CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX
CLASSEMENTS SANS SUITE

Par coordination avec un amendement présenté à l'article 4, votre commission vous soumet un amendement tendant à modifier l'intitulé de ce chapitre pour remplacer la référence aux classements sans suite par une référence aux décisions de ne pas poursuivre.

Article 4
(art. 40-1 nouveau du code de procédure pénale)
Notification et motivation des classements sans suite

Dans sa rédaction actuelle, l'article 40 du code de procédure pénale prévoit notamment que le procureur avise le plaignant du classement de l'affaire ainsi que la victime lorsqu'elle est identifiée. Depuis l'adoption de la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative aux infractions sexuelles et à la protection des mineurs, cet article prévoit également l'obligation pour le procureur de motiver et de notifier par écrit le classement lorsqu'il s'agit de certaines infractions à caractère sexuel commises contre des mineurs. La motivation des classements sans suite est actuellement limitée à ces seules infractions.

L'article 4 du projet de loi tend à insérer après l'article 40 du code de procédure pénale un article 40-1 prévoyant, dans son premier alinéa, la notification par écrit et la motivation de l'ensemble des décisions de classement sans suite. Le projet de loi initial ne prévoyait d'inscrire dans l'article 40-1 nouveau que l'obligation de motivation, mais l'Assemblée nationale a préféré regrouper au sein du même article les dispositions sur la notification écrite et celles sur la motivation.

Par ailleurs, dans la rédaction initiale du projet de loi, cette exigence de notification et de motivation n'était pas prévue pour les classements effectués pour cause d'absence d'identification de l'auteur des faits, mais l'Assemblée nationale a préféré généraliser ce système. De fait, il paraît difficilement justifiable que certains classements soient motivés et d'autres pas, sauf à considérer que les classements pour absence d'identification de l'auteur des faits seraient imputables aux forces de police et que le procureur n'aurait donc pas à se préoccuper d'informer le plaignant du motif du classement.

Le texte prévoit que la décision de classement doit être motivée en distinguant les considérations de droit et de fait. Cette précision est apparue sans portée à votre commission. En effet, la chancellerie et les parquets ont élaboré une table de motifs qui sera utilisée pour l'élaboration de lettres types aux plaignants. En pratique, ces lettres ne feront pas apparaître une distinction explicite entre des considérations de droit et des considérations de fait. Ainsi, lorsqu'un procureur écrit à un plaignant : " Après enquête, j'estime que les faits dénoncés ne peuvent constituer une infraction pénale. J'ai donc décidé de classer sans suite votre plainte ", il est difficile de percevoir une distinction entre des considérations de droit et des considérations de fait. Votre commission vous soumet donc un amendement de suppression de cette référence à la distinction entre considérations de droit et considérations de fait.

Le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 40-1 nouveau du code de procédure pénale prévoit que la décision de classement doit préciser les conditions dans lesquelles la victime, le plaignant ou la personne ayant dénoncé les faits peuvent, selon les cas, soit engager des poursuites par voie de citation directe ou de plainte avec constitution de partie civile, ainsi que les conditions dans lesquelles elles peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle, soit exercer un recours contre la décision de classement (ce recours est prévu par l'article 5 du projet de loi). Votre commission vous soumet un amendement de coordination avec un autre amendement présenté à l'article 5.

Enfin, le dernier alinéa de cet article précise que la décision de classement rappelle les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale relatives aux dénonciations calomnieuses et aux constitutions de partie civile abusives ou dilatoires.

D'après les informations transmises à votre rapporteur, il semble que la notification écrite des décisions de classements sans suite soit d'ores et déjà fort répandue (le texte actuel de l'article 40 du code de procédure pénale prévoit que le procureur avise le plaignant ainsi que la victime lorsqu'elle est identifiée), même si elle ne revêt pas un caractère systématique. En ce qui concerne la motivation, elle tend également à se généraliser, notamment grâce à l'élaboration d'une table des motifs de classements désormais utilisée par l'ensemble des parquets. L'article 4 a donc pour objet de généraliser et de rendre obligatoires des pratiques déjà répandues. Les dispositions proposées méritent donc d'être approuvées.

Toutefois, la notion de classement recouvre des réalités très différentes. Il paraît nécessaire de faire évoluer la terminologie employée afin d'éviter que des procédures ayant donné lieu à un traitement soient néanmoins classées parmi les classements sans suite. Ainsi, les procédures dites " de la troisième voie " ou " alternatives aux poursuites ", telles que le rappel à la loi ou la médiation entrent parmi les statistiques des classements sans suite au motif qu'il n'y a pas mise en mouvement de l'action publique. La médiation ne peut être assimilée à un classement, encore moins à un classement sans suite. Dans ces conditions, votre commission souhaite éviter de consacrer dans le code de procédure pénale le terme de classements sans suite. C'est pourquoi elle vous soumet un amendement tendant à remplacer la notion de décision de classement par celle de décision de ne pas poursuivre.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 ainsi modifié .

Article 5
(art. 48-1 à 48-5 nouveaux du code de procédure pénale)
Recours contre les classements sans suite

L'article 5 du projet de loi tend à instituer un système de recours contre les décisions de classement des plaintes et dénonciations. La mise en place d'un tel recours a été proposée par la commission de réflexion sur la justice présidée par M. Pierre Truche. Celle-ci avait suggéré la mise en place d'une commission composée de manière similaire à la commission des requêtes de la Cour de justice de la République. Cette commission aurait été saisie non seulement des recours contre les classements sans suite, mais également des recours contre les refus d'étendre la saisine d'un juge d'instruction en cas de découverte par ce dernier de faits nouveaux.

Le Gouvernement a choisi, dans le présent projet de loi, de consacrer le recours hiérarchique ouvert à toute personne devant le procureur général et de proposer la mise en place de commissions régionales de recours composées exclusivement de membres du ministère public.

1- Le dispositif proposé

Le présent article tend donc à insérer au sein du chapitre du code de procédure pénale consacré au ministère public une section V intitulée " Des recours contre les classements sans suite " et comportant sept articles numérotés 48-1 à 48-6.

• Le texte proposé pour l'article 48-1 nouveau du code de procédure pénale pose, dans son premier alinéa, le principe de la possibilité d'un recours contre les décisions de classements. Le recours ne serait ouvert qu'aux personnes n'ayant pas qualité pour se constituer partie civile et justifiant d'un intérêt suffisant .

Le deuxième alinéa prévoit que le recours est possible contre les décisions de classement sans suite prises en application de l'article 80 du code de procédure pénale. L'article 80 concerne les faits non visés au réquisitoire et portés à la connaissance du juge d'instruction. Il prévoit que le juge d'instruction doit immédiatement communiquer au procureur les plaintes ou procès-verbaux qui concernent ces faits nouveaux. Le procureur doit alors apprécier la suite qu'il convient de leur donner. Dans sa rédaction issue de la loi n°99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale, l'article 80 précise que le procureur peut décider d'un classement sans suite.

Le troisième alinéa du texte proposé pour cet article prévoit que le recours doit être adressé au procureur général dans le mois suivant la notification du classement ou, en l'absence d'une telle notification, à l'expiration d'un délai de huit mois à compter de la dénonciation. Le procureur général pourrait alors enjoindre au procureur de la République d'engager des poursuites ou confirmer la décision de classement en informant le plaignant des conditions dans lesquelles il peut porter le recours devant la commission de recours compétente.

Le quatrième alinéa du texte proposé pour cet article prévoit que le requérant peut saisir la commission de recours compétente dans le mois suivant la décision de confirmation du classement ou, en l'absence de réponse du procureur général, à compter d'un délai de deux mois suivant la saisine.

• Le texte proposé pour l' article 48-2 nouveau du code de procédure pénale concerne les commissions de recours qui pourraient être saisies en cas de confirmation de la décision de classement par le procureur général. Ces commissions seraient compétentes sur le ressort de plusieurs cours d'appel et composées exclusivement de magistrats des parquets des différentes cours d'appel situées dans leur ressort, désignés pour cinq ans. Le texte initial prévoyait la désignation des membres des commissions par les assemblées générales des magistrats des cours d'appel, mais l'Assemblée nationale a estimé préférable qu'ils soient désignés par les seuls magistrats du parquet. Le nombre des commissions de recours ainsi que leur ressort, leur siège et le nombre de magistrats de chaque cour d'appel les composant seraient fixés par décret en Conseil d'Etat. Le texte proposé prévoit logiquement que les magistrats de la cour d'appel dans le ressort de laquelle un recours a été formé ne pourront pas siéger lors de l'examen de ce recours.

• Le texte proposé pour l' article 48-3 nouveau du code de procédure pénale concerne les modalités de recours devant le procureur général et devant la commission de recours. Dans les deux cas, le recours devrait faire l'objet d'une requête motivée adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le recours au procureur général devrait être accompagné de l'avis de classement du procureur de la République ou de la dénonciation lorsque celle-ci est restée sans réponse. Le recours auprès de la commission devrait être accompagné de l'avis de classement et de la décision de confirmation du procureur général ou, en l'absence de réponse de celui-ci, de la justification du recours qui lui a été adressé.

• Le texte proposé pour l' article 48-4 nouveau du code de procédure pénale prévoit que la commission de recours statue sur dossier, qu'elle peut se faire communiquer copie de la procédure d'enquête ou d'instruction et demander au requérant ou au procureur général des éléments d'informations supplémentaires. Si la commission estimait la poursuite justifiée, elle pourrait demander au procureur de la République de mettre en mouvement l'action publique. La décision devrait être motivée et notifiée au procureur de la République, au procureur général et au requérant. Elle serait insusceptible de recours.

• Le texte proposé pour l' article 48-5 nouveau du code de procédure pénale tend à permettre à la commission de recours de demander au ministère public de citer un requérant devant le tribunal correctionnel lorsqu'elle estime qu'elle a été abusivement saisie. Le tribunal pourrait condamner l'auteur du recours abusif à une amende civile d'un montant maximal de 10.000 F (le texte initial prévoyait un montant de 100.000 F que l'Assemblée nationale a jugé excessif).

• Enfin, le texte proposé pour l' article 48-6 nouveau du code de procédure pénale, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, prévoit que les recours formés contre les décisions de classement suspendent, au seul bénéfice du ministère public, la prescription de l'action publique à l'égard des faits dénoncés. De fait, le dispositif de recours serait tout à fait vain si, au terme de la procédure, la prescription devait empêcher la mise en mouvement de l'action publique.

2- La position de votre commission

Le dispositif proposé est apparu peu convaincant à votre commission. Il convient tout d'abord de rappeler que le recours hiérarchique devant le procureur général existe d'ores et déjà aujourd'hui, même s'il n'est pas inscrit dans un texte législatif . Le projet de loi tend donc à codifier et à encadrer ce recours, ce qui peut être utile afin d'assurer une meilleure information des justiciables.

Toutefois, le texte proposé tend à n'offrir ce recours devant le procureur général qu'aux personnes n'ayant pas qualité pour se constituer partie civile si elles justifient d'un intérêt suffisant. Or, actuellement, le recours hiérarchique est - par définition - ouvert à tous les citoyens et l'on voit mal pourquoi les victimes directes d'une infraction n'en bénéficieraient plus. Le texte proposé risque pourtant d'être interprété de cette manière.

Rappelons que la procédure de constitution de partie civile implique le versement d'une consignation et que nombre de victimes peuvent préférer que l'action publique soit mise en mouvement par le procureur de la République. Il ne paraît pas souhaitable d'écarter du droit au recours hiérarchique les personnes les plus directement concernées par une infraction, même si elles disposent d'autres moyens d'action.

En outre, la notion d'intérêt suffisant pour former un recours laisse la porte ouverte à toutes les interprétations. Enfin, la mention explicite du fait que le recours est possible contre les décisions de classement prises en application de l'article 80 du code de procédure pénale (relatif aux faits nouveaux en cours d'instruction) paraît tout à fait inutile, dans la mesure où les classements de l'article 80 ne diffèrent en rien des autres classements.

Dans ces conditions, votre commission vous propose d'accepter d'inscrire explicitement dans le code de procédure pénale la possibilité d'un recours devant le procureur général contre les décisions de ne pas poursuivre tout en ouvrant ce droit à toutes les personnes ayant dénoncé les faits au procureur de la République comme c'est actuellement le cas . Elle vous propose également de préciser explicitement qu'il s'agit d'un recours hiérarchique et d'inscrire cette disposition immédiatement après l'article du code de procédure pénale relatif à la motivation des décisions de ne pas poursuivre. Cette proposition présente l'avantage d'encadrer le recours hiérarchique dans des délais, que le requérant ait qualité pour se constituer partie civile ou pas.

La seconde partie du système de recours proposé dans le projet de loi a moins convaincu votre commission des lois. La mise en place de commissions de recours compétentes sur le ressort de plusieurs cours d'appel, composées de magistrats du parquet désignés par les assemblées générales des magistrats du parquet des cours d'appel intéressées, paraît très complexe alors même que la justice pénale souffre d'abord de son engorgement, de son incapacité à traiter dans des délais raisonnables les affaires portées devant elles. Sur le plan pratique, la composition de ces commissions peut être contestée. N'est-il pas singulier qu'un projet de loi, qui réaffirme par ailleurs le principe de hiérarchisation du parquet, puisse avoir pour conséquence de permettre à une commission composée de substituts d'invalider la décision d'un procureur général ?

Il est vrai que, dans une version initiale, le projet de loi prévoyait la présence de magistrats du siège au sein des commissions de recours, solution bien plus contestable encore.

Sur le plan des principes, on perçoit difficilement l'apport qui pourrait être celui de ces commissions. Celles-ci ne seraient saisies que lorsqu'un procureur et un procureur général auraient estimé que la mise en mouvement de l'action publique ne s'imposait pas. En outre, les commissions ne seraient saisies que des demandes émanant de personnes n'ayant pas qualité pour se constituer partie civile ou engager des poursuites par voie de citation directe.

Dans ces conditions, il est difficile de cerner le type d'affaires susceptibles de justifier la mise en place des commissions de recours. L'exemple le plus souvent cité à votre rapporteur a été celui de grands-parents dénonçant des violences parentales exercées sur leurs petits-enfants. Si ce type d'affaires a longtemps été ignoré, elles sont aujourd'hui attentivement examinées par les parquets et l'on voit mal pourquoi une plainte fondée en cette matière échapperait successivement à la vigilance d'un procureur de la République et d'un procureur général.

En définitive, le dispositif proposé comporte des inconvénients sérieux et paraît excessivement complexe pour le bénéfice qui peut en être attendu. Votre commission vous propose donc, par un amendement , la suppression du recours devant une commission régionale . Elle propose en revanche d'accepter d'inscrire dans la loi le principe du recours hiérarchique devant le procureur général sans pour autant qu'une nouvelle section soit nécessaire dans le code de procédure pénale. Votre commission estime que ce recours peut être utilement prévu après l'article 40-1 nouveau du code de procédure pénale, relatif à la notification et à la motivation des décisions de ne pas poursuivre.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 5 ainsi modifié .

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