II. UNE POLITIQUE DÉCENTRALISÉE, DÉCONCENTRÉE ET INTERMINISTÉRIELLE
Deux annexes "jaunes" aux lois de finances précisent l'importance du rôle joué, en matière environnementale, par les collectivités locales, les instances déconcentrées (au premier rang desquelles figurent les agences de l'eau) et les autres ministères.
A. LE RÔLE DES COLLECTIVITÉS LOCALES
Le
tableau ci-dessous extrait du "jaune" précité montre que pour
l'année 1997 (les données ultérieures n'étant pas
encore disponibles), les dépenses environnementales totales des
collectivités locales ont dépassé 120 milliards de
francs.
Les deux postes les plus importants concernaient :
- l'eau, avec près de 46 milliards consacrés à
l'assainissement et l'épuration et un peu moins de 30 milliards
pour la mobilisation des ressources correspondantes
- et les déchets au traitement desquels ont été
destinés 27,5 milliards de francs.
La gestion des eaux usées et des déchets représentait les 9/10e des interventions considérées et explique l'essentiel de la progression des dépenses qui a concerné essentiellement le fonctionnement des équipements, dans un contexte de stagnation globale des investissements.
B. LES INTERVENTIONS DES AGENCES DE L'EAU
1. Une autonomie financière complète
La
déconcentration des interventions de l'Etat en matière
environnementale prend le plus souvent la forme d'une délégation
à des établissements publics de mission d'intérêt
général dans des domaines particuliers.
Certains de ces établissements comme l'ADEME, l'INERIS ou l'ANDRA
(Agence nationale des déchets radioactifs) ont un caractère
industriel et commercial.
D'autres tels l'IFEN (Institut Français de l'Environnement) sont des
établissements publics administratifs.
C'est le cas des six agences de l'eau (correspondant aux bassins Adour-Garonne,
Artois-Picardie, Loire-Bretagne, Rhin-Meuse,
Rhône-Méditerranée-Corse et Seine-Normandie) qui
effectuent, loin devant l'ADEME, les dépenses les plus importantes et
sont, de surcroît, les seules à ne disposer d'aucun crédit
budgétaire. L'intégralité de leurs recettes provient, en
effet, de leurs ressources propres, ce qui accroît, du moins
théoriquement, leur indépendance, en comparaison des autres
établissements, pourtant dotés eux aussi d'une autonomie
financière.
Sur un total de 15,5 milliards de francs dépensés, sur leurs
ressources propres, par les établissements sous tutelle du
ministère de l'Aménagement du territoire et de l'environnement en
1998, la part des agences de l'eau était de 12,8 milliards de
francs (soit 83 %), et celle de l' ADEME de 1,36 milliard de francs,
comme l'indique le tableau suivant.
2. Un modèle original et efficace
Le
système mis en place, il y a plus de trente ans, par la loi
n° 64-1245 du 16 décembre 1964 est original à plus d'un
titre. Il repose sur le principe pollueur-sociétaire.
Les agences établissent et perçoivent des redevances
destinées à couvrir les dépenses prévues dans le
cadre d'un programme pluriannel d'intervention. De fait, les redevances de
prélèvement et de pollution collectées auprès des
usagers s'apparentent à un prélèvement fiscal, dont le
volume, comme le montre le tableau qui précède, est devenu
très important.
Il en résulte une tarification tendant à la fois à tenir
compte du fait que l'eau devient une ressource rare et à faire supporter
par leurs auteurs le coût des dommages causés à
l'environnement.
Si les agences sont placées sous la tutelle de l'Etat, elles sont
cependant dotées de la personnalités juridique et de l'autonomie
financière ; chacune d'entre elle est chargée de faciliter les
actions d'intérêt commun du bassin hydrographique par
l'attribution de subventions et de prêts.
Le cadre d'intervention retenu est, ainsi, le bassin hydrographique qui
constitue l'échelle géographique la plus pertinente et ne
correspond à aucune division administrative. Le décret n°
66-700 du 14 septembre 1966 définit six agences de bassin
couvrant le territoire métropolitain qui sont, dans l'ordre d'importance
financière : Seine-Normandie,
Rhône-Méditerranée-Corse, Rhin-Meuse, Loire-Bretagne, et
Artois-Picardie.
Ce système particulier a largement démontré son
efficacité. Il repose sur une concertation permanente entre les
élus, les usagers, les associations et l'Etat.
L'intervention des agences tend à rationaliser la gestion des ressources
en eau. Elles soutiennent les programmes d'assainissement des communes et de
dépollution industrielle, la lutte contre les pollutions
d'élevage et les actions orientées vers la maîtrise des
pollutions d'origine agricole.
Après avoir ainsi fait ses preuves, le modèle français est
en train de faire école.
La future directive cadre de l'Union européenne pour l'action
communautaire dans le domaine de l'eau s'inspire, en effet, largement de ses
principes fondateurs ; gestion équilibrée et globale des usages
de l'eau par bassin hydrographique, planification pluriannuelle, couverture des
coûts par une tarification à la charge des usagers...
3. Le VIIe programme
Le VIIe
programme quinquennal des agences de l'eau (1997-2001) a retenu le principe
d'une stabilisation des redevances dont le montant global devrait être
plafonné à 51 milliards de francs.
Les aides accordées en contreparties par les six agences devraient
être les suivantes .
Les six
priorités du VIIe programme demeurent : assainissement des
collectivités locales, lutte contre la pollution industrielle,
maîtrise des pollutions d'origine agricole, amélioration de la
ressource en eau, et de la qualité de l'eau potable et
préservation des milieux naturels.
Par ailleurs, un effort financier est consenti pour le milieu rural, notamment
pour y améliorer l'assainissement et la qualité
bactériologique de l'eau distribuée, réduire la pollution
due aux nitrates (élevage, grandes cultures), mettre en
conformité les périmètres de protection des captages d'eau
potable, améliorer la qualité du milieu naturel aquatique et
soutenir l'assainissement autonome.
Enfin, il est prévu d'améliorer la connaissance des eaux
souterraines et d'accroître le montant des aides destinées
à l'entretien des installations, à la surveillance et au
contrôle de leur fonctionnement.
Deux nouveautés importantes apparaissent :
- la participation des agences au financement du programme décennal
de prévention des inondations
11(
*
)
par le rattachement, à
l'article 30 du chapitre 67-20 du budget de l'environnement, d'un fonds de
concours annuel de 110 millions de francs ;
- la création, pour 1999, d'un deuxième fonds de concours de
140 millions de francs permettant la mise à contribution des
agences pour assurer le renforcement des moyens techniques :
• de la police de l'eau exercée par l'Etat (50 MF)
• de la collecte et de l'exploitation des données sur l'eau
(40 MF)
• des gardes pêche relevant du Conseil supérieur de la
pêche (50 MF)
Une telle sollicitation d'établissements autonomes pour financer des
missions de police de l'eau qui incombent à l'Etat parait très
choquante à votre rapporteur
(voir observation).
Quoi qu'il en soit, les développements qui précèdent
montrent que les moyens dont disposent les établissements
environnementaux déconcentrés, et les agences de l'eau en
particulier, sont sans commune mesure avec le budget du ministère.
Le total des dépenses consacrées à la protection de
l'environnement par les autres ministères lui est également
supérieur.