CHAPITRE III
DISPOSITIONS RENFORÇANT LE CONTRÔLE
DE
L'AUTORITÉ JUDICIAIRE SUR LA POLICE JUDICIAIRE
Article 6
(art. 14 du code de
procédure
pénale)
Prise en compte des directives générales de
politique pénale
dans l'activité de la police judiciaire
Dans sa
rédaction actuelle, l'article 14 du code de procédure
pénale dispose notamment que la police judiciaire est chargée de
constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les
preuves et d'en rechercher les auteurs tant qu'une information n'est pas
ouverte.
Le présent article tend simplement à prévoir que ces
missions de la police judiciaire s'exercent dans le cadre des directives
générales de politique pénale que le projet de loi tend
à consacrer. Si la mesure proposée apparaît de
portée limitée, il peut effectivement être utile de
rappeler que les orientations de politique pénale concernent non
seulement les procureurs, mais également la police judiciaire,
l'activité de celle-ci étant, aux termes de l'article 41 du
code de procédure pénale, dirigée par le procureur de la
République.
Votre commission vous soumet un
amendement
de coordination et vous
propose d'adopter l'article 6
ainsi modifié
.
Article 7
(art. 41 du code de procédure
pénale)
Renforcement des attributions du procureur de la
République
en matière de police judiciaire
L'article 41 du code de procédure pénale
définit les attributions du procureur de la République en
matière de police judiciaire. Il prévoit notamment que le
procureur de la République procède ou fait procéder
à tous les actes nécessaires à la recherche et à la
poursuite des infractions à la loi pénale et qu'il dirige
l'activité des officiers et agents de police judiciaire dans le ressort
de son tribunal. Cet article dispose également que le procureur de la
République contrôle les mesures de garde à vue, qu'il a
tous les pouvoirs et prérogatives attachés à la
qualité d'officier de police.
Le présent article tend à compléter ces dispositions de
l'article 41 du code de procédure pénale afin de renforcer
le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire.
Le texte proposé prévoit que le procureur contrôle non
seulement les mesures de garde à vue, mais également le
déroulement des enquêtes.
Il dispose en outre que le procureur donne connaissance aux officiers et agents
de police judiciaire des directives générales de la politique
pénale qui doivent être mises en oeuvre dans son ressort. Votre
commission vous soumet un
amendement
de coordination pour tenir compte
de sa décision de remplacer les directives générales par
des orientations générales.
Ces mesures paraissent d'une portée limitée et il apparaît
à votre commission que, pour certaines d'entre elles, elles sont
déjà appliquées, en particulier le contrôle du
déroulement des enquêtes par le procureur.
Deux dispositions de cet article paraissent plus novatrices. Ainsi le procureur
de la République et les chefs de services de police ou de gendarmerie
devraient se tenir informés au moins une fois par trimestre des moyens
à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs fixés par les
directives générales de politique pénale.
Par ailleurs, en cas d'enquête longue ou complexe, le procureur de la
République et le chef du service saisi définiraient d'un commun
accord les moyens à mettre en oeuvre pour procéder aux
investigations nécessaires.
Il est possible de s'interroger sur l'intérêt de ces dispositions.
L'exposé des motifs du projet de loi indique qu'"
il est
proposé de donner aux autorités judiciaires un droit de regard
sur l'affectation des effectifs de police judiciaire dont celles-ci sont
actuellement dépourvues
". L'intention est louable, mais les
expressions choisies (le procureur et les chefs de service "
se
tiennent informés
", "
définissent d'un commun
accord
") n'apportent rigoureusement rien au droit positif et peuvent
même donner le sentiment que le procureur et les chefs des services de
police et de gendarmerie sont placés sur un pied d'égalité
alors que l'article 41 du code de procédure pénale
précise par ailleurs clairement que le procureur de la République
"
dirige l'activité des officiers et agents de police judiciaire
dans le ressort de son tribunal
".
Dans ces conditions, votre commission vous propose par deux
amendements
de supprimer les deux dispositions relatives aux moyens à mettre en
oeuvre, considérant qu'elles ne renforcent en rien le contrôle de
l'autorité judiciaire sur la police judiciaire et paraissent même
avoir l'effet inverse.
Elle vous propose d'adopter l'article 7
ainsi modifié
.
Article 8
(art. 75-1 et 75-2 nouveaux du code de
procédure pénale)
Fixation d'un délai en
matière d'enquête préliminaire
Information du procureur
en cas d'identification d'un suspect
Cet
article a pour objet d'insérer dans le code de procédure
pénale deux nouveaux articles après l'article 75 relatif aux
enquêtes préliminaires.
• Le texte proposé pour l'
article 75-1
nouveau du code
de procédure pénale prévoit que le procureur de la
République fixe le délai dans lequel une enquête
préliminaire doit se dérouler lorsqu'il donne instruction aux
officiers de police judiciaire de procéder à une telle
enquête. Ce délai pourrait être prorogé au vu des
justifications fournies par les enquêteurs.
L'Assemblée nationale a ajouté un alinéa au texte
proposé, afin de prévoir qu'en cas d'enquête menée
d'office par les officiers de police judiciaire, ceux-ci rendent compte au
procureur de la République de son état d'avancement lorsqu'elle
est commencée depuis plus de six mois.
La portée du texte proposé apparaît peu importante. Rien en
effet n'interdit aujourd'hui au procureur de fixer un délai pour le
déroulement d'une enquête préliminaire qu'il ordonne. En
pratique, il est toutefois souvent difficile d'avoir, au moment où une
enquête préliminaire est ordonnée, une idée claire
de la durée prévisible de cette enquête. Même s'il
est possible de considérer qu'elles auraient davantage leur place dans
une circulaire que dans la loi, les mesures proposées peuvent conduire
à renforcer les liens entre la police judiciaire et les procureurs en
imposant des bilans périodiques de l'état d'avancement d'une
enquête préliminaire.
• Le texte proposé pour l'
article 75-2
nouveau du
code de procédure pénale tend à imposer aux officiers de
police judiciaire qui mènent une enquête préliminaire
concernant un crime ou un délit d'aviser le procureur de la
République dès qu'une personne à l'encontre de laquelle
existent des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté
de commettre l'infraction est identifiée.
Une telle mesure peut, au premier abord, susciter un certain étonnement
dans la mesure où il est permis d'espérer que, d'ores et
déjà, en l'absence d'un tel texte, les officiers de police
judiciaire informent le procureur de l'identification d'un suspect au cours
d'une enquête préliminaire.
Toutefois, la disposition proposée peut présenter un
intérêt dans le cas des enquêtes préliminaires
auxquelles les officiers de police judiciaire procèdent d'office. En
effet, aux termes de l'article 75 du code de procédure
pénale, les officiers de police judiciaire procèdent à des
enquêtes préliminaires soit sur instruction du procureur de la
République, soit d'office. Il paraît effectivement souhaitable que
le procureur soit informé du déroulement d'une enquête
préliminaire -et notamment de l'identification d'un suspect- même
lorsque l'enquête n'a pas été entreprise à sa
demande.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 8
sans modification
.
Article 9
(art. 152-1 nouveau du code de
procédure pénale)
Droit de regard du juge d'instruction sur
les moyens
mis en oeuvre en cas de commission rogatoire
L'article 7 du projet de loi tend notamment à
compléter l'article 41 du code de procédure pénale
pour prévoir que lorsque la durée ou la complexité d'une
enquête le justifie, le procureur de la République et le chef de
service saisi définissent d'un commun accord les moyens à mettre
en oeuvre pour procéder aux investigations nécessaires.
Le présent article a pour objet d'insérer un article 152-1
après l'article 152 du code de procédure pénale, afin
de prévoir l'application de cette disposition aux commissions rogatoires
délivrées par le juge d'instruction.
Votre commission considère que cette disposition n'apporte rien au droit
positif et risque d'aller à l'encontre de l'objectif du renforcement du
contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire en
donnant le sentiment que magistrats et chefs de service de la police ou de la
gendarmerie sont placés sur un pied d'égalité.
Par cohérence avec la décision prise à l'article 7,
votre commission vous propose la
suppression
de l'article 9.
Article 10
(art. 227 du code de procédure
pénale)
Application immédiate des décisions prises
par la chambre d'accusation en matière disciplinaire
En
matière disciplinaire, un triple contrôle peut s'exercer sur les
officiers de police judiciaire. L'autorité hiérarchique est tout
d'abord habilitée à prendre des mesures disciplinaires.
Par ailleurs, l'article 13 du code de procédure pénale dispose
que la police judiciaire est placée "
dans chaque ressort de
cour d'appel, sous la surveillance du procureur général et sous
le contrôle de la chambre d'accusation
".
Le procureur général, en vertu de l'article R. 15-2 du code
de procédure pénale, peut prononcer le retrait ou la suspension
de l'habilitation à exercer les attributions attachées à
la qualité d'officier de police judiciaire.
En 1998, 17 suspensions d'habilitations et 14 retraits d'habilitation ont
été prononcés par les procureurs généraux.
Les articles 16-2 et 16-3 du code de procédure pénale organisent
un recours contre les décisions du procureur général
devant une commission composée de trois magistrats du siège de la
Cour de cassation ayant le grade de président de chambre ou de
conseiller.
Enfin, en vertu de l'article 224 du code de procédure
pénale, la chambre d'accusation est chargée d'exercer un
contrôle sur l'activité des fonctionnaires civils et militaires,
officiers et agents de police judiciaire, pris en cette qualité.
Conformément à l'article 227 du code de procédure
pénale, la chambre d'accusation peut adresser des observations à
l'officier ou agent de police judiciaire ou décider qu'il ne pourra,
temporairement ou définitivement, exercer, soit dans le ressort de la
cour d'appel, soit sur l'ensemble du territoire, ses fonctions d'officier de
police judiciaire et de délégué du juge d'instruction ou
ses fonctions d'agent de police judiciaire.
Une difficulté s'est récemment posée à propos de
cette dernière disposition dans l'affaire concernant M. Olivier
Foll, ancien directeur de la police judiciaire à la préfecture
de police. La chambre d'accusation a suspendu M. Foll de ses fonctions de
police judiciaire parce qu'il avait fait interdiction à des officiers de
police judiciaire placés sous son autorité d'assister un juge
d'instruction au cours d'une perquisition au motif qu'aucune commission
rogatoire expresse ni aucune réquisition écrite n'avaient
été délivrées.
Examinant le pourvoi formé par l'intéressé, la chambre
criminelle de la cour de cassation a notamment souligné que le recours
avait un effet suspensif. Elle a en effet considéré que
"
les décisions juridictionnelles des chambres d'accusation,
statuant sur le fondement des articles 224 à 230 du code de
procédure pénale, sont susceptibles d'un pourvoi en
cassation ; que, conformément à la règle posée
par l'article 569 et en l'absence d'une dérogation expresse de la
loi, ce recours a un effet suspensif, à la différence de celui
prévu par les dispositions réglementaires de
l'article R.15-16 du même code, concernant les mesures
administratives de retrait ou de suspension de l'habilitation des officiers de
police judiciaire prises par arrêté du procureur
général, immédiatement
exécutoires
"
.
Le présent article a pour objet de compléter l'article 227
du code de procédure pénale afin de prévoir que les
décisions de la chambre d'accusation en cette matière prennent
effet immédiatement. Il est en effet paradoxal que les décisions
de retrait ou de suspension de l'habilitation des officiers de police
judiciaire par le procureur général prennent effet
immédiatement, contrairement aux décisions d'interdiction
d'exercer les fonctions d'officier de police judiciaire prises par la chambre
d'accusation.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 10
sans modification.
Article additionnel après l'article
10
Participation de l'inspection générale des services
judiciaires aux enquêtes administratives concernant les officiers de
police judiciaire
En 1991,
une commission de contrôle sénatoriale sur les conditions de
fonctionnement des services judiciaires présidée par M. Hubert
Haenel et dont le rapporteur était M. Jean Arthuis, a proposé,
afin de renforcer le contrôle de l'autorité judiciaire sur la
police judiciaire, la création d'une inspection générale
de la police judiciaire placée sous l'autorité du ministre de la
justice.
En juin dernier, examinant le projet de loi relatif au renforcement de la
présomption d'innocence et aux droits des victimes, le Sénat a
adopté, sur proposition de M. Hubert Haenel, un amendement
prévoyant la création d'une inspection générale de
la police judiciaire compétente en cas d'infraction commise par un
officier de police judiciaire. Le Sénat a estimé
nécessaire de montrer l'importance qu'il attache à cette
question, même si l'amendement présenté n'avait qu'un lien
indirect avec le projet de loi en discussion.
Le présent projet de loi comporte un chapitre entier consacré aux
rapports entre l'autorité judiciaire et la police judiciaire. Son examen
constitue donc la meilleure opportunité pour le législateur
d'adopter une mesure en faveur d'un véritable contrôle de
l'autorité judiciaire sur la police judiciaire.
Plutôt que d'envisager la constitution d'une nouvelle inspection, votre
commission propose que les enquêtes administratives concernant le
comportement d'officiers et d'agents de police judiciaire puissent être
ordonnées par le ministre de la justice et qu'elles associent
systématiquement l'inspection générale des services
judiciaires au service d'enquête compétent. Ces inspections
seraient dirigées par un magistrat.
La commission de réflexion sur la justice présidée par M.
Pierre Truche a défendu une position très proche de celle de
votre commission : "
L'inspection des activités de police
judiciaire en cas d'incident dans l'exécution du service, si elle doit
associer policiers et gendarmes détachés, doit être aussi
composée de magistrats et dirigée par l'un d'eux, voire
rattachée à l'inspection générale des services
judiciaires ".
Le système proposé par votre commission permettra d'associer
magistrats d'une part, policiers et gendarmes d'autre part, aux enquêtes
concernant le comportement d'officiers ou d'agents de police judiciaire dans
l'exercice de missions de police judiciaire.
Votre commission vous propose donc d'adopter un
amendement
tendant
à insérer un article additionnel ainsi rédigé
après l'article 10 du projet de loi.