II. LES AUTRES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI : UNE VOLONTÉ D'AMÉLIORER L'EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE PÉNALE
Outre
les dispositions relatives aux alternatives aux poursuites, le projet de loi
soumis au Sénat contient un grand nombre de dispositions très
diverses destinées à renforcer l'efficacité de la
procédure pénale. Le texte prévoit en particulier des
évolutions intéressantes, mais qui posent des problèmes
importants en ce qui concerne la
compétence du juge unique
en
matière correctionnelle. Celui-ci ne serait plus compétent en cas
de récidive et pourrait renvoyer une affaire devant la
collégialité en raison de sa complexité. Par ailleurs, les
dispositions relatives à la procédure de l'amende forfaitaire
applicable en matière de contraventions seraient simplifiées.
Le projet de loi contient plusieurs dispositions relatives aux
enquêtes
et prévoit en particulier la limitation à
huit jours de la durée de l'enquête de flagrance. Il tend
également à faciliter la réalisation d'examens techniques
et scientifiques en cours d'enquête. Il vise enfin à rendre
facultatif le dessaisissement du procureur lorsque le juge d'instruction est
présent sur les lieux d'un crime ou délit flagrant.
En ce qui concerne l'
instruction
, le texte tend en particulier à
préciser les conséquences de la découverte de faits
nouveaux pendant la procédure. Il vise également à
faciliter les procédures de renvoi partiel et à limiter les
comparutions personnelles devant la chambre d'accusation en matière de
demandes de mise en liberté pendant la détention provisoire.
Le projet de loi modifie également certaines dispositions concernant la
comparution des parties à l'audience
. Un prévenu pourrait
ainsi demander à être jugé en son absence quelle que soit
la peine encourue lorsqu'une partie civile a usé de la voie de la
citation directe. La durée de la peine privative de liberté
prononcée à partir de laquelle il est indispensable de se mettre
en état ou d'obtenir une dispense de le faire pour se pourvoir en
cassation serait portée de six mois à un an. Enfin, une personne
pourrait désormais se pourvoir en cassation même lorsqu'elle a
été jugée en son absence et que la juridiction
concernée ne lui a pas reconnu d'excuse valable ou lui a refusé
d'être jugée en son absence, son défenseur entendu. Le
pourvoi ne pourrait alors porter que sur la légalité de la
décision par laquelle la juridiction n'a pas reconnu valable l'excuse
fournie par l'intéressé pour justifier son absence.
Le projet de loi contient en outre des dispositions visant à limiter les
coûts entraînés par la garde des
objets sous main de
justice
. Il tend enfin à faciliter
l'entraide judiciaire
internationale
.
Ces dispositions, qui font l'objet d'un examen détaillé dans la
suite du présent rapport, méritent pour nombre d'entre elles
d'être soutenues. Votre commission souhaite néanmoins exprimer ses
réserves sur trois des articles du projet et formuler quelques
propositions complémentaires.
1. Des dispositions inopportunes
Votre
commission vous propose la suppression de plusieurs dispositions qui lui ont
paru contestables.
I- En premier lieu, l'article 3 du projet de loi tend à permettre au
juge unique de renvoyer à la collégialité certaines
affaires en matière correctionnelle lorsque la complexité des
faits le justifie. Or, en 1975, le Conseil constitutionnel a censuré un
dispositif permettant au président du tribunal de décider si une
affaire relèverait de la collégialité ou du juge unique en
considérant que le principe d'égalité devant la loi
faisait obstacle à ce que des citoyens se trouvant dans des situations
semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés
par des juridictions composées selon des règles
différentes.
Votre commission estime que le dispositif proposé, même s'il est
plus encadré que celui qu'avait condamné le Conseil
constitutionnel, risque d'être considéré comme portant lui
aussi atteinte au principe d'égalité devant la loi. Elle observe
en outre que ce renvoi facultatif à la collégialité
introduirait un facteur de complexité dans la procédure alors que
les effets de l'extension de la compétence du juge unique issue de la
loi du 8 février 1995 ne sont pas encore pleinement connus. Elle vous
propose donc de supprimer cette disposition.
II- En second lieu, elle vous propose également de supprimer la
disposition inscrite à l'article 11 du projet, permettant au
président de la chambre d'accusation, en matière de
détention provisoire, de refuser la comparution personnelle d'une
personne faisant appel d'une ordonnance de rejet d'une demande de mise en
liberté si cette personne a déjà comparu devant la chambre
d'accusation moins de quatre mois auparavant.
La commission estime que la détention provisoire est une mesure grave et
qu'il convient d'agir avec prudence lorsqu'on envisage de limiter les droits
des personnes détenues. Elle considère en outre qu'une telle
mesure doit être examinée en même temps que les autres
dispositions que le Gouvernement envisage de soumettre au Parlement sur la
détention provisoire.
III- Enfin, l'article 19 du projet de loi, qui tend à permettre au
premier président d'une cour d'appel de décider du renvoi d'une
affaire d'une juridiction à une autre lorsque la juridiction
compétente ne peut être composée, suscite les plus grandes
réserves de votre commission.
Il existe sans doute aujourd'hui des difficultés dans certains petits
tribunaux pour constituer les juridictions de jugement, compte tenu des
incompatibilités prévues par la loi. Cette situation doit
être résolue par la réforme de la carte judiciaire que
votre commission des Lois appelle de ses voeux depuis plusieurs années.
Il n'est pas acceptable de gérer la pénurie en donnant au premier
président de la cour d'appel le pouvoir de décider, sans qu'aucun
recours soit possible, quelle juridiction du ressort de la cour connaîtra
d'une affaire. Il ne paraît pas sain de substituer au système
actuel un dispositif discrétionnaire en matière de règles
de compétence territoriale comme réponse à l'insuffisance
des moyens de la justice.
Votre commission rappelle que les juridictions peuvent valablement être
complétées par un avocat lorsque cela est nécessaire et
souhaite que la réforme de la carte judiciaire soit entreprise dans les
meilleurs délais. Afin d'inciter à la mise en oeuvre de cette
révision de la carte judiciaire, elle vous propose la suppression de
l'article 19 du projet de loi.