INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Votre commission des Affaires sociales a examiné la proposition de loi
n° 211, tendant à mieux réglementer les pratiques du
marchandisage afin d'éviter certaines pratiques abusives
constatées dans le secteur de la grande distribution, le 1er juillet
1998.
Cette proposition de loi a été présentée à
l'initiative de M. Jean-Paul Delevoye, elle était cosignée par le
rapporteur de votre commission.
L'auteur de la proposition de loi a souhaité ouvrir le débat sur
les conditions d'exercice du marchandisage dans la grande distribution,
c'est-à-dire la " mise à disposition de personnels "
par les fournisseurs ou fabricants pour exercer des tâches normalement
dévolues aux employés de libre service du magasin.
Comme le précise l'exposé des motifs de cette proposition de loi,
cette pratique a permis de résoudre les conflits d'intérêts
entre fournisseurs et distributeurs en explorant d'autres sujets de
négociation que le prix.
Le marchandisage est ainsi devenu un élément de la
négociation avant d'être une technique de vente spécifique,
créatrice de valeur ajoutée. Dans cette nouvelle configuration,
ce sont les salariés " marchandiseurs " qui ont
été mis à contribution, à travers la
précarité de leur situation professionnelle. Souvent
employés par des officines discrètes qui jouent le rôle
d'intermédiaires, à travers des contrats de travail à la
limite de la légalité, ces employés ne
bénéficient d'aucune garantie sociale et d'aucune perspective
quant à leur plan de travail.
C'est pour mettre un terme à ces abus que les auteurs de la proposition
de loi ont proposé d'interdire la pratique du marchandisage.
M. Jean-Paul Delevoye a toutefois souhaité laisser toute latitude au
rapporteur pour trouver la meilleure rédaction juridique possible afin
de préciser les termes de la proposition de loi.
Dans cet esprit, votre commission des Affaires sociales a décidé
de recentrer la proposition de loi en privilégiant une approche plus
constructive que la simple interdiction du marchandisage. Elle a
souhaité distinguer dans la réglementation proposée, le
marchandisage des producteurs effectué avec leur propre personnel du
marchandisage réalisé par des intermédiaires dans des
conditions de grande précarité pour les salariés.
Elle s'est résolue à opérer cette distinction après
avoir constaté que les prestataires de services avaient
été incapables de moraliser leur activité après que
des abus ont été constatés à de multiples reprises.
Elle a considéré qu'il ne lui revenait pas de se substituer aux
partenaires sociaux et qu'elle devait se limiter à interdire les abus
sans chercher à réglementer les rapports entre fournisseurs et
distributeurs. Elle a considéré que des progrès notables
et rapides dans l'organisation de ce secteur étaient seuls à
même de remettre en question la voie dessinée dans des conclusions
qui ont pour mérite de mettre un terme aux abus constatés sans
interdire complètement une activité en devenir.
I. LE RECOURS AU MARCHANDISAGE EST CONCOMITANT D'UNE DÉGRADATION DES CONDITIONS DE LA CONCURRENCE DANS LE SECTEUR DE LA GRANDE DISTRIBUTION
A. LA GRANDE DISTRIBUTION : UN SECTEUR ESSENTIEL POUR L'ÉCONOMIE ET L'EMPLOI
Le
secteur du commerce occupe une place importante dans l'économie
française. La grande distribution en constitue assurément un de
ses éléments les plus modernes et les plus dynamiques.
Aujourd'hui, plus d'un actif sur huit travaille dans le commerce. Ce secteur
génère 12,5 % de la valeur ajoutée de
l'économie, on distingue le commerce de détail (45 % de la
valeur ajoutée du commerce), le commerce de gros (42 %) et le
commerce lié à l'automobile (13 %).
En 1997, le commerce de gros a eu l'activité la plus dynamique, le
commerce de détail, malgré une croissance plus modeste, a
créé des emplois tandis que la réparation et le commerce
automobile en ont perdus, en raison de leur baisse d'activité.
Lorsque l'on examine les données propres à la distribution, on
constate que la part des grandes surfaces atteint 59 % du marché
des produits alimentaires.
Parts
de marché des ventes au détail en 1997
(hors véhicules automobiles)
En %
Formes de vente |
Ensemble des produits commercialisables |
Produits alimentaires
|
Produits non alimentaires |
Alimentation spécialisée et artisanat commercial |
7,3 |
18,8 |
|
• Boulangeries-pâtisseries |
2,4 |
6,4 |
|
• Boucheries-charcuteries |
2,3 |
6,3 |
0,9 |
• Autres magasins d'alimentation spécialisée |
2,6 |
7,1 |
|
Petites surfaces d'alimentation générale et magasins de produits surgelés |
3,7 |
8,9 |
|
Grandes surfaces d'alimentation générale |
33,3 |
58,7 |
18,8 |
• Supermarchés |
13,5 |
26,6 |
6,2 |
• Magasins populaires |
0,6 |
1,0 |
0,3 |
• Hypermarchés |
19,1 |
31,1 |
12,2 |
Grands magasins et autres magasins non alimentaires non spécialisés |
1,5 |
0,4 |
2,1 |
Pharmacies et commerces d'articles médicaux |
5,7 |
0,1 |
8,8 |
Magasins non alimentaires spécialisés |
27,4 |
3,3 |
41,0 |
Commerce hors magasin |
4,0 |
2,9 |
4,6 |
• Vente par correspondance |
2,0 |
0,3 |
3,0 |
• Autres |
2,0 |
2,6 |
1,6 |
Réparation d'articles personnels et domestiques (1) |
0,6 |
0,0 |
0,8 |
Ensemble commerce de détail et artisanat |
83,2 |
94,1 |
76,9 |
Ventes au détail du commerce automobile (2) |
10,8 |
0,3 |
16,7 |
Autres ventes au détail (3) |
6,1 |
5,6 |
6,3 |
Ensemble des ventes au détail |
100 |
100 |
100 |
(1)
Pour leurs ventes au détail et leurs
prestations de réparation.
(2)
A l'exclusion des ventes et réparations de
véhicules automobiles, y compris les ventes et réparations de
motocycles.
(3)
Ventes au détail d'autres secteurs : cafés-tabac,
grossistes, ventes directes de producteurs, etc.
Source : Comptes du commerce, Insee.
Dans les grandes surfaces à prédominance alimentaire, le volume
du chiffre d'affaires a crû de 3,4 %, ceci alors même que
l'extension de la surface du parc des hypermarchés continue à se
ralentir (+ 1 % en 1997 contre + 2,7 % en 1996 et
+ 4,9 en 1995). Les mesures prévues par la loi Raffarin de
juillet 1996, plus restrictives en matière d'autorisations d'ouverture
de surface de moins de 1.000 m
2
commencent donc à se faire
sentir.
Globalement, la diminution du nombre d'ouvertures de grandes surfaces a
été compensée par la meilleure tenue de la consommation
des ménages depuis 1995. Celle-ci a conduit progressivement, et surtout
en 1997, à une augmentation du chiffre d'affaires par magasin,
particulièrement notable pour les hypermarchés. Sur l'ensemble
des produits alimentaires et non alimentaires, hypermarchés et
supermarchés représentent désormais les deux
cinquièmes des ventes réalisées par le commerce de
détail et l'artisanat commercial.
En progressant ainsi sur le marché des produits non alimentaires, les
hypermarchés continuent à entretenir une vive concurrence avec
les grandes surfaces spécialisées. Le renforcement, voire
l'exacerbation de la concurrence entre les différents distributeurs est
la principale caractéristique de l'évolution de ce secteur
d'activité. On doit noter que ce phénomène ne semble pas
pour l'instant avoir porté dommage à l'emploi.
EFFECTIFS SALARIES DU COMMERCE EN MOYENNE ANNUELLE (milliers)
SECTEURS D'ACTIVITÉS |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
COMMERCE DE DÉTAIL |
|
|
|
|
|
|
|
|
Grandes surfaces à prédominance alimentaire |
309,8 |
333,0 |
356,5 |
372,2 |
379,9 |
389,4 |
397,5 |
nc |
Petites surfaces alimentaires spécialisées ou non |
203,8 |
186,8 |
161,3 |
144,3 |
142,2 |
134,3 |
129,0 |
nc |
Autres commerces de détail en magasin ou non, réparation |
718,2 |
711,0 |
698,1 |
690,6 |
696,3 |
722,6 |
748,0 |
nc |
Total commerce de détail |
1.231,7 |
1.230,8 |
1.215,9 |
1.207,0 |
1.218,4 |
1.246,3 |
1.274,4 |
1.295,7 |
COMMERCE DE GROS |
|
|
|
|
|
|
|
|
Total commerce de gros |
411,4 |
938,9 |
917,3 |
891,2 |
879,7 |
874,2 |
871,2 |
875,9 |
COMMERCE ET RÉPARATION AUTOMOBILE |
375,5 |
370,0 |
366,2 |
365,7 |
369,2 |
371,4 |
371,5 |
369,6 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
TOTAL COMMERCE |
2.548,5 |
2.539,6 |
2.499,2 |
2.463,7 |
2.467,1 |
2.492,0 |
2.517,1 |
2.541,2 |
Effectifs moyens, source INSEE Emploi et division Commerce -
Autres données 97 disponibles en novembre 1998
Le commerce de détail a, en effet, créé 35.000 emplois
nets en 1995, soit une croissance de + 2,7 %. Dans ce secteur, les
emplois sont fréquemment des emplois à temps partiel (un
salarié sur trois) et faiblement rémunérés : en
1995, le salaire net annuel moyen des employés du commerce de
détail était de 83.000 francs pour les hommes et de 76.000 francs
pour les femmes, pour des emplois en équivalent temps complet.
Il semble bien que les mesures d'allégement des charges sociales sur les
bas salaires et pour l'embauche à temps partiel à l'oeuvre depuis
1993 et renforcée depuis, ont favorisé la création
d'emplois.
A cet égard, la proposition de loi n° 372 tendant à
alléger les charges sur les bas salaires déposée à
l'initiative de M. Christian Poncelet, président de la commission des
Finances, et adoptée par la commission des Affaires sociales
1(
*
)
le 17 juin 1998 puis par le
Sénat le 29 juin, ne manquerait pas de renforcer ce mouvement si elle
était finalement adoptée par le Parlement.