B. LA GRANDE DISTRIBUTION : UN SECTEUR EN PROIE À UNE CONCURRENCE TRÈS VIVE
La
grande distribution connaît toujours une conjoncture économique
relativement porteuse, qui se traduit par une progression du chiffre d'affaires
et des emplois. Elle doit néanmoins faire face à une concurrence
exacerbée et au développement de nouvelles enseignes à
prix réduits qui, ensemble, exercent une pression à la baisse sur
les marges des distributeurs.
Ce renforcement de la concurrence entre les enseignes a plusieurs origines. Les
faibles taux de croissance économique observés depuis le
début des années 1990 et la progression du taux de chômage
ont eu pour conséquence de limiter le pouvoir d'achat des consommateurs
et d'encourager des comportements de précaution qui ont
déformé la structure de la consommation des ménages en
faveur des produits les moins susceptibles de dégager de fortes marges
bénéficiaires.
C'est dans ce contexte qu'il convient de replacer le développement des
enseignes " à prix cassés ". Les consommateurs
plébiscitent cette nouvelle forme de distribution, ce qui renforce la
pression imposée aux distributeurs " classiques ". Ceux-ci se
sentent obligés de réduire leurs coûts pour restaurer leurs
marges.
Trois sources de coût peuvent être aisément
identifiées : les achats, les structures et les frais de personnel.
• Une première façon de restaurer sa
compétitivité peut consister pour un distributeur à
renégocier ses achats. La relation fournisseur/distributeur devient
alors un peu plus difficile puisque ce dernier a tendance à ajuster ses
prix en fonction des volumes qu'il peut écouler.
Pour préserver un peu plus encore leurs marges, les distributeurs ont eu
tendance à développer leurs propres gammes de produits autrement
appelées " marques de distributeurs " ou " MDD ".
Ces produits concurrencent directement les " grandes marques " ; ils
bénéficient en outre d'un placement privilégié dans
les rayons puisqu'ils procurent une marge supérieure au distributeur.
Tout ceci contribue à renforcer la grande distribution dans ses
négociations avec les fournisseurs. On peut toutefois souligner que les
marges de négociation sont étroites et que les baisses de prix ne
peuvent être illimitées. Dans ces conditions, le distributeur doit
trouver d'autres sources de baisse des coûts.
• Une action sur les structures peut être un bon moyen de
réduire les coûts. Dans cet esprit, les distributeurs ont
entrepris, dans les années 1980, une course à la taille en
multipliant les magasins et en augmentant leur surface. Cette démarche
avait notamment pour objectif d'augmenter le chiffre d'affaires et, par voie de
conséquence, le pouvoir de négociation face aux fournisseurs.
Cette augmentation des surfaces de vente ne pouvait perdurer infiniment. Par
ailleurs, les pouvoirs publics ont souhaité limiter ce mouvement
d'extension afin de préserver un certain équilibre entre les
différentes formes de commerce ; ce fut l'objet de la loi Raffarin du
5 juillet 1996.
LES OUVERTURES DE GRANDES SURFACES
Au
1
er
janvier 1998, la France métropolitaine compte
1.123 hypermarchés, soit un pour 52.000 habitants, et de l'ordre de
7.600 supermarchés dont environ 1.700 de type maxidiscompte. Les
ouvertures de grandes surfaces sont réglementées par la loi
Raffarin de 1996, qui succède à la loi Royer de 1973.
Cette loi d'orientation du commerce et de l'artisanat soumet à
autorisation de la commission départementale d'équipement
commercial (CDEC) les créations de magasins de plus de 1.000
m
2
dans les communes de moins de 40.000 habitants et
supérieurs à 1.500 m
2
dans les autres communes. Les
extensions de surface de plus de 200 m
2
sont également
soumises à autorisation si elles introduisent le magasin dans le champ
de la loi ou si le magasin a déjà dépassé le seuil.
La loi Royer a été modifiée en 1996 par la loi Raffarin du
5 juillet (relative au développement et à la promotion du
commerce et de l'artisanat) qui soumet désormais à autorisation
toute création de magasins de plus de 300 m
2
et toute
extension de surface. Par ailleurs, les changements de secteur
d'activité des magasins de surface supérieure à
2.000 m
2
sont également soumis à autorisation. Ce
seuil est ramené à 300 m
2
lorsque l'activité
nouvelle du magasin est à prédominance alimentaire.
Ces limites d'ordre législatif et réglementaire à
l'extension des grandes surfaces ne laissaient pour seule solution pour
abaisser le coût des structures que la concentration. C'est ainsi que ces
dernières années ont vu le rapprochement d'enseignes comme Auchan
et Docks de France. Ce mouvement de concentration s'est accompagné d'une
poursuite de la politique d'expansion à l'international, soit sous la
forme de croissance interne, soit sous la forme de rachat ou fusion. Là
encore, l'objectif est de peser face à des fournisseurs qui ont
également une dimension internationale.
Cette nouvelle forme de course à la taille est très
coûteuse. Elle ne peut porter ses fruits en termes d'économies
d'échelle qu'à long terme. Elle ne peut se substituer par
ailleurs à d'autres formes d'économies comme celles liées
à la maîtrise de la masse salariale.
• C'est dans ce contexte qu'il convient de replacer l'apparition et
le développement de la pratique du marchandisage. Il constitue en effet
une piste pour augmenter le chiffre d'affaires, réduire les coûts
d'achat et la masse salariale. Pour les fournisseurs, il constitue
également une parade pour endiguer la progression des " marges de
distributeur ".
Le marchandisage apparaît donc bien comme un élément
important de restauration de la marge des distributeurs dans un contexte de
concurrence exacerbée. C'est en cela qu'il peut être une cause
d'abus et non lorsqu'il constitue la mise en oeuvre d'une technique de vente
spécifique créatrice de valeur ajoutée.