II. FAVORISER LES COOPÉRATIONS ENTRE LA RECHERCHE PUBLIQUE ET LES ENTREPRISES
Au delà du développement de la mobilité des personnels, le projet de loi tend à remédier à l'absence, au sein des organismes de recherche et des universités, de structures spécifiques destinées à valoriser les résultats de la recherche publique. A cette fin, il propose de nouveaux dispositifs mais prévoit surtout d'étendre ou d'améliorer les dispositifs existants.
A. DES DISPOSITIFS NOUVEAUX
Le
projet de loi clarifie les modalités de gestion des activités
commerciales et industrielles des établissements d'enseignement
supérieur, en prévoyant la création en leur sein de
services qualifiés "
d'activités industrielles et
commerciales
".
Il ouvre également la possibilité à ces
établissements de fournir à des entreprises des prestations de
services destinées à encourager leur développement.
Enfin, il facilite la gestion des personnels non titulaires que les
établissements d'enseignement supérieur et les EPST peuvent
recruter.
•
la création des services d'activités industrielles et
commerciales au sein des établissements d'enseignement
supérieur
L'article 20 de la loi de 1984 sur l'enseignement supérieur
prévoit que les EPSCT "
dans le cadre des missions qui leur sont
dévolues (...)et afin de faire connaître leurs réalisations
(...) peuvent assurer, par voie de convention, des prestations à titre
onéreux, exploiter des brevets et licences, commercialiser les produits
de leurs activités et, dans la limite des ressources
disponibles
dégagées par ces activités, prendre des participations et
créer des filiales
".
Jusqu'à présent, les modalités de gestion de ces
activités se sont avérées peu adaptées, faisant
l'objet de vives critiques de la part de la Cour des Comptes comme des services
fiscaux.
Le recours à des services internes ne constitue pas à
l'évidence une solution satisfaisante dans la mesure où les
règles budgétaires et comptables qui s'appliquent à ces
services ne sont ni claires ni adaptées à la gestion
d'activités commerciales. Par ailleurs, les missions que doivent assumer
ces services requièrent des compétences techniques très
spécifiques qui exigerait le recrutement de personnels
spécialisés. Or, les établissements n'ont que des
possibilités limitées de recruter du personnel sur les ressources
propres tirées de ces activités.
L'exercice des activités de valorisation au travers de filiales ne
constitue pas non plus une solution qui convient à tous les cas. En
effet, certaines activités en raison de leur caractère temporaire
ou encore de leur insuffisante rentabilité ne peuvent être
confiées à des filiales.
Enfin, le recours à des formules plus souples de coopération
telles que le groupement d'intérêt public n'a rencontré
qu'un succès très modeste.
En l'absence de structures appropriées, ont été mises en
place des formules présentant, dans bon nombre de cas, des risques
à la fois juridiques et financiers.
Afin de répondre au besoin de structures spécialisées dans
la gestion d'activités industrielles et commerciales, l'article 2 du
projet de loi prévoit la possibilité de créer au sein des
établissements publics d'enseignement supérieur de
" services d'activités industrielles et commerciales " dont le
régime financier sera adapté aux impératifs de souplesse
propres à de telles activités. Ces services
bénéficieront de budgets annexes dont le régime permettra
notamment d'affecter les recettes aux dépenses, et, dans certaines
limites, de reporter les crédits d'une année sur l'autre et
d'adapter les dépenses à l'évolution des ressources. Par
ailleurs, pour assurer le fonctionnement de ces services, les
établissements pourront recruter du personnel à durée
indéterminée, faculté interdite par la rédaction
actuelle de l'article 42 de la loi de 1984 prévoyant que les personnels
des EPSCP sont soit des agents titulaires soit des agents recrutés par
contrat à durée déterminée.
Ce dispositif devrait être de nature à clarifier le régime
fiscal des activités commerciales des établissements publics
d'enseignement supérieur. La séparation des activités
administratives et des activités commerciales permettra de
définir plus précisément l'assiette de la TVA, de
l'impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle que
doivent acquitter ces établissements.
Ce dispositif proposé par le gouvernement doit être étendu
aux établissements publics à caractère scientifique et
technologique, dont les activités sont comparables. Un rapport public
particulier de la Cour des Comptes consacré à la valorisation
dans les EPST, publié en juin 1997 avait souligné, en effet, la
nécessité d'élaborer des structures et des règles
harmonisées pour la mise en oeuvre de leur politique de valorisation. Ce
projet de loi est sans doute l'occasion de répondre à ses
observations sur ce point.
•
permettre aux établissements publics d'enseignement
supérieur et aux EPST d'aider la création et le
développement d'entreprises
Les articles premier et 2 du projet de loi proposent de compléter les
lois de 1982 sur la recherche et de 1984 sur l'enseignement supérieur
afin de préciser que les établissements publics d'enseignement
supérieur comme les organismes publics de recherche peuvent en vue de
favoriser la valorisation des résultats de la recherche, dans leurs
domaines de compétences, fournir temporairement contre
rémunération des moyens de fonctionnement à des
entreprises dans le cadre de conventions.
Cette catégorie de prestations de services constitue un dispositif
modeste qui ouvre la voie à la création au sein des organismes de
recherche ou des établissements d'enseignement supérieur,
à ce qui est aujourd'hui désigné sous le terme
d'" incubateurs " et de " pépinières
d'entreprises ".
Il est désormais admis que la création d'une entreprise innovante
nécessite une phase de maturation qui a d'autant plus de chance
d'aboutir qu'elle se déroule dans un environnement spécifique et
protecteur. Dans des pays comme les Etats-Unis, le Canada ou les Pays-Bas, ont
été mis en place, notamment au sein des universités, des
structures capables de mettre à la disposition de jeunes entreprises des
locaux, des moyens matériels ou humains moyennant
rémunération. En outre les services et notamment la formation et
les conseils qui constituent la valeur ajoutée essentielle de ces
incubateurs et pépinières servent aussi à la phase
antérieure à la création d'entreprise c'est à dire
la période où l'on passe de l'idée au projet et du projet
à la création d'entreprise. Les incubateurs ont donc une double
fonction à remplir : d'une part, avant la création de
l'entreprise et, d'autre part, de la création jusqu'à " la
sortie du nid ".
Selon un rapport de la mission scientifique et technique de l'Ambassade de
France aux Etats-Unis le nombre moyen d'entreprises créées par
incubateur est de plus de 50 au bout de 10 ans, ce qui correspond à
environ 1 000 emplois par incubateur. Les mêmes chiffres ont
été relevés dans les universités européennes
qui se sont lancées dans des expériences similaires.
Votre rapporteur, lors d'une mission aux Etats-Unis, en mai 1985
3(
*
)
, avait pu constater que les structures
évoquées dans le projet de loi étaient déjà
largement appliqués. Ses conclusions n'ont eu qu'un impact limité.
Force est de constater qu'en France, de tels lieux d'accueil sont encore trop
peu nombreux et surtout qu'il est rare qu'ils correspondent à une
coopération entre public et privé, ce qui est pourtant
nécessaire.
La disposition introduite par le projet de loi ne sera efficace qu'à la
condition qu'elle s'accompagne de la création de fonds d'amorçage
et que d'autres partenaires puissent être associés aux structures
mises en place par les organismes de recherche et les universités,
notamment des partenaires industriels, financiers ou encore des fondations.
Même si le dispositif prévu reste modeste, la mesure va dans le
bon sens. Votre rapporteur a considéré que même si le
projet de loi apparaît en retrait par rapport aux ambitions qui avaient
été annoncées, il existe un appel à propositions
lancé par le ministère de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie. Le but de cet appel d'offre doté de 200
millions de francs est de participer au financement d'incubateurs et de fonds
d'amorçage. L'objectif est de d'encourager la
généralisation à proximité des
établissements de recherche et d'enseignement supérieur d'une
offre d'infrastructures matérielles, d'aide à la décision
et à la gestion, de service de formation entrepreneuriale et enfin de
relais vers l'éventail des aides aux entreprises. Ce projet ambitieux
vient à son heure.
•
une mesure de simplification administrative
L'article L. 351-12 du code du travail prévoit que les
établissements publics de l'Etat employant des agents non fonctionnaires
et donc entrant dans le champ d'application de la législation sur
l'indemnisation des travailleurs involontairement privés d'emplois
relèvent pour la mise en oeuvre de cette indemnisation non pas du
régime général prévu à l'article L. 351-4
mais de régimes particuliers.
Le régime prévu pour les EPST et les établissements
d'enseignement supérieur les contraint donc à assurer
eux-mêmes la gestion et le paiement des indemnités pour perte
d'emploi. Ces règles qui compliquent les recrutements des personnels
contractuels nécessaires à la mise en oeuvre de collaborations
entre entreprises et établissements public dans le cadre de contrats de
recherche constituent un frein substantiel à la coopération avec
le secteur industriel.
L'article 4 du projet de loi modifie l'article L. 351-12 du code du
travail afin de prévoir pour les établissements publics
d'enseignement supérieur et les EPST la possibilité d'opter pour
le régime prévu à l'article L. 351-4 et en
conséquence de cotiser aux ASSEDIC pour leur personnel contractuel.
Votre commission a approuvé cette disposition qui participe de la
légitime simplification des règles de gestion des
activités de valorisation.
B. L'AMÉLIORATION ET L'EXTENSION DES DISPOSITIFS EXISTANTS
Le
projet de loi propose à ce titre d'étendre aux EPST les
procédures applicables aux établissements d'enseignement
supérieur en matière, d'une part, de contractualisation
pluriannuelle avec l'Etat et, d'autre part, de constitution de filiales et de
prises de participation.
En outre, l'article 6 du projet de loi précise les conditions de
participation des lycées d'enseignement général et
technologique et des lycées professionnels aux actions de transfert de
technologie.
•
la possibilité ouverte aux EPST de contracter avec l'Etat
La loi d'orientation de 1982 n'ouvre pas aux organismes publics de recherche la
possibilité de conclure avec l'Etat des contrats pluriannuels,
possibilité prévue par l'article 20 de la loi de 1984 pour les
EPSCT en ce qui concerne "
leurs activités de formation, de
recherche et de documentation
".
Dans la pratique, bon nombre d'EPST ont déjà conclu avec l'Etat
des contrats de ce type. Le projet de loi se borne donc à
légaliser cette pratique et à la généraliser.
Votre commission souhaite que ces contrats constituent un instrument efficace
permettant de préciser les obligations des établissements, plus
particulièrement en matière de mobilité des personnels et
de valorisation des travaux de recherche.
Il convient cependant de souligner que les engagements financiers de l'Etat
resteront tributaires de la règle de l'annualité
budgétaire, comme le rappelle d'ailleurs le texte du projet de loi.
•
la simplification des procédures imposées aux EPST
pour la création de structures de collaboration
La rédaction actuelle de l'article 19 de la loi de 1982 sur la recherche
conditionne les créations de structures de collaboration, qu'il s'agisse
de prises de participation, de constitution de filiales ou de création
de groupement, à une autorisation accordée par
arrêté des ministres chargés de la tutelle des
établissements, le nombre de ces derniers pouvant aller jusqu'à
cinq dans certains cas.
En pratique, cette procédure s'est révélée source
de lourdeurs administratives.
La Cour des Comptes, dans son rapport précité, a ainsi pu
observer des délais parfois fort longs entre les
délibérations des conseils d'administration des
établissements approuvant certaines prises ou cessions de participation
et l'approbation des ministères de tutelle matérialisée
par la publication des arrêtés nécessaires. Le rapport
relève que : "
tel fut notamment le cas, par exemple,
lorsque l'INSERM a sollicité l'autorisation de souscrire au capital de
la société Immunotech : la délibération du
conseil d'administration de l'INSERM date du 17 octobre 1985,
l'arrêté autorisant cette souscription, en date du 24 avril 1990,
a été publié au Journal officiel du 5 mai 1990. Un calcul
simple montre que, pendant ce délai de plus de quatre ans, la variation
de la valeur des actions de la société a fait perdre à
l'INSERM plus de 1 million de francs, pour un investissement lui-même
à peine supérieur à un million
".
Un tel exemple ne peut que souligner la pertinence de la modification
proposée par le gouvernement, substituant à la procédure
en vigueur une procédure d'autorisation tacite semblable à celle
prévue pour les EPSCT par la loi de 1984 sur l'enseignement
supérieur.
•
les modalités de participation des lycées
technologiques et professionnels aux actions de transfert de technologie
Le projet de loi réaffirme la vocation des lycées technologiques
et les lycées professionnels à participer à la diffusion
de l'innovation.
Son article 6 complète la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989
d'orientation sur l'éducation par deux nouveaux dispositifs.
L'article 14 bis nouveau prévoit la possibilité pour les
enseignants, dans le cadre des projets d'établissement, de participer
à des actions en faveur de l'innovation technologique.
L'article 18 ter prévoit la possibilité pour les lycées
professionnels et les lycées d'enseignement général et
technologique de passer des conventions de prestations de services à
titre onéreux visant des transferts de technologie.
Le rôle déterminant que peuvent jouer ces établissements,
notamment dans les transferts de technologie de proximité en faveur des
PME-PMI est certain et il est bon de le souligner. Toutefois, une simple
application des dispositions du 3° de l'article 17 de la loi de programme
n° 85-1371 sur l'enseignement technologique et professionnel permettrait
d'atteindre l'objectif poursuivi.
Aux termes de ces dernières, " l
es personnels enseignants
titulaires dans les disciplines technologiques ou professionnelles peuvent, sur
leur demande ou avec leur accord, exercer leurs compétences
auprès d'entreprises publiques ou privées, dans des conditions
fixées par décret en Conseil d'Etat. A cet effet, une convention
doit être conclue entre l'Etat et l'entreprise
intéressée. "
Or, ce décret n'est pas paru après dix sept ans. Il serait
opportun de remédier à cette regrettable abstention plutôt
que de dupliquer des dispositions existantes.
Votre commission a obtenu des engagements du gouvernement en ce sens. Elle
souhaite que les textes d'application puissent prévoir des dispositifs
inspirés de ceux prévus aux articles 25-1, 25-2 et 25-3 nouveaux
de la loi de 1982 pour les fonctionnaires du service public de la recherche.