Article 15
(Article 583 du code de procédure
pénale)
Recevabilité du pourvoi formé
par une
personne jugée en son
absence
Cet
article a, comme le précédent, pour objet de modifier
l'article 583 du code de procédure pénale. Comme on l'a vu,
cet article prévoit actuellement que les personnes condamnées
à une peine privative de liberté d'une durée
supérieure à six mois sont déchues de leur pourvoi si
elles ne se mettent pas en état ou si elles ne sont pas
expressément dispensées de le faire.
Cette disposition s'applique aux personnes jugées en leur absence.
L'article 410 du code de procédure pénale prévoit
pour sa part qu'un prévenu cité à personne doit
comparaître, à moins qu'il ne fournisse une excuse reconnue
valable par la juridiction devant laquelle il est appelé.
L'article 411, quant à lui, dispose qu'un prévenu
cité pour une infraction passible d'une peine d'amende ou d'une peine
d'emprisonnement inférieure à deux années, peut
demander à être jugé en son absence son défenseur
entendu, mais que le tribunal peut procéder à la
réassignation du prévenu et le juger contradictoirement s'il ne
répond pas à cette invitation.
La Cour européenne des droits de l'homme a estimé, dans un
arrêt Poitrimol, que l'
impossibilité pour un prévenu de
faire contrôler les motifs pour lesquels une cour d'appel avait
estimé ses excuses non valables était contraire aux exigences de
la Convention européenne des droits de l'homme.
L'arrêt POITRIMOL
23 novembre 1993
En 1984,
M. Poitrimol, à l'occasion de son droit de visite, a quitté le
territoire français avec ses deux enfants, dont son ex-épouse
avait la garde. En 1985, le juge aux affaires matrimoniales confia aux deux
parents conjointement la garde des enfants en imposant au père de
revenir en France afin que les enfants soient entendus.
En 1985 également, sur plainte de l'ex-épouse
déposée en 1984, le juge d'instruction renvoya M. Poitrimol
devant le tribunal correctionnel. Celui-ci demanda à être
jugé en son absence et son défenseur fut entendu.
M. Poitrimol fut condamné à un an d'emprisonnement, le
tribunal correctionnel décernant un mandat d'arrêt à son
encontre.
Il interjeta alors appel. Au cours d'une audience où son avocat
était présent, la Cour d'appel renvoya l'examen de l'affaire et
ordonna la réassignation du prévenu, dont elle estimait
nécessaire la comparution. M. Poitrimol ne se présenta pas
à l'audience, son avocat demandant à être autorisé
à représenter son client. Le 25 février 1987, la Cour
d'appel repoussa la demande de l'avocat en estimant que la faculté de
demander à être jugé contradictoirement son conseil entendu
ne s'appliquait pas aux prévenus en fuite et faisant l'objet d'un mandat
d'arrêt. Elle confirma le jugement de première instance.
Enfin, en décembre 1987, la Cour de cassation a déclaré le
pourvoi de M. Poitrimol irrecevable aux motifs que "
le
condamné qui n'a pas obéi à un mandat d'arrêt
décerné contre lui n'est pas en droit de se faire
représenter et de donner mandat pour se pourvoir en cassation contre la
décision le condamnant
".
La Cour européenne des droits de l'homme, saisie par M. Poitrimol,
a constaté le 23 novembre 1993 un manquement aux exigences de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Elle estima qu'au niveau de l'appel, la suspension du droit d'avoir un
défenseur était "
disproportionnée dans les
circonstances de la cause : elle privait M. Poitrimol, non recevable
à former opposition contre l'arrêt de la Cour d'appel, de sa seule
chance de faire plaider en seconde instance sur le bien-fondé de
l'accusation en fait comme en droit
".
A propos du pourvoi en cassation, la Cour estima "
que
l'irrecevabilité du pourvoi, pour des raisons liées à la
fuite du requérant, s'analysait elle aussi en une sanction
disproportionnée, eu égard à la place primordiale que les
droits de la défense et le principe de la prééminence du
droit occupent dans une société démocratique.
Assurément, il s'agissait d'une voie de recours extraordinaire portant
sur l'application du droit et non sur le fond du litige. Néanmoins, dans
le système français de procédure pénale,
la
possibilité, pour l'accusé non comparant, de faire plaider en
seconde instance sur le bien-fondé de l'accusation en fait comme en
droit, dépend dans une large mesure du point de savoir s'il a fourni des
excuses valables pour justifier son absence. Dès lors, un contrôle
juridique des motifs pour lesquels une Cour d'appel a rejeté de telles
excuses se révèle indispensable
".
L'article 15 du projet de loi vise à répondre à l'une
des critiques formulées par la Cour européenne des droits de
l'homme dans l'arrêt Poitrimol. L'article 583 du code de
procédure pénale serait modifié pour
permettre à
une personne de se pourvoir en cassation lorsqu'elle a été
jugée en son absence et que la juridiction concernée ne lui a pas
reconnu d'excuse valable ou lui a refusé d'être jugée en
son absence son défenseur entendu
. En ce cas, le pourvoi ne
porterait que sur la légalité de la décision par laquelle
la juridiction n'a pas reconnu valable l'excuse fournie par
l'intéressé en application de l'article 410 et son
succès entraînerait l'annulation de l'arrêt de la Cour
d'appel .
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.