PPL relative à la réglementation des pratiques du merchandisage
DELEVOYE (Jean-Paul) ; SOUVET (Louis)
RAPPORT 30/06/1998 - COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Table des matières
- TRAVAUX DE COMMISSION
-
INTRODUCTION
- I. LE RECOURS AU MARCHANDISAGE EST CONCOMITANT D'UNE DÉGRADATION DES CONDITIONS DE LA CONCURRENCE DANS LE SECTEUR DE LA GRANDE DISTRIBUTION
- II. LES ABUS CONSTATÉS TIENNENT AUTANT AUX RELATIONS QU'ENTRETIENNENT FOURNISSEURS ET DISTRIBUTEURS QU'À L'IMPRÉCISION DU DROIT APPLICABLE
- III. LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES A SOUHAITÉ SUPPRIMER LES ABUS TOUT EN PRÉSERVANT UNE ACTIVITÉ EN DEVENIR
- EXAMEN DES ARTICLES
- CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
- PROPOSITION DE LOI TENDANT À MIEUX RÉGLEMENTER LES PRATIQUES DU MARCHANDISAGE AFIN D'ÉVITER CERTAINES PRATIQUES ABUSIVES CONSTATÉES DANS LE SECTEUR DE LA GRANDE DISTRIBUTION
N°
533
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 30
juin 1998
Enregistré à la Présidence du Sénat le
1
er
juillet 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi de MM. Jean-Paul DELEVOYE et Louis SOUVET, tendant à mieux réglementer les pratiques du merchandisage afin d'éviter certaines pratiques abusives constatées dans le secteur de la grande distribution,
Par M.
Louis SOUVET,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Claude Huriet, Bernard Seillier, Louis Souvet, vice-présidents ; Jean Chérioux, Charles Descours, Roland Huguet, Jacques Machet, secrétaires ; François Autain, Henri Belcour, Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Nicole Borvo, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Jean-Patrick Courtois, Philippe Darniche, Mme Dinah Derycke, M. Jacques Dominati, Mme Joëlle Dusseau, MM. Alfred Foy, Serge Franchis, Alain Gournac, Louis Grillot, André Jourdain, Jean-Pierre Lafond, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain , Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau, Basile Tui, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
Voir le
numéro
:
Sénat
:
211
(1997-1998).
Commerce et artisanat. - Code du travail. |
TRAVAUX DE COMMISSION
Au
cours de sa réunion du mercredi 1er juillet 1998, sous la
présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a
procédé à l'
examen de la proposition de loi n°
211
(1997-1998) de MM. Jean-Paul Delevoye et Louis Souvet, tendant à
mieux réglementer les
pratiques du merchandisage
afin
d'éviter certaines
pratiques abusives constatées dans le
secteur de la grande distribution
(rapporteur : M. Louis Souvet).
M. Louis Souvet, rapporteur,
a tout d'abord déclaré que
la présente proposition de loi avait été
déposée par M. Jean-Paul Delevoye et qu'il avait accepté
de la cosigner.
Il a précisé que son origine devait être recherchée
dans le développement constaté dans la région
Nord-Pas-de-Calais d'abus dans l'exercice du marchandisage dans le secteur de
la grande distribution.
Le rapporteur a indiqué que le salarié
" marchandiseur ", contrairement à ce que sous-entendait le
terme, n'était pas chargé de la démonstration de produits
vendus, qu'il n'avait aucune activité commerciale ou promotionnelle et
qu'il n'était pas en relation avec la clientèle. Il a
expliqué que son travail consistait à regarnir les rayons de
l'hypermarché de produits de certaines marques qu'il allait chercher
dans les rayons des magasins, ce travail correspondant
précisément à celui " d'employé de libre
service " défini par la Convention collective des magasins
d'alimentation et d'approvisionnement général applicable aux
hypermarchés.
M. Louis Souvet, rapporteur
, a observé que le salarié
" marchandiseur " n'était pas employé par le
distributeur mais soit par le fournisseur, soit par l'intermédiaire d'un
prestataire de services et qu'en l'état actuel de la législation,
la pratique du marchandisage telle que l'exercent les prestataires de service
était illégale au regard de l'article L. 125-1 du code du travail
qui définit le délit de marchandage.
Il a remarqué que ce délit était constitué
lorsqu'une sous-traitance ou une prestation de services dissimulait en
réalité une simple fourniture de main-d'oeuvre.
Le rapporteur a observé que cette " mise à
disposition " de personnel pouvait être considérée
sous bien des aspects comme une " externalisation " des emplois,
notamment lorsqu'elle n'était pas la conséquence
nécessaire de la transmission d'un savoir-faire ou de la mise en oeuvre
d'une technique de vente propre à l'entreprise.
Il a estimé que cette externalisation pouvait conduire à
poursuivre, outre le fournisseur ou le loueur de main-d'oeuvre, l'utilisateur
lui-même qui était alors considéré comme coauteur du
délit ou complice.
M. Louis Souvet, rapporteur
, s'est interrogé sur les
éléments qui pouvaient assimiler la pratique du marchandisage au
délit de marchandage.
Il a observé que les salariés marchandiseurs étaient
souvent employés dans des conditions extrêmes de
précarité, souvent sous contrat de travail à temps partiel
de quelques heures par semaine pour le compte de plusieurs employeurs. Il a
cité des exemples de contrats garantissant huit heures de travail dans
l'année ou encore des salariés qui avaient jusqu'à huit
employeurs différents.
Le rapporteur a rappelé que ces salariés étaient le plus
souvent rémunérés au niveau du salaire minimum
interprofessionnel de croissance (SMIC) et ne bénéficiaient pas
de la convention collective applicable au magasin voire des dispositifs de
participation et d'intéressement aux résultats. Il a fait
état d'irrégularités observées quant à la
rémunération des heures supplémentaires. Plus grave encore
au regard de la législation du travail, il a déclaré que
ces salariés étaient souvent placés sous l'autorité
de fait des chefs de rayon et que leur véritable employeur étant
souvent une société discrète, avec laquelle il pouvait
leur être difficile de régler les questions relatives à la
relation de travail (paye, accidents du travail et de la route, maladies
professionnelles, congés...).
M. Louis Souvet, rapporteur
, a déclaré que bien que les
éléments du délit de marchandage étaient souvent
réunis, l'inspection du travail éprouvait d'importantes
difficultés pour obtenir sa reconnaissance juridique, la relation
quadrangulaire -salarié, société de marchandisage,
fournisseur, utilisateur/client (l'hypermarché)- étant le plus
souvent trop complexe pour que les infractions commises soient aisément
démontrables. C'est pourquoi il était proposé d'interdire
explicitement la pratique du marchandisage et de prévoir une
modalité de requalification des contrats du même type que celle
prévue en cas de recours abusif aux contrats à durée
déterminée.
Le rapporteur a estimé que les trois articles de la présente
proposition de loi reprenaient ces suggestions.
En supprimant les mots " à but lucratif " de l'article L.
125-1, le rapporteur a considéré que l'article premier donnait
une portée plus générale au délit de marchandage et
que sa reconnaissance en sortirait facilitée.
En instituant une présomption simple de marchandage lorsque la vente
d'un bien est accompagnée d'une fourniture de personnel effectuant une
prestation dans des locaux exploités par l'acheteur, notamment par la
mise en rayon, la gestion du stock, la prise de commande, le rapporteur a
constaté que l'article 2 interdisait purement et simplement la pratique
du marchandisage.
En prévoyant la possibilité pour les conseils des prud'hommes de
requalifier les contrats de travail au nom de l'utilisateur, le rapporteur a
précisé que l'article 3 organisait la préservation des
emplois menacés par le marchandisage.
M. Louis Souvet, rapporteur
, a estimé que cette proposition de
loi telle qu'elle était rédigée permettait
assurément de supprimer l'essentiel des abus constatés dans
l'exercice du marchandisage, puisque la pratique en elle-même deviendrait
illégale et aisément reconnaissable comme telle.
Il a reconnu toutefois s'être interrogé pour savoir quelles
seraient les conséquences de l'interdiction du marchandisage sur
l'emploi et si toutes les formes de marchandisage étaient
également condamnables.
Il a déclaré s'être entretenu de tous ces points avec
l'auteur de la proposition de loi, M. Jean-Paul Delevoye, et que celui-ci avait
souhaité s'en remettre à la commission pour modifier un texte qui
ne devait constituer qu'une base pour la discussion.
M. Louis Souvet, rapporteur
, a souligné qu'aussitôt
nommé rapporteur, il avait procédé à un nombre
important d'auditions. Il a déclaré avoir entendu les
distributeurs : Carrefour, Promodès, Casino, Auchan ; puis des
industriels comme Coca-Cola, Nestlé ou encore des petites et moyennes
entreprises comme une entreprise de brosserie et coiffure.
Le rapporteur a indiqué qu'il avait également entendu
l'Association des inspecteurs du travail, ainsi que les représentants
des prestataires de services.
Le rapporteur a observé qu'il lui avait été
confirmé par tous ses interlocuteurs que le nouveau contexte
économique s'était accompagné d'abus
répétés dans la pratique du marchandisage. Le rapporteur a
souligné que, lorsque des produits présentent une faible marge
bénéficiaire et que le volume des ventes est primordial, il
devenait tentant de faire reposer sur des salariés en situation de
précarité une partie de la charge de l'accord commercial.
M. Louis Souvet, rapporteur
, a déclaré que, dans ces
conditions, l'intervention du législateur prenait tout son sens, qu'elle
permettrait de préciser les pratiques licites et d'assurer la
sécurité juridique des rapports entre distributeurs et
industriels. Il a estimé que la mise en place des règles
constituait le fondement d'une concurrence équitable et transparente et
garantissait une création de richesse profitable à tous, y
compris, sinon surtout, aux salariés.
Toutefois,
M. Louis Souvet, rapporteur
, a estimé qu'il
n'était pas pour autant nécessaire d'interdire toutes les formes
de marchandisage. Il a jugé que cette pratique pouvait être
indispensable à certaines entreprises. Il a cité l'exemple d'une
importante entreprise de brosserie nommée " La Brosse et
Dupont " et dont il avait entendu le directeur. Etant donné le
nombre très important de références, plusieurs milliers,
et la gestion très fine de chacune d'elles, le rapporteur a
déclaré que cette entreprise considérait être la
seule à même de mettre en rayon ses produits, cette
activité constituant même un de ses savoir-faire les plus
importants.
Pour d'autres entreprises, comme celles spécialisées dans les
boissons non alcoolisées, le rapporteur a estimé que
l'arrêt du marchandisage pouvait être synonyme d'une baisse du
chiffre d'affaires d'environ 30 %. Il a observé que, même
pour un produit de grande consommation, le marchandisage, lorsqu'il
était pratiqué par de véritables professionnels
employés par l'industriel, constituait une technique de vente
indispensable.
Par ailleurs, le rapporteur a rappelé que le marchandisage tel qu'il
était pratiqué par les industriels n'était pas celui qui
donnait lieu aux abus constatés.
M. Louis Souvet, rapporteur
, a estimé que l'intervention du
législateur pouvait être l'occasion de distinguer ce qui
était permis de ce qui ne l'était pas au regard du savoir-faire
et des techniques employées ainsi que des conditions de travail des
salariés.
Le rapporteur a jugé que, sur le plan qualitatif, le progrès
serait indéniable que ce soit en termes de conditions de travail, de
salaire ou même de sécurité juridique.
Il a par ailleurs déclaré avoir observé une volonté
très forte de la part des grandes entreprises ou de certaines petites et
moyennes entreprises (PME) spécialisées de poursuivre une
politique de développement de leurs forces de promotion de vente et
noté que les distributeurs comme les industriels appelaient de leur voeu
l'intervention du législateur pour préciser le cadre juridique de
l'exercice du marchandisage.
M. Louis Souvet, rapporteur
, a considéré que cette
intervention ne pouvait prendre que la forme d'une interdiction de pratiques
jugées abusives. Si l'idée de définir un statut du
personnel marchandiseur pouvait paraître séduisante, il lui
était apparu que cela était difficilement envisageable du point
de vue technique. Le rapporteur a estimé que le législateur ne
pouvait se substituer aux partenaires sociaux, qu'il ne pouvait que prendre
acte de l'absence de garanties sociales à travers, par exemple, une
convention collective, et relever des manquements au respect de la
législation rendus possibles par des imprécisions.
M. Louis Souvet, rapporteur
, a indiqué qu'en l'absence d'une
réaction positive et constructive des professionnels du secteur,
l'intervention du législateur était souhaitable, mais qu'elle
devait se limiter à interdire les seules pratiques qui donnaient lieu
à des abus. A cet égard, il a estimé que l'objet de la
proposition de loi, telle qu'elle était rédigée,
était trop large.
Il a rappelé que le marchandisage tel qu'il était pratiqué
par les industriels ne posait pas de problème particulier et donc que
seuls les prestataires de services devaient être concernés par une
éventuelle interdiction.
Dans ces conditions,
M. Louis Souvet, rapporteur
, a proposé de
modifier l'article 2 dans deux directions : un recentrage sur la distribution
pour que les autres formes de prestations de service, comme l'assistance
technique sur site, ne soient pas indirectement remises en cause et une
distinction opérée entre les deux formes de marchandisage, afin
de limiter l'interdiction aux seuls prestataires de service.
Pour des raisons de clarté, il a proposé également
d'introduire cet article dans le code du travail sous la forme d'un article
nouveau à la suite de l'article L. 125-1, au lieu d'un
alinéa supplémentaire à ce même article du code.
Ainsi modifié, le rapporteur a jugé que cet article n'interdirait
pas une pratique qui pouvait, sous certains aspects, constituer une
amélioration en termes de technique de vente, mais qu'il mettrait un
terme aux dérives qui portaient atteinte à un secteur, la grande
distribution, essentiel pour l'économie française.
Pour ce qui est de l'article premier de la proposition de loi qui
prévoyait de supprimer le caractère lucratif de la fourniture de
main d'oeuvre pour définir la pratique du marchandisage, le rapporteur a
estimé qu'une telle disposition reviendrait à compliquer,
peut-être inutilement, le fonctionnement du secteur non marchand. En
l'état actuel, il a proposé de ne pas reprendre cet article qui
n'était aucunement indispensable pour que la présente proposition
de loi atteigne son objectif.
Le rapporteur a considéré que l'article 3 qui prévoyait la
possibilité, pour les conseils de prud'hommes, de requalifier les
contrats au nom de l'utilisateur, était tout à fait utile. Il a
rappelé que ce dispositif existait déjà pour les contrats
à durée déterminée (CDD) et les missions
d'intérim. Il a proposé de reprendre cet article
accompagné de simples modifications rédactionnelles.
Enfin, le rapporteur a proposé de remplacer le terme
" merchandisage " par celui de " marchandisage " dans le
titre de la proposition de loi.
M. Louis Souvet, rapporteur
, a déclaré que cette
proposition de loi, ainsi modifiée, permettrait, en l'absence de
propositions décisives de la part des prestataires de services, de
mettre un terme aux abus constatés.
C'est pourquoi il a demandé à la commission de bien vouloir
adopter les conclusions qu'il avait proposées et qui reprenaient, en les
modifiant, les termes de la proposition de loi.
Au cours du débat,
MM. Jean Chérioux et Jean Madelain
ont
souhaité obtenir plus de précisions sur la fonction exacte des
salariés marchandiseurs.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
a souligné que cette proposition
de loi était tout à fait actuelle, les abus continuant à
être constatés et la pratique semblant se développer dans
de très nombreux magasins.
M. Guy Fischer
a remarqué que cette proposition de loi concernait
un secteur d'activité dans lequel se développait la
précarité, il a mentionné la dénonciation de la
convention collective du commerce de centre-ville qui devrait selon lui
renforcer cette tendance. Il a insisté sur la nécessité de
requalifier les contrats des salariés marchandiseurs en contrats
à durée indéterminée au nom de l'utilisateur.
En réponse aux intervenants,
M. Louis Souvet, rapporteur,
a
rappelé que les marchandiseurs intervenaient dans les rayons pour
assurer leur approvisionnement, la meilleure présentation possible des
produits, la mise en place des " têtes de gondole ". Le
rapporteur a distingué à nouveau, d'une part, les marchandiseurs
qui mettaient en oeuvre un savoir-faire ou une technique de vente
particulière et qui sont le plus souvent employés par un
fabricant ou un fournisseur et, d'autre part, les salariés
employés par un prestataire de services qui exercent la même
fonction que les employés de libre service du magasin.
Il a souligné que la proposition de loi telle qu'il l'avait
modifiée visait à interdire seulement cette dernière
pratique. Il a distingué le marchandisage des promotions exceptionnelles
et saisonnières qui relèvent plus du régime de la
publicité.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a souligné qu'une
référence explicite à un savoir-faire ou à une
technique de vente particulière pourrait soulever des difficultés
d'interprétation jurisprudentielle. Il a souhaité que la
proposition de loi ne porte pas atteinte à la liberté de choix
des entreprises, qu'elles soient productrices ou distributrices, pour telle ou
telle forme d'organisation commerciale, mais s'attache à protéger
les salariés contre les abus constatés de la part de certains
prestataires de services.
Considérant que la spécificité de la technique de vente
était inséparable de l'activité des marchandiseurs
employés par un fabricant ou un fournisseur,
M. Louis Souvet,
rapporteur,
a estimé que cette référence n'avait pas
besoin d'être mentionnée de manière explicite.
La commission a
adopté les conclusions du rapporteur
qui
reprenaient les termes de la proposition de loi en la modifiant.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Votre commission des Affaires sociales a examiné la proposition de loi
n° 211, tendant à mieux réglementer les pratiques du
marchandisage afin d'éviter certaines pratiques abusives
constatées dans le secteur de la grande distribution, le 1er juillet
1998.
Cette proposition de loi a été présentée à
l'initiative de M. Jean-Paul Delevoye, elle était cosignée par le
rapporteur de votre commission.
L'auteur de la proposition de loi a souhaité ouvrir le débat sur
les conditions d'exercice du marchandisage dans la grande distribution,
c'est-à-dire la " mise à disposition de personnels "
par les fournisseurs ou fabricants pour exercer des tâches normalement
dévolues aux employés de libre service du magasin.
Comme le précise l'exposé des motifs de cette proposition de loi,
cette pratique a permis de résoudre les conflits d'intérêts
entre fournisseurs et distributeurs en explorant d'autres sujets de
négociation que le prix.
Le marchandisage est ainsi devenu un élément de la
négociation avant d'être une technique de vente spécifique,
créatrice de valeur ajoutée. Dans cette nouvelle configuration,
ce sont les salariés " marchandiseurs " qui ont
été mis à contribution, à travers la
précarité de leur situation professionnelle. Souvent
employés par des officines discrètes qui jouent le rôle
d'intermédiaires, à travers des contrats de travail à la
limite de la légalité, ces employés ne
bénéficient d'aucune garantie sociale et d'aucune perspective
quant à leur plan de travail.
C'est pour mettre un terme à ces abus que les auteurs de la proposition
de loi ont proposé d'interdire la pratique du marchandisage.
M. Jean-Paul Delevoye a toutefois souhaité laisser toute latitude au
rapporteur pour trouver la meilleure rédaction juridique possible afin
de préciser les termes de la proposition de loi.
Dans cet esprit, votre commission des Affaires sociales a décidé
de recentrer la proposition de loi en privilégiant une approche plus
constructive que la simple interdiction du marchandisage. Elle a
souhaité distinguer dans la réglementation proposée, le
marchandisage des producteurs effectué avec leur propre personnel du
marchandisage réalisé par des intermédiaires dans des
conditions de grande précarité pour les salariés.
Elle s'est résolue à opérer cette distinction après
avoir constaté que les prestataires de services avaient
été incapables de moraliser leur activité après que
des abus ont été constatés à de multiples reprises.
Elle a considéré qu'il ne lui revenait pas de se substituer aux
partenaires sociaux et qu'elle devait se limiter à interdire les abus
sans chercher à réglementer les rapports entre fournisseurs et
distributeurs. Elle a considéré que des progrès notables
et rapides dans l'organisation de ce secteur étaient seuls à
même de remettre en question la voie dessinée dans des conclusions
qui ont pour mérite de mettre un terme aux abus constatés sans
interdire complètement une activité en devenir.
I. LE RECOURS AU MARCHANDISAGE EST CONCOMITANT D'UNE DÉGRADATION DES CONDITIONS DE LA CONCURRENCE DANS LE SECTEUR DE LA GRANDE DISTRIBUTION
A. LA GRANDE DISTRIBUTION : UN SECTEUR ESSENTIEL POUR L'ÉCONOMIE ET L'EMPLOI
Le
secteur du commerce occupe une place importante dans l'économie
française. La grande distribution en constitue assurément un de
ses éléments les plus modernes et les plus dynamiques.
Aujourd'hui, plus d'un actif sur huit travaille dans le commerce. Ce secteur
génère 12,5 % de la valeur ajoutée de
l'économie, on distingue le commerce de détail (45 % de la
valeur ajoutée du commerce), le commerce de gros (42 %) et le
commerce lié à l'automobile (13 %).
En 1997, le commerce de gros a eu l'activité la plus dynamique, le
commerce de détail, malgré une croissance plus modeste, a
créé des emplois tandis que la réparation et le commerce
automobile en ont perdus, en raison de leur baisse d'activité.
Lorsque l'on examine les données propres à la distribution, on
constate que la part des grandes surfaces atteint 59 % du marché
des produits alimentaires.
Parts
de marché des ventes au détail en 1997
(hors véhicules automobiles)
En %
Formes de vente |
Ensemble des produits commercialisables |
Produits alimentaires
|
Produits non alimentaires |
Alimentation spécialisée et artisanat commercial |
7,3 |
18,8 |
|
• Boulangeries-pâtisseries |
2,4 |
6,4 |
|
• Boucheries-charcuteries |
2,3 |
6,3 |
0,9 |
• Autres magasins d'alimentation spécialisée |
2,6 |
7,1 |
|
Petites surfaces d'alimentation générale et magasins de produits surgelés |
3,7 |
8,9 |
|
Grandes surfaces d'alimentation générale |
33,3 |
58,7 |
18,8 |
• Supermarchés |
13,5 |
26,6 |
6,2 |
• Magasins populaires |
0,6 |
1,0 |
0,3 |
• Hypermarchés |
19,1 |
31,1 |
12,2 |
Grands magasins et autres magasins non alimentaires non spécialisés |
1,5 |
0,4 |
2,1 |
Pharmacies et commerces d'articles médicaux |
5,7 |
0,1 |
8,8 |
Magasins non alimentaires spécialisés |
27,4 |
3,3 |
41,0 |
Commerce hors magasin |
4,0 |
2,9 |
4,6 |
• Vente par correspondance |
2,0 |
0,3 |
3,0 |
• Autres |
2,0 |
2,6 |
1,6 |
Réparation d'articles personnels et domestiques (1) |
0,6 |
0,0 |
0,8 |
Ensemble commerce de détail et artisanat |
83,2 |
94,1 |
76,9 |
Ventes au détail du commerce automobile (2) |
10,8 |
0,3 |
16,7 |
Autres ventes au détail (3) |
6,1 |
5,6 |
6,3 |
Ensemble des ventes au détail |
100 |
100 |
100 |
(1)
Pour leurs ventes au détail et leurs
prestations de réparation.
(2)
A l'exclusion des ventes et réparations de
véhicules automobiles, y compris les ventes et réparations de
motocycles.
(3)
Ventes au détail d'autres secteurs : cafés-tabac,
grossistes, ventes directes de producteurs, etc.
Source : Comptes du commerce, Insee.
Dans les grandes surfaces à prédominance alimentaire, le volume
du chiffre d'affaires a crû de 3,4 %, ceci alors même que
l'extension de la surface du parc des hypermarchés continue à se
ralentir (+ 1 % en 1997 contre + 2,7 % en 1996 et
+ 4,9 en 1995). Les mesures prévues par la loi Raffarin de
juillet 1996, plus restrictives en matière d'autorisations d'ouverture
de surface de moins de 1.000 m
2
commencent donc à se faire
sentir.
Globalement, la diminution du nombre d'ouvertures de grandes surfaces a
été compensée par la meilleure tenue de la consommation
des ménages depuis 1995. Celle-ci a conduit progressivement, et surtout
en 1997, à une augmentation du chiffre d'affaires par magasin,
particulièrement notable pour les hypermarchés. Sur l'ensemble
des produits alimentaires et non alimentaires, hypermarchés et
supermarchés représentent désormais les deux
cinquièmes des ventes réalisées par le commerce de
détail et l'artisanat commercial.
En progressant ainsi sur le marché des produits non alimentaires, les
hypermarchés continuent à entretenir une vive concurrence avec
les grandes surfaces spécialisées. Le renforcement, voire
l'exacerbation de la concurrence entre les différents distributeurs est
la principale caractéristique de l'évolution de ce secteur
d'activité. On doit noter que ce phénomène ne semble pas
pour l'instant avoir porté dommage à l'emploi.
EFFECTIFS SALARIES DU COMMERCE EN MOYENNE ANNUELLE (milliers)
SECTEURS D'ACTIVITÉS |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
COMMERCE DE DÉTAIL |
|
|
|
|
|
|
|
|
Grandes surfaces à prédominance alimentaire |
309,8 |
333,0 |
356,5 |
372,2 |
379,9 |
389,4 |
397,5 |
nc |
Petites surfaces alimentaires spécialisées ou non |
203,8 |
186,8 |
161,3 |
144,3 |
142,2 |
134,3 |
129,0 |
nc |
Autres commerces de détail en magasin ou non, réparation |
718,2 |
711,0 |
698,1 |
690,6 |
696,3 |
722,6 |
748,0 |
nc |
Total commerce de détail |
1.231,7 |
1.230,8 |
1.215,9 |
1.207,0 |
1.218,4 |
1.246,3 |
1.274,4 |
1.295,7 |
COMMERCE DE GROS |
|
|
|
|
|
|
|
|
Total commerce de gros |
411,4 |
938,9 |
917,3 |
891,2 |
879,7 |
874,2 |
871,2 |
875,9 |
COMMERCE ET RÉPARATION AUTOMOBILE |
375,5 |
370,0 |
366,2 |
365,7 |
369,2 |
371,4 |
371,5 |
369,6 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
TOTAL COMMERCE |
2.548,5 |
2.539,6 |
2.499,2 |
2.463,7 |
2.467,1 |
2.492,0 |
2.517,1 |
2.541,2 |
Effectifs moyens, source INSEE Emploi et division Commerce -
Autres données 97 disponibles en novembre 1998
Le commerce de détail a, en effet, créé 35.000 emplois
nets en 1995, soit une croissance de + 2,7 %. Dans ce secteur, les
emplois sont fréquemment des emplois à temps partiel (un
salarié sur trois) et faiblement rémunérés : en
1995, le salaire net annuel moyen des employés du commerce de
détail était de 83.000 francs pour les hommes et de 76.000 francs
pour les femmes, pour des emplois en équivalent temps complet.
Il semble bien que les mesures d'allégement des charges sociales sur les
bas salaires et pour l'embauche à temps partiel à l'oeuvre depuis
1993 et renforcée depuis, ont favorisé la création
d'emplois.
A cet égard, la proposition de loi n° 372 tendant à
alléger les charges sur les bas salaires déposée à
l'initiative de M. Christian Poncelet, président de la commission des
Finances, et adoptée par la commission des Affaires sociales
1(
*
)
le 17 juin 1998 puis par le Sénat le 29 juin,
ne manquerait pas de renforcer ce mouvement si elle était finalement
adoptée par le Parlement.
B. LA GRANDE DISTRIBUTION : UN SECTEUR EN PROIE À UNE CONCURRENCE TRÈS VIVE
La
grande distribution connaît toujours une conjoncture économique
relativement porteuse, qui se traduit par une progression du chiffre d'affaires
et des emplois. Elle doit néanmoins faire face à une concurrence
exacerbée et au développement de nouvelles enseignes à
prix réduits qui, ensemble, exercent une pression à la baisse sur
les marges des distributeurs.
Ce renforcement de la concurrence entre les enseignes a plusieurs origines. Les
faibles taux de croissance économique observés depuis le
début des années 1990 et la progression du taux de chômage
ont eu pour conséquence de limiter le pouvoir d'achat des consommateurs
et d'encourager des comportements de précaution qui ont
déformé la structure de la consommation des ménages en
faveur des produits les moins susceptibles de dégager de fortes marges
bénéficiaires.
C'est dans ce contexte qu'il convient de replacer le développement des
enseignes " à prix cassés ". Les consommateurs
plébiscitent cette nouvelle forme de distribution, ce qui renforce la
pression imposée aux distributeurs " classiques ". Ceux-ci se
sentent obligés de réduire leurs coûts pour restaurer leurs
marges.
Trois sources de coût peuvent être aisément
identifiées : les achats, les structures et les frais de personnel.
• Une première façon de restaurer sa
compétitivité peut consister pour un distributeur à
renégocier ses achats. La relation fournisseur/distributeur devient
alors un peu plus difficile puisque ce dernier a tendance à ajuster ses
prix en fonction des volumes qu'il peut écouler.
Pour préserver un peu plus encore leurs marges, les distributeurs ont eu
tendance à développer leurs propres gammes de produits autrement
appelées " marques de distributeurs " ou " MDD ".
Ces produits concurrencent directement les " grandes marques " ; ils
bénéficient en outre d'un placement privilégié dans
les rayons puisqu'ils procurent une marge supérieure au distributeur.
Tout ceci contribue à renforcer la grande distribution dans ses
négociations avec les fournisseurs. On peut toutefois souligner que les
marges de négociation sont étroites et que les baisses de prix ne
peuvent être illimitées. Dans ces conditions, le distributeur doit
trouver d'autres sources de baisse des coûts.
• Une action sur les structures peut être un bon moyen de
réduire les coûts. Dans cet esprit, les distributeurs ont
entrepris, dans les années 1980, une course à la taille en
multipliant les magasins et en augmentant leur surface. Cette démarche
avait notamment pour objectif d'augmenter le chiffre d'affaires et, par voie de
conséquence, le pouvoir de négociation face aux fournisseurs.
Cette augmentation des surfaces de vente ne pouvait perdurer infiniment. Par
ailleurs, les pouvoirs publics ont souhaité limiter ce mouvement
d'extension afin de préserver un certain équilibre entre les
différentes formes de commerce ; ce fut l'objet de la loi Raffarin du
5 juillet 1996.
LES OUVERTURES DE GRANDES SURFACES
Au
1
er
janvier 1998, la France métropolitaine compte
1.123 hypermarchés, soit un pour 52.000 habitants, et de l'ordre de
7.600 supermarchés dont environ 1.700 de type maxidiscompte. Les
ouvertures de grandes surfaces sont réglementées par la loi
Raffarin de 1996, qui succède à la loi Royer de 1973.
Cette loi d'orientation du commerce et de l'artisanat soumet à
autorisation de la commission départementale d'équipement
commercial (CDEC) les créations de magasins de plus de 1.000
m
2
dans les communes de moins de 40.000 habitants et
supérieurs à 1.500 m
2
dans les autres communes. Les
extensions de surface de plus de 200 m
2
sont également
soumises à autorisation si elles introduisent le magasin dans le champ
de la loi ou si le magasin a déjà dépassé le seuil.
La loi Royer a été modifiée en 1996 par la loi Raffarin du
5 juillet (relative au développement et à la promotion du
commerce et de l'artisanat) qui soumet désormais à autorisation
toute création de magasins de plus de 300 m
2
et toute
extension de surface. Par ailleurs, les changements de secteur
d'activité des magasins de surface supérieure à
2.000 m
2
sont également soumis à autorisation. Ce
seuil est ramené à 300 m
2
lorsque l'activité
nouvelle du magasin est à prédominance alimentaire.
Ces limites d'ordre législatif et réglementaire à
l'extension des grandes surfaces ne laissaient pour seule solution pour
abaisser le coût des structures que la concentration. C'est ainsi que ces
dernières années ont vu le rapprochement d'enseignes comme Auchan
et Docks de France. Ce mouvement de concentration s'est accompagné d'une
poursuite de la politique d'expansion à l'international, soit sous la
forme de croissance interne, soit sous la forme de rachat ou fusion. Là
encore, l'objectif est de peser face à des fournisseurs qui ont
également une dimension internationale.
Cette nouvelle forme de course à la taille est très
coûteuse. Elle ne peut porter ses fruits en termes d'économies
d'échelle qu'à long terme. Elle ne peut se substituer par
ailleurs à d'autres formes d'économies comme celles liées
à la maîtrise de la masse salariale.
• C'est dans ce contexte qu'il convient de replacer l'apparition et
le développement de la pratique du marchandisage. Il constitue en effet
une piste pour augmenter le chiffre d'affaires, réduire les coûts
d'achat et la masse salariale. Pour les fournisseurs, il constitue
également une parade pour endiguer la progression des " marges de
distributeur ".
Le marchandisage apparaît donc bien comme un élément
important de restauration de la marge des distributeurs dans un contexte de
concurrence exacerbée. C'est en cela qu'il peut être une cause
d'abus et non lorsqu'il constitue la mise en oeuvre d'une technique de vente
spécifique créatrice de valeur ajoutée.
II. LES ABUS CONSTATÉS TIENNENT AUTANT AUX RELATIONS QU'ENTRETIENNENT FOURNISSEURS ET DISTRIBUTEURS QU'À L'IMPRÉCISION DU DROIT APPLICABLE
A. DES ABUS QUI TROUVENT LEUR ORIGINE DANS LA NATURE DES RELATIONS QU'ENTRETIENNENT FOURNISSEURS ET DISTRIBUTEURS
Comme
cela a été précisé précédemment, dans
un contexte de concurrence exacerbée, la recherche d'économies
à travers la politique des achats ou la course à la taille peut
s'avérer insuffisante. L'augmentation du chiffre d'affaires doit
également être obtenue à travers une dynamisation des
ventes.
Cette dimension commerciale recouvre largement la fonction
" marketing " dans la politique des entreprises. Plus
précisément, on peut considérer que le marchandisage est
la partie du marketing englobant les techniques marchandes qui permettent de
présenter dans les meilleures conditions possibles, matérielles
et psychologiques, le produit ou le service à vendre à
l'acquéreur éventuel.
On peut également considérer que le marchandisage tend à
substituer, à une présentation passive du produit, une
présentation active faisant appel à tout ce qui peut le rendre
plus attractif : conditionnement, emballage, exposition, étalage...
Le recours à ces techniques de vente particulières repose sur
l'idée que nombre de produits de consommation ne font pas l'objet d'une
demande " naturelle " ou " spontanée ". Le
consommateur doit être convaincu ou séduit pour que se
déclenche l'acte d'achat.
Dans le cadre de la relation distributeur/fournisseur, le marchandisage a pu
apparaître comme un terrain d'entente possible, distinct de la
négociation sur les prix, à travers la " mise à
disposition de personnel ".
Contrairement à ce que sous-entend le terme, le salarié
" marchandiseur " n'est pas chargé de la démonstration
des produits vendus. Il n'a aucune activité commerciale ou
promotionnelle et il n'est pas en relation avec la clientèle. Son
travail consiste à regarnir les rayons de l'hypermarché de
produits de certaines marques qu'il va chercher dans les réserves des
magasins, ce travail correspond par certains aspects à celui
" d'employé de libre service " défini par la convention
collective des magasins d'alimentation et d'approvisionnement
général applicable aux hypermarchés.
Le salarié " marchandiseur " n'est pas employé par le
distributeur mais soit par le fournisseur, soit par l'intermédiaire d'un
prestataire de service. Son intervention dans les rayons n'est donc pas
facturée au distributeur, elle est à la charge des fournisseurs,
que celui-ci réalise cette prestation en interne en développant
sa propre force de vente ou qu'il ait recours à un prestataire de
service.
La pratique du marchandisage s'est largement répandue depuis quelques
années. Elle s'est également diversifiée. Il existe
toujours un marchandisage de qualité qui consiste à apporter une
valeur ajoutée à l'acte de vente en mettant en oeuvre des
techniques de ventes spécifiques. Ce marchandisage est surtout le fait
des forces de vente propres des fournisseurs qui sont
dépêchées dans les hypermarchés. Mais à
côté de cette activité, s'est développée une
autre forme de marchandisage pratiquée essentiellement par des
prestataires de service, qui est, quant à elle, à l'origine de
l'essentiel des abus constatés. Le marchandisage se rapproche dans ce
cas d'une opération de prêt de main d'oeuvre ou marchandage,
laquelle est interdite par le code du travail.
Le recours à cette forme de marchandage est motivé par le souci
de faciliter la négociation entre le fournisseur et le distributeur.
Les salariés marchandiseurs constituent une force d'appoint non
négligeable pour le distributeur, de plus celle-ci ne lui coûte
rien puisqu'elle est prise en charge par le fournisseur. En contrepartie, ces
salariés permettent au fournisseur de pouvoir espérer augmenter
le volume de ses ventes, ce qui peut l'amener à accepter de
réduire ses prix.
La " mise à disposition " du personnel constitue ainsi une
modalité de résolution des conflits d'intérêts qui
opposent fournisseurs et distributeurs.
Les abus apparaissent du fait que le recours à cette forme de
marchandisage est motivé par la recherche d'une " monnaie
d'échange " pour conclure la transaction entre fournisseur et
distributeur. Dans ces conditions, la tentation est grande de maintenir ces
salariés marchandiseurs dans une situation de précarité
comme cela a pu être constaté à de multiples reprises sur
le terrain depuis plusieurs années.
B. DES ABUS DIFFICILES À ÉTABLIR EN L'ÉTAT ACTUEL DU DROIT
Les abus
constatés dans la pratique du marchandisage sont de plusieurs ordres. On
observe tout d'abord une sous-rémunération des salariés
marchandiseurs comparativement aux " employés de libre
service " du magasin qui exercent en fait une activité similaire de
réassortiment des rayons. Par référence à la
convention collective de la grande distribution, on constate que les salaires
des marchandiseurs sont inférieurs au coefficient minimum de
rémunération d'un employé de libre service. De plus, les
primes et autres parts variables qui devraient compléter la
rémunération ne sont que rarement prises en compte.
Les contrats de travail, qui matérialisent le lien juridique entre le
prestataire de services et le salarié, comprennent souvent de nombreuses
clauses abusives. Certains contrats portés à la connaissance du
rapporteur précisent que les accidents de trajet vers le lieu de travail
ne constituent pas des accidents du travail ou qu'un minimum de huit heures de
travail est garanti au salarié au cours de l'année. Ces
dispositions s'accompagnent de pratiques, notamment en matière de
rupture du contrat de la part de l'employeur, qui sont encore plus critiquables.
Une autre irrégularité majeure consiste dans le fait que
l'autorité hiérarchique qui appartient en droit exclusivement
à l'employeur, c'est-à-dire le prestataire de services, a pu
être exercée en fait par le personnel du magasin, et notamment par
les chefs de rayons. En matière de sous-traitance, cette infraction peut
constituer un motif de requalification du contrat de travail au
détriment de l'utilisateur. La situation devient encore plus confuse
lorsque, comme cela a pu être constaté, c'est le chef de rayon,
qui n'est pas l'employeur, qui prend la décision de renvoyer le
salarié marchandiseur. Cet exemple illustre également et plus
généralement la situation de précarité
extrême dans laquelle se situe le salarié. Il n'est pas rare que
celui-ci ait, comme nous l'avons constaté, plusieurs employeurs
-jusqu'à huit ou dix- et aucune visibilité quant à sa
charge de travail à venir. Sous bien des aspects, il apparaît
comme taillable et corvéable à merci.
En l'état actuel du droit, cette dernière forme de marchandisage
est illégale puisqu'elle s'apparente à un prêt de main
d'oeuvre illicite ou marchandage. L'article L. 125-1 du code du travail
précise que
" toute opération à but lucratif de
fourniture de main d'oeuvre
qui a pour effet de causer un préjudice
au salarié
qu'elle concerne ou d'éluder l'application des
dispositions de la loi, de règlement ou de convention ou accord
collectif de travail, ou marchandage est interdite ".
Si le délit peut être clairement identifié, il
s'avère plus compliqué à constater sur le terrain comme en
témoignent les difficultés rencontrées par l'inspection du
travail pour obtenir sa reconnaissance juridique ; la relation quadrangulaire
-salarié, société de marchandisage, fournisseur,
utilisateur/client- est le plus souvent trop complexe pour que les infractions
soient aisément démontrables.
C'est pour mettre un terme à ces pratiques que M. Jean-Paul Delevoye a
pris l'initiative de déposer une proposition de loi, cosignée par
votre rapporteur, tendant à mieux réglementer les pratiques du
marchandisage afin d'éviter certaines pratiques abusives
constatées dans le secteur de la grande distribution. Telle qu'elle
était rédigée, cette proposition de loi prévoyait
d'interdire explicitement la pratique du marchandisage ainsi qu'une
modalité de requalification des contrats de travail au détriment
de l'utilisateur comme cela existe déjà en matière
d'intérim et de contrats à durée
déterminée.
III. LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES A SOUHAITÉ SUPPRIMER LES ABUS TOUT EN PRÉSERVANT UNE ACTIVITÉ EN DEVENIR
A. LE TEXTE DE LA PROPOSITION DE LOI ÉLARGISSAIT LA NOTION DE DÉLIT DE MARCHANDAGE
La
proposition de loi n° 211 présentée par M. Jean-Paul
Delevoye et cosignée par votre rapporteur, comprenait trois articles.
• Le premier article proposait de supprimer le terme
" à but lucratif " de l'article L. 125-1 du code du travail.
Cette modification aurait donné une portée plus
générale au délit de marchandage et sa reconnaissance n'en
aurait été que facilitée.
La commission des Affaires sociales s'est interrogée sur
l'opportunité d'une telle extension du champ du délit de
marchandage. Elle a considéré que le secteur à but non
lucratif, constitué par le secteur non marchand et, en particulier, les
activités associatives, était suffisamment distinct du champ
d'application du marchandisage pour considérer que cette disposition
n'était pas en relation directe avec l'objet de la présente
proposition de loi.
Dans ces conditions, la commission des Affaires sociales a
décidé de ne pas reprendre cet article.
• Le deuxième article interdisait toute forme de
marchandisage en instituant une présomption simple de marchandage
lorsque la vente d'un bien était accompagnée d'une fourniture de
personnel effectuant une prestation dans des locaux exploités par
l'acheteur, notamment par la mise en rayon, la gestion du stock, la prise de
commande.
• Le troisième article prévoyait la possibilité
pour les conseils des prud'hommes de requalifier les contrats de travail au nom
de l'utilisateur. Cette possibilité existe déjà pour les
contrats à durée déterminée (art. L. 122-3-13 du
code du travail) et les missions d'intérim (art. L. 124-7-1 du code du
travail).
Les trois articles de la proposition de loi avaient pour objet de renforcer
l'arsenal juridique pour lutter contre les abus constatés dans la
pratique du marchandisage. Dans cette perspective, il était
proposé d'étendre le champ du délit de marchandage afin
d'être sûr de pouvoir constater le délit. Après
réflexion, cette démarche est apparue à votre commission
comme étant trop radicale. Celle-ci a préféré
essayer de limiter l'interdiction aux seules pratiques susceptibles de donner
lieu à des abus.
La commission des Affaires sociales s'est ainsi interrogée sur
l'exacte portée de l'article 2 en prenant en compte en particulier ses
conséquences sur l'emploi.
Les nombreuses auditions auxquelles a procédé le rapporteur ont
en effet mis en évidence le caractère complexe et
hétérogène des pratiques du marchandisage.
Comme le précisaient les auteurs de la proposition de loi dans
l'exposé des motifs
2(
*
)
:
" de
prestations de marchandisage proprement dites, effectuées par des
salariés des entreprises productrices, on débouche dans certains
cas sur des prestations de sous-traitance classique, dans le domaine de la
manutention ou du réassort des rayons. Ces tâches non
spécialisées sont effectuées par des salariés mis
à disposition des distributeurs pour le compte des producteurs (ou des
prestataires de services habituels du distributeur) par des
sociétés extérieures spécialisées, dont la
raison sociale officielle est en général la
distribution-promotion et qui interviennent en fait comme intermédiaires
entre les uns et les autres.
La commission des Affaires sociales a considéré que le
marchandisage, tel qu'il était pratiqué par les producteurs avec
leur propre personnel, n'était pas, dans la quasi-totalité des
cas, de nature à porter un préjudice manifeste à la
situation sociale des salariés concernés comparativement à
celle des employés de libre service de la distribution.
Bien au contraire, il apparaît que très souvent ces
salariés marchandiseurs bénéficient de conditions plus
favorables, que ce soit en termes de garanties sociales ou de plan de travail.
Ils disposent d'une formation adéquate qui leur permet de mettre en
oeuvre des savoir-faire propres et des techniques de vente spécifique,
leur intervention est créatrice de valeur ajoutée. Il n'est pas
rare que l'entreprise mette à leur disposition un véhicule de
fonction et les temps de trajet sont toujours pris en compte dans le calcul du
temps de travail effectif.
Pour des petites entreprises, l'intervention des marchandiseurs est
indispensable. C'est notamment le cas de grosses PME françaises qui
interviennent sur des marchés très concurrentiels face à
des entreprises originaires de pays à main d'oeuvre bon marché.
L'entreprise française doit insister sur la qualité de ses
produits et l'étendue de ses références pour compenser
l'attrait d'un prix plus bas. Le marchandisage devient alors indispensable pour
assurer la gestion la plus fine possible des linéaires.
Ces entreprises doivent nécessairement recourir à leurs propres
forces de vente car les distributeurs considèrent qu'il ne leur serait
pas possible, pour des raisons de technicité et de rentabilité,
d'assurer la même qualité de service.
Par ailleurs, ces entreprises considèrent leurs techniques de ventes
spécifiques comme une véritable richesse à laquelle elles
ne se sentent pas prêtes à renoncer.
Ce qui est vrai pour des produits très particuliers se vérifie
également pour des produits de grande consommation. L'arrêt du
marchandisage dans plusieurs hypermarchés du nord de la France a
donné lieu à des baisses de chiffres d'affaires de près de
30 % pour certaines boissons non alcoolisées, ce qui tendrait à
démontrer que, même pour un produit de grande consommation, le
marchandisage, lorsqu'il était pratiqué par de véritables
professionnels employés par l'industriel, constituait une technique de
vente indispensable.
La commission des Affaires sociales a donc souhaité recentrer la
proposition de loi sur les abus constatés dans la pratique du
marchandisage. A cet égard, il lui a semblé qu'il était
nécessaire de réglementer cette pratique en interdisant au besoin
son exercice par des employeurs peu regardants sur les conditions de travail de
leurs salariés.
B. LE TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES RÉGLEMENTE LA PRATIQUE DU MARCHANDISAGE
La
commission des Affaires sociales ayant souhaité réglementer la
pratique du marchandisage plutôt que d'étendre le champ du
délit de marchandage, de manière à y faire entrer sans
discussion les pratiques abusives, elle ne pouvait retenir le principe de
l'article premier qui étendait le champ de l'article L. 125-1 du code du
travail.
De même, il lui revenait de réécrire l'article 2, de
manière à ce qu'il distingue entre les différentes formes
de marchandisage. La rédaction proposée par votre commission
limite le marchandisage aux mises à disposition de personnels
directement employés par le fabricant ou le fournisseur. Cette formule
autorise par là même une pratique sur laquelle il existait des
doutes quant à sa légalité. Cette reconnaissance du
marchandisage pratiqué par les fabricants ou fournisseurs ne vaut pas
dispense du respect de la réglementation relative au marchandage.
Dans l'esprit de la commission des Affaires sociales, ces entreprises devront
toujours veiller à ce que leurs salariés marchandiseurs ne soient
pas victimes d'un préjudice manifeste lorsque l'on comparera leur statut
à celui des employés de libre service de la distribution.
Cette rédaction a, par ailleurs, pour conséquence d'interdire la
pratique du marchandisage par des prestataires de services. La commission des
Affaires sociales, en interdisant cette activité, n'a fait que tirer les
conséquences du fait que l'essentiel des abus était commis par
ces intermédiaires peu soucieux jusqu'à présent de
moraliser leur activité. Elle a bien conscience, ce faisant, qu'elle
pénalise un petit nombre d'entreprises qui exerçaient
correctement cette activité. Mais il n'appartient pas au
législateur de se substituer aux partenaires sociaux, et, en l'absence
de convention collective et de code de conduite rigoureux, il lui a
semblé qu'il ne lui restait plus que l'arme de l'interdiction. Ce
faisant, la commission des Affaires sociales n'exclut pas d'accepter des
assouplissements si des progrès très substantiels étaient
réalisés dans l'organisation de ce secteur d'activité
avant le terme du débat parlementaire. Mais chacun conviendra que le
problème est en suspens depuis plusieurs années.
La commission des Affaires sociales a repris l'article 3 relatif à la
requalification des contrats, elle a également décidé de
substituer le terme " marchandisage " à celui de
" merchandisage ".
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
Suppresion du caractère
lucratif de la fourniture de main d'oeuvre dans la constitution du délit
de marchandage
I
- Le texte de la proposition de loi
L'article premier de la proposition de loi propose de supprimer les termes
" à but lucratif " du premier alinéa de l'article L.
125-1 du code du travail. Cette modification aurait pour conséquence de
donner une portée plus générale au délit de
marchandage en interdisant le prêt de main d'oeuvre même dans le
secteur non marchand dès lors qu'il causerait un préjudice au
salarié.
Cette rédaction permettrait sans doute de mieux constater le
délit puisque la preuve du caractère lucratif de
l'activité ne serait plus à faire. Il est toutefois à
craindre qu'elle remette en question certaines activités qui n'ont rien
à voir avec le marchandisage.
II - Le texte adopté par la commission des Affaires
sociales
La commission des Affaires sociales n'a pas souhaité réformer
l'article L. 125-1 qui est de portée générale et qui
constitue un des articles les plus importants du code du travail. Elle a
seulement souhaité préciser le droit applicable à la
pratique du marchandisage. Elle n'a donc pas souhaité reprendre cet
article premier qui lui a semblé dépasser l'objectif
assigné à la proposition de loi.
Art. 2
Interdiction du
marchandisage
I
- Le texte de la proposition de loi
Dans la logique de l'article premier, l'article 2 instaure une
présomption de marchandage à l'égard de toute
opération de marchandisage. Dans ces conditions, le marchandisage serait
purement et simplement interdit quelle que soit sa forme. Cette
interprétation est confirmée par le fait que cette
précision serait adjointe à l'article L. 125-1 sous la forme d'un
alinéa supplémentaire. Cet article participe donc bien d'un
esprit d'extension du délit de marchandage, il aurait pour
conséquence d'interdire cette activité alors même qu'il a
été démontré que sous certaines conditions elle
pouvait être créatrice de valeur ajoutée dans le respect
des normes sociales reconnues comme minimales.
II - Le texte adopté par la commission des Affaires
sociales
La commission des Affaires sociales a souhaité se distinguer d'une
approche purement répressive à travers la qualification du
délit de marchandage. Elle a souhaité privilégier ce qui
ressemble à une réglementation de la pratique du marchandisage.
Pour ce faire, elle a été amenée à
réécrire entièrement cet article en renonçant
à établir une présomption de marchandage pour toute
opération de marchandisage.
La commission des Affaires sociales a préféré autoriser
explicitement le marchandisage lorsqu'il est exercé par un fournisseur
ou un fabricant avec son propre personnel, ceci sans préjudice de
l'application de l'article L. 125-1. Ce faisant elle a souhaité
clarifier l'état du droit qui pouvait sembler interdire toute forme de
marchandisage, y compris lorsqu'il était pratiqué avec des
garanties sociales.
Par voie de conséquence, cette rédaction interdit le
marchandisage lorsqu'il est pratiqué par des prestataires de services.
La distinction introduite est donc plus organique que substantielle, même
si le marchandisage des producteurs ne doit pas être à l'origine
d'un préjudice manifeste causé au salarié.
Pour bien signifier la différence de méthode qui a inspiré
la commission, il a été décidé que le dispositif de
l'article 2 prendrait la forme d'un article additionnel L. 125-1-1
plutôt que d'un alinéa supplémentaire à l'article
L°125-1. Ce faisant cette disposition particulière ne peut venir
perturber l'équilibre délicat d'un article de portée
beaucoup plus générale.
Art. 3
Requalification des contrats des
salariés marchandiseurs
à la charge de
l'utilisateur
I
- Le texte de la proposition de loi
Cet article prévoit la possibilité pour les conseils de
prud'hommes de requalifier les contrats de travail des salariés
marchandiseurs au nom de l'utilisateur lorsque celui-ci a été
employé dans le cadre d'une opération de marchandage.
La rédaction proposée par la proposition de loi s'inspire
très largement de deux articles du code du travail qui prévoient
des dispositions similaires, il s'agit de l'article L. 122-3-13 dans le cas des
contrats à durée déterminée et de l'article L.
124-7-1 pour les missions d'intérim.
Cet article semble particulièrement utile pour régler le
problème du devenir des salariés victimes du marchandage.
II - Le texte adopté par la commission des Affaires
sociales
La commission des Affaires sociales a repris cet article de la proposition de
loi avec quelques modifications d'ordre rédactionnel.
*
* *
Votre commission vous propose d'adopter la proposition de loi dans le texte résultant de ses conclusions, tel qu'il est inclus dans le présent rapport.
CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
PROPOSITION DE LOI TENDANT À MIEUX
RÉGLEMENTER LES PRATIQUES DU MARCHANDISAGE AFIN D'ÉVITER
CERTAINES PRATIQUES ABUSIVES CONSTATÉES DANS LE SECTEUR DE LA GRANDE
DISTRIBUTION
Article premier
Après l'article L. 125-1 du code du travail, il est
inséré un article nouveau ainsi rédigé :
"
Art. L. 125-1-1
- Sans préjudice de l'application de
l'article L. 125-1 et des dispositions de l'Ordonnance
n° 86-1243 du 1
er
décembre 1986 relative
à la liberté des prix et de la concurrence, la vente d'un
produit, en vue de sa distribution au public, ne peut s'accompagner d'une
fourniture de main-d'oeuvre que si celle-ci est employée par le
fabricant ou le fournisseur. "
Art. 2
Après l'article L. 125-3 du code du travail, il est
inséré un article nouveau ainsi rédigé :
"
Art. L. 125-3-1-A
- Tout salarié employé dans
le cadre d'une opération interdite par le présent chapitre est
réputé lié à l'utilisateur par un contrat de
travail à durée indéterminée.
" Lorsqu'un conseil des prud'hommes est saisi d'une demande de
requalification de son contrat de travail par un salarié employé
dans le cadre d'une opération interdite par le présent chapitre,
l'affaire est portée directement devant le bureau de jugement qui doit
statuer au fond dans le délai d'un mois suivant sa saisine. La
décision du conseil des prud'hommes est exécutoire de droit
à titre provisoire. Si le tribunal fait droit à la demande du
salarié, il doit lui accorder, à la charge de l'utilisateur, une
indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de
salaire, sans préjudice de l'application des dispositions de la section
II du chapitre II du livre premier du présent code. ".
1
Rapport n° 500 de la commission des
Affaires sociales du Sénat sur la proposition de loi tendant à
alléger les charges sur les bas salaires, M. Alain Gournac, rapporteur.
2
.
Proposition de loi n° 211 tendant à mieux
réglementer les pratiques du marchandisage afin d'éviter
certaines pratiques abusives constatées dans le secteur de la grande
distribution, présentée par MM. Jean-Paul Delevoye et Louis
Souvet, p. 3.