II. LES MOYENS DE LA POLITIQUE DE L'OUTRE-MER
Votre rapporteur évoquera ici l'ensemble de l'effort budgétaire et financier consacré par l'Etat à l'outre-mer, en faisant une mention particulière sur la défiscalisation des investissements et sur les apports financiers provenant de l'Union européenne.
A. L'EFFORT BUDGÉTAIRE ET FINANCIER EN FAVEUR DE L'OUTRE-MER
Il est traditionnel de constater que le budget de l'outre-mer ne constitue qu'une part minime de l'ensemble de l'effort budgétaire et financier consacré par l'Etat à l'outre-mer. Ce dernier est retracé dans deux "jaunes" annexés au projet de loi de finances.
Effort budgétaire et financier en faveur de l'outre-mer en 1999
(En millions de francs)
Budget |
DOM et collectivités territoriales |
% /1998 |
TOM |
% 1998 |
Total |
% 1998 |
Charges communes |
3.224,0 |
+ 7,6 |
1.175,6 |
+ 7,9 |
4.399,6 |
+ 7,7 |
Enseignement scolaire |
11.703,6 |
+ 2,6 |
4.273,0 |
+ 2,4 |
15.976,6 |
+ 2,5 |
Intérieur |
8.993,2 |
+ 1,2 |
833,6 |
+ 2,4 |
9.826,8 |
+ 1,3 |
Outre-mer |
4.559,2 |
+ 9,9 |
1.034,8 |
- 4,9 |
5.594,0 |
+ 7,0 |
Défense |
2.119,8 |
+ 3,0 |
1.673,1 |
- 4,0 |
3.792,9 |
- 0,2 |
Autres budgets |
9.811,1 |
+ 3,2 |
1.763,2 |
- 2,5 |
11.574,3 |
+ 2,3 |
Total |
40.410,9 |
+ 3,6 |
10.753,3 |
+ 0,3 |
51.164,2 |
+ 2,9 |
Pour
1999, il s'établit à
51,2 milliards de francs
, soit
2,9 % de plus qu'en 1998, dont 40,4 milliards de francs pour les DOM
et les collectivités territoriales de Saint-Pierre et Miquelon et
Mayotte (+ 3,6 %) et 10,7 milliards de francs pour les TOM (+
0,3 %).
Le budget de l'outre-mer ne représente que 11 % de cet ensemble,
bien moins que celui de l'enseignement scolaire (près de
16 milliards de francs) ou de l'Intérieur (9,8 milliards de
francs) et légèrement plus que ceux des charges communs
(4,4 milliards de francs) ou de la défense (3,8 milliards de
francs).
Pour une large part, ces crédits sont constitués de
dépenses de rémunérations et charges sociales des
fonctionnaires en postes outre-mer, et les dotations versées par le
ministère de l'intérieur (inscrites à son budget ou
financées par prélèvement sur recettes), en particulier la
dotation globale de décentralisation et la dotation globale de
fonctionnement, ou encore les charges des pensions servies outre-mer aux
fonctionnaires retraités.
Au titre d'actions plus spécifiques, on peut signaler, en dehors des
crédits du budget de l'outre-mer :
- au budget des
charges communes
, le coût des
exonérations de
charges sociales patronales
au profit de
certaines activités, prévues par la loi du 25 juillet 1994
tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités
économiques dans les DOM, à Saint-Pierre et Miquelon et Mayotte
(coût en 1997 : 872 millions de francs) ;
- au budget de la
défense
, les subventions versées au
territoire de Polynésie française en application de la
convention pour le renforcement de l'autonomie économique de la
Polynésie française
du 25 juillet 1996 et
destinée à compenser, pendant dix ans, la diminution des flux
financiers liés à la fermeture du centre d'expérimentation
du Pacifique (subvention prévue : 343 millions de francs en
1998 et 613 millions de francs en 1999) ;
- au budget de
l'agriculture
, les aides accordées par l'Etat aux
producteurs de canne à sucre
de la Réunion en application
de la convention de juillet 1996 (coût : environ 200 millions de
francs par an).
Aux crédits budgétaires s'ajoutent les charges du Trésor,
en particulier les bonifications d'intérêt dont
bénéficie l'Agence française de développement (AFD)
au titre des activités de financement de l'économie qu'elle
réalise dans les DOM et TOM (coût : 327 millions de
francs en 1997).
Votre rapporteur rappelle que l'Agence française de développement
intervient outre-mer dans le financement direct du budget d'investissement des
collectivités locales, dans les concours en fonds propres en faveur des
entreprises, dans les activités de crédit et dans le financement
et la construction de logements.
La réorganisation de l'AFD s'est traduite par la suppression de la
SOCREDOM (société de crédit des DOM) dont l'utilité
n'était plus avérée. La société de
développement régional de Antilles - Guyane (SODERAG), dont la
gestion contestée s'est soldée par un lourd passif, a
cessé son activité au mois de mai dernier. Une partie du passif
devrait être pris en charge par l'Etat, le restant étant
assumé par le groupe AFD.
B. L'AIDE FISCALE À L'INVESTISSEMENT
Votre
commission des finances avait amplement souligné l'an passé
l'impact sur le développement économique social de l'outre-mer du
régime d'incitation fiscale à l'investissement mis en place par
la loi de finances rectificative du 11 juillet 1996 -c'est-à-dire
le dispositif dit de la "loi Pons"- modifié par plusieurs lois de
finances ultérieures.
Selon les rapports annuels établis par la direction
générale des impôts et transmis au Parlement, les projets
agréés ou autorisés au titre de la loi Pons ont
représenté un
volume d'investissements de 5.590 millions
de francs en 1996 et de 9.159 millions de francs en 1997.
Au cours de ces dernières années, trois secteurs ont
concentré l'essentiel des investissements :
l'hôtellerie,
le transport et la navigation de plaisance
.
Une importante modification du dispositif est intervenue dans le cadre de
l'article 18 de la loi de finances pour 1998 :
- tout d'abord une extension de la procédure d'agrément au
secteur de la pêche et l'introduction de la création ou du
maintien de l'emploi comme l'un des critères de la délivrance de
l'agrément ;
- mais surtout une
réduction de l'impact fiscal de la loi
sous
l'effet de plusieurs mesures : la réduction de la base
déductible du montant des subventions publiques attribuées au
projet, la transformation de la déduction du montant de l'investissement
du bénéfice industriel et commercial en une déduction du
revenu global (pour les personnes physiques) et enfin la suppression de la
possibilité d'imputer les déficits sur le revenu global pour les
personnes n'exerçant pas à titre professionnel, disposition
qualifiée de "tunnelisation" des déficits BIC non professionnels.
Il est encore trop tôt pour dresser un bilan précis de ce nouveau
dispositif, bien que l'on constate d'ores et déjà à la
fois une restriction du flux d'investissements et le blocage de certains
projets en attente d'agrément.
Le gouvernement n'avait proposé aucune modification du dispositif dans
le projet de loi de finances pour 1999, mais sur proposition de la commission
des finances, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs articles
le remaniant très légèrement sur trois points :
- la procédure d'agrément est de nouveau étendue,
dès lors que l'investissement atteint un montant minimal de 2 millions
de francs (article 64 B du projet de loi de finances) ;
- l'abattement d'un tiers sur la base défiscalisable pour les
sociétés a été supprimé, de même, par
voie de conséquence, que l'abattement d'un tiers sur le
bénéfice taxable ; il s'agit là d'encourager les
sociétés à utiliser un dispositif qu'elles n'ont
guère exploité, l'essentiel de la défiscalisation
s'effectuant dans le cadre de l'impôt sur le revenu
(article 64 C) ;
- enfin, alors que la commission des finances de l'Assemblée nationale
souhaitait une prorogation jusqu'en 2005, mais devant l'opposition du
gouvernement, la loi Pons a été prorogée d'une
année, jusqu'au 31 décembre 2002 (article 64 A).
A l'évidence, ces mesures n'auront qu'un impact très modeste et
ne sont pas de nature à relancer significativement l'investissement
privé outre-mer.
Sans entrer dans le détail d'un débat de nature fiscale, qui
dépasse largement le cadre de ce rapport budgétaire, votre
rapporteur spécial rappelle que la loi Pons constitue
la seule mesure
d'incitation à l'investissement privé outre-mer.
S'il
n'était pas illégitime de vouloir préciser ou retoucher
cette loi, il paraissait en revanche indispensable de ne pas provoquer de
déséquilibre dans des territoires confrontés à de
forts handicaps et à une profonde fragilité économique et
sociale.
Il est regrettable qu'en modifiant le dispositif le gouvernement n'ait pas
envisagé de mesure de substitution susceptible de prendre le relais et
de maintenir le flux d'investissement privé outre-mer. Il importe donc
qu'au-delà des mesures votées à l'Assemblée
nationale se manifeste une réelle volonté de trouver des moyens
propres à diriger vers l'outre-mer un investissement qui lui est
indispensable.
C. LES INTERVENTIONS EUROPÉENNES
Le
panorama des moyens affectés à la politique de l'outre-mer ne
serait pas complet s'il ne mentionnait pas les aides importantes
accordées par l'Union européenne.
En ce qui concerne les
départements d'outre-mer
, ils font partie
depuis 1989 des régions en retard de développement
(objectif 1) et bénéficient à ce titre :
- des
interventions des fonds structurels
(FEDER, FEOGA, FSE), qui sont
regroupés dans un document unique de programmation ;
- de
financements spécifiques attribués dans le cadre des
programmes d'initiative communautaire REGIS
(régions isolées).
Durant la période actuelle de programmation, qui couvre la
période 1994-1999
, l'ensemble de ces programmes
communautaires en faveur des DOM devraient bénéficier d'une
enveloppe de 1,76 milliard d'écus
, ce qui représente
des
versements annuels de 1,9 milliard de francs
en moyenne.
Parmi les projets retenus par les programmes communautaires, on peut citer :
- en Guadeloupe, la construction de l'aéroport international du Raizet
ainsi que la rocade de liaison port-aéroport ;
- en Martinique, le nouvel aménagement portuaire de la Pointe des
Grèves et le renforcement des infrastructures aéronautiques de
l'aéroport du Lamentin ;
- en Guyane, plusieurs projets routiers et l'aérogare de
Cayenne-Rochambeau ;
- à la Réunion, le projet de "basculement des eaux d'est en
ouest".
Aux financements d'infrastructures s'ajoutent les interventions du FEOGA en
matière agricole et du FSE en matière sociale.
La spécificité des DOM a été reconnue dans le
traité d'Amsterdam
(article 227-2) dans le cadre du statut des
régions ultra périphériques ; les conditions
d'accès aux fonds structurels figurent explicitement parmi les mesures
pouvant justifier une politique spécifique. Les mesures
spécifiques, adoptées à la majorité par le Conseil
et non plus à l'unanimité, pourront porter sur tous les domaines,
y compris les politiques communes.
Les
territoires et collectivités territoriales d'outre-mer
ne
font pas quant à eux partie de l'Union européenne, mais y sont
associés en tant que pays et territoires d'outre-mer.
Ils ne sont pas éligibles aux fonds structurels mais
bénéficient du Fonds européen de développement
(FED) défini dans le cadre de la convention de Lomé.
Le VIIIe FED a prévu, pour la période 1996-2000, une
enveloppe de 50,3 millions d'écus, supérieure de 25 %
à celle du VIIe FED, pour les territoires et collectivités
territoriales d'outre-mer. La répartition est la suivante :
- Polynésie française : 15,8 millions d'écus ;
- Nouvelle-Calédonie : 14,1 millions d'écus ;
- Mayotte : 10 millions d'écus ;
- Wallis et Futuna : 6,4 millions d'écus ;
- Saint-Pierre et Miquelon : 4 millions d'écus.
Le gouvernement français a manifesté à plusieurs reprises,
notamment lors de la Conférence intergouvernementale de Turin en 1996,
son souhait de voir évoluer le régime d'association des
territoires et collectivités territoriales d'outre-mer, qui est
marqué par un trop grand parallélisme avec les pays ACP et une
insuffisante prise en compte de leur spécificité.