5. La politique allemande de développement de l'éolien est contestée par les opérateurs électriques
En
Allemagne, ce sont les
électriciens qui subventionnent le
développement des énergies renouvelables
: une loi
fédérale de 1991 fait en effet obligation aux entreprises
d'approvisionnement en énergie de racheter l'électricité
produite à partir d'énergies renouvelables et fixe le prix de
rachat à un niveau très supérieur au prix du marché
(17,2 Pf/kWh pour l'électricité éolienne, soit un prix
deux fois supérieur au prix du marché).
La loi a provoqué un essor considérable de l'énergie
éolienne : la capacité installée est ainsi
passée de 630 MW en 1994 à 2.000 MW aujourd'hui. 10.000
emplois seraient directement dépendants de cette activité.
Le nombre d'installations éoliennes de production
d'électricité est passé de 480 en 1990 (pour une
production totale de 100 GWh) à 3 655 en 1995 (pour une
capacité de 1.150 MW dont 550 MW pour les seules installations mises en
service au cours de l'année 1995). Elles se situent essentiellement sur
les cotes de la mer du Nord. La production s'est élevée en 1995
à 2.600 GWh, soit 0,56 % de la demande totale
d'électricité. Les prévisions des Länder concernant
la capacité installée s'élèvent à 4.000 MW
à l'horizon 2005.
Les entreprises d'approvisionnement en électricité
considèrent que les trois quarts des installations éoliennes
ainsi construites ne seraient pas rentables sans cette subvention. Il
évaluent le surcoût qui leur est ainsi imposé, et qui les
oblige à accroître le prix de l'électricité pour les
consommateurs, à 350 millions de deutsche marks en 1994, 560 millions en
1995 et 780 millions en 1996. Sont surtout pénalisées les
entreprises d'approvisionnement situées dans le nord-ouest du pays
(PreussenElektra et Veba).
L'ensemble des subventions attribuées aux énergies renouvelables
atteindrait un milliard de deutsche marks par an.
Le Gouvernement a reconnu dans un rapport d'octobre 1995 que
"
l'introduction d'électricité sur le réseau dans
les sites où les conditions de production sont particulièrement
favorables s'avère significativement plus rentable que cela ne serait en
réalité nécessaire pour une exploitation
commerciale
".
La loi d'ouverture du marché de l'électricité à la
concurrence conduira probablement à revoir le mécanisme actuel de
subventionnement des primes tarifaires, dès lors que les entreprises
locales sur lesquelles il repose devront subir la concurrence d'autres vendeurs
sur leur territoire.
Par ailleurs, le programme allemand photovoltaïque a eu un impact sur la
réduction du coût des générateurs par le
développement induit sur l'électronique de puissance et sur
l'intégration du photovoltaïque aux éléments du
bâtiment. Le prix du générateur photovoltaïque
(module + électronique de puissance) installé est
passé de 98 F/W à 70 F/W sur la période
1990-1995 mais il se situe toujours loin de la compétitivité
économique. Il faut toutefois souligner la tendance longue à
l'abaissement des prix du module photovoltaïque qui représente
aujourd'hui 50 % du coût du générateur
installé : 18,4 $/W en 1980, 5,28 $/W en 1995, les
prévisions tablant sur un prix de 2,54 $/W en 2010.
L'aventure de l'industrie photovoltaïque allemande montre toute la
difficulté qu'il y a à courir après plusieurs objectifs
simultanés (énergétique, industriel et emploi). En effet,
si l'ouverture du marché du photovoltaïque connecté au
réseau a connu certains succès, les deux industriels allemands
-dont Siemens Solar, numéro un mondial- ont, par contre,
arrêté toute fabrication en Allemagne et ont installé toute
leur production aux Etats-Unis, essentiellement pour réduire leur
coût de production.
Enfin, le développement du marché du solaire thermique en
Allemagne a certainement conduit à réduire le coût de
production pour les industriels, sans pour autant diminuer le prix de vente. La
superposition de mesures incitatives (subventions fédérales,
subventions régionales et déductions fiscales) a finalement
encouragé le maintien de prix élevés sans émergence
d'opérateurs de taille suffisante. Il semblerait, selon une
étude, que les prix soient au moins 30 % supérieurs aux prix
pratiqués sur le marché français.
Il est cependant indéniable qu'à terme les énergies
renouvelables vont être développées, conformément
aux recommandations de la
Commission européenne qui a adopté,
en novembre 1997, un plan visant à faire passer de 6 % à
12 % la part des énergies renouvelables dans le bilan
énergétique de l'Union d'ici 2010.
Les secteurs concernés sont essentiellement le solaire
photovoltaïque, l'énergie éolienne et la biomasse. La phase
de décollage prévoit quatre actions prioritaires qui
coûteront au total 20 milliards d'euros (sur un total de
95 milliards d'euros) :
- l'installation de 500.000 toitures et façades
photovoltaïques dans des bâtiments publics en Europe et
l'exportation dans des pays en développement de
500 000 systèmes solaires pour l'électrification
décentralisée de villages ;
- le lancement de grands parcs d'éoliennes d'une capacité de
10 000 mégawatts ;
- la production combinée chaleur-électricité pour
10 000 mégawatts à partir de centrales de plusieurs
technologies utilisant la biomasse ;
- le choix de cent collectivités locales de tailles et
caractéristiques variables, pour l'utilisation de système
intégrés ou dispersés utilisant les énergies
renouvelables.
Selon la Commission, l'intérêt d'un tel plan est triple : il
est favorable à l'emploi car l'industrie européenne est leader
mondial dans ce secteur ; il devrait permettre, si les objectifs finals
sont atteints, une réduction des importations de combustibles de
17,4 % ainsi qu'une diminution des émissions de gaz carbonique de
400 millions de tonnes par an.