N°
217
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 11 février 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi sur l' innovation et la recherche ,
Par M.
Pierre LAFFITTE,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Adrien Gouteyron,
président
; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Louis
Carrère, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar,
vice-présidents
; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André
Maman, Mme Danièle Pourtaud,
secrétaires
;
MM. François Abadie, Jean Arthuis, Jean-Paul Bataille, Jean
Bernard, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Michel
Charzat, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Michel
Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre
Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger
Hesling, Pierre Jeambrun, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre,
Serge Lepeltier, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc,
MM. Pierre Martin
,
Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar,
Jean-François Picheral, Guy Poirieux, Jack Ralite, Victor Reux,
Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, Franck Sérusclat,
René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal.
Voir les numéros :
Sénat
:
152
et
210
(1998-1999).
Recherche. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
L'innovation est désormais enfin reconnue dans les milieux industriels,
technologiques et politiques comme un élément essentiel de la
croissance et un facteur déterminant de la création d'emplois. Le
contexte de mondialisation croissante se traduit par un processus
d'accélération de la mise sur le marché des produits
nouveaux. Les entreprises sont donc condamnées à une forte
réactivité. L'appropriation rapide de l'innovation par les
entreprises est la seule solution pour assurer durablement
compétitivité et rentabilité.
Ce lien entre croissance et innovation est aujourd'hui unanimement reconnu
comme l'illustrent les nombreux rapports parus sur le sujet.
1(
*
)
Mais innovation n'est pas synonyme de recherche bien qu'elle soit de plus en
plus liée à la recherche. Elle est liée aux idées
qui peuvent entrer en application, conduire à des produits et à
des services qui eux-mêmes doivent trouver un marché grâce
à des transferts ou créations d'entreprises.
Or, en ce domaine, la France accuse un retard inquiétant. Parmi les
causes de cette situation, figure l'insuffisance des mécanismes de
passage de l'idée au produit ou service et d'étude pour passer
à l'industrialisation de ce produit ou service. L'importance de l'effort
public de recherche si on le compare à la faiblesse de notre position
technologique mérite une réflexion et des actions
énergiques.
L'article 14 de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et
de programmation pour la recherche et le développement technologique de
la France précise que la valorisation de ses résultats constitue
un des objectifs de la recherche publique.
Néanmoins, force est de constater que cette activité est souvent
encore considérée comme secondaire par le monde de la recherche.
En outre la population en général ne se rend pas assez compte que
ce sont désormais les innovations scientifiques et technologiques qui
permettent de créer des richesses et des emplois. La diffusion
très large et de façon systématique de la culture
scientifique et technique est nécessaire. Votre commission à cet
égard a largement évoqué ces problèmes et, par
exemple, a fortement contribué à la création de la
chaîne du savoir, considérant que le média
télévisuel était un véhicule utile.
De même, à l'initiative de votre rapporteur, le Sénat a
adopté le 22 octobre 1998 une proposition de loi permettant aux
fonctionnaires du service public de la recherche de participer à la
création d'entreprises innovantes (AN, n° 1146, 1998-1999) que
votre rapporteur avait déposé et qui avait été
rapportée par le président de votre commission.
Toute avancée en la matière ne peut être que
bénéfique.
Le projet de loi sur l'innovation et la recherche qui est soumis au
Sénat ne résout évidemment pas les multiples
problèmes qui se posent à la société
française. Sans doute avons-nous trop oublié le dynamisme
innovateur qui, il y a un siècle, nous avait placé à
l'avant-garde du progrès technique. Mais il constitue de l'avis de tous
les milieux que votre rapporteur a pu consulter une avancée
intéressante. Toutefois, tous regrettent que les mesures fiscales
proposées soient insuffisantes
*
* *
Le
projet de loi reprend l'essentiel des dispositions de la proposition de loi
susmentionnée. Il propose, en outre, des mesures d'importance et de
nature diverses pour lever certains des obstacles qui s'opposent à la
diffusion des résultats de la recherche publique et à la
création d'entreprises innovantes.
Les mesures proposées répondent à trois
préoccupations :
- faciliter la mobilité des chercheurs vers l'entreprise ;
- favoriser les coopérations entre la recherche publique et les
entreprises et encourager les actions de valorisation des organismes de
recherche et des universités, notamment en créant des incubateurs
;
- enfin, créer des conditions fiscales favorables aux entreprises
innovantes, objectif légitime mais qui se réduit à une
mesure unique très utile mais, à notre avis, de trop faible
portée.
I. DÉVELOPPER LA MOBILITÉ DES CHERCHEURS VERS LES ENTREPRISES
Le projet de loi reprend les deux mesures déjà adoptées par le Sénat en les complétant par une troisième d'une nature un peu différente.
A. INCITER LES FONCTIONNAIRES À APPORTER LEUR CONCOURS À UNE ENTREPRISE DE VALORISATION
Le dispositif proposé par le paragraphe IV de l'article premier du projet de loi pour les articles 25-1 et 25-2 nouveaux de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 précitée en précisant les conditions dans lesquelles les fonctionnaires du service public de la recherche peuvent participer à la création d'une entreprise de valorisation ou lui apporter leur concours scientifique s'inspire très largement de celui adopté par le Sénat.
1. Le dispositif proposé répond à la nécessité d'adapter les règles statutaires de la fonction publique
Les
entreprises créées à l'initiative des chercheurs ont un
taux de réussite supérieure à la moyenne et sont
très créatrices d'emplois. Pourtant, leur nombre reste
insuffisant. On estime à un pour mille le nombre de chercheurs
créant chaque année une telle entreprise et à 50 le nombre
d'entreprises de ce type créées depuis 10 ans. Votre rapporteur
estime que ces chiffres sont sous-évalués. L'opacité est
de règle puisque l'on a pu dire que bien des entreprises innovantes
s'étaient créées " au noir ", ce qui justifie
l'urgence de légiférer en la matière.
L'inadaptation des règles statutaires de la fonction publique constitue
à l'évidence un des obstacles principaux à la diffusion de
l'innovation par la création d'entreprises de haute technologie adaptant
au marché les résultats de la recherche publique et les
complétant par les développements nécessaires.
Le statut général de la fonction publique ainsi que le code
pénal comportent des dispositions très restrictives concernant
les liens pouvant s'établir entre un fonctionnaire et une entreprise.
Celles-ci sont incompatibles avec la création d'entreprises par des
chercheurs à partir des résultats de leurs travaux,
démarche qui implique dans la pratique une interaction entre
l'entreprise et le service public de la recherche.
L'article 25 du statut de la fonction publique dispose, en effet, que
"
les fonctionnaires (...) ne peuvent exercer à titre
professionnel une activité privée de quelque nature que ce
soit
", précisant que les conditions de dérogation
à cette règle sont fixées par décret en Conseil
d'Etat. Ce dernier n'étant jamais intervenu, s'applique encore le
décret-loi du 29 octobre 1936 qui détermine les exceptions
à la règle d'interdiction de cumul d'emplois et de
rémunérations, prévoyant notamment que le cumul peut
être autorisé quand il s'agit d'enseignement, d'expertises ou de
consultations.
Par ailleurs, le même article dispose également que "
les
fonctionnaires ne peuvent prendre, par eux-mêmes ou par personnes
interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de
l'administration à laquelle ils appartiennent
ou en relation avec
cette dernière
, des intérêts de nature à
compromettre leur indépendance
".
A cette règle, s'ajoutent deux articles du code pénal qui
sanctionnent la prise illégale d'intérêts, l'article 432-12
réprimant "
le fait, par une personne
(...)
chargée d'une mission de service public
(...),
de prendre,
recevoir ou conserver
(...)
un intérêt quelconque dans une
entreprise
(...)
dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la
charge d'assurer la surveillance, l'administration
(...) " et
l'article 432-13 punissant tout fonctionnaire ayant été
chargé en raison de sa fonction "
soit d'assurer la surveillance
ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des
contrats de toute nature avec une entreprise privée
" lorsqu'il
s'est rendu coupable "
de prendre ou de recevoir une participation par
travail, conseil ou capitaux dans l'une de ces entreprises avant l'expiration
d'un délai de cinq ans suivant la cessation de cette fonction
".
Ces règles visent à prévenir tout conflit
d'intérêt entre le service public et les fonctionnaires en
garantissant l'indépendance de ces derniers. Elles sont
complétées par des règles spécifiques aux
personnels du service public de la recherche.
La loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour
la recherche et le développement technologique de la France comme la loi
n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur
qui ont souligné l'importance de la valorisation de la recherche en font
une des missions de la recherche et de l'enseignement supérieur.
A ce titre, l'article 26 de la loi du 15 juillet 1982 précitée
précise que les statuts particuliers des personnels des
établissements publics à caractère scientifique et
technologique (EPST) peuvent permettre "
des adaptations au
régime des positions prévues par le statut général
des fonctionnaires et des dérogations aux règles relatives aux
mutations afin de faciliter la libre circulation des hommes et des
équipes entre les métiers de la recherche et les institutions qui
y concourent
".
Le décret n° 83-1260 du 30 décembre 1983 fixant
les dispositions statutaires communes aux corps de fonctionnaires des EPST a
ainsi prévu dans ses articles 243 à 245 trois catégories
de position dérogeant aux règles applicables à l'ensemble
des fonctionnaires.
• En vertu de l'article 243, les fonctionnaires des EPST peuvent, pour
une durée de cinq ans renouvelable, être détachés
dans des entreprises, des organismes privés ou des groupements
d'intérêt public lorsque ce détachement est effectué
pour exercer notamment des fonctions de recherche ou de mise en valeur des
résultats de la recherche, sous réserve que
l'intéressé n'ait pas eu, au cours des cinq dernières
années, soit à exercer un contrôle sur l'entreprise ou
l'organisme privé, soit à participer à
l'élaboration ou à la passation de marchés avec lui.
• L'article 244 prévoit que ces fonctionnaires peuvent
également être mis à disposition d'entreprises, notamment
afin d'assurer le transfert des connaissances et leur application dans les
entreprises et ce pour une durée maximale de trois ans renouvelable.
• Enfin, aux termes de l'article 245, les fonctionnaires peuvent
être mis en disponibilité, pour une durée maximum de trois
ans renouvelable, pour créer une entreprise à des fins de
valorisation de la recherche. Cette possibilité est néanmoins
limitée par les dispositions de l'article premier du décret
n°95-168 du 17 février 1995 relatif à l'exercice
d'activités privées par des fonctionnaires placés en
disponibilité qui leur interdit notamment l'exercice d'activités
"
professionnelles dans une entreprise privée lorsque
l'intéressé a été, au cours des cinq
dernières années (...) précédant sa mise en
disponibilité, chargé en raison même de sa fonction (...)
de passer des marchés ou contrats avec cette entreprise ou d'exprimer un
avis sur de tels marchés ou contrats
" et
d'"
activités lucratives, salariées ou non (...) si par
leur nature ou leurs conditions d'exercice et eu égard aux fonctions
précédemment exercées (elles) portent atteinte à
(leur) dignité ou risquent de compromettre ou mettre en cause le
fonctionnement normal, l'indépendance ou la neutralité du
service.
".
Les statuts des enseignants-chercheurs comportent des dispositions similaires.
Outre les possibilités de détachement, ils prévoient que
les enseignants-chercheurs peuvent être placés, pour une
durée de quatre ans au plus, en délégation soit dans une
entreprise soit pour créer une entreprise. Cette position, propre au
statut des enseignants-chercheurs, suppose au-delà des six premiers mois
le versement par l'entreprise d'une contribution au moins équivalente
à l'ensemble de la rémunération de
l'intéressé au profit de l'établissement d'origine du
chercheur. Dans le cas d'une création d'entreprise, une convention est
passée avec l'Agence nationale de valorisation de la recherche.
Ces règles qui sont certes favorables dans la mesure où elles
ouvrent au chercheur qui participe à la création ou au
développement d'une entreprise de valorisation un droit à
réintégration, n'apparaissent pas adaptées aux
modalités dans lesquelles de telles entreprises se constituent dans la
pratique.
En effet, elles reposent sur l'interdiction faite aux chercheurs d'appartenir
au service public et en même temps de participer à la
création d'une entreprise. Or, le succès des entreprises
innovantes créées à partir des résultats de la
recherche publique tient précisément dans l'imbrication de ces
deux mondes.
Un rapport public particulier de la Cour des comptes publié en juin 1997
consacré à la valorisation de la recherche dans les EPST
relevait, à ce propos, que "
l'état actuel de la
réglementation place souvent (les personnels de recherche) devant la
difficile alternative, soit de ne pas répondre aux invitations de la
loi
2(
*
)
, soit de risquer de se
mettre en infraction avec le droit existant
".
En effet, le fonctionnaire qui souhaite créer une entreprise est
contraint de " faire le grand saut " puisque, tant qu'il n'est pas en
position de disponibilité, la négociation de contrats de
collaboration ou de licence, qui sont à l'origine de la création
d'une entreprise de valorisation ne peut avoir lieu. Les règles
statutaires comme celles du code pénal imposent donc au fonctionnaire de
rompre tout lien avec le service public avant d'entreprendre toute
démarche, ce qui est en contradiction avec l'idée de l'essaimage.
Il faut bien comprendre que le passage d'une idée de valorisation d'un
résultat scientifique vers un projet de création d'entreprise
nécessite un temps de maturation, et donc une disponibilité du
chercheur, et suppose également pour ce dernier de se former aux aspects
juridiques, administratifs, financiers liés à la création
et à la gestion d'une entreprise. Ensuite sont également
nécessaires des dépenses de développement et
d'études de marché qui sont souvent d'un ordre de grandeur tel
que les budgets des établissements ne peuvent les supporter. Il s'agit
là d'une des causes de la faiblesse de la France en matière
d'innovation.
De même, un fonctionnaire ne peut prendre de participation au capital
d'une entreprise innovante qui a pour origine ses propres travaux de recherche
dès lors qu'elle est liée par un contrat à la personne
publique dont il relève. Or, sa participation au capital s'avère,
dans bon nombre de cas, essentielle. Compte tenu de la faiblesse des
mécanismes de soutien financier à l'innovation , les
investisseurs éventuels considèrent que même si
l'intéressé ne souhaite pas quitter son laboratoire, il doit
à tout le moins montrer qu'il croit à la viabilité de son
projet en risquant une part de ses avoirs.
2. Les deux mesures proposées par le projet de loi
L'article premier du projet de loi complète la loi du
15 juillet 1982 sur la recherche par deux articles nouveaux. On analysera
successivement ces deux articles.
•
L'article 25-1 nouveau : la participation du fonctionnaire en
qualité d'associé à la création d'une entreprise de
valorisation
Cet article précise le cadre statutaire dans lequel le chercheur peut
" essaimer ", c'est-à-dire quitter son laboratoire pour
créer une entreprise. Il prévoit que le fonctionnaire peut
être autorisé à participer, en qualité
d'associé ou de dirigeant, à la création d'une entreprise
dont l'objet est de valoriser ses travaux de recherche en vertu d'un contrat
conclu avec la personne publique dont il relève et l'entreprise.
Afin d'éviter tout conflit d'intérêt entre chercheur et
l'établissement dont il relève, il prévoit que le
fonctionnaire ne peut participer à la négociation du contrat en
qualité de représentant du service public et que l'autorisation
doit être demandée préalablement à celle-ci.
Le projet de loi dispose que l'autorisation est accordée par
l'autorité dont relève le fonctionnaire après avis du
conseil d'administration de son établissement et de la commission de
déontologie prévue à l'article 87 de la loi
n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention
de la corruption et à la transparence de la vie économique et des
procédures publiques. Cette commission, rappelons-le, est
compétente pour "
apprécier la compatibilité avec
leurs fonctions précédentes des activités que souhaitent
exercer en dehors de leur administration des fonctionnaires devant cesser ou
ayant cessé définitivement leurs fonctions par suite de leur
radiation des cadres ou devant être placés en position de
disponibilité
".
A compter de la date d'effet de l'autorisation, l'intéressé est
soit détaché dans l'entreprise, soit mis à disposition de
celle-ci ou d'un organisme qui concourt à la valorisation de la
recherche.
Au terme de l'autorisation, le fonctionnaire a le choix entre, d'une part,
réintégrer son corps d'origine et, éventuellement,
continuer à collaborer avec l'entreprise en lui apportant son concours
scientifique dans le cadre des dispositions de l'article 25-2, et, d'autre
part, rester dans l'entreprise en demandant sa mise en disponibilité ou
sa radiation des cadres.
L'économie générale de ce dispositif, qui s'inspire
très étroitement de celui adopté par le Sénat, ne
peut que recueillir le soutien de votre commission dans la mesure où il
offre un cadre juridique clair aux chercheurs désireux de créer
une entreprise. Votre commission a souhaité alléger la
procédure de délivrance de l'autorisation en supprimant
l'obligation de consulter le conseil d'administration de l'établissement
dont relève le fonctionnaire Votre rapporteur pense toutefois qu'il
conviendra que l'autorité dont relève le fonctionnaire rende
compte au conseil d'administration des autorisations qu'elle a
délivrées mais qu'il n'y ait pas de débat préalable
au sein du conseil, qui se réunit en fait trop rarement pour être
en la matière opérationnel.
•
L'article 25-2 nouveau : le concours scientifique apporté
par un fonctionnaire à une entreprise de valorisation
L'article 25-2 nouveau qu'il est proposé d'introduire dans la loi du 15
juillet 1982 permet à un chercheur d'apporter, pour une période
de 5 ans renouvelable, son concours scientifique à une entreprise
assurant, en vertu d'un contrat conclu avec la personne publique dont il
relève, la valorisation des travaux qu'il a réalisés dans
l'exercice de ses fonctions.
Votre commission a constaté avec satisfaction que le gouvernement
reprenait à son compte l'essentiel du dispositif proposé par le
Sénat. Cette mesure apparaît opportune dans la mesure où
elle permet de prévoir une position intermédiaire entre la simple
consultance, encadrée par le décret-loi de 1936, et le
départ dans l'entreprise, que ce soit par le biais de la mise à
disposition, du détachement ou de la mise en disponibilité.
Dans cette hypothèse, le fonctionnaire demeure au sein du service public
de la recherche, le concours scientifique devant être pleinement
compatible avec le plein exercice de son emploi public. Cette condition
n'exclut pas que ses obligations à ce titre puissent être
aménagées, notamment par un temps partiel, afin de lui permettre
de se consacrer plus largement à la collaboration avec l'entreprise.
Les modalités de cette collaboration sont prévues dans le cadre
d'une convention ; elles peuvent inclure le versement d'une
rémunération au profit du chercheur. Une telle solution permet
donc d'aménager de manière très souple le concours
scientifique. Cette souplesse est selon les responsables des organismes de
recherche une condition nécessaire pour permettre à ce dispositif
d'être efficace. D'après les informations communiquées
à votre rapporteur, ce dispositif sera complété par des
textes réglementaires aménageant les positions statutaires des
chercheurs afin de préciser notamment les caractéristiques de la
mise à disposition à temps partiel.
Dérogeant sur ce point aux dispositions du droit commun, le projet de
loi prévoit que cette collaboration peut s'accompagner d'une prise de
participation au capital de l'entreprise, dans la limite de 15 %.
Afin d'éviter les conflits d'intérêts entre le
fonctionnaire et la personne publique dont il relève, l'article 25-2
nouveau précise que l'intéressé ne peut participer
à l'élaboration ni à la passation des contrats et
conventions conclus entre l'entreprise et le service public de la recherche. En
outre, afin de garantir l'indépendance du concours scientifique, le
projet de loi précise que le fonctionnaire ne peut occuper au sein de
l'entreprise des fonctions de dirigeant ni être placé dans une
situation hiérarchique.
B. LA PARTICIPATION DES FONCTIONNAIRES À DES CONSEILS D'ADMINISTRATION OU DE SURVEILLANCE DE SOCIÉTÉS ANONYMES
Afin de
favoriser la diffusion des résultats de la recherche publique par la
mobilité des personnels, le projet de loi prévoit, au delà
des deux mesures déjà proposées par le Sénat, une
troisième mesure d'une nature sensiblement différente.
L'article 25-3 nouveau que l'article premier propose d'insérer dans la
loi du 15 juillet 1982 prévoit que les chercheurs et les
enseignants-chercheurs pourront, à titre personnel, être
autorisés à être membre du conseil d'administration ou du
conseil de surveillance d'une société anonyme "
afin de
favoriser la diffusion des résultats de la recherche publique et
d'encourager le développement de la recherche dans les entreprises
privées
".
Une telle disposition apparaît très largement dérogatoire
au droit commun découlant des obligations de
désintéressement et d'exclusivité professionnelle qui
résultent de l'article 25 du code de la fonction publique.
On rappellera que jusqu'ici les possibilités pour un fonctionnaire de
participer aux conseils d'administration ou de surveillance d'une
société anonyme ont été définies de
manière très restrictive.
Votre rapporteur s'est longuement interrogé sur l'intérêt
d'une telle disposition.
Selon les informations qui lui ont été fournies, elle pourrait
par exemple, permettre à des professeurs d'économie ou de gestion
ou encore de droit de participer aux conseils de surveillance ou
d'administration de grandes entreprises. On serait alors assez loin de
l'encouragement à la création de PME innovantes.
Le champ d'application de l'article 25-3 nouveau est très large. Il est
en effet ouvert à l'ensemble des chercheurs et des
enseignants-chercheurs et concerne les sociétés anonymes sans
restriction d'aucune sorte. Par ailleurs, la participation du fonctionnaire aux
organes dirigeants est rémunérée au même titre que
celle des autres membres du conseil d'administration ou de surveillance.
Les modalités d'octroi de l'autorisation sont les mêmes que celles
prévues à l'article 25-1.
Les conditions encadrant ce dispositif sont les suivantes :
- la participation du fonctionnaire au capital de l'entreprise est
limitée à la détention du nombre d'actions exigé
par les statuts pour être membre du conseil d'administration ou du
conseil de surveillance, sans néanmoins pouvoir excéder 5 %
du capital ;
- le montant des jetons de présence que peut percevoir le fonctionnaire
est soumis à un plafonds fixé par décret ;
- le fonctionnaire, comme dans le cas du concours scientifique, ne peut
participer à la négociation des contrats et conventions conclus
entre l'entreprise et le service public de la recherche ;
- la commission de déontologie prévu par l'article 87 de la loi
n° 93-122 du 29 janvier 1993 précitée est tenue
informée des relations contractuelles de l'entreprise avec le service
public de la recherche.
L'intérêt de ce dispositif est à l'évidence de
faciliter les contacts entre le monde de la recherche publique et celui de
l'entreprise. Votre rapporteur souhaite qu'il soit surtout mis en oeuvre dans
les petites et moyennes entreprises plutôt que dans la plupart des
grandes entreprises dont les conseils d'administration ou de surveillance ne
sont pas en général les organes dans lesquels est en
priorité débattue la politique de recherche et de
développement de l'entreprise et il serait bon que tant les
décrets que les circulaires d'application soient pris dans cet esprit.