C. LE DÉVELOPPEMENT TRÈS IMPORTANT DE LA COGÉNÉRATION
1. Le développement de la cogénération semble avoir atteint un palier en Allemagne
La
première centrale produisant conjointement de l'énergie thermique
et de l'énergie mécanique a été
érigée en 1893 à Hambourg. Mais c'est avec les crises
pétrolières, qui ont encouragé le développement de
centrales de cogénération au charbon que l'utilisation de la
cogénération pour l'alimentation du réseau public s'est
développée.
La durée d'amortissement des centrales, le rôle très
important des communes dans le choix des modes d'approvisionnement en courant
et en chaleur des foyers - et même des entreprises peu
consommatrices -, et la présence d'entreprises très
consommatrices de vapeur expliquent la place importante occupée par la
cogénération sur le marché allemand de l'énergie.
Dans les nouveaux Länder, la croissance des capacités de
production de 82 % trouve son origine dans une politique volontariste.
En effet, pour répondre aux besoins de rénovation des centrales
et des réseaux, et notamment réduire les émissions de gaz
polluants émanant des centrales au lignite qui dépassaient
largement les normes ouest-allemandes, le Gouvernement fédéral a
mis en place un programme d'aides au chauffage urbain doté de 1,2
milliard de DM sur la période 1992-1995.
Le développement des installations de cogénération a en
outre bénéficié de conditions relativement avantageuses de
rachat de l'électricité
produite en surplus dans les
petites centrales
par les grands électriciens
exploitants de
réseau de transport à moyenne et longue distance. En vertu d'un
accord entre professionnels datant de 1979 et renégocié en 1994,
il incombe en effet aux exploitants du " réseau public " de
racheter l'électricité produite dans des installations de
cogénération dès lors que la production de
l'opérateur privé excède ses besoins
40(
*
)
.
Au total, la production d'électricité
cogénérée représente
8 % de la production
brute totale d'électricité
en Allemagne, ce qui place ce pays
juste en dessous de la moyenne communautaire. 88 % de
l'électricité produite par cogénération est
destinée au réseau public
41(
*
)
(ce qui représente une
capacité de production de 9.500 MW) et 11 % à
l'industrie (capacité de production de 8.700 MW).
A part la compagnie d'électricité berlinoise BEWAG qui assure
57 % de la production d'électricité
cogénérée du réseau public, les grands
électriciens sont avant tout présents sur le segment industriel
de la cogénération, tandis que l'exploitation et le
contrôle des capacités de production destinée au
réseau public sont très décentralisés
(installations détenues par les
Stadtwerke
).
D'une manière générale, les installations du réseau
public, en particulier dans les nouveaux Länder, privilégient
l'utilisation du lignite qui y est extrait, tandis que les industriels ont
plutôt recours à des centrales, à moteur ou à
turbine, utilisant le gaz.
Mais
tout laisse penser que le développement de la
cogénération en Allemagne a atteint un palier
. Sa part dans
l'approvisionnement en électricité pourrait même reculer
dans les années à venir. La production
d'électricité en général et la
cogénération en particulier souffrent d'importantes
surcapacités.
Dans son propre parc de centrales, la BEWAG estime ces surcapacités
à 400 MW, soit environ 20 % de ses capacités totales.
Le dernier investissement d'importance réalisé par la BEWAG est
la centrale à cycle combiné gaz-vapeur de Berlin-Mitte (quartier
de Berlin), inaugurée en septembre1997. Mais la BEWAG n'envisage plus
d'investissement conséquent à un horizon de cinq ans. Le premier
exploitant de réseau de chauffage urbain d'Europe considère que
ses capacités sont largement suffisantes pour satisfaire une demande qui
ne devrait pas augmenter de manière importante au cours des prochaines
années et, qu'en outre, elles sont dans l'ensemble dans un état
technique satisfaisant.
Mais le gel des investissements n'est pas seulement la conséquence des
surcapacités. Il s'explique aussi par
la libéralisation du
marché de l'électricité comme du gaz qui laisse planer un
doute sur la rentabilité future des installations de
cogénération
(concurrence des autres types de production
électrique et baisse des prix) et par la récente privatisation de
la BEWAG dont les nouveaux actionnaires seront certainement plus exigeants en
termes de rentabilité que ne l'avait été le Land de Berlin.
Exploitants et producteurs considèrent en effet que l'introduction d'une
plus grande concurrence sur le marché pourrait nécessiter une
renégociation de l'accord professionnel de 1994. Avec ou sans
renégociation,
le prix de rachat devrait baisser sous l'effet de la
concurrence
. Les exploitants de centrales de cogénération
devront prendre en compte cette évolution qui se traduira par la baisse
des recettes de la revente d'électricité sur le réseau
public. C'est une raison supplémentaire d'inquiétude pour les
acteurs du marché de la cogénération.
Les communes ont toutefois obtenu de pouvoir protéger leurs
installations de cogénération contre la concurrence dans le cadre
de la réforme du droit de l'énergie entrée en vigueur le
1
er
mai dernier : si l'exploitation d'une centrale de
cogénération était menacée du fait de la
concurrence que lui livre un producteur, la commune pourrait refuser d'ouvrir
son réseau à ce producteur pour conserver ses
débouchés. En cas de conflit entre les fournisseurs voulant
accéder au réseau communal et les communes qui exploitent des
centrales de cogénération, les tribunaux allemands devront
préciser les droits et obligations respectifs des parties.
L'avis qui prévaut à la BEWAG est que ces dispositions juridiques
protectrices ne supporteront pas l'épreuve de la concurrence et que les
centrales de cogénération seront soumises en définitive
aux mêmes impératifs de compétitivité que les
centrales thermiques classiques.