respectivement que la police judiciaire est exercée sous la direction du
procureur de la République et que celui-ci dirige l'activité des
officiers et agents de la police judiciaire dans le ressort de son tribunal.
Néanmoins, malgré la clarté des textes qui fondent le
contrôle de l'autorité judiciaire sur les activités de
police judiciaire, il est apparu que ledit contrôle avait parfois pour
des motifs de nature différente, des difficultés à
s'exercer.
Aussi est-il introduit dans le code de procédure pénale un
certain nombre de dispositions qui viennent compléter les
articles 12 et 41 et précisent, d'une part l'étendue du
pouvoir de contrôle du procureur de la République et d'autre part,
les obligations à la charge des officiers de police judiciaire.
B.-
Impact au regard de l'objectif de simplification
administrative
Le présent projet de texte aboutit de fait à un certain
renforcement de la complexité administrative, à rebours de
l'objectif de simplification recherchée en la matière, puisqu'il
amène la création d'une nouvelle commission -la commission des
recours- chargée d'examiner la recevabilité des recours
exercés par des justiciables contre les classements sans suite.
Les objectifs de la réforme exigent toutefois la création de ces
commissions.
Il convient en outre d'observer que ces commissions seront composées de
magistrats du Parquet des cours d'appel, et qu'il appartient d'ores et
déjà aux procureurs généraux d'examiner les
contestations qui pourraient leur être adressées par des
justiciables estimant non justifiée une décision de classement
sans suite prise par un procureur de la République, même si cette
possibilité est peu usitée en pratique.
II-
IMPACT SOCIAL, ECONOMIQUE ET BUDGÉTAIRE
A.-
Impact des dispositions sur la société au regard des
principes démocratiques et républicains
1.-
Les rapports entre le garde des sceaux et l'organisation
hiérarchique du ministère public
Les nouveaux rapports entre le garde des sceaux et l'organisation
hiérarchique du ministère public tels qu'ils sont définis
par le projet de loi sont fondés sur le respect des principes de
légitimité et de transparence, ce qui renforcera la confiance des
justiciables dans l'institution judiciaire.
2.-
La motivation des classements sans suite
L'obligation de motiver les classements sans suite, outre le fait qu'elle
correspond à une évolution constante qui a touché depuis
un certain temps l'ensemble des pratiques de l'administration, donnera un
surcroît de légitimité aux décisions du Parquet.
Une décision dont le justiciable connaît et comprend les
fondements est plus facilement acceptée. Cette mesure accroît la
transparence de l'action du ministère public et renforce ainsi
crédibilité et sa légitimité et satisfait ainsi aux
exigences d'une société démocratique.
3.- L
es recours contre les classements sans suite
Les dispositions du projet de loi en la matière devront permettre
d'éviter que des erreurs manifestes d'appréciation des magistrats
du ministère public ou des choix contestables inspirés par des
motifs inavouables ne conduisent à des dénis de justice ou
à des absences coupables d'application de la loi pénale.
Quoiqu'il en soit, la création d'une voie de recours contre les
décisions de classement du ministère public, qui évoque
d'une certaine manière la règle du double degré de
juridiction et permet donc un nouvel examen d'une situation donnée,
apparaît comme un progrès de nature démocratique, qu'il
soit considéré en terme de droits nouveaux accordés aux
citoyens ou perçu comme un nouvel instrument de contrôle de
l'activité d'une autorité étatique.
4.-
Le renforcement du contrôle de la police judiciaire sur
l'autorité judiciaire
L'activité de police judiciaire, faisant courir par nature des risques
aux libertés fondamentales, doit être étroitement
dirigée, surveillée et contrôlée par les magistrats
de l'ordre judiciaire, institués gardiens des libertés
individuelles par l'article 66 de la Constitution.
Un renforcement du contrôle de la police judiciaire par l'autorité
judiciaire s'inscrit donc naturellement dans une perspective d'application plus
ferme des principes démocratiques et républicains.
B.-
Effets micro-économiques et macro-économiques du projet
de loi
Néant.
C.-
Conséquences budgétaires du projet de loi
1) Le rôle accru des procureurs généraux n'augmentera pas
la charge globale de leur travail, mais rendra nécessaire, dans chaque
Parquet général, la présence d'un secrétaire
général qui leur permettra d'utiliser des instruments de
contrôle des politiques pénales dans leur ressort.
Il conviendra donc de créer 35 postes de secrétaires
généraux.
2) La motivation des classements sans suite
En 1995, 1 145 291 classement sans suite concernaient des
procédures dans lesquelles l'auteur était connu.
Il est estimé que dans 30 % de ces affaires, il n'y a pas de
victimes (par exemple infractions à la réglementation technique,
violation des règles du code de la route sans victime...).
La motivation des classements sans suite ne concernerait donc que 801 704
procédures.
30 minutes étant nécessaires à la formalisation de la
décision, cela équivaut (sur la base du temps moyen de travail
annuel des magistrats de 1 716 heures) à 234 emplois
équivalents temps plein (234 ETP =
801 714 x 30 mn/60 mn/1716).
Il conviendra donc de créer 234 ETP de magistrats.
Doit s'ajouter le coût de l'envoi, par lettre simple, des avis de
classement.
3) Le nombre des recours contre les classements sans suite est difficile
à évaluer.
Le poids des procédures initiées sur
" dénonciation " et classées sans suite peut être
estimé à 5 % de l'ensemble des affaires, soit
32 000 affaires.
Même si les recours devront être limités -d'autant que
chaque recours devant la commission devra être
précédé d'un recours devant le procureur
général -il faut prendre en compte l'hypothèse de saisines
infondées, qui, en tout état de cause, nécessiteront un
examen par un personnel attaché à la commission.
Aucun moyen nouveau en terme de magistrats ne paraît nécessaire,
les effectifs actuels des parquets généraux devant permettre
d'assurer la gestion de cette mesure. Il est par contre indispensable de
prévoir, pour ces commissions des recours, un secrétariat
général qui sera chargé de la mise en état des
dossiers.
Compte tenu de la compétence régionale des commissions, un
demi-poste de greffier par cour d'appel, soit au total 17 postes, est de
nature à répondre à ces besoins.
Il conviendra donc de créer 17 postes de greffiers (ce qui
correspond à 2,69 MF, plus 0,39 MF au titre de
l'accompagnement des créations d'emploi, dont 0,255 MF non
reconductible).
4) Le renforcement du contrôle de la police judiciaire suppose un
renforcement des moyens, notamment des magistrats des cours d'appel.
35 emplois de magistrats devront ainsi être répartis entre les
cours d'appel au regard du volume de l'activité judiciaire des services
de police et de gendarmerie.
Le coût est donc de 35 magistrats du 1
er
grade (2 du I-2, 33
du I-1), soit 13,37 MF, plus 1,16 MF d'accompagnement des
créations d'emplois, dont 0,875 MF d'accompagnement des
créations d'emplois, dont 0,875 MF non reconductible.
ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF
CODE
PÉNAL
LIVRE IV : DES CRIMES ET DÉLITS CONTRE LA NATION, L'ETAT ET LA PAIX
PUBLIQUE.
TITRE IER :
DES ATTEINTES AUX INTÉRÊTS FONDAMENTAUX DE LA NATION.
Art. 410-1
- Les intérêts fondamentaux de la nation
s'entendent au sens du présent titre de son indépendance, de
l'intégrité de son territoire, de sa sécurité, de
la forme républicaine de ses institutions, des moyens de sa
défense et de sa diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France
et à l'étranger, de l'équilibre de son milieu naturel et
de son environnement et des éléments essentiels de son potentiel
scientifique et économique et de son patrimoine culturel.
CHAPITRE Ier : De la trahison et de l'espionnage.
Art. 411-1 -
Les faits définis par les articles 411-2 à
411-11 constituent la trahison lorsqu'ils sont commis par un Français ou
un militaire au service de la France et l'espionnage lorsqu'ils sont commis par
toute autre personne.
Section 1 : De la livraison de tout ou partie du territoire national, de
forces armées ou de matériel à une puissance
étrangère.
Art. 411-2
- Le fait de livrer à une puissance
étrangère, à une organisation étrangère ou
sous contrôle étranger ou à leurs agents soit des troupes
appartenant aux forces armées françaises, soit tout ou partie du
territoire national est puni de la détention criminelle à
perpétuité et de 5 000 000 F d'amende.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la
période de sûreté sont applicables au crime prévu
par le présent article.
Art. 411-3
- Le fait de livrer à une puissance
étrangère, à une entreprise ou une organisation
étrangère ou sous contrôle étranger ou à
leurs agents des matériels, constructions, équipements,
installations, appareils affectés à la défense nationale
est puni de trente ans de détention criminelle et de 3 000 000 F
d'amende.
Section 2 : Des intelligences avec une puissance étrangère.
Art. 411-4 -
Le fait d'entretenir des intelligences avec une puissance
étrangère, avec une entreprise ou organisation
étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs
agents, en vue de susciter des hostilités ou des actes d'agression
contre la France, est puni de trente ans de détention criminelle et de 3
000 000 F d'amende.
Est puni des mêmes peines le fait de fournir à une puissance
étrangère, à une entreprise ou une organisation
étrangère ou sous contrôle étranger ou à
leurs agents les moyens d'entreprendre des hostilités ou d'accomplir des
actes d'agression contre la France.
Art. 411-5 -
Le fait d'entretenir des intelligences avec une puissance
étrangère, avec une entreprise ou organisation
étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs
agents, lorsqu'il est de nature à porter atteinte aux
intérêts fondamentaux de la nation, est puni de dix ans
d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende.
Section 3 : De la livraison d'informations à une puissance
étrangère.
Art. 411-6 -
Le fait de livrer ou de rendre accessibles à une
puissance étrangère, à une entreprise ou organisation
étrangère ou sous contrôle étranger ou à
leurs agents des renseignements, procédés, objets, documents,
données informatisées ou fichiers dont l'exploitation, la
divulgation ou la réunion est de nature à porter atteinte aux
intérêts fondamentaux de la nation est puni de quinze ans de
détention criminelle et de 1 500 000 F d'amende.
Art. 411-7 -
Le fait de recueillir ou de rassembler, en vue de les
livrer à une puissance étrangère, à une entreprise
ou organisation étrangère ou sous contrôle étranger
ou à leurs agents, des renseignements, procédés, objets,
documents, données informatisées ou fichiers dont l'exploitation,
la divulgation ou la réunion est de nature à porter atteinte aux
intérêts fondamentaux de la nation est puni de dix ans
d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende.
Art. 411-8 -
Le fait d'exercer, pour le compte d'une puissance
étrangère, d'une entreprise ou organisation
étrangère ou sous contrôle étranger ou de leurs
agents, une activité ayant pour but l'obtention ou la livraison de
dispositifs, renseignements, procédés, objets, documents,
données informatisées ou fichiers dont l'exploitation, la
divulgation ou la réunion est de nature à porter atteinte aux
intérêts fondamentaux de la nation est puni de dix ans
d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende.
Section 4 : Du sabotage.
Art. 411-9 -
Le fait de détruire, détériorer ou
détourner tout document, matériel, construction,
équipement, installation, appareil, dispositif technique ou
système de traitement automatisé d'informations ou d'y apporter
des malfaçons, lorsque ce fait est de nature à porter atteinte
aux intérêts fondamentaux de la nation, est puni de quinze ans de
détention criminelle et de 1 500 000 F d'amende.
Lorsqu'il est commis dans le but de servir les intérêts d'une
puissance étrangère, d'une entreprise ou organisation
étrangère ou sous contrôle étranger, le même
fait est puni de vingt ans de détention criminelle et de 2 000 000 F
d'amende.
Section 5 : De la fourniture de fausses informations.
Art. 411-10 -
Le fait de fournir, en vue de servir les
intérêts d'une puissance étrangère, d'une entreprise
ou organisation étrangère ou sous contrôle étranger,
aux autorités civiles ou militaires de la France des informations
fausses de nature à les induire en erreur et à porter atteinte
aux intérêts fondamentaux de la nation est puni de sept ans
d'emprisonnement et de 700 000 F d'amende.
Section 6 : De la provocation aux crimes prévus au présent
chapitre.
Art. 411-11 -
Le fait, par promesses, offres, pressions, menaces ou voies
de fait, de provoquer directement à commettre l'un des crimes
prévus au présent chapitre, lorsque la provocation n'est pas
suivie d'effet en raison de circonstances indépendantes de la
volonté de son auteur, est puni de sept ans d'emprisonnement et de 700
000 F d'amende.
CHAPITRE II : Des autres atteintes aux institutions de la République
ou à l'intégrité du territoire national.
Section 1 : De l'attentat et du complot.
Art. 412-1 -
Constitue un attentat le fait de commettre un ou plusieurs
actes de violence de nature à mettre en péril les institutions de
la République ou à porter atteinte à
l'intégrité du territoire national.
L'attentat est puni de trente ans de détention criminelle et de 3
000 000 F d'amende.
Les peines sont portées à la détention criminelle
à perpétuité et à 5 000 000 F d'amende lorsque
l'attentat est commis par une personne dépositaire de l'autorité
publique.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la
période de sûreté sont applicables à l'infraction
prévue au présent article.
Art. 412-2 -
Constitue un complot la résolution
arrêtée entre plusieurs personnes de commettre un attentat lorsque
cette résolution est concrétisée par un ou plusieurs actes
matériels.
Le complot est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende.
Les peines sont portées à vingt ans de détention
criminelle et à 2 000 000 F d'amende lorsque l'infraction est commise
par une personne dépositaire de l'autorité publique.
Section 2 : Du mouvement insurrectionnel.
Art. 412-3 -
Constitue un mouvement insurrectionnel toute violence
collective de nature à mettre en péril les institutions de la
République ou à porter atteinte à
l'intégrité du territoire national.
Art. 412-4 -
Est puni de quinze ans de détention criminelle et de
1 500 000 F d'amende le fait de participer à un mouvement
insurrectionnel :
1° En édifiant des barricades, des retranchements ou en faisant
tous travaux ayant pour objet d'empêcher ou d'entraver l'action de la
force publique ;
2° En occupant à force ouverte ou par ruse ou en
détruisant tout édifice ou installation ;
3° En assurant le transport, la subsistance ou les communications des
insurgés ;
4° En provoquant à des rassemblements d'insurgés, par
quelque moyen que ce soit ;
5° En étant, soi-même, porteur d'une arme ;
6° En se substituant à une autorité légale.
Art. 412-5 -
Est puni de vingt ans de détention criminelle et de 2
000 000 F d'amende le fait de participer à un mouvement insurrectionnel :
1° En s'emparant d'armes, de munitions, de substances explosives ou
dangereuses ou de matériels de toute espèce soit à l'aide
de violences ou de menaces, soit par le pillage, soit en désarmant la
force publique ;
2° En procurant aux insurgés des armes, des munitions ou des
substances explosives ou dangereuses.
Art. 412-6
- Le fait de diriger ou d'organiser un mouvement
insurrectionnel est puni de la détention criminelle à
perpétuité et de 5 000 000 F d'amende.
Section 3 : De l'usurpation de commandement, de la levée de forces
armées et de la provocation à s'armer illégalement.
Art. 412-7 -
Est puni de trente ans de détention criminelle et de
3 000 000 F d'amende le fait :
1° Sans droit ou sans autorisation, de prendre un commandement
militaire quelconque ou de le retenir contre l'ordre des autorités
légales ;
2° De lever des forces armées, sans ordre ou sans autorisation
des autorités légales.
Art. 412-8 -
Le fait de provoquer à s'armer contre
l'autorité de l'Etat ou contre une partie de la population est puni de
cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende.
Lorsque la provocation est suivie d'effet, les peines sont portées
à trente ans de détention criminelle et à 3 000 000 F
d'amende.
Lorsque la provocation est commise par la voie de la presse écrite
ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui
régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la
détermination des personnes responsables.
CHAPITRE III : Des autres atteintes à la défense nationale.
Section 1 : Des atteintes à la sécurité des forces
armées et aux zones protégées intéressant la
défense nationale.
Art. 413-1 -
Le fait, en vue de nuire à la défense
nationale, de provoquer des militaires appartenant aux forces armées
françaises à passer au service d'une puissance
étrangère est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F
d'amende.
Art. 413-2 -
Le fait, en vue de nuire à la défense
nationale, d'entraver le fonctionnement normal du matériel militaire est
puni de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende.
Est puni des mêmes peines le fait, en vue de nuire à la
défense nationale, d'entraver le mouvement de personnel ou de
matériel militaire.
Art. 413-3 -
Le fait, en vue de nuire à la défense
nationale, de provoquer à la désobéissance par quelque
moyen que ce soit des militaires ou des assujettis affectés à
toute forme du service national est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 500
000 F d'amende.
Lorsque la provocation est commise par la voie de la presse écrite
ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui
régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la
détermination des personnes responsables.
Art. 413-4 -
Le fait de participer à une entreprise de
démoralisation de l'armée en vue de nuire à la
défense nationale est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 F
d'amende.
Lorsque l'infraction est commise par la voie de la presse écrite ou
audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui
régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la
détermination des personnes responsables.
Art. 413-5 -
Le fait, sans autorisation des autorités
compétentes, de s'introduire frauduleusement sur un terrain, dans une
construction ou dans un engin ou appareil quelconque affecté à
l'autorité militaire ou placé sous son contrôle est puni
d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende.
Art. 413-6 -
Le fait, en vue de nuire à la défense
nationale, d'entraver le fonctionnement normal des services,
établissements ou entreprises, publics ou privés,
intéressant la défense nationale, est puni de trois ans
d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende.
Art. 413-7
- Est puni de six mois d'emprisonnement et de 50 000 F
d'amende le fait, dans les services, établissements ou entreprises,
publics ou privés, intéressant la défense nationale, de
s'introduire, sans autorisation, à l'intérieur des locaux et
terrains clos dans lesquels la libre circulation est interdite et qui sont
délimités pour assurer la protection des installations, du
matériel ou du secret des recherches, études ou fabrications.
Un décret en Conseil d'Etat détermine, d'une part, les
conditions dans lesquelles il est procédé à la
délimitation des locaux et terrains visés à
l'alinéa précédent et, d'autre part, les conditions dans
lesquelles les autorisations d'y pénétrer peuvent être
délivrées.
Art. 413-9
- La tentative des délits prévus aux articles
413-2 et 413-5 à 413-7 est punie des mêmes peines.
Section 2 : Des atteintes au secret de la défense nationale.
Art. 413-9 -
Présentent un caractère de secret de la
défense nationale au sens de la présente section les
renseignements, procédés, objets, documents, données
informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale
qui ont fait l'objet de mesures de protection destinées à
restreindre leur diffusion.
Peuvent faire l'objet de telles mesures les renseignements,
procédés, objets, documents, données informatisées
ou fichiers dont la divulgation est de nature à nuire à la
défense nationale ou pourrait conduire à la découverte
d'un secret de la défense nationale.
Les niveaux de classification des renseignements, procédés,
objets, documents, données informatisées ou fichiers
présentant un caractère de secret de la défense nationale
et les autorités chargées de définir les modalités
selon lesquelles est organisée leur protection sont
déterminés par décret en Conseil d'Etat.
Art. 413-10
- Est puni de sept ans d'emprisonnement et de 700 000 F
d'amende le fait, par toute personne dépositaire, soit par état
ou profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire ou
permanente, d'un renseignement, procédé, objet, document,
donnée informatisée ou fichier qui a un caractère de
secret de la défense nationale, soit de le détruire,
détourner, soustraire ou de le reproduire, soit de le porter à la
connaissance du public ou d'une personne non qualifiée.
Est puni des mêmes peines le fait, par la personne
dépositaire, d'avoir laissé détruire, détourner,
soustraire, reproduire ou divulguer le renseignement, procédé,
objet, document, donnée informatisée ou fichier visé
à l'alinéa précédent.
Lorsque la personne dépositaire a agi par imprudence ou
négligence, l'infraction est punie de trois ans d'emprisonnement et de
300 000 F d'amende.
Art. 413-11
- Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 F
d'amende le fait, par toute personne non visée à l'article 413-10
de :
1° S'assurer la possession d'un renseignement, procédé,
objet, document, donnée informatisée ou fichier qui
présente le caractère d'un secret de la défense nationale ;
2° Détruire, soustraire ou reproduire, de quelque
manière que ce soit, un tel renseignement, procédé, objet,
document, donnée informatisée ou fichier ;
3° Porter à la connaissance du public ou d'une personne non
qualifiée un tel renseignement, procédé, objet, document,
donnée informatisée ou fichier.
Art. 413-12 -
La tentative des délits prévus au
premier alinéa de l'article 413-10 et à l'article 413-11 est
punie des mêmes peines.
CHAPITRE IV : Dispositions particulières.
Art. 414-1 -
En cas d'état de siège ou d'urgence
déclaré, ou en cas de mobilisation générale ou de
mise en garde décidée par le Gouvernement, les infractions
prévues par les articles 413-1 à 413-3 sont punies de trente ans
de détention criminelle et de 3 000 000 F d'amende et l'infraction
prévue par l'article 413-6 est punie de sept ans d'emprisonnement et de
700 000 F d'amende.
Dans les cas visés à l'alinéa qui
précède, le fait, en vue de nuire à la défense
nationale, de provoquer à commettre les infractions prévues par
l'article 413-2 est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende
et l'infraction prévue par l'article 413-6 de cinq ans d'emprisonnement
et de 500 000 F d'amende.
Art. 414-2 -
Toute personne qui a tenté de commettre l'une des
infractions prévues par les articles 411-2, 411-3, 411-6, 411-9 et 412-1
sera exempte de peine si, ayant averti l'autorité administrative ou
judiciaire, elle a permis d'éviter que l'infraction ne se réalise
et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables.
Art. 414-3
- Toute personne ayant participé au complot
défini par l'article 412-2 sera exempte de peine si elle a, avant toute
poursuite, révélé le complot aux autorités
compétentes et permis l'identification des autres participants.
Art. 414-4
- La peine privative de liberté encourue par l'auteur
ou le complice des infractions prévues par les articles 411-4, 411-5,
411-7, 411-8 et 412-6 est réduite de moitié si, ayant averti les
autorités administratives ou judiciaires, il a permis de faire cesser
les agissements incriminés ou d'éviter que l'infraction
n'entraîne mort d'homme ou infirmité permanente et d'identifier,
le cas échéant, les autres coupables.
Lorsque la peine encourue est la détention criminelle à
perpétuité, celle-ci est ramenée à vingt ans de
détention criminelle.
Art. 414-5 -
Les personnes physiques coupables des crimes et des
délits prévus au présent titre encourent également
les peines complémentaires suivantes :
1° L'interdiction des droits civiques, civils et de famille suivant
les modalités prévues par l'article 131-26 ;
2° L'interdiction, suivant les modalités prévues par
l'article 131-27 d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité
professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice
de laquelle l'infraction a été commise ;
3° La confiscation de la chose qui a servi ou était
destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le
produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution ;
4° L'interdiction de séjour, suivant les modalités
prévues par l'article 131-31.
Art. 414-6 -
L'interdiction du territoire français peut
être prononcée dans les conditions prévues par l'article
131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix
ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable de l'une des
infractions définies aux chapitres Ier, II et IV du présent
titre et aux articles 413-1 à 413-4, 413-10 et 413-11. Les dispositions
des sept derniers alinéas de l'article 131-10 ne sont pas applicables.
Art. 414-7 -
Les personnes morales peuvent être
déclarées responsables pénalement, dans les conditions
prévues par l'article 121-2, des infractions définies au
présent titre.
Les peines encourues par les personnes morales sont :
1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article
131-38 ;
2° Les peines mentionnées à l'article 131-39.
L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur
l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de
laquelle l'infraction a été commise.
Art. 414-8 -
Les dispositions des articles 411-1 à 411-11 et
413-1 à 413-12 sont applicables aux actes visés par ces
dispositions qui seraient commis au préjudice des puissances signataires
du traité de l'Atlantique-Nord.
Art. 414-9 -
Les dispositions des articles 411-6 à 411-8 et
413-10 à 413-12 sont applicables aux informations faisant l'objet de
l'accord de sécurité relatif à certains échanges
d'informations à caractère secret entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement du Royaume de
Suède, signé à Stockholm le 22 octobre 1973.
TITRE II : DU TERRORISME.
CHAPITRE Ier : Des actes de terrorisme.
Art. 421-1 -
Constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont
intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective
ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la
terreur, les infractions suivantes :
1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes
volontaires à l'intégrité de la personne,
l'enlèvement et la séquestration ainsi que le détournement
d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport, définis
par le livre II du présent code ;
2° Les vols, les extorsions, les destructions, dégradations et
détériorations, ainsi que les infractions en matière
informatique définis par le livre III du présent code ;
3° Les infractions en matière de groupes de combat et de
mouvements dissous définies par les articles 431-13 à 431-17 et
les infractions définies par les articles 434-6 et 441-2 à 441-5 ;
4° La fabrication ou la détention de machines, engins
meurtriers ou explosifs, définies à l'article 3 de la loi du 19
juin 1871 qui abroge le décret du 4 septembre 1870 sur la fabrication
des armes de guerre ;
- la production, la vente, l'importation ou l'exportation de substances
explosives, définies à l'article 6 de la loi n° 70-575 du 3
juillet 1970 portant réforme du régime des poudres et substances
explosives ;
- l'acquisition, la détention, le transport ou le port
illégitime de substances explosives ou d'engins fabriqués
à l'aide desdites substances, définis à l'article 38 du
décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels
de guerre, armes et munitions ;
- la détention, le port et le transport d'armes et de munitions des
première et quatrième catégories, définis aux
articles 24, 28, 31 et 32 du décret-loi précité ;
- les infractions définies aux articles 1er et 4 de la loi n°
72-467 du 9 juin 1972 interdisant la mise au point, la fabrication, la
détention, le stockage, l'acquisition et la cession d'armes biologiques
ou à base de toxines.
- les infractions prévues par les articles 58 à 63 de la loi
n° 98-467 du 17 juin 1998 relative à l'application de la Convention
du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication,
du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction ;
5° Le recel du produit de l'une des infractions prévues aux
1° à 4° ci-dessus.
Art. 421-2 -
Constitue également un acte de terrorisme, lorsqu'il
est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou
collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par
l'intimidation ou la terreur, le fait d'introduire dans l'atmosphère,
sur le sol, dans le sous-sol ou dans les eaux, y compris celles de la mer
territoriale, une substance de nature à mettre en péril la
santé de l'homme ou des animaux ou le milieu naturel.
Art. 421-2-1 -
Constitue également un acte de terrorisme le fait
de participer à un groupement formé ou à une entente
établie en vue de la préparation, caractérisée par
un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme
mentionnés aux articles précédents.
Art. 421-3 -
Le maximum de la peine privative de liberté encourue
pour les infractions mentionnées à l'article 421-1 est
relevé ainsi qu'il suit lorsque ces infractions constituent des actes de
terrorisme :
1° Il est porté à la réclusion criminelle
à perpétuité lorsque l'infraction est punie de trente ans
de réclusion criminelle ;
2° Il est porté à trente ans de réclusion
criminelle lorsque l'infraction est punie de vingt ans de réclusion
criminelle ;
3° Il est porté à vingt ans de réclusion
criminelle lorsque l'infraction est punie de quinze ans de réclusion
criminelle ;
4° Il est porté à quinze ans de réclusion
criminelle lorsque l'infraction est punie de dix ans d'emprisonnement ;
5° Il est porté à dix ans d'emprisonnement lorsque
l'infraction est punie de sept ans d'emprisonnement ;
6° Il est porté à sept ans d'emprisonnement lorsque
l'infraction est punie de cinq ans d'emprisonnement ;
7° Il est porté au double lorsque l'infraction est punie d'un
emprisonnement de trois ans au plus.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la
période de sûreté sont applicables aux crimes, ainsi qu'aux
délits punis de dix ans d'emprisonnement, prévus par le
présent article.
Art. 421-4 -
L'acte de terrorisme défini à l'article 421-2
est puni de quinze ans de réclusion criminelle et de 1 500 000 F
d'amende.
Lorsque cet acte a entraîné la mort d'une ou plusieurs
personnes, il est puni de la réclusion criminelle à
perpétuité et de 5 000 000 F d'amende.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la
période de sûreté sont applicables au crime prévu
par le présent article.
Art. 421-5 -
L'acte de terrorisme défini à l'article
421-2-1 est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 500 000 F d'amende.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la
période de sûreté sont applicables au délit
prévu par le présent article.
CHAPITRE II : Dispositions particulières.
Art. 422-1 -
Toute personne qui a tenté de commettre un acte de
terrorisme est exempte de peine si, ayant averti l'autorité
administrative ou judiciaire, elle a permis d'éviter la
réalisation de l'infraction et d'identifier, le cas
échéant, les autres coupables.
Art. 422-2 -
La peine privative de liberté encourue par l'auteur
ou le complice d'un acte de terrorisme est réduite de moitié si,
ayant averti les autorités administratives ou judiciaires, il a permis
de faire cesser les agissements incriminés ou d'éviter que
l'infraction n'entraîne mort d'homme ou infirmité permanente et
d'identifier, le cas échéant, les autres coupables. Lorsque la
peine encourue est la réclusion criminelle à
perpétuité, celle-ci est ramenée à vingt ans de
réclusion criminelle.
Art. 422-3 -
Les personnes physiques coupables de l'une des infractions
prévues par le présent titre encourent également les
peines complémentaires suivantes :
1° L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant
les modalités prévues par l'article 131-26. Toutefois, le maximum
de la durée de l'interdiction est porté à quinze ans en
cas de crime et à dix ans en cas de délit ;
2° L'interdiction, suivant les modalités prévues par
l'article 131-27, d'exercer une fonction publique ou d'exercer
l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.
Toutefois, le maximum de la durée de l'interdiction temporaire est
porté à dix ans ;
3° L'interdiction de séjour, suivant les modalités
prévues par l'article 131-31. Toutefois, le maximum de la durée
de l'interdiction est porté à quinze ans en cas de crime et
à dix ans en cas de délit.
Art. 422-4 -
L'interdiction du territoire français peut
être prononcée dans les conditions prévues par l'article
131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix
ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable de l'une des
infractions définies au présent titre. Les dispositions des sept
derniers alinéas de l'article 131-10 ne sont pas applicables.
Art. 422-5 -
Les personnes morales peuvent être
déclarées responsables pénalement, dans les conditions
prévues par l'article 121-2, des actes de terrorisme définis au
présent titre.
Les peines encourues par les personnes morales sont :
1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article
131-38 ;
2° Les peines mentionnées à l'article 131-39.
L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur
l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de
laquelle l'infraction a été commise.
1
Comme on le verra plus loin, c'est sur
ce
dernier point que le projet de loi s'écarte le plus des propositions de
la commission de réflexion sur la justice.
2
cf. CE - 19 mars 1997 - Syndicat de la magistrature.
3
Mis à part le parquet général près la
Cour de cassation qui a un statut spécifique.
4
" plus aucune instruction concernant les affaires
individuelles, de nature à dévier le cours de la justice, ne sera
donnée par le garde des Sceaux "
5
Contrairement à ce qu'avait suggéré la
commission de réflexion sur la justice présidée par
M. Pierre Truche.
6
Rapport de la commission de réflexion sur la justice, La
Documentation française, 1997, p. 27.
7
Cf Annexe.
8
Op. Cit, pp. 39-40.
9
Op.Cit, p. 41.
10
Rapport de la commission de contrôle chargée
d'examiner les modalités d'organisation et les conditions de
fonctionnement des services relevant de l'autorité judiciaire,
n°357 (1990-1991), p. 65.
11
L'article 30 du code de procédure pénale a
été abrogé par la loi n° 93-2 du
4 janvier 1993 et constitue donc actuellement une " coquille
vide ".
12
Jusqu'au 30 septembre.
13
En particulier le Conseil d'Etat n'a admis la validité
d'une circulaire datée du 26 septembre 1995 relative à
la lutte contre l'immigration clandestine, émanant du garde des Sceaux
de l'époque, que dans la mesure où elle se bornait
" à exposer les règles législatives applicables et
à donner des orientations sur leur mise en oeuvre sans édicter
aucune prescription nouvelle " (cf. Conseil d'Etat- 19 mars 1997
- Syndicat de la magistrature )
14
auquel l'article 2 du projet de loi donne un nouveau contenu
et dont la rédaction actuelle se trouverait donc abrogée
15
" plus aucune instruction concernant les affaires
individuelles, de nature à dévier le cours de la justice, ne sera
donnée par le garde des Sceaux "
16
Contrairement à ce qu'avait préconisé la
commission de réflexion sur la justice présidée par
M. Pierre Truche.
17
L'exercice de l'action civile par les associations, rapport fait
au nom de l'office parlementaire d'évaluation de la législation,
n° 343 (Sénat) et n° 1583 (AN), mai 1999, p. 12.
18
La notion d'"actes judiciaires" recouvre notamment un acte ou
une ordonnance d'un juge d'instruction, une décision d'une chambre
d'accusation, un avis donné par une chambre d'accusation en
matière d'extradition, ou encore des opérations de tirage au sort
de jury de cour d'assises.
19
Quant à la seconde disposition, relative à
l'état mensuel élaboré par les procureurs de la
République, elle sera reprise, sous une autre forme, dans le nouvel
article 39-5 du code de procédure pénale (cf. article 3 du
projet de loi) concernant l'information du procureur général par
le procureur de la République.
20
Dont on rappellera ici les termes : (le ministère
public) " développe librement les observations orales qu'il croit
convenables au bien de la justice ".
21
Cet amendement rédactionnel tend à viser
" l'assemblée des magistrats du tribunal de grande instance ",
suivant la terminologie du code de l'organisation judiciaire, de
préférence aux termes " l'assemblée
générale " figurant dans le projet de loi.