Politique énergétique de la France
REVOL (Henri)
RAPPORT 439 (97-98), 1ère partie - COMMISSION D'ENQUETE
Table des matières
- AVANT-PROPOS
-
PRINCIPALES PRISES DE POSITION
DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE -
TITRE PREMIER -
LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE : FONDEMENT DE LA PROSPÉRITÉ ET DE LA SOUVERAINETÉ DES ÉTATS- I. L'ÉNERGIE EST UN BIEN VITAL ET STRATÉGIQUE
- II. L'ÉNERGIE CONSTITUE UN ENJEU D'IMPORTANCE
-
CHAPITRE II -
LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE RESTE AU CoeUR DE LA POLITIQUE DES ÉTATS-
I. UNE OUVERTURE GÉNÉRALISÉE DES MARCHÉS DE
L'ÉLECTRICITÉ À LA CONCURRENCE
-
A. LES PIONNIERS
- 1. La libéralisation du marché de l'énergie a débuté il y a vingt ans aux Etats-Unis
- 2. Les Britanniques tirent les leçons d'une libéralisation vieille de presque dix ans
- 3. La Suède a anticipé la directive européenne sur l'ouverture du marché de l'électricité
- 4. L'Allemagne vient d'ouvrir totalement son marché de l'électricité à la concurrence
- B. LES DISPARITÉS EUROPÉENNES
- C. LA LIBÉRALISATION PROGRESSIVE DES PRIX DANS LES PAYS DE L'EX-BLOC COMMUNISTE
-
A. LES PIONNIERS
- II. UN ENGOUEMENT CROISSANT POUR LE GAZ NATUREL
-
III. UN REGAIN D'INTÉRÊT POUR L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE
- A. L'IMPORTANCE DU NUCLÉAIRE DANS LE MONDE
-
B. LES HÉSITATIONS ACTUELLES DES PAYS DÉVELOPPÉS
- 1. L'avenir du nucléaire britannique n'est pas assuré dans un contexte concurrentiel
- 2. Le Canada remplacera ses centrales nucléaires par des centrales au gaz et au charbon
- 3. Les États-Unis souhaitent maintenir l'option nucléaire ouverte
- 4. La Suède repousse la fermeture d'une première centrale
- 5. Le nucléaire constitue un enjeu électoral en Allemagne
- 6. Une exception : le Japon
- C. LE PROBLÈME NON RESOLU DE LA GESTION DES DÉCHETS
-
IV. UN NOUVEL ÉLAN EN FAVEUR DE L'UTILISATION RATIONNELLE DE
L'ÉNERGIE ET DES ÉNERGIES RENOUVELABLES
- A. LA MAÎTRISE DE LA CONSOMMATION EST FORTEMENT INFLUENCÉE PAR LA VARIATION DU PRIX DES ÉNERGIES
-
B. LA RELANCE DU DÉVELOPPEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES
- 1. Le Danemark est un pionnier dans l'exploitation du potentiel éolien
- 2. L'éolien décolle en Espagne
- 3. L'Italie place des espoirs dans l'énergie photovoltaïque
- 4. La Grande-Bretagne a su concilier libéralisme et promotion des énergies renouvelables
- 5. La politique allemande de développement de l'éolien est contestée par les opérateurs électriques
- C. LE DÉVELOPPEMENT TRÈS IMPORTANT DE LA COGÉNÉRATION
-
I. UNE OUVERTURE GÉNÉRALISÉE DES MARCHÉS DE
L'ÉLECTRICITÉ À LA CONCURRENCE
-
CHAPITRE III -
LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE FRANÇAISE
EN EST UNE ILLUSTRATION -
TITRE II -
QUELLE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE
POUR LA FRANCE DE DEMAIN ?- I. IL SERAIT " SUICIDAIRE " DE REMETTRE EN CAUSE LES AXIOMES ACTUELS
-
II. LES PRINCIPES DEVANT GUIDER NOTRE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE
- A. UNE POLITIQUE ORIENTÉE VERS LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
-
B. UNE POLITIQUE ÉQUILIBRÉE
- 1. Répondre simultanément aux exigences du court et du long termes
- 2. Adopter une vision " multi-prismes " de la politique énergétique
-
3. Mieux associer les citoyens et leurs représentants aux
décisions publiques et mieux les informer
- a) La politique énergétique doit prendre en compte les aspirations des Français
- b) Il convient d'associer le Parlement aux choix de politique énergétique
- c) Il convient de dépassionner le débat sur le nucléaire en informant mieux les Français de l'ensemble des risques
- d) Les risques liés aux autres énergies ou industries
-
CHAPITRE II -
REFAIRE DE LA MAÎTRISE DE L'ÉNERGIE UNE PRIORITÉ-
I. REDÉFINIR UNE POLITIQUE DE MAÎTRISE DE L'ÉNERGIE
- A. ENCOURAGER LA PRISE DE DÉCISION DANS L'INDUSTRIE
- B. POURSUIVRE LA RÉHABILITATION DES LOGEMENTS
- C. RENFORCER ET FAIRE RESPECTER LA RÉGLEMENTATION
- D. ACCROÎTRE LES EFFORTS DANS LE SECTEUR DES TRANSPORTS
- E. INTÉGRER LE FACTEUR ÉNERGÉTIQUE DANS LA DÉCISION PUBLIQUE
- II. FAIRE DE TOUS LES CITOYENS LES ACTEURS DE CETTE POLITIQUE
- III. RENFORCER LA STABILITÉ ET LES MOYENS DE L'ADEME
-
I. REDÉFINIR UNE POLITIQUE DE MAÎTRISE DE L'ÉNERGIE
" Quand il est urgent, c'est déjà trop
tard "
Talleyrand
AVANT-PROPOS
Mesdames,
Messieurs,
En décidant la création d'une commission d'enquête le 19
novembre dernier, le Sénat a voulu engager une réflexion sur
l'avenir de la politique énergétique française et y
contribuer.
Cette démarche était certes liée à l'annonce par le
Gouvernement de son intention, puis de sa décision d'arrêter le
surgénérateur Superphénix, prise sans aucune concertation
avec la représentation nationale. Elle procédait de la
volonté de la Haute Assemblée d'en étudier les
conséquences économiques, sociales et financières.
Mais, bien au-delà, le Sénat a manifesté le souhait
d'examiner
tous les aspects de la politique énergétique de
notre pays
, afin de mener une réflexion prospective sur l'avenir
d'un secteur vital pour notre économie et de déterminer la nature
et la réalité des solutions susceptibles d'être mises en
place et de constituer les composantes de la fourniture d'énergie dont
la France a besoin.
La commission d'enquête a voulu se faire une image aussi complète
que possible du secteur de l'énergie aujourd'hui. Elle s'est ainsi non
seulement penchée sur les problèmes de la filière
nucléaire (de la production d'électricité à l'aval
du cycle), mais elle a aussi étudié tous les autres secteurs
énergétiques : gaz, pétrole, charbon, perspectives
offertes par le développement des énergies renouvelables,
politique de maîtrise de l'énergie ect..
Elle a également examiné
l'évolution de la politique
communautaire
et celle de nos principaux partenaires ou concurrents dans ce
domaine, afin de mieux mesurer les conséquences de l'ouverture à
la concurrence pour les secteurs de l'électricité et du gaz, en
Europe et dans le monde.
Cette initiative de responsables politiques soucieux de mener des
investigations de nature à éclairer les choix futurs a
été
accueillie favorablement par l'ensemble des groupes
politiques composant la Haute Assemblée
,
qui l'ont adoptée
à l'unanimité
, le groupe socialiste ne prenant pas part au
vote.
Cette commission, composée de vingt et un membres représentant
tous les groupes politiques du Sénat a procédé à
près d'une
centaine d'auditions
1(
*
)
, tant en France qu'à l'étranger, compte
tenu de l'internationalisation croissante du secteur de l'énergie.
Elle a auditionné l'ensemble des acteurs de la politique
énergétique
: les ministres concernés (le
ministre de l'économie et des finances, le secrétaire
d'État à l'industrie, le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement, le ministre de l'éducation nationale,
de la recherche et de la technologie, le ministre chargé de
l'équipement, des transports et du logement), les chefs d'entreprise de
tous les secteurs énergétiques, des hauts fonctionnaires, les
syndicats, les associations de consommateurs ou de protection de
l'environnement, des scientifiques et des professeurs d'économie.
Des déplacements en province sur les sites de la centrale Phénix
et de l'usine de retraitement de La Hague ont été l'occasion de
rencontres avec les responsables des collectivités et des acteurs locaux
de l'industrie nucléaire.
Une délégation de la commission d'enquête s'est rendue
à Bruxelles où des entretiens fructueux avec les responsables des
directions de l'énergie, de la recherche, de la concurrence et de
l'environnement de la Commission européenne lui ont permis de mieux
mesurer la contrainte européenne dans ce domaine.
D'autres membres de la commission ont effectué des déplacements
dans certains États membres de l'Union européenne, afin
d'étudier l'ampleur, les modalités et les conséquences de
l'ouverture à la concurrence des secteurs de l'électricité
et du gaz. C'est ainsi qu'une délégation de la commission s'est
rendue en Grande-Bretagne, tandis que le rapporteur poursuivait des entretiens
en Suède et en Allemagne.
La commission d'enquête avait envisagé une mission en Russie et en
Chine. La crise gouvernementale russe ne lui a pas permis de se rendre à
Moscou, mais le déplacement effectué à Pékin s'est
révélé riche d'enseignements. Par ailleurs, le
Président de la commission d'enquête, qui accompagnait le
Président de la République dans son récent voyage d'Etat
au Japon, a rencontré des responsables de la politique
énergétique japonaise.
Pour compléter son information, la commission a également
adressé un questionnaire aux ambassades de tous les pays de l'Union
européenne, des pays de l'Est ainsi que des Etats-Unis et du Canada.
Enfin la commission d'enquête a recueilli les observations écrites
d'un certain nombre d'organismes qu'elle n'avait pu auditionner.
*
* *
Au terme
de ses travaux, votre commission d'enquête a pu constater que
malgré des contextes économiques variés et une grande
diversité de ressources primaires, tous les pays ont mis en place
des
politiques énergétiques nationales visant à assurer
l'indépendance énergétique et à fournir, au
meilleur coût, l'énergie indispensable à leur
compétitivité
économique
.
Voulant s'inscrire dans une démarche comparative, votre commission
s'attachera d'abord, après avoir présenté l
es
expériences menées par nos principaux partenaires
à
montrer
l'évolution de la politique énergétique
française
qui, au cours des cinquante dernières
années, a su s'adapter à l'évolution des contraintes
rencontrées.
Se tournant résolument vers l'avenir, elle s'efforcera ensuite de
réfléchir aux principes qui devront guider la politique
énergétique de la France
dans le nouveau contexte de
déréglementation du marché européen de
l'énergie et des contraintes environnementales qui s'imposent à
notre pays à la suite du sommet de Kyoto. Elle
formulera
en outre
des
propositions
tendant à garantir l'indépendance
énergétique et à préparer l'avenir.
PRINCIPALES PRISES DE POSITION
DE LA COMMISSION
D'ENQUÊTE
Des principes forts et un refus des idées préconçues
-
• Bien que l'on découvre sans cesse de nouvelles
ressources fossiles
, et qu'on améliore leur extraction, celles-ci
ne sont pas infinies. La conjonction d'une explosion de la demande des nations
en développement (notamment en Asie) et de la forte concentration de ces
ressources dans un petit nombre de pays, fait peser une
menace
géo-politique à la fois sur leur accès et sur leur
prix
.
• C'est pourquoi l'indépendance énergétique doit rester une priorité. Elle nécessite une politique nationale exprimée par une loi d'orientation et une programmation à long terme relatives à la nature des énergies et à leurs moyens de production.
• L'inéluctable ouverture du marché énergétique à la concurrence doit être encouragée : elle permettra de diversifier les sources d'approvisionnement et de réduire les prix, ce dont nos entreprises ont besoin pour rester compétitives.
Dans le cadre général défini et contrôlé par l'Etat, éviter de concéder au court terme, au risque de compromettre le long terme
• Pour répondre au défi environnemental et assurer un développement durable , la politique de maîtrise et d'économies d'énergie doit redevenir une priorité . Nous devons donc encourager les technologies propres et développer les énergies renouvelables là où elles sont rentables ou peuvent le devenir.
Mais n'entretenons pas d'illusions chez nos concitoyens : les énergies renouvelables ne représenteront, dans un avenir visible, qu'une part très limitée de notre bilan énergétique.
• Il nous faut prendre les mesures fiscales nécessaires au maintien d'une industrie du raffinage compétitive et d'aller vers un alignement des taxes applicables respectivement au gazole et aux supercarburants.
Le temps de l'opacité est révolu en ce qui concerne les choix énergétiques et leur maîtrise
• Un débat sur la politique énergétique est indispensable. 72 % des Français le réclament, selon un sondage SOFRES. Le Parlement aura impérativement à y prendre une part centrale.
La transparence et le dialogue doivent devenir des priorités. Instaurons une culture de l'évaluation et de la gestion des risques, fondée sur l'impartialité et la raison, en :
- informant mieux les Français sur l'ensemble des risques et incidents concernant toutes les sources d'énergie ainsi que les autres industries, chimiques notamment, afin d'éviter que ne soient distillées des informations partielles, voire partiales ;
- créant un organisme chargé de recueillir des données contradictoires en ce domaine et de remettre un rapport annuel au Gouvernement et au Parlement ;
- demandant au ministère de la santé davantage de vigilance de transparence et d'information en matière de radioactivité médicale.
• Ceci implique que la confiance des Français dans leurs instances de sûreté nucléaire soit restaurée. Trois mesures sont à prendre en ce sens :
- organiser un contrôle de sûreté et de radioprotection , en mettant fin à son éclatement entre différents organismes et en assurant son indépendance ;
- réexaminer la sûreté sur l'ensemble de la filière nucléaire et en particulier sur la chaîne du transport de matières radioactives ;
- étendre le champ d'application de l'échelle internationale des événements nucléaires (échelle INES, qui va de 1 à 7) au transport des matières radioactives.
• L'adhésion des Français aux choix énergétiques conformes à l'intérêt collectif est à ce prix. Une telle adhésion les amènera naturellement à participer plus activement à la politique d'économies d'énergie et à peser sur une meilleure intégration du facteur énergétique dans la décision publique (urbanisation, politique d'infrastructures et des transports, etc).
La politique énergétique doit mieux prendre en compte le développement local
La décentralisation favorise la recherche de la meilleure utilisation des énergies primaires et permet de susciter des opportunités, tant par la mise en oeuvre de nouvelles technologies que par le développement des énergies renouvelables. Il importe de confirmer et de renforcer les compétences des collectivités locales et les missions de service public qui leur incombent dans le domaine énergétique.
Le recours à l'énergie nucléaire est incontournable
Ceci est vrai en France comme ailleurs sur la planète, car c'est une énergie qui ne produit pas de gaz à effet de serre et qui permet d'assurer l'indépendance énergétique.
• Dans l'immédiat, il faut donc que soit améliorée la gestion de l'aval du cycle . Il convient, à cet effet, de :
- conforter le choix du retraitement des combustibles usés, qui permet de diviser par quatre le volume des déchets ultimes à stocker et par dix leur radiotoxicité ;
- lutter contre la remise en cause insidieuse de cette filière au travers des attaques répétées, notamment contre le site de La Hague ;
- revenir sur la décision de fermeture de Superphénix, grave erreur qui ne garantira pas la poursuite des nécessaires recherches sur la transmutation (pour éliminer des actinides) et remet en cause l'avenir de la filière des réacteurs à neutrons rapides ;
- autoriser rapidement l'implantation et l'exploitation d'au moins deux laboratoires souterrains , pour étudier le stockage des déchets ultimes en zone géologique profonde, en maintenant ouverte l'option de la réversibilité ;
- poursuivre les recherches concernant l'entreposage de longue durée en surface.
• Forts de ces constats, il nous faut par ailleurs préparer sans tarder le renouvellement de notre parc nucléaire , dans des conditions de sûreté maximale :
- en lançant un démonstrateur expérimental permettant de valider les idées et les propositions relatives à la technologie des réacteurs hybrides ;
- en poursuivant activement les programmes de recherche, engagés dans le cadre européen, dans le domaine de la fusion nucléaire .
Transposer avec lucidité et réalisme les directives européennes " électricité " et " gaz naturel " en droit français
6-1 L'électricité
Dans un contexte de concurrence effective et loyale, EDF doit se mobiliser et être mise " sous tension " .
Dans cet esprit, la commission d'enquête s'est prononcée pour :
- une loi d'orientation énergétique quinquennale intégrant une planification à long terme ;
- une autorité administrative indépendante des opérateurs et de l'administration chargée d'assurer la régulation technique et le contrôle du respect des règles du jeu , sur le mode de l'autorité de régulation des télécommunications (ART) ;
- l'appartenance à titre exceptionnel des régies de distribution à la catégorie des clients pouvant choisir leur fournisseur (i.e. dits " éligibles ") sans pour autant que cela n'entraîne une hausse du seuil d'ouverture du marché à la concurrence ;
- le maintien du caractère intégré d'EDF, mais une séparation comptable aux résultats incontestables ;
- l'application de la procédure de l'autorisation pour le lancement de nouveaux moyens de production à l'ensemble des opérateurs , y compris EDF, et le recours à la procédure d'appels d'offres en cas de carence de l'initiative des producteurs (pour développer les énergies renouvelables, par exemple).
La commission d'enquête propose également :
- de lever l'obligation d'achat par EDF de l'électricité lorsque les technologies concernées (cogénération, énergies renouvelables) deviennent performantes et compétitives ;
- d' élargir le principe de spécialité d'EDF ;
- de conserver le caractère public de l'établissement, mais en revoir les modes de gestion et de contrôle et le faire entrer dans une logique de gouvernement d'entreprise ;
- d' envisager sa transformation en société anonyme à capitaux publics ;
- de rechercher les moyens permettant de préserver le statut des personnels :
. de résoudre le problème du poids croissant des charges de retraites (50 % de la masse salariale aujourd'hui, 100 % en 2020, contre moins de 25 % pour les concurrents privés !) ;
. d'évaluer les conséquences de l'extension de ce statut à l'ensemble des acteurs du secteur ;
- de ne plus imposer des obligations incohérentes aux opérateurs publics. L'embauche par Charbonnages de France de 10 000 mineurs, entre 1981 et 1984, compte tenu des charges de retraite futures dans un contexte d'arrêt anticipé - et prévisible à l'époque - de l'activité minière, coûtera des dizaines de milliards de francs à l'exploitant, en 2005, et donc à l'Etat.
6-2 Le gaz
- les principes qui sous-tendent les propositions de la commission pour la transposition de la directive " électricité " valent également pour la directive " gaz naturel ", en tenant cependant compte des spécificités du secteur ;
- il convient de réviser, sous certaines conditions, les modalités de la desserte des communes en gaz ;
- Gaz de France pourrait être transformé en une société anonyme dont le capital pourrait être partiellement ouvert.
TITRE PREMIER -
LA POLITIQUE
ÉNERGÉTIQUE : FONDEMENT DE LA PROSPÉRITÉ ET DE LA
SOUVERAINETÉ DES ÉTATS
CHAPITRE PREMIER -
L'ÉNERGIE : UN ENJEU
STRATÉGIQUE
La pénurie, la peur de manquer... Ce type de craintes est
présent, y compris dans nos sociétés d'abondance. Que
vise-t-il ? Avant tout, bien sûr la peur que la planète ne
puisse plus satisfaire aux besoins alimentaires d'une population mondiale qui
explose. Mais, les doutes, voire les scénarios-catastrophes, concernent
aussi l'énergie. Certains économistes, à la fin des
années 60, n'avaient-ils pas prédit le pire et
prôné la " croissance zéro " ? Plus
récemment, dans les années 70, la crise
pétrolière n'annonçait-elle pas, pour beaucoup, une
pénurie générale d'énergie ? Si ces risques
nous ont été jusqu'ici épargnés, l'énergie
n'en demeure pas moins un enjeu stratégique fondamental pour chaque
État.
L'indissociable lien entre énergie et développement en fait un
bien spécifique. En outre, si l'on met en parallèle les
ressources énergétiques naturelles, inégalement
réparties et présentes en quantité non illimitées
sur la surface du globe et les besoins dont la répartition est aussi
inégale et en voie d'explosion, on perçoit clairement le
caractère vital de ce bien pour un pays et son importance
stratégique.
La présente réflexion sur l'énergie ne doit naturellement
pas masquer une nécessaire démarche, plus large, sur
l'évolution de la société des hommes et sur
" l'obligation de développement " et sa finalité ou ses
compétences sociales au regard de l'indispensable solidarité
entre les pays et les individus. Votre commission ne s'est pas
écartée de la mission qui lui avait été
confiée.
I. L'ÉNERGIE EST UN BIEN VITAL ET STRATÉGIQUE
L'énergie n'est pas un bien comme un autre, pouvant
purement
et simplement faire l'objet d'échanges banalisés entre acteurs
économiques, à l'abri du regard lointain et totalement
désintéressé des pouvoirs publics.
Il s'agit en réalité d'un bien nécessaire à tout
développement économique et, par là même,
stratégique pour tout pays, ou tout groupe humain : la guerre du feu
fait partie de l'imagerie populaire, mais également de l'histoire de nos
civilisations les plus anciennes.
A. L'ÉNERGIE : CONDITION ESSENTIELLE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
L'énergie est indispensable à l'exercice de toute
activité humaine. Elle est précieuse dans la mesure où
elle est nécessaire à la satisfaction de l'ensemble des besoins
de la société (alimentation, production industrielle, confort,
éducation, santé, mobilité, loisirs...).
La dépendance de l'homme envers l'énergie est donc totale
puisqu'il ne pourrait imaginer vivre sans elle. L'énergie lui est aussi
vitale que l'eau et la nourriture. Dans les régions peu
développées de notre planète, elle sert à la
satisfaction des besoins de base.
Le défi de l'accès aux
ressources énergétiques recouvre partiellement celui de la
suffisance alimentaire
.
Plus les sociétés connaissent un degré de
développement sophistiqué, plus cette dépendance est
forte. L'importance croissante de l'accès à l'information et le
développement des nouvelles technologies de communication fournissent,
par exemple, l'illustration la plus récente de notre dépendance
absolue à l'égard de l'électricité. Rappelons-nous
les conséquences d'une panne d'électricité à
New-York...
Ces rappels, peut-être évidents, ne sont pas inutiles si l'on
veut garder à l'esprit le facteur essentiel de développement que
représente l'énergie, pour tous les pays.
B. L'ÉNERGIE : FONDEMENT DE LA STRATÉGIE DES ÉTATS
Ainsi
que l'a souligné notre collègue Mme Anne Heinis, au cours de
la séance publique du 19 novembre dernier qui a
présidé à la création de notre commission
d'enquête : "
un pays sans énergie est un pays sans
avenir
. "
Ceci explique la stratégie de nombre d'États tendant :
- pour les uns, à faire pression sur leurs partenaires et clients
pour les maintenir sous une certaine tutelle économique, voire
politique, en maniant les quantités et les prix des approvisionnements
en combustibles fossiles. La Russie, après l'URSS, n'use-t-elle pas
largement de ce type de pression à l'égard de ses voisins ?
Songeons à l'Ukraine ou à la Biélorussie par exemple ;
- pour les autres, à s'assurer la maîtrise de l'accès
aux réserves de pétrole et de gaz. Ainsi, les États-Unis
ont-ils toujours privilégié les importations de ressources
énergétiques plutôt que l'exploitation de leurs propres
réserves. Leur politique étrangère, en particulier au
Moyen-Orient mais aussi, depuis quelques années, à l'égard
des pays producteurs d'Asie centrale : Kazakhstan, Turkménistan et
Ouzbékistan principalement, est largement conditionnée par leur
souci d'assurer la sécurité de leurs approvisionnements en
pétrole et en gaz et, au-delà, de maîtriser ce que l'on
pourrait qualifier " d'arme énergétique ", pour
établir un parallèle avec " l'arme alimentaire ".
Mais, ne faisons pas de procès d'intention par trop naïf. Les
préoccupations en ce domaine sont largement partagées. La France
n'a-t-elle pas elle-même participé à la guerre du Golfe en
1991, certes pour défendre un État dont le territoire avait
été violé par un voisin, mais aussi pour sauvegarder
l'accès des pays industrialisés à " l'or noir "
du Golfe persique ?
Par ailleurs, il est largement admis par les experts que l'énergie
d'origine nucléaire aura vraisemblablement un rôle à jouer,
compte tenu des perspectives d'épuisement -à plus ou moins long
terme- des combustibles fossiles liquides ou gazeux et de la croissance des
contraintes environnementales. Les perspectives de développement de
cette énergie pourraient cependant être mises en péril si
un nouveau " Tchernobyl " accablait la planète. La
mobilisation de l'ensemble des pays industrialisés s'avère certes
nécessaire pour prémunir notre monde d'un tel désastre
potentiel. Mais, conscients de cet état de fait, la Russie et les pays
d'Europe centrale et orientale n'en jouent-ils pas pour faire pression sur le
monde occidental en mettant en balance sécurité nucléaire
et contribution financière ?
Il nous faut avoir à l'esprit toutes ces réalités, pour
mener lucidement une réflexion sur l'avenir de la politique
énergétique française.
Celle-ci s'inscrit dans un contexte global -enjeux de développement et
de survie de l'ensemble de la planète- et durable, les perspectives, les
contraintes, les politiques ne pouvant donc s'inscrire que dans le long terme.
C'est pourquoi notre politique énergétique doit tenir compte du
caractère stratégique du secteur, qui est illustré par des
données économiques et géo-stratégiques qu'il
convient de rappeler.
II. L'ÉNERGIE CONSTITUE UN ENJEU D'IMPORTANCE
Deux milliards d'individus n'ont pas aujourd'hui accès à l'électricité . L'arrivée sur le marché de ces nouveaux consommateurs des pays en voie de développement pèsera sur le marché énergétique mondial au cours des prochaines décennies, et ce d'autant plus que les ressources énergétiques de la planète sont mal réparties.
A. UNE DEMANDE EN FORTE CROISSANCE, LIÉE AU DÉVELOPPEMENT DES NOUVEAUX PAYS INDUSTRIALISÉS
1. Les scénarios de consommation énergétique
L'IIASA
(International Institute for Applied System Analysis) a préparé
pour le CME (Conseil mondial de l'Énergie) trois familles de
scénarios qui aboutissent à des consommations différentes
mais toujours en forte hausse.
Les scénarios A supposent une forte croissance économique et
des progrès technologiques notables. Le premier prend pour
hypothèse l'abondance du pétrole et du gaz. Le deuxième
envisage une raréfaction de ces deux sources, compensée par un
retour au charbon. Le troisième accorde une place plus importante au
développement du nucléaire et des énergies renouvelables.
Le scénario B (" business as usuel ") suppose une
croissance plus faible et une faible amélioration de la technologie.
Les scénarios C sont " écologiques ". Ils
supposent des progrès technologiques importants, une coopération
internationale tournée vers la protection de l'environnement et une
réduction satisfaisante de l'intensité
énergétique
2(
*
)
. L'un envisage le
nucléaire comme une énergie transitoire relayée d'ici la
fin du siècle prochain par les énergies renouvelables. L'autre
privilégie l'utilisation d'une énergie nucléaire bien
acceptée par le public et dont la part progresse jusqu'en 2050.
Ces prévisions aboutissent à des hausses de la demande mondiale
d'énergie primaire plus ou moins fortes et surtout à des parts
très différenciées des différentes sources
d'énergie.
En tout état de cause, pour une population estimée à
10 milliards d'habitants en 2050, la demande mondiale d'énergie
primaire passerait de
9,2
milliards de tep en
1990
à
un niveau compris entre
11,4
et
15,4
milliards de tep en
2020
puis à un niveau compris entre
14,2
milliards de
tep et
24,8
milliards de tep en
2050
.
Demande mondiale d'énergie primaire par combustible |
|||||||
Le Monde en 1990 |
|
|
|
|
|
|
|
Demande primaire
|
9
5 |
|
|
|
|
|
|
Le Monde en 2020 |
A1 |
A2 |
A3 |
B |
C1 |
C2 |
|
Demande primaire
|
15
|
15
|
15
|
14
|
11
|
11
|
|
Le Monde en 2050 |
A1 |
A2 |
A3 |
B |
C1 |
C2 |
|
Demande primaire
|
25
|
25
|
25
|
20
|
14
|
14
|
|
Source : IIASA et Commissariat Général du Plan. Énergie 2010-2020. Le contexte international. |
2. Les consommateurs émergents
Selon le
Conseil Mondial de l'Énergie, l'essentiel de la demande
supplémentaire qui devrait s'exprimer d'ici 2020 proviendrait des
nouveaux pays industrialisés qui pourraient se partager près de
la moitié de l'énergie consommée.
L'actuelle crise asiatique ne devrait pas remettre durablement en cause cette
analyse car la consommation de l'Asie inclut celle de deux
" géants ", la Chine et l'Inde, qui s'industrialisent
rapidement.
Si l'on considère, par exemple, la structure de consommation
énergétique de la Chine, on constate que le secteur industriel
domine largement tous les autres car le pays est en phase d'industrialisation.
On peut imaginer l'explosion de la demande énergétique qu'induira
l'inéluctable augmentation de la consommation, notamment celle du
secteur des transports, aujourd'hui limitée.
Source : Commissariat Général du Plan. Énergie 2010-2020. Le contexte international.
Comme le rappelle E. IZRAELEWICZ, " le magazine américain Fortune s'amusait récemment à un simple calcul, impressionnant : si la Chine et l'Inde devaient rejoindre du jour au lendemain le niveau sud-coréen en matière d'équipement automobile, ces deux pays auraient des besoins en pétrole représentant l'équivalent de deux fois ce que consomme aujourd'hui... l'ensemble du monde ! " 3( * ) .
B. UNE OFFRE LIMITÉE DANS LE TEMPS ET DE PLUS EN PLUS DÉSÉQUILIBRÉE DANS L'ESPACE
Tenter d'évaluer les ressources énergétiques de la planète ne saurait nous dispenser de nous poser un problème de responsabilité par rapport à l'avenir, voire même d'éthique : a-t-on le droit de consommer, en quelques générations toutes ces ressources dont la production a nécessité des millions d'années et, d'autre part, de détruire des édifices moléculaires complexes qui pourraient avoir des finalités plus nobles que la simple production de chaleur ?
1. L'estimation des réserves énergétiques fossiles
"
Nous pourrions avoir utilisé tout le
pétrole
de la planète d'ici à 1990
" prophétisait Jimmy
CARTER lorsqu'il était Président des États-Unis..., ce qui
doit nous conduire à considérer avec prudence les estimations en
ce domaine.
Se référant à une étude de la British Petroleum
Statistical Review, le Commissariat Général du Plan estime qu'au
rythme actuel de production, la durée des réserves atteindrait
228 ans
pour le charbon
(houille et lignite),
42 ans pour
le pétrole
et
62 ans pour le gaz naturel
.
Les réserves d'hydrocarbures, toutefois, donnent lieu à un
débat.
Les plus
optimistes
estiment qu'au rythme prévu pour la
consommation mondiale, nous disposerions encore de 80 à 100
années de ressources pour le pétrole et de 140 à 180
années pour le gaz. Ils s'appuient sur le fait que
les chiffres sont
toujours revus en hausse malgré la couverture annuelle des besoins.
Ils citent les récentes découvertes faites notamment au large des
golfes du Mexique ou de Guinée, en Angola, évoquent les promesses
de la mer Caspienne et la " renaissance " de la mer du Nord
4(
*
)
.
Ils mettent en avant l'amélioration des taux de
récupération dans les gisements : certaines compagnies
pétrolières jugent que ce taux pourrait atteindre 50 % en
2020, notamment grâce à la technique de la sismique 3D, du forage
horizontal, et de l'extraction en eau profonde.
Les plus
pessimistes
estiment que le pic de production mondiale se
situerait entre 2000 et 2010 pour le pétrole conventionnel
5(
*
)
et autour de l'année 2025 pour le gaz.
Ils divergent des optimistes dans leurs appréciations du rôle du
progrès technologique et, plus généralement de
l'amélioration de l'efficacité de l'industrie
pétrolière.
Ainsi dans un récent article MM. Colin CAMPBELL et Jean LAHERRÈRE
affirment-ils :
" Même si l'on tient compte des
récentes découvertes de pétrole, l'offre
" classique ", celle du pétrole bon marché, ne
satisfera plus la demande dans moins d'une dizaine d'années. Cette
conclusion s'oppose aux prévisions de l'industrie
pétrolière qui, début 1998, annonçait
fièrement des réserves prouvées s'élevant à
140 milliards de tonnes. En divisant ce chiffre par les 3,2 milliards
de tonnes actuels correspondant à la production actuelle, on
prévoirait une production sereine durant quarante-trois ans, voire plus,
car les statistiques officielles montrent un accroissement des réserves.
Toutefois ce raisonnement contient trois erreurs graves. Premièrement,
il repose sur une mauvaise estimation des réserves. Deuxièmement,
il suppose que la production pétrolière restera constante. Enfin,
il postule que l'on extraira les dernières gouttes de pétrole
tout aussi facilement qu'aujourd'hui.
Or, la production d'un puits -ou d'un gisement- n'est pas
régulière : après le moment de production maximale,
elle diminue quand les réserves ont diminué environ de
moitié.
D'un point de vue économique, peu importe de savoir quand la
planète manquera totalement de pétrole : ce qui compte,
c'est la date à partir de laquelle la production déclinera. Les
prix augmenteront alors, sauf si la demande décroît. Plusieurs
méthodes d'estimation des réserves classiques actuelles et de la
quantité de pétrole restant à découvrir nous font
conclure que ce déclin commencera avant 2010. [...]
La consommation mondiale de pétrole croît aujourd'hui à un
rythme supérieur à 2 % par an. Depuis 1985, la consommation
d'énergie augmente d'environ 30 % en Amérique latine, de
40 % en Afrique et de 50 % en Asie. D'après l'administration
américaine, la demande mondiale en pétrole augmentera de
60 % vers 2020, pour atteindre alors environ 5,5 milliards de tonnes
par an.
Le déclin de la production pétrolière engendrera
probablement des tensions économiques et politiques. À moins que
l'on n'utilise rapidement d'autres formes d'énergie, la part de
marché de l'OPEP augmentera rapidement pour dépasser 30 %
dans deux ans, atteignant ainsi le niveau des années 1970, au cours des
chocs pétroliers.
Le prix du pétrole augmentera sans doute considérablement :
les augmentations réduiront la demande et ralentiront la production
durant peut-être dix années (la demande a chuté de plus de
dix % après le choc pétrolier de 1979 et a mis quinze ans
pour retrouver son niveau antérieur), mais, vers 2010 environ, nombre de
pays du Moyen-Orient auront eux-mêmes épuisé plus de la
moitié de leurs réserves. La production pétrolière
mondiale chutera.
Si l'on s'y prépare suffisamment tôt, la transition ne sera pas
nécessairement traumatisante. Si l'on rentabilise et si l'on diversifie
les techniques de production de carburants liquides à partir du gaz
naturel, ce dernier pourrait devenir la prochaine source d'énergie des
transports. Une énergie nucléaire plus sûre, des
énergies renouvelables moins chères et des plans de stockage du
pétrole retarderaient également le déclin
inévitable du pétrole classique.
Dès aujourd'hui, les pays devraient planifier la gestion de
l'énergie et investir dans de nouvelles recherches.
La planète
n'est pas encore à court de pétrole, mais nous devons envisager
la fin du pétrole bon marché et abondant
"
6(
*
)
.
Quelle que soit leur estimation exacte, les réserves de ressources
fossiles ont des limites peut-être techniques, sans doute
économiques et certainement physiques.
Ainsi, les plus optimistes envisagent un passage aisé à la
récupération des pétroles non-conventionnels lorsque le
pétrole conventionnel sera épuisé. Or, les sables
asphaltiques, les bruts extra-lourds, les schistes bitumineux ne pourront
être exploités qu'après une conséquente
amélioration des technologies de récupération.
Par ailleurs, ces techniques de récupération, si elles
parviennent à être applicables à grande échelle,
entraîneront un surcoût du pétrole. Ce surcoût peut
être acceptable dans le cadre d'une raréfaction des ressources
énergétiques qui rendrait " rentable " le recours
à ce type de production. Toutefois, l'économie d'un pays ne peut
absorber très longtemps des coûts énergétiques trop
importants sans remettre en cause sa croissance.
Enfin, qu'il s'agisse de charbon, de pétrole ou de gaz, les
réserves sont par définition physiquement limitées.
Même si l'on considère que ces trois limites : technologique,
économique et physique, laissent largement le temps de passer des
combustibles fossiles à d'autres formes d'énergie, il convient de
tenir compte de l'avertissement lancé par le Conseil mondial de
l'Énergie à ce sujet :
"
Le vrai défi est
de communiquer la réalité selon laquelle le passage à
d'autres sources d'approvisionnement prendra de nombreuses décennies et
que, dans ces conditions, il faut commencer dès aujourd'hui la
concrétisation de cette nécessité et engager les actions
appropriées
"
7(
*
)
.
2. La répartition des ressources actuelles et futures
Selon le
Commissariat Général du Plan, le pétrole restera le
combustible dominant dans le monde (40 %) d'ici à 2010. À
l'horizon 2020 le charbon sera sans doute freiné si son impact
environnemental ne s'améliore pas, tandis que le gaz prendra son essor
sous forme gazeuse ou liquide.
De récentes découvertes techniques ont amené plusieurs
compagnies pétrolières à envisager la construction de
sites de transformation du gaz naturel, afin de le convertir en carburants
qu'elles achemineraient ensuite à peu de frais. En Louisiane, par
exemple, la Société
Exxon
a fait fonctionner une
unité de démonstration d'une telle conversion. Dans la
péninsule d'Arabie, le Qatar négocie aujourd'hui avec trois
compagnies pétrochimiques pour faire construire des usines qui
transformeraient le gaz naturel extrait d'un énorme gisement sous-marin
[...]. La plus grande compagnie pétrolière norvégienne, la
Société
Statoil
, projette de construire de petits modules,
montés sur des plates-formes flottantes, pour convertir le gaz naturel
de gisements en mer du Nord.
8(
*
)
Une des techniques les plus prometteuses semble être la transformation du
méthane, principal composant du gaz naturel, en méthanol
grâce à un catalyseur liquide. Le méthanol, liquide
à température ambiante, et donc facilement transportable, peut
être utilisé comme supplément (pour augmenter l'indice
d'octane) ou même comme substitut de l'essence.
Actuellement le pétrole et le gaz naturel sont répartis de
façon inégale.
Les pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du
Nord membres de l'OPEP possèdent 70 % des ressources
pétrolières mondiales probables et la Russie, près de
17 %. L'ex-URSS contient presque la moitié des ressources mondiales
probables de gaz naturel et le Moyen-Orient, près de
40 %
9(
*
)
.
Cette situation va aller en s'aggravant : en ce qui concerne le
pétrole, selon le Commissariat Général du Plan,
"
si l'on peut, sans risque de se tromper, penser que l'augmentation de
la production des non-OPEP se poursuivra jusqu'à l'aube du prochain
siècle, la question se pose pour l'après 2005. Il est
indéniable, en effet, que
l'essentiel des réserves se trouve
concentré au Moyen-Orient et que les pays du Golfe
Persique
devraient, dans un futur plus ou moins lointain, augmenter fortement leur part
dans la production mondiale
"
10(
*
)
.
De même, en ce qui concerne le
gaz naturel
, les réserves
prouvées mondiales ont progressé irrégulièrement
depuis 1970 : celles des pays industrialisés occidentaux n'ont
progressé que de 22 % de 1970 à 1997, pour atteindre
11 % du total. Dans le même temps, les réserves de la zone
CEI étaient multipliées par 4,7 (40 % du total) et celles de
l'OPEP par 5,6 (42 % du total).
En conséquence,
après 2010, l'approvisionnement
européen extérieur augmentera et aura pour source l'Afrique du
Nord
(Algérie et Lybie),
la Russie
(qui entre temps, aura
vraisemblablement accru sa production dans l'Extrême-Sibérie)
et enfin, le Moyen-Orient
.
C. CETTE SITUATION REND VULNÉRABLES LES PAYS NON PRODUCTEURS D'ÉNERGIE
1. Une vulnérabilité géopolitique
Certains risques sont liés aux pays
producteurs
Il est en effet évident, et l'histoire l'a montré, qu'un
changement dans la politique suivie par l'Arabie Saoudite ou un conflit au
Moyen-Orient entraînerait une forte tension sur les marchés
pétroliers, voire une rupture de l'approvisionnement des pays
importateurs ; de même, une crise grave en Russie pourrait
déstabiliser l'entreprise Gazprom et réduire l'approvisionnement
de l'Europe en gaz naturel.
La politique d'approvisionnement pétrolier des États-Unis, qui
importent environ 50 % de leur consommation, illustre bien l'absolue
nécessité qu'ont les États de se protéger. Tout en
maintenant des relations très étroites avec certains pays du
Golfe Persique dont la défense est maintenant principalement sous la
responsabilité américaine, et en pratiquant une politique
d'isolement d'autres pays du Moyen-Orient pour les empêcher d'exercer une
domination sur la région, les États-Unis accroissent
considérablement leurs importations en provenance de l'Amérique
Latine (la valeur des importations venant du Venezuela a augmenté de
44 % entre 1993 et 1996, alors qu'elle se réduisait de 4,3 %
pour les importations venant des pays du Golfe).
D'autres risques sont liés au problème de l'acheminement
du pétrole et du gaz vers les pays consommateurs
Les tensions qui accompagnent le choix des pays traversés par les
gazoducs et oléoducs permettant de transporter les hydrocarbures
exploités en mer Caspienne en sont une illustration.
Si, contre l'avis des autorités russes, le tracé
Bakou-Novorossiysk promu par l'Azerbaïdjan International Operating Company
est choisi, les exportations du brut azeri seront placées sous le
contrôle tchétchène, ce qui comporte des risques
évidents en matière de sécurité d'approvisionnement
pour tous les pays dépendant de ce pétrole.
2. Une vulnérabilité économique
S'ils
ont besoin d'une sécurité d'approvisionnement, les pays non
producteurs d'énergie ont également besoin de
prix bas et
stables
.
Or, la stabilité des prix peut être compromise à tout
moment par une crise politique en Russie ou au Moyen-Orient même si la
sécurité des approvisionnements n'est pas remise en cause.
Une hausse des prix pourrait également intervenir pour d'autres
raisons : si la demande est trop forte par rapport à l'offre, les
mécanismes de marché conduiront à une augmentation des
prix ; ainsi, au Moyen-Orient, la demande européenne va entrer
inévitablement en concurrence avec la demande chinoise, ce qui
accroîtra la tension sur ce marché. Par ailleurs, le recours
croissant au gaz est un facteur de hausse, compte tenu des coûts de
transport très élevés de cette ressource
énergétique (son transport par pipeline est quatre fois plus
coûteux que celui du pétrole). Enfin, le coût
élevé d'exploitation des pétroles non conventionnels aura
des répercussions sur leur prix.
L'actuelle abondance de sources d'énergie peu coûteuses ne doit
pas masquer la vulnérabilité des pays non
producteurs.
CHAPITRE II -
LA POLITIQUE
ÉNERGÉTIQUE RESTE AU CoeUR DE LA POLITIQUE DES
ÉTATS
Il
n'entre pas dans les intentions de votre commission d'enquête de rappeler
les grandes tendances intervenues ces trente dernières années en
matière énergétique (lien entre évolution du PIB et
demande de services énergétiques, réduction de
l'intensité énergétique
11(
*
)
, augmentation de la part du gaz...) dans la mesure
où elles ont été relativement déconnectées
des politiques menées en matière énergétique et ont
dépendu davantage de facteurs structurels (croissance de la population,
structure de l'économie, évolution des prix relatifs des
différentes énergies...). Au demeurant, ces perspectives sont
excellemment rappelées par le Commissariat Général du Plan
dans un rapport récent
12(
*
)
.
Il paraît utile en revanche de faire ressortir les points communs entre
les politiques énergétiques menées par les principaux pays
développés.
Il apparaît, en effet, que malgré des contextes
économiques, géographiques et climatiques divers, malgré
des ressources énergétiques primaires variables, les
politiques nationales convergent le plus souvent vers les mêmes
objectifs finaux : fournir de façon continue et au meilleur
coût l'énergie indispensable à la production
d'électricité
et de chaleur et à la propulsion des
véhicules, pour
satisfaire les besoins fondamentaux de l'individu
et ceux de l'activité économique ou de la vie de la
société.
Il est important de noter également que les
politiques
énergétiques sont
fortement influencées par des
facteurs exogènes
et partagés :
déterminées hier par le prix du pétrole, elles le seront
demain également par la nécessité de préserver
l'environnement des agressions liées aux émissions de gaz de
combustion et aux déchets de toute nature.
Ainsi, si dans les années 1970, la quasi-totalité des
États ont été conduits à diversifier leurs sources
d'approvisionnement en énergie et à valoriser leurs propres
ressources et leurs innovations nationales pour faire face à la
très forte hausse du prix du pétrole imposée par les pays
de l'OPEP, la
relative abondance actuelle en hydrocarbures conduit la
plupart d'entre eux à négliger la recherche de
l'indépendance nationale au profit de l'ouverture des
marchés
, qui peut, selon eux, assurer la sécurité des
approvisionnements énergétiques au meilleur prix. Dans ce
contexte, le gaz naturel semble avoir pris une avance durable sur les autres
sources d'énergie.
Parallèlement, si la cherté du pétrole avait conduit la
plupart des États à tenter de maîtriser le niveau de leur
consommation et à promouvoir des énergies de substitution, le
contre-choc pétrolier a coupé court aux efforts de
maîtrise de l'énergie et rendu plus contestables les
investissements en faveur des énergies renouvelables
.
Toutefois, les énergies renouvelables et l'utilisation rationnelle de
l'énergie font l'objet d'un
nouvel engouement
à la faveur
de la prise de conscience internationale des effets nocifs du dioxyde de
carbone ou du dioxyde de soufre qui émanent de la combustion des
énergies fossiles (charbon, pétrole). La plupart des Etats
développés
se remettent
ainsi
de nouveau à
promouvoir des modes de production d'électricité et de chaleur
ainsi que des modes de transport moins polluants et plus économes en
énergie
, conformément aux engagements qu'ils ont pris lors de
la conférence de Kyoto de 1997.
De même, si la recherche de l'indépendance
énergétique a constitué le motif essentiel du recours
à
l'énergie nucléaire
dans les années 1970,
le double souci d'économiser les ressources énergétiques
fossiles - dont l'épuisement apparaît inéluctable,
même s'il sera progressif, dans un contexte de concurrence de plus en
plus sévère pour l'accès aux ressources engendrée
par l'émergence des pays du Sud - et de lutter contre l'effet de
serre induit par le rejet dans l'atmosphère de différents gaz de
combustion, est à l'origine, à quelques exceptions près,
de l'intérêt renouvelé des Etats pour l'atome.
Ainsi, après avoir mis en cause leur parc de centrales
nucléaires, de nombreux pays s'interrogent aujourd'hui sur
l'opportunité d'abandonner une technologie qui a fait ses preuves et
qui, si elle n'est pas dépourvue d'inconvénients, reste la seule
susceptible de remplacer les énergies fossiles à terme.
Quatre grandes tendances semblent au total se dégager :
- la libéralisation des marchés de
l'électricité ;
- la croissance de la part du gaz dans le bilan énergétique
des pays dans un contexte d'ouverture à la concurrence ;
- l'intérêt renouvelé pour l'énergie
nucléaire ;
- le nouvel élan en faveur du développement des
énergies renouvelables et de la maîtrise de la consommation
d'énergie.
Votre commission d'enquête tentera de démontrer, à travers
ces tendances et leurs déclinaisons pays par pays, qu'en dépit
d'un relatif effacement de l'Etat au profit des mécanismes de
marché, le rôle des pouvoirs publics reste déterminant pour
réguler des marchés ouverts à la concurrence, pour pallier
la myopie des marchés et pour garantir l'avenir de la planète.
Elle s'efforcera également de montrer que si les Etats se sont, par
leurs politiques énergétiques volontaristes, partiellement
affranchis du joug du pétrole, c'est pour se soumettre à une
obligation plus " noble " mais tout aussi contraignante, celle de la
préservation de la planète.
En bref, intégrant le nouveau concept de développement
durable, la politique énergétique reste au coeur des politiques
nationales.
I. UNE OUVERTURE GÉNÉRALISÉE DES MARCHÉS DE L'ÉLECTRICITÉ À LA CONCURRENCE
Alors
que le choc pétrolier de 1973 a conduit la quasi-totalité des
pays développés à diversifier leurs sources
d'énergie pour atténuer leur dépendance à
l'égard des pays producteurs de pétrole, le nouvel
équilibre mondial, l'abondance actuelle en hydrocarbures et le
degré d'indépendance atteint par de nombreux Etats ont
détourné les autorités politiques de cet objectif au
profit de la libéralisation des marchés de l'énergie.
L'ouverture des marchés à la concurrence est censée
garantir aux consommateurs, qu'ils soient industriels ou particuliers, la
fourniture d'électricité ou de gaz au meilleur prix.
C'est ainsi qu'à la suite des Etats-Unis, le Royaume-Uni, la
Suède et la Norvège ont ouvert leurs marchés de
l'électricité à la concurrence, défrichant la voie
de la libéralisation du marché européen.
Le Japon est en train de réfléchir à la
dérégulation du secteur de l'électricité, en raison
du coût élevé du kilowatt/heure (deux fois le prix
français). L'objectif des compagnies est, dans cette perspective, de
parvenir à une réduction des coûts par la modernisation et
la rationalisation de la gestion et des installations de production et par le
développement de l'énergie nucléaire.
Néanmoins, il va de soi que les modalités, le rythme et le
degré d'ouverture des marchés diffèrent selon la structure
de la production et de la distribution de l'électricité. Il est
difficile de comparer un pays comme la France, dont une seule entreprise
nationale produit, transporte et distribue la quasi-totalité de
l'électricité, à la Suède où six compagnies
électriques privées et une compagnie publique se partagent le
marché, ou à l'Allemagne où l'électricité,
produite par huit principaux opérateurs, est facturée aux
consommateurs finaux par les distributeurs ou "
Stadtwerke
"
locaux.
Il est
a fortiori
encore plus difficile d'attendre une ouverture
immédiate des marchés de l'électricité des pays de
l'ex-bloc soviétique alors que les prix de l'énergie y sont
encore fixés de manière centralisée.
En outre, si certains pays, dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou
l'Allemagne, estiment que les forces du marché sont suffisantes pour
garantir la sécurité des approvisionnements, d'autres jugent que
les obligations de service public jouent un rôle essentiel. La
Norvège vient, de son côté, de réaffirmer la
nécessité d'une politique énergétique forte.
En tout état de cause, la présence d'un régulateur sur ces
marchés ouverts à la concurrence reste indispensable pour
protéger les consommateurs. C'est ce qu'ont conclu les
ministres de
l'énergie du G8
réunis à Moscou les 2 et 3 avril
derniers par un communiqué commun dans lequel, tout en faisant valoir
que des marchés de l'énergie "
ouverts et concurrentiels
sont la meilleure façon de fournir au consommateur une énergie
sûre et accessible
", ils
réaffirment que les Etats
continueront à jouer un rôle essentiel dans la définition
des règles du jeu
.
Trois séries d'exemples permettront de dresser un panorama des
différentes étapes de la libéralisation dans les
différents pays du monde, tout en rappelant la diversité des
situations énergétiques de chacun de ces pays.
A. LES PIONNIERS
1. La libéralisation du marché de l'énergie a débuté il y a vingt ans aux Etats-Unis
La
véritable révolution que connaît le secteur
électrique américain depuis quatre ou cinq ans est
l'aboutissement d'un processus de libéralisation engagé voici
vingt ans.
La loi dénommée "
Public Utility Regulatory Policies
Act
" (PURPA) a constitué la première brèche dans
le monopole de production que possédaient jusqu'alors les compagnies
d'électricité américaines
13(
*
)
. Elle a en effet contraint les compagnies
d'électricité traditionnelles à acheter le courant produit
par une nouvelle catégorie d'opérateurs dénommés
"
Qualifying Facilities
" (QF) et utilisant la
cogénération et les énergies renouvelables. Toutefois, le
rôle des
Qualifying facilities
est resté limité
à des projets de petite puissance ou à la production
combinée d'électricité et de chaleur, compte tenu des
conditions de production qu'elles doivent respecter
14(
*
)
.
C'est l'
" Energy Policy Act "
de 1992 (EPACT) qui a
véritablement ouvert le marché de la production à la
compétition en définissant une nouvelle catégorie de
producteurs indépendants, les "
Exempt Wholesale
Generators
", non intégrés en aval et donc sans
débouchés assurés, mais échappant en contrepartie
à la réglementation frappant les QFs et les compagnies
traditionnelles. Cette loi autorise ces producteurs indépendants
à vendre leur production ou même de l'électricité
acquise ailleurs, à des acheteurs sur un ou plusieurs Etats, sachant que
ces derniers sont des compagnies sous monopole. Elle élargit donc les
conditions d'accès pour les ventes d'électricité en gros
à l'ensemble du réseau. Tout producteur peut ainsi demander
à la FERC (
Federal Energy Regulatory Commission
) d'ordonner
à une " utility " de faire transiter sur son réseau de
l'électricité produite par un concurrent et vendue à une
tierce partie.
Le pouvoir de réglementation et de régulation du secteur
électrique américain est partagé entre le niveau
fédéral - avec la législation du Congrès et
l'organisme indépendant de contrôle : la "
Federal
Energy Regulatory Commission
" - et les 50 Etats - avec leurs
Congrès respectifs et leurs autorités de régulation
locales : les "
Public Utilities Commissions
".
La décision concernant le degré de libéralisation du
marché de détail de l'électricité est du ressort de
chaque Etat. Mais, désireux d'encourager les Etats qui, comme la
Californie, commencent à mettre fin aux monopoles
régionaux
15(
*
)
, le Département
américain de l'énergie (DOE) a présenté en mars
dernier un plan détaillé visant à ouvrir à la
concurrence le marché américain de l'électricité
pour les particuliers à compter du 1
er
janvier 2003. Il
espère une économie de 20 milliards de dollars par an, soit
232 dollars pour un foyer de quatre personnes.
Pour imposer concurrence et transparence, une autorité de
régulation indépendante, réunissant tous les participants
sur le marché serait créée et placée sous
l'égide de la FERC, dont les pouvoirs seraient parallèlement
renforcés.
Enfin, dans l'objectif de promouvoir le recours aux énergies
renouvelables, des quotas seraient progressivement imposés avec un taux
fixé à 5,5 % en 2010 et un fonds serait doté de 3
milliards de dollars pour assurer le maintien d'un service public
minimum.
2. Les Britanniques tirent les leçons d'une libéralisation vieille de presque dix ans
Pour
comprendre la politique énergétique britannique, il ne faut pas
perdre de vue que la Grande-Bretagne a toujours joui d'une assez grande
profusion de ressources énergétiques, depuis le charbon aux
XVIIIème et XIXème siècles, jusqu'aux réserves de
pétrole et de gaz de la mer du Nord aujourd'hui. Ceci explique
l'attitude relativement " détendue " des Britanniques à
l'égard de la consommation énergétique et leur très
grande confiance dans les mécanismes de marché pour garantir
l'indépendance énergétique nationale.
Le système anglais part d'une situation initiale mauvaise en termes
de productivité du travail, de coût du charbon domestique et de
performance des centrales nucléaires
. Cette situation est
liée au poids historique de British Coal et à l'inertie des
entreprises publiques face à des organisations du travail parfois
archaïques. Comme en France, les secteurs des charbonnages, du gaz et de
l'électricité ont été nationalisés
après la seconde guerre mondiale. La privatisation du secteur
énergétique a commencé en 1986 avec le gaz et en 1989 avec
l'électricité. Le secteur nucléaire a été
privatisé en 1996.
La réforme du système électrique anglais et gallois,
initiée par l'
Electricity
Act
de 1989, a introduit des
changements majeurs, et pour partie irrévocables, dans le mode de
fonctionnement d'un système initialement proche, au moins dans ses
principes, du système français.
Cette réforme radicale s'est traduite par une séparation des
fonctions de production et de transport, autrefois conjointement
assumées par le CEGB (Central Electric Generation Board). Quatre
compagnies de production ont ainsi vu le jour dont deux ont été
immédiatement privatisées (National Power et PowerGen), les deux
compagnies de génération nucléaire étant
restées provisoirement nationales (Nuclear Electric et Scottish
Electric). Ces dernières ont néanmoins été
privatisées en 1996 et réunies au sein d'une holding (British
Energy).
La distribution a été organisée en 12 compagnies
régionales d'électricité privées connues sous le
nom de RECs. Depuis, toutes ces sociétés, sauf une, ont
été rachetées par des compagnies nord-américaines.
Elles détiennent un monopole géographique de distribution pour
les " petits " consommateurs (le seuil de ce monopole étant
passé de 1 mégawatt (MW) à 100 kilowatts en avril
1994). Au delà de 100 kw, les gros consommateurs ont la
possibilité de choisir leur fournisseur et, en particulier,
d'écarter le distributeur de la zone sur laquelle ils sont
situés. S'ils choisissent de contracter avec le fournisseur de leur
choix, ils paient au distributeur un droit d'usage du réseau de
distribution.
Enfin, une compagnie de transport a été créée
(National Grid Company), dont toutes les parties prenantes étaient
actionnaires obligatoires en proportion de leur importance comme client,
jusqu'à son introduction en bourse fin 1995. National Grid est
aujourd'hui régulé par une licence exigeante en termes de service
public.
Aucun contrôle des prix sur la production d'électricité n'a
été instauré, celle-ci étant supposée
compétitive du fait de la création d'un " pool ". Toute
l'électricité livrée aux distributeurs ou aux autres
client finaux est achetée au pool à un prix unique.
LE " POOL " ÉLECTRIQUE BRITANNIQUE : UNE EXPÉRIENCE ORIGINALE
La
concurrence à la production sur le marché électrique est
assurée par l'intermédiaire d'un marché de gros (pool). Le
pool, dont la gestion est assurée par le transporteur NGC, est un
marché spot qui fonctionne à partir d'un système d'offres
quotidien où chaque producteur est invité à indiquer la
veille ce qu'il offre le lendemain, et à quel prix par tranche de
demi-heure. Le pool arrête ainsi un programme de production quotidien,
à la manière d'un dispatching, mais en classant les centrales,
non par ordre de coût marginal croissant, mais par ordre de prix d'offre
croissant. L'empilement par prix croissant des différentes offres,
jusqu'à satisfaction de la demande, permet de déterminer,
demi-heure par demi-heure, le prix marginal du système qui constitue la
base de la rémunération des producteurs effectivement
appelés. En théorie tout du moins, la concurrence doit faire
coïncider à tout moment prix marginal du système et
coût marginal. Dans la pratique, on a constaté des écarts
parfois importants.
Le pool vend ensuite l'électricité achetée aux
distributeurs (RECs) et aux très gros clients industriels. Il n'y a pas,
dans le système anglais, de face-à-face physique entre
producteurs et consommateurs. Les distributeurs et les gros clients industriels
paient au pool l'énergie consommée sur la base d'un prix
dérivé du prix marginal du système, et ils s'acquittent
auprès du transporteur NGC d'un droit d'usage du réseau de
transport, droit qui varie en fonction de la localisation et de la contribution
à la pointe du système.
Tous les acteurs sont
a priori
exposés aux variations des prix du
pool. De manière à diminuer les risques associés à
leur volatilité, le législateur a autorisé les
différents protagonistes à se couvrir contractuellement contre
les mouvements de prix. Ainsi, les producteurs proposent-ils des contrats qui
limitent, selon des modalités diverses, l'impact des mouvements de prix.
Cette limitation peut aller jusqu'à la fourniture d'énergie
à un prix totalement garanti indépendant des prix du pool. De
fait, les contrats du marché libre fonctionnent comme contrats de
compensation, le fournisseur reversant la différence au cas où le
prix payé par le client est plus élevé que celui de leur
contrat et vice versa dans le cas contraire. En pratique, l'essentiel des
échanges est couvert et les prix du pool sont sans influence directe sur
les comptes des différents acteurs. Il ne faudrait pas en conclure que
leur impact est nul : les prix du pool ont une vertu allocative au niveau
de l'offre d'électricité, les prix anticipés sur le pool
servant également de base aux prix des contrats.
Le prix aux petits consommateurs est régulé par l'Office of
Electricity Regulation (OFFER) qui rééxamine
régulièrement les éléments de la formule des prix
concernant le transport et la distribution (la dernière fois, en 1994,
pour une période quinquennale).
Cette formule prévoit que l'augmentation des prix de l'activité
concernée ne doit pas dépasser l'augmentation des prix de
détail moins un facteur de productivité X. Par ailleurs, l'OFFER
veille à maintenir une réelle concurrence dans les
activités à vocation concurrentielle, comme la production et le
" supply ", point sans doute le plus litigieux aujourd'hui, eu
égard à une oligarchie de fait.
Ainsi, dans la mesure où il estimait que les prix du pool étaient
manipulés par les deux grands producteurs, National Power et PowerGen,
le régulateur - M. Stephen Littlechild - leur a demandé
de respecter un prix " plafond " sur la moyenne annuelle des prix du
pool et de limiter leur part de marché en cédant à
d'autres acteurs les 6.000 MW de centrales anciennes dont ils étudiaient
le déclassement. M. Littlechild a par ailleurs entrepris une
révision sévère des prix du transport en fixant un
objectif de diminution de 20 % en avril 1997, puis de 4 % en termes
réels pour la période 1998-2001.
LE MODÈLE ANGLAIS DE LA RÉGULATION
Lorsque
le Gouvernement britannique a été confronté à la
nécessité de mettre en place une régulation publique au
moment de la privatisation de
British Telecom
, pour sauvegarder les
intérêts des consommateurs, l'idée du régulateur
unique l'emporta sur le concept de la commission régulatrice tel qu'il
existe aux Etats-Unis. Le formalisme juridique et la politisation des
commissions américaines ainsi que l'utilisation du taux de profit comme
instrument de contrôle des entreprises régulées,
constituaient l'exemple à ne pas suivre.
C'est ainsi que ce que l'on appelle le " modèle anglais " de
régulation est fondé sur des " régulateurs
indépendants " (indépendants non seulement des entreprises
régulées mais aussi, dans une large mesure, des autorités
politiques et administratives traditionnelles) et sur le plafonnement des prix
plutôt que des taux de profit (de façon à encourager les
gains de productivité).
Néanmoins, si la régulation des prix que pratiquent entre eux les
opérateurs a bien fonctionné dans le secteur des
télécommunications, Steven Littlechild, régulateur de
l'énergie, a été moins heureux avec les compagnies
régionales de distribution (RECs). En effet, sur les territoires qu'elle
couvre, chaque REC est dans l'obligation de se conformer à un prix
plafond fixé par le régulateur. Cette méthode a le grand
avantage, si le régulateur s'y tient fermement, de garantir à
l'entreprise régulée qu'elle conservera tout le
bénéfice des gains de productivité qu'elle pourra
réaliser pendant cinq ans (les plafonds de prix sont en principe
fixés pour cinq ans) et l'incite donc à les réaliser. Avec
ce système de régulation par plafonds de prix (" price
cap "), les Britanniques ont voulu éviter les inconvénients
du système américain de régulation par plafonds du taux de
rendement du capital (" rate cap "), qui incite l'entreprise à
gonfler son capital et à limiter son efficacité au niveau
où elle est autorisée à en tirer profit. Le système
américain conduit aussi à des compromis toujours discutables sur
le taux de rémunération du capital et sur la mesure de celui-ci.
Mais, en plafonnant le prix, on limite indirectement le profit des entreprises
visées. La loi sur l'électricité fait d'ailleurs
obligation au régulateur de remplir sa mission en tenant compte de
l'intérêt à la fois des consommateurs et des actionnaires
des entreprises régulées. Comme il ne parvient qu'imparfaitement
à connaître la situation des entreprises et leur capacité
à dégager du profit, et qu'il est tenu de ne pas les mettre en
difficulté, il a une certaine tendance à fixer les plafonds de
prix à partir d'une appréciation plutôt pessimiste de leur
situation.
Or, en fixant les plafonds de prix des RECs, Steve Littlechild touchait au
coeur de leurs activités et de leurs profits. Sa décision est un
arbitrage entre les intérêts des consommateurs
d'électricité et les intérêts des actionnaires des
RECs, dans un contexte où il craignait plus de léser les seconds
que les premiers. L'arbitrage a tellement peu lésé les
actionnaires que la Bourse l'a salué par une hausse de 10 % dans
les 24 heures et de 100 % dans les six mois. Les plafonds fixés en
juillet 1994 devenaient dans ces conditions politiquement intenables et le
régulateur a été obligé de les réviser
dès avril 1995, alors que leur intangibilité sur une longue
période devait être le trait distinctif de la régulation
britannique par les prix.
Il apparaît de plus en plus clairement qu'un régulateur
britannique est, comme son homologue américain, l'arbitre de transferts
financiers importants entre des intérêts privés
opposés, ceux de consommateurs et ceux d'actionnaires ; que les
pouvoirs d'investigation dont il dispose, bien qu'ils comportent l'accès
à certaines informations confidentielles, sont structurellement
insuffisants parce que limités par les droits fondamentaux qu'ont des
entreprises privées de protéger le secret de leurs
affaires ; que toute décision importante qu'il prend entraîne
des mouvements de bourse et des mouvements d'opinion auxquels il ne peut pas
être insensible. Les difficultés qu'a connues Stephen Littlechild
ne sont pas accidentelles. Elles révèlent un dilemme fondamental
du modèle de régulation mis en oeuvre au Royaume-Uni :
l'indépendance du régulateur est indispensable pour lui permettre
de réguler les conditions de la concurrence, mais en même temps,
elle le prive de la légitimité politique nécessaire pour
fixer des prix qui affectent directement des millions de consommateurs et
d'actionnaires
. Ce dilemme est d'autant plus difficile à surmonter
que les entreprises privées régulées ont tendance à
voir dans le régulateur un adversaire auquel il faut éviter de
transmettre des informations sensibles.
Pour faire accepter leur rôle d'ordonnateur de transferts financiers, les
régulateurs britanniques ont été amenés à
intervenir de plus en plus lourdement dans la gestion des entreprises
régulées. Ainsi, la régulation à l'anglaise qui
devait être une régulation " à la main
légère " s'est-elle progressivement alourdie.
Les développements qui précèdent sont extraits d'un
ouvrage de Elie Cohen et de Claude Henry, intitulé " Service
public, secteur public " et publié à la Documentation
française en décembre 1997.
Le bilan de dix ans de déréglementation est plutôt
favorable
. Sur le plan quantitatif tout d'abord, on note une
amélioration sensible de l'aspect concurrentiel
du secteur de
l'électricité : ainsi, la proportion de clients faisant
appel à un fournisseur autre que leur distributeur local
s'élève actuellement à 56 % des clients de plus d'1
MW et 38 % de ceux ayant une puissance comprise entre 100 KW et 1 MW. Par
ailleurs, les parts de marché de National Power et PowerGen sont
passées en 1996 de 78 % à 50 %, à l'issue de la
cession de 6 GW réclamée par l'OFFER.
En outre, la privatisation et la fragmentation du secteur
énergétique ont permis au régulateur et au ministre de
l'énergie de " casser " la relation historique avec British
Coal en imposant une convergence progressive des prix du charbon anglais avec
les prix du charbon importé. Ces deux mesures ont également
entraîné des licenciements significatifs et une baisse des
effectifs considérable, surtout chez les deux gros producteurs :
National Power et PowerGen (-50 %).
Les prix
fixés en 1990, au moment de la privatisation ont fait
l'objet d'un ré-examen qui a duré un an. Ils ont ensuite
été modifiés en septembre 1994, pour la période
1995-2000. On constate que les prix réels moyens
ont
baissé
en valeur constante de l'ordre de 18 %, mais de
façon inégale selon la typologie des consommateurs
16(
*
)
.
Néanmoins, une part de ces
gains de productivité
a d'abord
profité aux actionnaires
17(
*
)
des
compagnies d'électricité. Aussi, le Gouvernement travailliste
a-t-il, dès son arrivée au pouvoir, institué une taxe
baptisée Windfall tax, sur les compagnies de service public
privatisées, dans le but de financer les mesures en faveur de l'emploi
des jeunes. Cet impôt vient, selon le Gouvernement, corriger les
bénéfices jugés indus des compagnies
d'électricité. S'agissant des RECs, le Gouvernement,
conformément à un avis de M. Littlechild, envisagerait de
fixer un plafond aux dividendes à verser à leurs actionnaires. Il
semblerait, en effet, qu'elles n'aient pas atteint les objectifs imposés
en termes d'investissements. Les comités de consommateurs en tirent la
conclusion que ce " déficit " de 10 % est allé
directement alimenter les dividendes des actionnaires au détriment de
l'amélioration du service que les consommateurs étaient en droit
d'attendre.
Pour le choix des moyens de production, on constate que le régulateur a
laissé les industriels privilégier le court terme pour ouvrir un
peu le duopole de National Power et de PowerGen avec la construction de cycles
combinés au gaz : c'est le "
dash for gas
" (5 GW
en cinq ans, 10 GW à l'horizon 2000). Le système anglais se
trouve ainsi suréquipé jusqu'à l'horizon 2005.
Il n'y a
donc plus d'enjeu majeur pour le moment en terme d'investissements de
production.
Le marché de gros de l'électricité fait, en outre, l'objet
de critiques récurrentes pour ses mécanismes complexes,
déterminés par ses propres membres et suspectés de
conduire à des prix plus haut que nécessaire et de ne pas assurer
une sécurité suffisante d'approvisionnement en période de
pointe. Le Gouvernement a entrepris de le réformer faute pour le
régulateur d'agir sur le marché de la production
d'électricité.
Quant au secteur électrique dans son ensemble, on peut se demander s'il
n'est pas trop fragmenté pour affronter la concurrence internationale
qui se prépare. D'où la " tentation de la
réintégration " actuelle : des distributeurs vers la
production, des producteurs vers le client.
Pour l'avenir, le débat porte sur
l'ouverture du marché des
clients domestiques
(i.e. de moins de 100 kw). Prévue de longue date
pour le 1
er
avril 1998, Stephen Littlechild a annoncé
son
report d'au moins six mois
compte tenu des difficultés dans la mise
en place d'un système de comptage
18(
*
)
et
de télécommunication et des interrogations qui se sont fait jour
sur l'intérêt d'une telle ouverture. La concurrence ne devrait
pas, en effet, se trouver renforcée s'agissant d'une catégorie de
clientèle à très faible marge. Les prix pourraient
même augmenter à cause d'une plus grande incertitude. Certains
clients, parmi les plus fragiles, pourraient voir leur situation se
dégrader si aucune mesure n'était prise en leur faveur.
Enfin,
les considérations de politique énergétique,
jusqu'alors tenues au second plan, on fait un retour remarqué dans les
débats britanniques
à la faveur de la fin, prévue en
1998, des contrats d'enlèvement de charbon signés entre les
producteurs d'électricité et RJB mining, la principale entreprise
houillère anglaise. Alors que les contrats négociés avec
Eastern Group et National Power prévoyaient de réduire de
moitié les livraisons de RJB pour 1998, et que les principaux
producteurs annonçaient des fermetures de plusieurs centrales au
charbon, ce qui laissait peu d'espoir de débouchés futurs au
charbon national, Tony Blair a décrété, en décembre
1997,
le gel des autorisations de nouvelles centrales au gaz, afin de
préserver les centrales à charbon
.
Pour le Gouvernement, le " dash for gas "
, qui a fait passer
la consommation du gaz naturel pour la production d'électricité
en Angleterre de 0,5 % en 1990 à près de 21 %
aujourd'hui
19(
*
)
,
devait être
freiné au nom du risque que fait peser sur l'approvisionnement le
recours à une seule source d'énergie primaire
. Par ailleurs,
les trois principaux producteurs anglais ont été amenés
par le Gouvernement à acheter 1,8 million de tonnes de charbon
supplémentaires d'ici juin prochain. Enfin, certains commentateurs
affirment que le Gouvernement serait actuellement assez favorable à
l'idée d'introduire une taxe sur l'électricité
destinée à financer le surcoût engendré par les
technologies propres des centrales au charbon. En tout état de cause, le
Gouvernement serait prêt à accepter une réduction des
objectifs d'émissions polluantes fixés par l'Agence de
l'Environnement pour préserver certaines centrales et retarder la
fermeture de mines de charbon menacées.
Il est cependant trop tôt pour dire de manière définitive
si l'Angleterre renoue avec une véritable politique
énergétique et souhaite un contrôle du mouvement
d'investissements massifs en faveur du gaz.
3. La Suède a anticipé la directive européenne sur l'ouverture du marché de l'électricité
Devant
la diversité de leurs ressources énergétiques, la
variété de leurs systèmes de production et la
multiplicité des acteurs, les pays nordiques ont très tôt
envisagé, pour optimiser leur complémentarité, une
exploitation unifiée de leurs moyens de production électrique.
Cette coopération a abouti à la création d'un
marché scandinave de l'électricité, le
Nordic power
exchange
.
Dans la perspective de son adhésion à l'Union européenne,
la Suède a engagé dès 1991 une réflexion sur la
restructuration de son secteur électrique.
Celle-ci s'est traduite dans un premier temps, le 1
er
janvier 1992,
par la transformation du plus gros producteur suédois, Vattenfall, en
société par actions, dont l'Etat a cependant conservé le
contrôle. Bien que ce secteur n'ait jamais été totalement
centralisé ou nationalisé, Vattenfall était, depuis la fin
des années 1940, en tant qu'établissement public, l'unique
responsable du réseau national de transport et des connexions
internationales et était propriétaire, avec une dizaine des plus
importantes entreprises de production, des réseaux régionaux
d'alimentation. Pour répondre aux critiques que suscitait cette
structure d'un point de vue concurrentiel, l'activité de grand transport
de Vattenfall fut confiée à une société neutre
spécialement créée, Svenska Kraftnät,
également détenue par l'Etat.
Mais c'est une nouvelle loi adoptée par le Parlement suédois
le 25 octobre 1995
et entrée en vigueur le 1
er
janvier 1996, qui marque officiellement la
libéralisation du
marché électrique
, très largement inspirée de
l'expérience norvégienne.
Le principe de base de cette réforme est la
séparation entre
la production et la vente d'électricité d'un côté,
et le transport/distribution de l'autre
. Les premières doivent
fonctionner selon les lois normales de tout marché concurrentiel, tandis
que les activités de réseau, du fait de leur caractère de
monopole naturel, continuent d'être encadrées par le biais de
concessions de lignes et de zone géographique délivrées
pour une période maximale de cinq ans par une autorité de
régulation et de contrôle.
Les détenteurs des concessions ont une obligation de connexion et de
desserte à des conditions raisonnables et non discriminatoires. Aussi
les comptabilités des différentes activités des
opérateurs doivent-elles être séparées afin que l'on
puisse s'assurer du respect de cette exigence.
En outre, la loi a confié à Svenska Kraftnät, dont
relèvent maintenant le réseau des lignes à haute tension
(400 kV et 220 kV) et la plupart des interconnexions avec l'étranger, la
responsabilité du système électrique national,
c'est-à-dire de gérer l'équilibre entre l'offre et la
demande, en imposant des contraintes d'approvisionnement aux
sociétés de distribution. Cet organisme doit par ailleurs
être informé de tout contrat d'importation ou d'exportation d'une
durée supérieure à six mois. Quant à la
construction de nouvelles lignes connectées aux réseaux
étrangers, elles font l'objet d'une autorisation spéciale du
Gouvernement.
La régulation du système est aujourd'hui du ressort de NUTEK,
dont l'autorité dépasse le secteur électrique et couvre
tous les domaines relatifs à la mise en place d'un contexte favorable au
développement industriel suédois.
En dehors de ces contraintes, le
marché électrique
suédois est totalement ouvert à la concurrence : dès
le 1
er
janvier 1996
, tout client final a eu la
possibilité légale de choisir son fournisseur
d'électricité, tout producteur a obtenu réciproquement
liberté de choix de ses clients. En même temps, toutes les formes
d'intermédiaires entre producteur et consommateur ont été
autorisées. L'accès au réseau de tous les acteurs a donc
été total dès le début. Du moins en théorie,
car, en pratique, la possibilité de changer de fournisseur s'est vite
avérée limitée notamment pour les clients domestiques,
compte tenu de la nécessité de s'équiper de nouveaux
compteurs capables de suivre la consommation heure par heure.
Ainsi, l'administration nationale de la concurrence a constaté dans un
rapport daté de novembre 1996, que le coût de l'installation de
comptage horaire était trop élevé
(8 000 couronnes suédoises en moyenne) par rapport au gain
financier que pouvaient tirer les petits usagers d'un changement de
fournisseur. De fait, neuf mois après l'entrée en vigueur de la
loi, aucun abonné particulier n'avait sauté le pas et, dans la
pratique, seuls les grands clients industriels avaient pu, jusqu'alors tirer
profit de l'ouverture du marché.
Pour pallier ce dysfonctionnement, le Gouvernement a donc décidé
de limiter le prix des équipements de mesure à un plafond de
2 500 couronnes (soit 1 965 francs). Par ailleurs, après
une période de relative passivité, il semble que quelques
compagnies électriques (dont Vattenfall, Stockholm Energi, Graninge et
Telge Energi) aient décidé de se faire plus ouvertement
concurrence en abaissant de quelques centimes le prix du kilowattheure, et en
offrant même, pour certains d'entre eux, le compteur aux prospects
démarchés.
Les autorités de contrôle se sont élevées contre le
renforcement de la concentration du secteur, lequel semble aller à
l'encontre de la logique habituelle de fragmentation des politiques de
dérégulation. La production reste, en effet, dominée par
les deux grands que sont Vattenfall (50 % du marché) et Skydraft (23 %
du marché). La déréglementation a été
marquée en outre par l'arrivée de compagnies
étrangères dans le capital des sociétés de
production (EDF, Pressen Elektra, IVO et Statkraft notamment).
Réciproquement, les
électriciens suédois investissent
à l'étranger
, essentiellement dans les pays proches. En
réponse à ces griefs, le ministre de l'industrie considère
qu'il convient de considérer le poids des acteurs à
l'échelle du marché nordique et non pas à l'échelle
nationale. Il faut donc s'attendre à ce que les pouvoirs publics
continuent dans l'avenir à encourager la
restructuration du
marché
.
Celle-ci devrait s'opérer plus spécialement par des rachats
d'entreprises dans le domaine de la distribution (250 compagnies qui
appartiennent souvent à des municipalités), à laquelle
s'intéressent aussi bien les producteurs électriques que les
opérateurs multi-énergies, comme Statoil, Norsk Hydro et la Shell.
Enfin, courant 1996, la loi de déréglementation a permis
l'institution d'une " bourse de l'électricité ",
baptisée
NordPool
, commune à la Suède et à
la Norvège. A l'automne 1997, environ 180 acteurs (norvégiens,
suédois, mais aussi danois et finlandais) intervenaient sur le
marché. Il semble cependant que cette bourse n'ait pas pleinement
répondu aux attentes des participants suédois qui en
espéraient, par des importations bon marché d'énergie
hydraulique norvégienne, une forte diminution du prix de
l'électricité. Malheureusement, la rigueur de l'hiver et le
faible niveau de remplissage des réservoirs norvégiens ont
entraîné un renchérissement des volumes
échangés.
Au total, le système électrique suédois apparaît
à la fois précurseur en matière de
dérégulation, caractérisé par des coûts de
production parmi les plus bas du monde et bien préparé aux enjeux
que représente le marché unique de l'électricité
ainsi qu'à l'ouverture espérée des pays d'Europe centrale
et orientale.
4. L'Allemagne vient d'ouvrir totalement son marché de l'électricité à la concurrence
L'organisation électrique de l'Allemagne est le reflet
de
l'organisation administrative de la République fédérale
d'Allemagne qui, en vertu de la Loi fondamentale de 1949, confie aux
Länder
l'essentiel de la gestion économique du pays et ne
laisse à l'Etat fédéral (le
Bund
) qu'un certain
nombre de prérogatives limitées.
La production d'électricité est, principalement, assurée
par neuf sociétés " suprarégionales " qui
contrôlent plus de 80 % de la production, parmi lesquelles RWE,
Preussen Elektra ou Bayernwerk ; les 20 % restant sont produits à
parité par 80 entreprises régionales et 900
sociétés municipales (
Stadtwerke
). Le transport est
assuré par les neuf compagnies " suprarégionales ". La
distribution est le fait des " neuf " (34 %), des
sociétés régionales (39 %), des municipalités
(27 %). La propriété publique est très majoritaire
(85 % entre les entreprises publiques et les entreprises d'économie
mixte).
Or, l'Allemagne vient
d'ouvrir d'un coup son marché de
l'électricité à la concurrence
européenne par
le biais d'une loi entrée en vigueur
le 1
er
mai 1998
et qui sonne le glas, pour les producteurs d'électricité, d'un
monopole régional qui leur assurait jusqu'ici de confortables revenus.
La réforme, plus ambitieuse que ce que prescrit la directive
européenne, ouvre à la concurrence le marché de
l'électricité, aussi bien pour les gros clients industriels que
pour les particuliers,
sans aucune étape intermédiaire
. Le
Gouvernement fédéral espère ainsi encourager les
électriciens à diminuer leurs tarifs, au bénéfice
notamment des industriels, tarifs qui sont pour l'instant 30 % plus chers que
la moyenne européenne.
Néanmoins, cette réforme ne devrait pas produire d'effets
immédiats compte tenu du morcellement du système
électrique allemand.
Certes, les neuf compagnies " suprarégionales " seront
obligées de mettre leur réseau à la disposition de leurs
concurrents, leur permettant de desservir les consommateurs qui
dépendaient jusqu'ici uniquement d'eux. Mais, les électriciens
allemands disposent de plusieurs moyens pour se protéger de concurrents
comme EDF qui produit un courant meilleur marché grâce aux
centrales nucléaires. La directive européenne prévoit, en
effet, une clause de sauvegarde qui permet aux Etats membres ouvrant largement
leur marché de se protéger des exportations de pays moins
libéralisés. Les grandes firmes allemandes vont, en outre, exiger
des taxes pour faire transiter sur la longue distance le courant en provenance
de l'étranger.
Quant aux 200 communes qui approvisionnent directement leurs habitants en
électricité, une centaine d'entre elles qui sont
équipées de centrales de cogénération conserveront
leur monopole. L'autre moitié a également la possibilité
de rester, jusqu'en 2005, l'unique intermédiaire entre les nouveaux
fournisseurs d'électricité et les clients de leur territoire
(principe de l'acheteur unique).
Les effets de la libéralisation devraient donc, dans un premier
temps, être limités
. Pour les industriels, les experts tablent
sur une baisse rapide des prix de 10 à 15 %. En revanche, les
réductions pour les ménages devraient survenir plus tardivement,
après que certains problèmes techniques comme l'adaptation des
compteurs et des logiciels auront été surmontés. Dans
l'immédiat, la
réforme devrait surtout profiter aux
intermédiaires grossistes
qui ne devraient pas manquer
d'apparaître, comme aux Etats-Unis.
Enfin, la désignation et la définition géographique des
gestionnaires de réseau sont implicitement laissées à
l'initiative des compagnies.
Le Gouvernement fédéral
n'envisage pas
, en effet,
de mettre en place une autorité de
régulation nouvelle
.
Les contrats de démarcation aux termes desquels une
société obtient soit l'exclusivité de l'approvisionnement
ou de la distribution dans une zone géographique donnée
(démarcation horizontale entre fournisseurs ou entre distributeurs),
soit l'exclusivité de l'activité de distribution
(démarcation verticale entre distributeur et fournisseur) ne
bénéficieront plus d'un régime d'exception légale.
Ils tomberont sous le coup de l'interdiction générale des accords
entre entreprises et seront susceptibles d'être dénoncés
par l'Office fédéral des cartels.
Cet office sera également compétent pour traiter des litiges
nés d'un refus de transit par le propriétaire d'un réseau
ou de la contestation des conditions tarifaires du transit. L'accès au
réseau devra être accordé selon des conditions comparables
à celles dont bénéficient les compagnies pour leurs
besoins propres. En cas de refus d'accès, la charge de la preuve
incombera à l'exploitant.
B. LES DISPARITÉS EUROPÉENNES
Le texte
originel du Traité de Rome ne contenait aucune disposition relative
à l'électricité ou au gaz. La décision de parvenir
à une meilleure intégration du marché intérieur de
l'énergie date du 16 septembre 1986. Il s'agissait pour le Conseil des
Communautés Européennes "
d'améliorer la
sécurité d'approvisionnement, de réduire les coûts
et de renforcer la compétitivité économique
".
Le 19 décembre 1996, la directive concernant les règles communes
pour le marché intérieur de l'électricité a
été adoptée, directive que les Etats membres de l'Union
européenne sont tenus de transposer dans leur droit interne au plus tard
le 19 février 1999, c'est-à-dire dans moins de neuf mois. Un
délai supplémentaire a été accordé à
la Belgique (un an), à l'Irlande (un an) et à la Grèce
(deux ans).
Or, si l'introduction de la concurrence sur le marché de
l'électricité constitue bien un enjeu commun à tous les
pays de l'Union, on constate, dans la pratique, de fortes disparités
entre les différents Etats membres.
1. La directive sur le marché intérieur de l'électricité est inégalement transposée selon les pays
Disparités de calendrier
tout d'abord : dans cinq
Etats membres, le secteur électrique est déjà
libéralisé : Suède, Finlande, Royaume-Uni, Espagne,
Allemagne. Les Pays-Bas, le Portugal et l'Autriche sont déjà
fortement avancés dans la transposition et certaines législations
entreront en vigueur dans le courant de cet été.
Disparités structurelles
ensuite : certains pays ont ainsi
décidé d'aller plus vite et plus loin que le texte de directive
en matière d'ouverture du marché aval (Suède,
Norvège, Royaume-Uni, Finlande, Allemagne, Espagne et Pays-Bas) quand
d'autres, à défaut de recourir à la " solution "
danoise, respecteront le calendrier de la directive.
L'organisation de la concurrence à la production
, pourtant au
coeur de la directive, devrait, elle aussi, se présenter sous des formes
hétérogènes, certains Etats membres instituant des
marchés obligatoires (Angleterre), d'autres des pools facultatifs
(Suède, Norvège, Finlande, Espagne), d'autres encore
n'envisageant pas de recours à des bourses d'échanges formelles
(Allemagne, Portugal, Italie).
Enfin, la
teneur des missions d'intérêt
général
confiées au secteur devrait fortement varier
au sein de l'Union entre les pays qui feront le choix d'une planification et
d'une politique énergétique forte (France, Portugal, Italie,
Danemark) et ceux qui auront des objectifs plus lâches,
généralement limités aux investissements de réseau
et à la protection de l'environnement (Espagne, Angleterre,
Suède).
2. La directive peut être interprétée en fonction des situations énergétiques de chaque pays
En
réalité, la directive elle-même a laissé aux Etats
membres des marges d'interprétation très étendues que
chaque pays a utilisées pour élaborer les solutions les plus
adaptées à sa propre situation.
Situation énergétique
tout d'abord : de ce point de vue,
il est intéressant de constater que les pays riches en ressources
naturelles sont ceux qui se sont engagés le plus tôt et le plus
résolument vers des solutions concurrentielles (Grande-Bretagne).
Situation industrielle
ensuite : tous les pays de l'Union s'efforcent de
renforcer la structure industrielle de leur secteur avec, en ligne de mire, une
future concurrence européenne. C'est ainsi que les Pays-Bas
s'apprêtent à fusionner les quatre compagnies de production
nationales en un seul producteur. L'introduction de la concurrence dans les
pays scandinaves s'est faite en préservant la présence
d'opérateurs dominants comme Vattenfall et Sydkraft (les trois-quarts du
marché suédois) ainsi que la présence des
opérateurs publics. En Espagne, la réorganisation du secteur
intervient à l'issue d'un processus de renforcement industriel de
près de dix ans qui permet aux deux entreprises dominantes (Iberdrola et
Endesa, 80 % du marché) d'entrer sereinement dans la concurrence.
Situation institutionnelle
enfin : dans le choix des modalités de
régulation, c'est la continuité qui domine, l'innovation restant
assez marginale. L'Allemagne devrait ainsi continuer de disposer d'une
régulation très informelle, alors même qu'elle souhaite
ouvrir l'ensemble de son marché.
En Espagne, la volonté affichée de dérégulation ne
doit pas faire oublier que l'Etat conserve, pour les dix prochaines
années, d'importantes prérogatives qui vont bien au-delà
des simples fonctions d'arbitrage ou de contrôle et font de lui un
véritable acteur du système. L'introduction d'autorités
indépendantes sectorielles avance à pas mesurés, la
définition de leurs zones de compétences et de leurs pouvoirs
demeurant encore très variable.
C. LA LIBÉRALISATION PROGRESSIVE DES PRIX DANS LES PAYS DE L'EX-BLOC COMMUNISTE
La situation dans les pays de l'ex-bloc communiste se caractérise par la distorsion qui affecte la structure des prix de l'énergie. Dans la plupart de ces pays, les tarifs du gaz et de l'électricité destinés aux ménages sont inférieurs à ceux des gros consommateurs et parfois même inférieurs aux prix de revient. Ce sont les industriels qui subventionnent la consommation d'énergie des ménages, ce qui est source d'inefficience économique.
1. L'augmentation des prix en République tchèque
La
structure des coûts énergétiques en
République
tchèque
reflète ainsi encore très largement le poids
des décisions administratives. Les augmentations décidées
en 1995 et 1996 sont en effet restées timides et n'ont que très
légèrement rapproché les tarifs administrés des
prix de marché.
Le
coût très faible de l'énergie pour les ménages
interdit toute politique d'économies d'énergie et incite au
contraire au gaspillage
. Par ailleurs, les compagnies de distribution n'ont
d'autre choix que de faire supporter aux gros consommateurs industriels des
prix relativement élevés afin de compenser leurs pertes sur la
clientèle des particuliers. Ainsi, selon des estimations de Cityplan, le
prix du gaz domestique devrait quadrupler et celui du gaz destiné aux
chaudières tripler pour retrouver une valeur normale.
Pour corriger ces distorsions de prix, les autorités tchèques ont
décidé au début de l'année 1997
d'accélérer la libéralisation des prix de
l'énergie. Les tarifs de l'électricité et du gaz ont ainsi
connu une hausse de 15 % en juillet 1997. Depuis, des divergences d'approche
sur l'échéancier et l'ampleur des augmentations de tarif à
prévoir pour 1998 et les années suivantes se sont fait jour au
sein du Gouvernement, mais il est vraisemblable que les tarifs augmenteront de
nouveau en juillet 1998.
Pour autant, il est probable que les autorités tchèques
souhaiteront garder un droit de regard minimum sur les prix de l'énergie
en raison de la politique monopolistique des distributeurs de chaque
région.
Compte tenu de ce qui précède, nul ne s'étonne que la
consommation énergétique tchèque soit 2 à 4 fois
plus importante que dans les pays de l'OCDE, à production égale.
La production de ce pays à forte tradition industrielle, disposant,
pendant la période communiste de ressources énergétiques
abondantes en provenance de Russie, s'est faite en dépit de toute
considération écologique. La République tchèque est
aujourd'hui l'un des pays les plus pollués d'Europe.
2. La progression vers l'ouverture du marché à la concurrence en Pologne
En
Pologne
, gros consommateur d'énergie comme les autres
pays
ex-socialistes
, l'accord du ministère de l'économie est
nécessaire pour tout investissement concernant la production, le
transport ou la distribution de l'électricité. Le
ministère fixe en outre les prix entre producteurs et distributeurs
(prix de transfert) et les tarifs obligatoires destinés aux
consommateurs finaux. Les prix des destinataires dits " industriels "
dépendent de la tension dans leur réseau de raccordement, de la
puissance consommée et des conditions de livraison. Les grandes
entreprises industrielles ont la possibilité de signer des contrats
individuels avec les fournisseurs d'énergie électrique en
fonction de leurs besoins très spécifiques.
La Pologne a néanmoins poursuivi une politique d'augmentation des prix
de l'électricité remarquable depuis 1990. Certains clients, et
notamment les entreprises du secteur public, ont de plus en plus de mal
à payer. Une libération des prix est promise pour 1999, mais les
besoins de financement à moyen terme imposent de rechercher des apports
extérieurs. Le tarif moyen de l'électricité était
de 5,5 cents/kWh début 1996 alors que le prix moyen couvrant les
coûts était estimé à 7-7,5 cents/kWh. On
prévoit une concordance entre les prix réels et les prix du
marché d'ici 2002-2003.
Depuis 1990, sous l'influence de nombreux conseillers anglo-saxons,
le
système électrique polonais évolue vers une organisation
inspirée du modèle britannique
. Les sociétés
autonomes de production, transport et distribution, toutes encore
détenues à 100 % par l'Etat, fonctionnent aujourd'hui selon un
système d'acheteur unique. La nouvelle loi énergétique,
adoptée le 10 avril 1997, va permettre l'introduction prochaine de
l'accès des tiers au réseau (ATR) et la privatisation progressive
du secteur électrique. Sous le contrôle de la nouvelle agence de
régulation (URE), un système de pool devrait se mettre en place,
ainsi que des marchés régionaux de l'électricité.
L'entrée du capital étranger sera certainement aussi
facilitée pour ce qui concerne la production
indépendante.
II. UN ENGOUEMENT CROISSANT POUR LE GAZ NATUREL
Presque
partout, le recours au gaz naturel a constitué hier un moyen pour les
Etats de diversifier leurs sources d'énergie. Au moment du premier choc
pétrolier, le gaz naturel et le nucléaire sont, en effet, apparus
comme pouvant se substituer au pétrole dans des secteurs tels que le
chauffage et la production d'électricité. Dans un contexte de
menaces multiples - ruptures éventuelles d'approvisionnement
pétroliers, hausse des prix du pétrole, raréfaction des
ressources pétrolières de la planète - le souci des
pouvoirs publics a alors été de renforcer les entités qui
s'occupaient de la production, de l'importation, du transport et de la
distribution, en leur assurant des conditions d'investissements favorables et
en renforçant leurs positions de négociation face aux
fournisseurs extérieurs. Il n'était donc pas question de casser
les monopoles nationaux ou régionaux, bien au contraire. Les contrats
fermes et à très long terme d'achat de gaz sont devenus la
règle et les sociétés nationales ont
bénéficié du soutien financier des Etats dans leur
développement.
Dans le contexte énergétique actuel marqué par l'ouverture
des marchés à la concurrence et la sensibilité croissante
aux enjeux environnementaux, le gaz naturel présente trois atouts
considérables : il est abondant, bon marché et relativement
peu polluant. Ces qualités lui permettent de concilier les objectifs
contradictoires de toute politique énergétique et il fait
à ce titre l'objet d'un engouement croissant.
La demande des pays en gaz naturel a ainsi augmenté de façon
constante depuis dix ans. Se sont accrus sa production (+ 11 % de
1990 à 1996), sa part dans le bilan énergétique des pays
(24 % en 1996), le réseau de gazoducs pour son acheminement et son
usage à des fins de production d'électricité.
C'est dans l'ex-URSS que la part du gaz dans le bilan énergétique
est la plus importante avec 51 %. Elle est de 27 % en Amérique
du Nord. Le gaz couvre seulement 22 % de la consommation d'énergie
primaire de l'Europe des quinze. On retrouve cette part moyenne en Allemagne,
alors qu'en Grande-Bretagne la part du gaz atteint 33 % et qu'elle est
d'environ 44 % aux Pays-Bas.
Le tableau ci-après fait apparaître l'importance du gaz dans les
bilans énergétiques des pays membres de l'Agence internationale
de l'énergie (AIE).
Par ailleurs, dans un contexte d'abondance,
l'existence de monopoles gaziers a commencé à perdre de sa
légitimité dans la deuxième moitié des
années 1980. C'est à ce moment que le concept d'un marché
européen du gaz a fait son apparition dans le cadre des
réflexions sur le marché unique de l'énergie. L'exemple
britannique de la libéralisation du marché du gaz, qui fait
l'objet de la deuxième partie du présent paragraphe, montrera que
les données du problème diffèrent assez largement de
celles de la libéralisation du marché de
l'électricité.
A. UN MARCHÉ EN RAPIDE ÉVOLUTION
Il convient de distinguer les pays, qui utilisent le gaz naturel comme énergie primaire pour générer de l'électricité, des pays qui importent du gaz essentiellement à des fins de chaleur. Parmi, les premiers, on compte l'Espagne et l'Italie qui se caractérisent par une forte dépendance énergétique. Au sein des seconds, on compte la Suède et l'Allemagne.
1. Les secteurs du gaz et de l'électricité sont de plus en plus imbriqués en Italie et en Espagne
-
•
L'Italie expérimente un début de concurrence dans le
secteur de l'approvisionnement en gaz
L'Italie est dépendante de 80 % à l'égard des approvisionnements énergétiques en provenance de l'étranger. Pour atténuer cette dépendance, le Plan énergétique national (PEN) de 1988 encourage la diversification des sources d'énergie.
Le processus de diversification a consisté jusqu'à présent essentiellement à substituer du gaz naturel au pétrole et à ses produits dérivés, notamment dans la génération électrique. Le dédoublement du gazoduc Transmed a notamment permis un meilleur approvisionnement de gaz en provenance d'Algérie.
Le gaz naturel représente ainsi 29,2 % des énergies consommées en Italie, contre 24 % en 1990 et 15,5 % en 1980. Les prévisions font état d'une part de 34 % du bilan énergétique à l'horizon 2010.
En outre, l'année 1997 a été marquée par une forte croissance des importations de gaz naturel (+ 15,9 %), la consommation ayant atteint 51 Mtep Les ménages font en effet de plus en plus appel au gaz pour se chauffer (+ 4,6 %) aux dépens du fioul. A l'inverse, la consommation de pétrole a sensiblement diminué (- 2,9 %) en raison de sa substitution par le gaz naturel dans le secteur de la thermoélectricité. La contribution du gaz à la production de thermoélectricité devrait ainsi augmenter de 40 % par rapport à 1996.
Les gisements italiens (gisements de la plaine du Pô et gisements off-shore d'Adriatique) fournissent 19 milliards de m 3 de gaz, soit 33,3 % de la consommation totale de l'Italie (57 milliards de m 3 ). Le reste est importé, par l'intermédiaire de la Snam, d'Algérie (33 %), de Russie (23 %), de Hollande et de Norvège.
L'Italie se caractérise également par une concurrence croissante dans le secteur de l'approvisionnement en gaz . En effet, pour alimenter leurs turbines à gaz, les électriciens sont tentés de contracter directement une partie de leurs achats de gaz, dans l'espoir d'obtenir de meilleures conditions, ce qui met en péril les contrats " take or pay " négociés par l'importateurs national. La position de la Snam est à cet égard ambiguë : d'un côté l'importateur ne souhaite pas assumer la totalité du risque d'achat des volumes destinés au secteur électrique, mais de l'autre, son désir de maintenir un contrôle sur les flux de gaz destinés aux électriciens est patent. Ainsi, la Snam n'était pas mécontente de voir l'Enel contracter des achats de gaz directement auprès de l'Algérie, la Russie ou le Nigeria, à condition que ce gaz transite par son réseau. Elle a fini par l'obtenir après que l'Enel ait menacé de réceptionner directement du gaz naturel liquide nigérian en aménageant son propre terminal à Montalto di Castro, au nord de Rome.
Par ailleurs, Volta - une joint-venture créée par la Gazprom russe avec la société italienne d'électricité Edison, compagnie privée qui assure 7 % de la production - a annoncé son objectif d'importer et de commercialiser du gaz russe en Italie, essentiellement auprès d'électriciens. Elle en escompte un volume de commercialisation de 10 milliards de m 3 par an auprès des producteurs indépendants d'électricité.
Pour contrer la volonté de Volta, la Snam a tenté de verrouiller le marché italien en saturant les gazoducs qui y mènent. Elle a ainsi conclu un contrat, en septembre 1996, pour l'achat de 8 milliards de m 3 supplémentaires de gaz russe, puis elle a négocié l'achat de gaz norvégien qui transitera par la France.
Mais Volta a engagé la construction d'un gazoduc à partir de la Russie, concurrent de celui de la Snam et projette la réalisation d'un terminal, en coopération avec Mobil, pour l'acheminement du gaz naturel liquéfié. Aussi, la Snam pourrait-elle se retrouver avec des invendus, si l'Enel renonçait, comme on lui en prête l'intention, à une partie du gaz qu'elle lui achète.
• L'Espagne a décidé d'anticiper la transposition de la directive européenne sur le marché intérieur du gaz
L'Espagne se caractérise par une très forte dépendance énergétique : en 1995, 72,3 % des besoins étaient couverts par les importations. Afin de réduire cette dépendance, le Plan énergétique national, établi en 1979, prévoyait un recours accru à l'énergie nucléaire, au charbon et au gaz. Or, après le moratoire nucléaire décidé en 1982 par le précédent Gouvernement, le nouveau Gouvernement libéral a souhaité marginaliser le charbon et privilégier la filière gazière.
L'arrivée du gaz algérien par le gazoduc Maghreb-Europe inauguré fin 1996 devrait accélérer l'utilisation de ce combustible par l'industrie et les particuliers aux dépens du fioul ou du charbon. Ce gazoduc permettra en outre d'étendre le réseau au Portugal, en collaboration avec la société nationale portugaise Transgas. La seconde phase du projet prévoit la réalisation d'une liaison avec la France au niveau de Perpignan. Il donnera à l'Espagne une capacité suffisante pour une dizaine d'années mais la rendra tributaire à 57 % de la zone Maghreb-Machrek.
Par ailleurs, la libéralisation du secteur de l'énergie devrait provoquer une évolution sensible dans la structure de la production électrique, aujourd'hui fortement liée au charbon (33 %) et au nucléaire (51 %). Alors que les secteurs du gaz et de l'électricité présentaient auparavant un fonctionnement totalement différencié, il semble qu'ils soient désormais de plus en plus imbriqués, avec un nouvel enjeu : la production d'électricité à partir du gaz .
Dans ce contexte, le Gouvernement espagnol a décidé d'anticiper la libéralisation du marché gazier, en mettant en place dès le 1 er janvier 1998 un système d'accès des grands opérateurs (centrales électriques et consommateurs de plus de 25 millions de m 3 /an) au réseau haute pression de Gas Natural. L'accès au réseau sera régulé et le Gouvernement fixera le niveau des péages, l'accès pouvant toutefois être refusé s'il affecte les contrats " take or pay " ou si l'entreprise solliciteuse provient d'un pays où des droits analogues ne sont pas reconnus.
Dans ce contexte, entreprises gazières et électriques espagnoles cherchent à trouver les synergies nécessaires pour la réalisation de nouvelles unités de production électrique à gaz.
Ainsi, conscient de la complémentarité plus que de la concurrence avec d'autres sources d'énergie, Gas Natural a conclu un pacte stratégique avec son actionnaire de référence, Repsol (premier groupe pétrolier espagnol), et avec Iberdrola (deuxième groupe électrique) pour développer la production d'électricité par cogénération et l'utilisation de gaz naturel dans les centrales thermiques d'Iberdrola. Cet accord doit permettre à Gas Natural d'entrer dans le secteur de la production électrique, non seulement comme fournisseur de gaz, mais également comme producteur. La société gazière prévoit d'investir 2 milliards de francs d'ici à l'an 2000, et sa filiale de production, Enagas, 4 milliards de francs.
Gas Natural a également annoncé, en juillet 1997, qu'elle souhaitait réaliser, d'ici à 2004, 7 ou 8 centrales électriques à gaz, soit au total 3000 MW, pour un investissement total de 7 milliards de francs.
2. Dans les pays scandinaves, le développement du gaz est tributaire de l'accroissement des réseaux de transport
-
•
L'exemple finlandais
En Finlande, où l'on anticipe une croissance de la consommation d'énergie de 40 % d'ici 2025, le ministère du commerce et de l'industrie considère comme une solution optimale, dans le cadre de la réduction des émissions de gaz carbonique, une augmentation de la part du gaz naturel de 10 % à 25 % du bilan énergétique et un accroissement de la part de la production d'électricité d'origine nucléaire de 27 % à 33 %.
De tels objectifs nécessiteront que le réseau gazier finlandais, qui n'est relié actuellement qu'à la Russie, soit connecté au reste du réseau européen.
• L'exemple suédois
De même, en Suède où il n'a été introduit qu'en 1985, le gaz naturel n'est distribué que sur la côte ouest du pays, entre Malmö et Göteborg 20( * ) , et ne dessert que 25 municipalités, soit une population totale d'environ 2 millions d'habitants. Aussi, sa part dans le bilan énergétique de la Suède, demeure-t-elle encore marginale (2 % de la consommation finale d'énergie primaire).
Toutefois, dans les zones desservies, le gaz naturel a vu sa consommation s'accroître fortement en dix ans, et atteindre 871 millions de m 3 en 1996 pour 55 000 abonnés. Ainsi, la part de marché du gaz dans les régions desservies se situe à un niveau comparable à la moyenne européenne, soit entre 20 et 25 %. La totalité du gaz est importée du gisement danois de Tyra par Vattenfall Naturgas, filiale de la compagnie électrique Vattenfall.
Près de 45 % du gaz consommé sont utilisés pour le chauffage urbain et la cogénération, environ 40 % dans les processus industriels et un peu plus de 15 % pour le résidentiel et le secteur des services. Le gaz est ainsi devenu la deuxième source d'énergie, juste derrière la biomasse, des sociétés de chauffage collectif des communes raccordées au réseau, en se substituant progressivement au fioul et au charbon.
Sa progression dans ce secteur dépendra à l'avenir des éventuelles extensions des infrastructures gazières existantes.
Aussi, les distributeurs orientent-ils l'essentiel de leurs efforts actuels vers l'industrie, le gaz ne couvrant que 2,5 % de ses besoins. Les transports constituent également un axe intéressant de promotion de cette source d'énergie. De fait, une flotte de plus en plus importante de bus fonctionnant au gaz naturel circule dans les agglomérations de Malmö 21( * ) , Göteborg, Stockholm et Lund, de même qu'une cinquantaine de taxis à Malmö.
La décision du Gouvernement social-démocrate d'amorcer le démantèlement du parc électronucléaire devrait, si elle est confirmée, donner un nouvel élan au développement du gaz naturel en Suède . En effet, le gaz semble à de nombreux observateurs, l'alternative la plus acceptable à l'atome, à la fois d'un point de vue écologique et économique. Si les projets d'extension du réseau à la région de Stockholm n'ont jusqu'à présent pas abouti faute d'une demande suffisante, les débits transportés pour alimenter d'éventuelles unités au gaz en remplacement des centrales nucléaires d'Oskarshamn et de Forsmark, relativiseraient la lourdeur des investissements dans de nouvelles infrastructures.
Dans cette perspective, le premier ministre suédois, M. Göran Persson, a souhaité prendre une part active aux discussions relatives à la constitution d'un réseau gazier transnational, lors de la réunion des chefs de gouvernements nordiques de Aland en avril 1997. Sous l'appellation de Nordic Gas Grid (NGG), ce réseau figure, depuis le 11 juin 1997, sur la liste des projets de Réseaux Trans-européens et fait l'objet, jusqu'en juin 1998, d'une étude de faisabilité cofinancée par l'Union européenne et sept entreprises nordiques. Cette étude devra évaluer les possibilités de connecter les réseaux norvégien danois, suédois, finlandais, russe et balte.
Cette nouvelle route gazière permettrait ainsi à la Suède de diversifier ses approvisionnements par des importations de gaz norvégien ou russe. En outre, un investissement visant à doter la Suède de son premier site de stockage de gaz naturel, développé en partenariat avec Gaz de France, est sur le point de recevoir l'autorisation du ministère de l'industrie.
Si ces projets ne sont encore qu'hypothétiques, les opérateurs semblent se préparer à un futur développement du secteur gazier en Suède. En témoigne le fait que l'allemand Ruhrgas, le norvégien Statoil, le danois Dong et le finlandais Neste, sont entrés en janvier 1998 dans le capital de Vattenfall Naturgas, en reprenant à Vattenfall sa participation dans cette société.
• La Norvège exporte l'essentiel de son gaz
3. Les perspectives de hausse de la demande en Allemagne
Alors
que la consommation d'énergie primaire stagne, la demande de gaz naturel
progresse rapidement et atteint désormais
20 % des besoins
énergétiques
. La part du gaz devrait atteindre 24 % de
la consommation d'énergie primaire à l'horizon 2020.
L'Allemagne se situe au 4
ème
rang des consommateurs de gaz
naturel, loin derrière les Etats-Unis, la Russie et l'Ukraine, mais
devant le Canada et la Grande-Bretagne. La part du gaz atteint 19 % dans
les anciens Länder et 22 % dans les nouveaux. Elle était
inférieure à 14 % en 1986 et à peu près nulle
jusqu'au milieu des années 1960.
La consommation des ménages est le segment du marché le plus
dynamique (+ 13 % en 1995). Le nombre des logements chauffés au gaz
connaît en effet une croissance rapide : il s'élève
à 14 millions. 70 % des foyers construits en 1995 ont
été équipés de chauffage au gaz. Selon Ruhrgas, le
taux d'équipement des logements nouveaux pourrait atteindre 80 %
d'ici 10 ans. La part du gaz dans l'équipement des foyers est
passée d'environ 20 % en 1979 à 29 % en 1986 et
37 % en 1995. Cette évolution très favorable résulte
de l'intégration dans les statistiques fédérales des
régions de l'ex-RDA dont le parc immobilier a été
largement transformé depuis six ans.
Disposant de ressources propres limitées, l'Allemagne recourt aux
importations pour 80 % de ses besoins (73,3 MMm3), et se situe au
2
ème
rang des importateurs mondiaux, derrière les
Etats-Unis. Les principaux fournisseurs de l'Allemagne sont respectivement la
Russie (37 %), les Pays-Bas (26 %), la Norvège (14 %) et
le Royaume-Uni (2 %). Les livraisons de gaz danois de la mer du Nord ont
débuté en 1984 et sont appelées à augmenter
progressivement.
La production allemande s'élève quant à elle à
20 MMm
3
par an et est dispersée entre une dizaine de
sociétés productrices dont les 2 premières assurent
52 % de la production. Néanmoins, les champs exploités en
Allemagne devraient être épuisés d'ici 10 à 15 ans.
Le transport et la distribution de gaz naturel en Allemagne font intervenir
plus de 600 entreprises. Mais, si l'offre est fragmentée en aval, elle
reste très concentrée en amont de la filière. Ainsi, trois
entreprises assurent l'essentiel des importations et le transport vers les
zones de stockage et les centres de distribution régionaux :
Ruhrgas, Wintershall et Verbundnetzgaz (VNG) dont Ruhrgas et Wintershall sont
les principaux actionnaires.
La société
Ruhrgas
, détenue principalement par les
trois producteurs d'hydrocarbures Esso, Shell et Mobil ainsi que par Ruhrkohle,
occupe une position dominante au niveau de l'importation et du transport ainsi
que, du fait de l'étendue de son réseau, dans le domaine de la
distribution.
Toutefois, l'entrée sur le marché de la filiale de BASF,
Wintershall
, a introduit une réelle concurrence. Wintershall a
entrepris en 1989 de développer son propre réseau et de
s'approvisionner directement en gaz russe en créant deux filiales
communes pour l'importation et la distribution avec le producteur russe,
Gazprom.
Cette dualité de l'offre se reflète dans les diverses prises de
position à l'égard d'une modification du cadre législatif.
Tandis que Ruhrgas et les sociétés de transport et de
distribution régionales manifestent leur opposition à toute
libéralisation du marché du gaz, les grands consommateurs,
relayés par Wintershall, ont adopté une position plus favorable
à l'ouverture des réseaux.
Outre les importateurs/producteurs, une vingtaine de sociétés
spécialisées de transport à distance assurent le transport
du gaz vers les sociétés de distribution régionales ou
locales. Il s'agit généralement de filiales des grands
importateurs ou producteurs. A côté de ces sociétés,
existent des sociétés de distribution régionales dont le
capital est détenu conjointement par des collectivités locales et
par Ruhrgas ou des producteurs d'électricité. Enfin, 500
régies communales (les
Stadtwerke
) assurent la distribution
locale.
Selon Pierre Terzian, auteur d'un rapport
22(
*
)
sur les perspectives du gaz naturel à l'horizon 2010-2020 pour le
Commissariat Général du Plan, de multiples facteurs se conjuguent
pour faire du gaz l'énergie du proche avenir par excellence :
- l'abondance des ressources gazières leur bonne répartition
géographique et géopolitique, leur disponibilité et
l'absence de pools cartellisants de producteurs-exportateurs pouvant peser
artificiellement sur ses prix ;
- l'accroissement de la demande d'électricité et les
limitations rencontrées par le nucléaire comme source
d'énergie alternative au pétrole et au charbon dans ces
secteurs ;
- les progrès technologiques accomplis aussi bien en amont
(exploration, exploitation) qu'en aval (combustion du gaz dans des centrales
électriques, cycle combiné et cogénération) dans la
filière du gaz naturel ;
- la propreté relative du gaz qui en fait l'énergie fossile
la plus respectueuse de l'environnement.
Aussi Pierre Terzian pronostique-t-il une progression de la demande de gaz
naturel de l'ordre de 60 % en Europe d'ici 2020.
B. UN MARCHÉ EN VOIE DE LIBÉRALISATION
La
libéralisation du marché du gaz au Royaume-Uni anticipe sur un
marché en voie de libéralisation conformément à la
directive " marché intérieur du gaz " approuvée
par le Parlement européen le 30 avril 1998.
Le secteur gazier britannique offre l'exemple d'une démonopolisation par
étapes avec élargissement progressif du segment concurrentiel du
marché. Il est ainsi frappant de constater que les avancées vers
plus de libéralisme ont été décidées, non en
vertu d'un plan établi à l'avance, mais au vu du bilan des
décisions prises antérieurement.
Dès 1986, British Gas a été privatisé et le
marché ouvert à la concurrence pour les clients ayant une
consommation annuelle supérieure à 25 000
" therms " par an (60 000 m
3
par an),
c'est-à-dire les industriels. Parallèlement, ont
été créés un organe de régulation,
l' "
Office of gas supply
" (OFGAS) chargé de
faire respecter les règles de concurrence, et un organe ayant pour
mission la défense des consommateurs, le "
Gas consumers
Council
".
Mais entre 1986 et 1988, British Gas a profité de sa position dominante
pour pratiquer une politique tarifaire discriminatoire. En 1988, il fut donc
décidé de publier les prix (
price-cap regulation
) et les
conditions d'accès au réseau de British Gas, et de limiter les
achats de British Gas à 90 % de la production des nouveaux champs de la
mer du Nord.
En 1991, le seuil des consommateurs éligibles fut ramené de
25 000 à 2 500 therms par an. Cela équivalait pour
British Gas à se dessaisir de 60 % du marché industriel au
profit de distributeurs indépendants.
Cependant, la position de British Gas, à la fois vendeur de gaz et
propriétaire des infrastructures de transport, constituait une entrave
à une application satisfaisante de la règle d'accès des
tiers au réseau (ATR). Les premiers opérateurs
indépendants se sont plaints des prix des services de transport et de
stockage qu'ils jugeaient opaques et discriminatoires. Les pouvoirs publics ont
alors pris la décision :
- d'ouvrir totalement le marché à la concurrence sur trois
ans (1996 à 1998) : en avril 1996, une première zone pilote
de 500 000 consommateurs domestiques a été ouverte à
la concurrence, puis une seconde zone au début de l'année
1997 ;
- de filialiser les activités de transport de British Gas, dans
" Transco " et non de les séparer complètement comme le
recommandait la
Monopolies & Mergers Commission
(MMC) ;
toutefois, en février 1997, Transco et British Gas, dont le nom est
devenu " Centrica ", ont formé deux sociétés
distinctes ;
- d'étendre le contrôle tarifaire au transport et au stockage.
Enfin, le " gas Act " de 1995 a créé trois grandes
catégories d'acteurs sur le marché : les transporteurs, les
"
shippers
" et les distributeurs. Ces derniers sont soumis
à une obligation de fourniture de l'ensemble des consommateurs qui en
font la demande. Ils doivent, en outre, fournir gratuitement des conseils en
matière d'efficacité énergétique et des prestations
spécifiques pour les client âgés, handicapés ou
malades chroniques : par exemple des contrôles spécifiques de
sécurité, de déplacement des compteurs...
Centrica est quant à lui soumis à des conditions
particulières : contrôle de ses prix et maintien de normes de
services approuvées par l'OFGAS, alors que ses concurrents sont libres
de fixer les normes de leur choix. Il fait valoir que lorsque la concurrence se
sera développée, il n'y aura plus de raisons pour qu'il soit
soumis à de telles obligations.
Aujourd'hui, le secteur industriel et commercial est libre partout dans le pays
et le marché domestique est ouvert dans le sud du pays (sauf la
région de Londres), l'Ecosse et le nord-ouest. Le reste du pays devrait
s'ouvrir par étapes au cours de l'année 1998. Début 1997,
on affirmait que près de 100 000 consommateurs avaient
délaissé Centrica pour s'approvisionner auprès d'autres
fournisseurs.
Le processus de libéralisation du secteur gazier s'est traduit par
l'entrée d'une trentaine d'opérateurs indépendants sur le
marché. Par ailleurs, les prix du gaz ont diminué de 20 % en
termes réels, ce qui représente une baisse supérieure
à celle enregistrée dans le secteur de
l'électricité. La libéralisation devrait s'accompagner
d'une baisse supplémentaire des prix de 10 %.
En revanche, Centrica a été fortement affaibli, du fait du
décalage entre les prix du marché " spot ", sur lequel
s'approvisionnaient ses concurrents (9 pence par therm en 1995), et les prix
des contrats " take or pay " qu'il avait signés dans le
passé (environ 20 pence par therm). C'est ce que l'on a appelé la
" bulle " de British Gas, définie comme la différence
entre le volume de gaz que l'ex-monopole était contractuellement tenu
d'enlever auprès des producteurs et celui qu'elle pouvait effectivement
écouler dans les conditions de prix et de marché. En outre, les
volumes de gaz représentés par ces contrats à long terme
ne correspondent plus aux parts de marché de Centrica, qui ne
détient plus qu'un tiers du marché industriel et commercial
ouvert à la concurrence.
Une telle situation a contraint Centrica à renégocier ses
contrats à long terme dès le mois de décembre 1996,
d'abord avec British Petroleum, puis avec Mobil, pour une quantité
représentant 20 % des contrats. Le 7 janvier 1998, la compagnie
annonçait qu'elle avait renégocié des contrats
représentant 110 Gm
3
, sur un total d'environ 180
Gm
3
, et que le reste de ses engagements " take or pay "
était gérable.
Le gazoduc Interconnector est supposé changer les données du
problème à partir d'octobre 1998 en permettant à Centrica
d'accéder au marché d'Europe continentale et d'écouler
ainsi ses surplus. La construction du gazoduc qui reliera Bacton, au
Royaume-Uni, à Zeebrugge, en Belgique, devrait s'achever à
l'automne 1998. On estime qu'il devrait induire une remontée des prix
anglais, tout en influant à la baisse sur les prix du Continent.
Enfin, il faut noter que la baisse des prix du gaz, liée à
l'effet conjugué des surplus de la mer du Nord et des stratégies
des opérateurs, a engendré une augmentation radicale de la
consommation de gaz en Grande-Bretagne : le décuplement de la
demande de gaz depuis 1992 résulte pour l'essentiel de la progression de
la part du gaz dans la génération électrique
(+ 81,4 % par an en moyenne), la consommation domestique n'ayant
augmenté que de 13 %.
III. UN REGAIN D'INTÉRÊT POUR L'ÉNERGIE NUCLÉAIRE
En
dehors de quelques exceptions,
tous les pays développés ont
fait appel à l'énergie nucléaire quelle que soit leur
situation énergétique initiale
. Cependant, les accidents
survenus sur les centrales de Three Miles Island aux Etats-Unis - qui n'a
pas eu d'incidence significative sur l'environnement - et de Tchernobyl -
qui, lui, a eu des conséquences graves - ont conduit à des
remises en cause du nucléaire
avec des résultats
différents en fonction de la situation technologique, économique,
politique, culturelle et sociale de chaque pays.
Certains pays ont interrompu les programmes en cours de réalisation,
comme l'Italie, d'autres ont bloqué les programmes nouveaux, comme
l'Allemagne et la Suisse, d'autres encore ont poursuivi leurs programmes comme
la France et le Japon ou en ont commencé le développement comme
la Chine. Tous en ont cependant tiré des leçons applicables
à la conception, la réalisation, l'exploitation ou la
surveillance des centrales. Le fonctionnement de ces dernières a ainsi
été particulièrement satisfaisant en 1996 tant sur le plan
de la sûreté que de la production d'électricité.
Par ailleurs, encouragé par les pouvoirs publics, le
développement du nucléaire nécessite des investissements
coûteux et sa rentabilité n'est assurée que dans certaines
conditions de protection du marché. Sa compétitivité
passe, en effet, par des unités de grande puissance et des
réseaux de distribution importants qui requièrent une
mobilisation de capitaux élevée.
Aussi, dans le contexte actuel de libéralisation des marchés et
d'abondance énergétique, le maintien de cette filière
n'est-il pas assuré dans certains pays face à la concurrence des
énergies fossiles bon marché. C'est ainsi que le nucléaire
est redevenu un enjeu électoral en Suède ou en Allemagne.
Au total,
l'avenir de l'énergie nucléaire est suspendu aux
décisions politiques des Etats
. Pour l'instant, en dehors de
quelques pays qui ont mis en place un moratoire sur le nucléaire (Italie
et Autriche), la plupart maintiennent l'option ouverte en attendant le
renouvellement des centrales qui ne devrait pas intervenir avant 2010.
Toutefois, la désaffection dont le nucléaire a pu être
l'objet ces dernières années semble, sauf exceptions, avoir
cédé le pas à un intérêt renouvelé
motivé par les qualités non polluantes de l'atome.
L'énergie nucléaire est en effet la seule source d'énergie
à ne pas produire de gaz carbonique.
Une chose est certaine :
aucun sondage ne fait apparaître de
rejet massif de l'électricité nucléaire
, même
dans les pays à tradition écologique ancrée. Ainsi, deux
tiers des Allemands restent favorables à l'énergie
nucléaire, tandis que les Suédois semblent désavouer
aujourd'hui les résultats du référendum de 1980 par lequel
ils s'étaient prononcés pour le démantèlement de
leur parc de centrales.
Enfin, le Commissariat Général du Plan observe dans un rapport
précité que "
si le nucléaire risque d'entrer,
pour des raisons politiques, dans une phase de stagnation, sinon de
régression en Amérique du Nord et en Europe occidentale, il n'en
est pas de même en Asie, où la faiblesse des ressources
énergétiques associée à une expansion
économique rapide, provoquent d'importants besoins en
électricité. Le nucléaire constitue une solution
appréciée dans cette région du monde, dans la mesure
où les moyens nécessaires au financement des investissements
peuvent être réunis
".
Et le Commissariat Général du Plan d'ajouter :
"
Ceci pourrait conduire, si l'on n'y prend pas garde, à la
disparition de pans entiers des industries électronucléaires
occidentales au profit de leurs concurrentes asiatiques. Il serait dangereux,
tant sur le plan de la sécurité des approvisionnements
énergétiques que sur celui de la stabilité
économique et sur celui de la protection de l'environnement, de ne pas
maintenir un ensemble industriel cohérent dans ce
domaine
".
A. L'IMPORTANCE DU NUCLÉAIRE DANS LE MONDE
1. De nombreux pays ont développé une filière nucléaire
Dans de
nombreux pays, la filière nucléaire a été
développée pour pallier l'absence de ressources
énergétiques nationales ou pour atténuer leur
dépendance à l'égard du pétrole au moment du choc
pétrolier.
On constate ainsi que le Canada, la Suède et la Suisse ont fait appel au
nucléaire pour compenser la saturation progressive des sites
hydroélectriques disponibles, ce qui leur a évité de
recourir au gaz et au pétrole. A l'inverse, la Norvège et le
Brésil, où les ressources en gaz et en pétrole sont
élevées, ne se sont pas tournés vers le nucléaire.
Aux Etats-Unis, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Chine, le charbon s'est
maintenu à des niveaux supérieurs à 50 % et, en
dehors de la Chine qui y vient maintenant, l'appel au nucléaire a
été important, au détriment du pétrole et du gaz,
même si un rattrapage s'effectue maintenant sur le gaz.
En revanche, ni l'Australie, ni la Nouvelle-Zélande, riches en charbon,
ne se sont tournées vers le nucléaire.
Enfin, les pays pauvres en énergie primaire, tels la France, le Japon,
la Corée et Taiwan ont développé d'importants programmes
nucléaires.
L'Italie fait exception : ne disposant pas d'installations
nucléaires, elle importe non seulement de grandes quantités de
pétrole et de gaz mais aussi de l'électricité produite en
France, donc largement d'origine nucléaire. Le modèle italien
n'est donc pas généralisable et ne peut même pas constituer
une référence.
2. L'énergie nucléaire est à l'origine d'une part significative de l'électricité consommée dans le monde
Selon le
rapport précité du Commissariat Général du Plan, le
nucléaire représentait 17 % de la production mondiale
d'électricité en 1996 et 24 % dans les pays de l'OCDE, ces
derniers représentant 80 % de la puissance installée. Il
était à l'origine de 21,9 % de l'électricité
produite aux Etats-Unis, de 35 % de l'électricité produite
en Europe, qui dispose actuellement du plus grand parc
électronucléaire au monde, et de 10 % de
l'électricité produite en Asie. Cette production a
été réalisée à l'aide de près de
450 réacteurs représentant une puissance installée
d'environ 350 GW
23(
*
)
, ce qui permet une
économie d'environ 500 millions de tonnes d'équivalent
pétrole, dont 160 pour l'Union européenne et 80 pour la
seule France.
Le Commissariat Général du Plan révèle en outre
que, contrairement à une idée reçue, la part de la
production d'électricité d'origine nucléaire dans la
production totale d'électricité a continué de
croître après 1986, année de l'accident de Tchernobyl. Le
nombre de centrales nucléaires en service s'est accru de 66 depuis cette
date, et la puissance installée de 73 GW.
La production d'électricité nucléaire a été
particulièrement importante en Belgique, en France, en Allemagne, en
Espagne et en Suisse. En revanche, le Danemark, la Grèce, l'Irlande, le
Luxembourg, la Norvège et le Portugal ne disposent pas de centrales
nucléaires.
La France reste en tête du palmarès avec 82 % de sa production
d'électricité provenant du nucléaire (376 TWh
24(
*
)
). En Belgique, les 7 centrales nucléaires
fournissent 60,1 % de l'électricité utilisée dans le
royaume. La Suède possède 12 réacteurs qui assurent
la fourniture de 50 % de l'électricité du pays, alors qu'en
Espagne, 6 centrales répondent à environ un tiers de la
demande nationale. Les cinq centrales suisses fournissent 40 % des besoins
en électricité du pays. Enfin, l'Allemagne possède sept
des dix plus importantes centrales au monde, selon le classement de Foratom.
Elles assurent 29,5 % de la production d'électricité
allemande, le reste provenant à plus de 53 % des centrales au
lignite (26,2 %) et au charbon (27,2 %).
Le recours à l'énergie nucléaire permet de
réduire les émissions de gaz à effet de serre de quelque
700 millions de tonnes par an en Europe.
B. LES HÉSITATIONS ACTUELLES DES PAYS DÉVELOPPÉS
Depuis
l'accident de Tchernobyl, deux séries d'arguments ont
ébranlé les certitudes en matière nucléaire :
- les arguments économiques : la compétitivité
de l'électricité d'origine nucléaire n'est plus
systématiquement avérée et résulte souvent de
l'absence de prise en compte des coûts dits
" échoués " ; par ailleurs, le renouvellement des
centrales nucléaires n'apparaît pas nécessaire dans un
contexte de surproduction électrique et d'abondance de ressources
énergétiques fossiles, arguments inévitablement
factuels ; enfin, la déréglementation du secteur de
l'électricité conduit de nombreux opérateurs à se
détourner du long terme pour privilégier les objectifs à
court terme : dans ce contexte, les énergies fossiles aujourd'hui
à bas prix ont le vent en poupe ;
- les arguments tenant à la sécurité et à la
préservation de l'environnement : les risques d'accident font peser
une épée de Damoclès sur l'avenir de la filière
nucléaire et le problème de la gestion des déchets
radioactifs reste non résolu.
Néanmoins, deux autres séries d'arguments interdisent de tirer un
trait sur l'énergie nucléaire :
- sur le plan économique, il a été indiqué
plus haut que la filière nucléaire était à
l'origine d'une part importante de l'électricité consommée
dans le monde, ce qui en fait une énergie difficilement substituable
à court terme ; en outre, la croissance de la consommation
d'énergie au niveau mondial fait de l'énergie nucléaire
une alternative indispensable à un horizon moyen dans un contexte
d'épuisement progressif et inéluctable des ressources
énergétiques fossiles ;
- sur le plan environnemental, les centrales nucléaires
n'émettent aucun gaz à effet de serre, ce qui confère
à l'énergie atomique un atout déterminant pour satisfaire
les objectifs fixés par le compromis de Kyoto.
Aussi, les pays hésitent-ils à démanteler leur parc de
centrales. Si certains s'interrogent sur sa rentabilité face à
des sources énergétiques plus compétitives, d'autres ont
à l'inverse décidé, soit de relancer leur effort de
recherche, soit de mettre en construction de nouvelles tranches.
1. L'avenir du nucléaire britannique n'est pas assuré dans un contexte concurrentiel
En 1995,
26,7 % de l'électricité produite en Grande-Bretagne
était d'origine nucléaire. Néanmoins, le nucléaire
britannique a rencontré, et rencontre encore, des difficultés
à s'insérer dans le cadre concurrentiel du système
électrique d'outre-Manche.
Ces difficultés ont amené le Gouvernement à mettre en
place un ensemble d'aides constitué, d'une part, de l'obligation
d'achat, par les compagnies régionales de distribution (Recs), de toute
l'énergie d'origine nucléaire produite en Angleterre
25(
*
)
et d'une taxe sur la consommation
26(
*
)
visant à compenser les surcoûts de la
production du nucléaire par rapport au prix du pool, d'autre part.
Cette taxe s'est élevée, de 1990 à 1996, à
10 % du prix de vente de l'électricité, pour passer à
2,2 % en novembre 1996, et doit disparaître en 1998, pour suivre les
prescriptions de la Commission européenne qui l'avait qualifiée
d'aide d'Etat. Les sommes levées par cette taxe ont été
considérables : au début 1996, elles atteignaient en effet
près de 60 milliards de francs en cumulé sur cinq ans.
La rentabilité du nucléaire britannique dans un environnement
concurrentiel pose encore problème aujourd'hui, comme le montre
l'annonce, le 23 décembre 1997, d'une aide gouvernementale de 36,4
milliards de francs pour combler les dettes de l'exploitant des
réacteurs britanniques de première génération,
Magnox Electric, dans le cadre de la fusion de ce dernier avec la compagnie
chargée du cycle du combustible nucléaire, British Nuclear Fuels
(BNFL).
Aussi, les prévisions font-elles état d'une diminution de la part
de l'électricité produite par l'énergie
nucléaire : elle tomberait à 19,1 % en 2005 et à
13,7 % en 2010.
2. Le Canada remplacera ses centrales nucléaires par des centrales au gaz et au charbon
En 1995,
17 % de l'électricité produite au Canada étaient
d'origine nucléaire, l'essentiel de la production (62 %)
étant d'origine hydraulique. Le reste, soit 20 % de
l'électricité était produit par des centrales thermiques
classiques.
Toutefois, si la production des centrales nucléaires devrait rester
constante jusqu'en 2010, elle devrait ensuite diminuer graduellement au fur et
à mesure que de vieilles centrales nucléaires construites dans
les années 1970 en Ontario et qui totalisent une capacité de
4,4 GW, seront mises hors service. En 2020, la production
d'électricité d'origine nucléaire ne représentera
que 10 % de l'ensemble de la production.
Le nucléaire est le seul combustible qui devrait enregistrer une baisse,
à la fois en importance et dans la production d'énergie, du fait
du remplacement de centrales nucléaires vétustes en Ontario par
de nouvelles centrales au gaz et au charbon. L'hydroélectricité
devrait rester la source principale d'électricité, même si
sa part relative dans la production totale devrait diminuer
légèrement pour passer à 57 % en 2020. Le gaz naturel
devrait quant à lui progresser de 3 % à 10 % de la
production d'électricité, soit la même proportion que le
nucléaire. Enfin, la production d'électricité par des
installations fonctionnant au charbon devrait connaître un nouvel essor
au cours de la décennie 2010, en raison de la mise en service de
nouvelles centrales dans les Provinces Maritimes, en Ontario et dans les
Prairies.
Le Canada compte sur la progression de l'efficacité
énergétique et les initiatives de maîtrise de la
consommation pour diminuer la croissance des émissions de gaz à
effet de serre. Ces mesures devraient se traduire par la réduction de
ces émissions de 38 millions de tonnes en 2000 et 108 millions de tonnes
en 2020. Toutefois, les experts du ministère des ressources naturelles
estiment qu'il est très peu probable que le Canada atteigne l'objectif
de stabilisation des émissions fixés pour l'an 2000 sans
l'adoption de nouvelles réglementations contraignantes.
3. Les États-Unis souhaitent maintenir l'option nucléaire ouverte
107 tranches nucléaires sont en fonctionnement aux
Etats-Unis. Elles assurent 21,9 % de la production électrique
totale (le reste étant d'origine thermique classique à
67,2 %, hydraulique à 9,8 % et autre à 0,3 %).
Bien que le secteur nucléaire américain ait connu des
améliorations de performance spectaculaires
27(
*
)
,
aucun électricien américain
n'envisage de réinvestir dans une capacité de production
électronucléaire
, les centrales aux gaz ou au charbon
étant considérées comme plus économiques.
Les
constructeurs américains ont, en conséquence, fait de la
conquête des marchés asiatiques leur priorité.
Néanmoins, il faut noter que le parc nucléaire américain
se caractérise par son morcellement, l'absence totale de standardisation
et le caractère non rentable de certains investissements d'origine. Il
est par conséquent difficile d'en faire un exemple au niveau
international.
LA SITUATION DU NUCLÉAIRE AUX ÉTATS-UNIS
Elle
apparaît très critique à court terme, certains exploitants
choisissant dès aujourd'hui de ne pas chercher à renouveler leurs
licences d'exploitation face à l'intérêt économique
du charbon et du gaz naturel et à la mauvaise
compétitivité actuelle du nucléaire.
Les licences d'exploitation des centrales nucléaires sont
délivrées par la
Nuclear Regulatory Commission (NRC)
pour
une durée de 40 ans, conformément à
l'Atomic
Energy Act
de 1954 (cette durée de 40 ans représente la
durée classique d'amortissement des investissements en centrales
électriques). Elles sont renouvelables pour une période de
20 ans maximum.
La question du prolongement de la durée de vie des
107 réacteurs actuellement en service apparaît de plus en
plus pressante dans le contexte d'un parc nucléaire vieillissant :
entre 1995 et 2015, une cinquantaine de tranches devraient en effet atteindre
l'expiration de leur licence, soit 38 % de la capacité du parc
électronucléaire américain actuel. Ce scénario ne
prend pas en compte les fermetures prématurées de centrales
devenues non compétitives sur un marché électrique ouvert
à la concurrence.
Depuis la fin de 1996 (il y avait 110 réacteurs en service cette
année), ce sont déjà trois centrales qui ont fermé
ou vont fermer définitivement avant d'être
démantelées pour des raisons financières (le coût de
l'électricité produite par les anciennes centrales
nucléaires, après le remplacement de générateurs de
vapeur entraînant un investissement lourd de l'ordre de 100 à
150 millions de dollars par unité, n'est plus compétitif).
Il est à prévoir que cette tendance va s'amplifier.
Certains exploitants nucléaires trouveront plus économique
d'assumer les coûts de démantèlement de leurs centrales
(opération évaluée entre 300 et 400 millions de
dollars par centrale) ou de s'en séparer en les revendant, d'autant plus
que la base de la réforme du système électrique
américain prévoit la séparation des activités de
production et de distribution des compagnies d'électricité. Aucun
projet de nouvelle centrale nucléaire n'est envisagé d'ici l'an
2015, les centrales au gaz naturel et au charbon s'avérant plus
économiques. La dernière centrale nucléaire neuve a
été mise en service en 1996.
Dans ses dernières projections à moyen terme 1995-2015, le
Département américain de l'Energie (DOE) brosse un tableau sombre
de l'évolution du nucléaire et émet l'hypothèse
qu'
aucun renouvellement de licence n'interviendrait au sein du parc
actuel
. Avec le retrait progressif des vieilles unités, la part de
l'énergie nucléaire produite par les 57 réacteurs restants
en 2015 devrait décliner pour ne représenter alors que 10 %
de la production d'électricité américaine contre
près de 22 % à l'heure actuelle. A cette
problématique de l'âge des centrales vient s'ajouter celle, encore
plus critique et loin d'être résolue, du mode de stockage des
combustibles usés, qui fait planer une menace réelle sur
l'évolution du marché nucléaire.
Dans un raisonnement encore plus pessimiste, basant ses prévisions sur
un modèle à plus long terme, le DOE envisage carrément
l'avènement de l'ère
zéro
du nucléaire
puisque ses hypothèses font état d'une capacité entre 0 et
30 Gwe à l'horizon 2040.
Source : PEE Houston
Néanmoins, une certaine évolution des esprits en faveur d'une
politique énergétique plus soucieuse de l'environnement se
développe depuis le sommet de Kyoto. En effet, en dépit des
divergences d'approche exprimées par les Américains lors de la
préparation de ce sommet, le Secrétaire d'Etat à l'Energie
déclare depuis peu que l'énergie nucléaire tiendra une
place importante dans la politique américaine de lutte contre les
émissions de gaz à effet de serre.
Il ressort aussi du Plan stratégique présenté par le
Secrétaire à l'Energie, Frederico Pena, le 15 août
1997, que
les
autorités américaines cherchent à
garder l'option nucléaire ouverte
.
En conséquence,
l'administration Clinton s'apprête à reprendre un effort public de
recherche nucléaire.
Il sera cependant difficile au Gouvernement américain de définir
une nouvelle politique nucléaire sans perspective sérieuse de
règlement du problème du
stockage des combustibles
usés
,
question qui oppose aujourd'hui le Congrès et la
Maison blanche
.
4. La Suède repousse la fermeture d'une première centrale
Au
lendemain de l'accident de la centrale nucléaire de Three Miles Island,
la Suède décidait, à la suite d'un
référendum organisé en 1980, d'arrêter toutes ses
centrales nucléaires. Un vote parlementaire intervenu en 1991 fixa cette
échéance à 2010, avant qu'un rapport de la Commission
publique sur l'énergie conclue, le 18 décembre 1995, que ce
délai ne pourrait pas être respecté.
Après plusieurs mois d'intenses débats entre toutes les
formations politiques portant sur les conclusions de ce rapport, le Parlement a
adopté, en juin 1997, une
loi sur le démantèlement du
nucléaire
. Les motivations politiques à l'origine de ce
projet de loi apparaissent plus clairement si l'on rappelle que le parti du
centre avait posé comme condition de son soutien au parti
social-démocrate, le début du démantèlement des
centrales nucléaires.
Les trois points essentiels de cette loi sont les suivants :
- fermeture définitive d'un des réacteurs de la centrale de
Barsebäck
28(
*
)
avant le 1
er
juillet 1998 ;
- arrêt du second réacteur du même site avant le
1
er
juillet 2001, à condition toutefois que la perte
d'énergie en résultant soit compensée par une augmentation
de la capacité globale de production d'électricité et par
des économies d'énergie à réaliser ; il semble
toutefois que la date du 1
er
juillet 2001 soit purement
indicative ;
- abandon de toute échéance fixe de
démantèlement total du parc nucléaire ; une analyse
approfondie des premiers effets du processus engagé sur l'environnement,
les prix de l'électricité, les investissements et l'emploi devra
être menée avant la fin de la prochaine législature en 2002.
Par ailleurs, des mesures à court terme doivent être prises, en
particulier dans le sud du pays, pour réduire l'utilisation de
l'électricité et apporter au réseau de nouvelles
capacités de production (réduction de l'utilisation de
l'électricité dans le chauffage domestique, accroissement de la
part des énergies renouvelables dans la production, importations
ponctuelles d'électricité en provenance des pays voisins et
accroissement marginal, et en principe temporaire, des combustibles fossiles
dans la production électrique).
En dépit de sa conformité avec les objectifs qui ont
résulté du référendum de 1980,
cette loi suscite
un certain nombre de critiques
. En premier lieu, arguant du fait que la
fermeture des centrales devait s'effectuer, selon les termes du
référendum, "
d'une manière
raisonnable
", et observant que l'exploitation des énergies
renouvelables n'a pas vraiment commencé, certains contestent la solution
en principe transitoire consistant à exploiter davantage le parc
thermique classique et à importer de l'électricité ou du
gaz naturel du Danemark, d'Allemagne et de Norvège. Ils craignent
notamment que cette solution remette en cause l'engagement de la Suède
de ramener d'ici l'an 2000 les quantités de gaz carbonique
rejetées dans l'atmosphère au niveau de 1990.
D'autres invoquent les coûts économiques et sociaux induits par
l'abandon de la centrale de Barsebäck
29(
*
)
.
Ils redoutent en particulier une augmentation du prix de
l'électricité pour le consommateur, dans la mesure où le
nucléaire fournit 50 % de l'électricité
suédoise. En outre, si le prix de l'électricité
était également relevé pour les usages industriels,
certaines industries fortement consommatrices perdraient un avantage
concurrentiel important (bois-papier, sidérurgie, industrie
minière, chimie).
Par ailleurs, le choix par le Gouvernement suédois de la centrale de
Barsebäck, exploitée par un opérateur privé,
Skydraft, qui plus est sous contrôle étranger
30(
*
)
, comme premier site nucléaire à
démanteler est à l'origine d'une controverse qui semble
évoluer en faveur de Skydraft.
En effet, Skydraft, qui s'est vu retirer sa licence d'exploitation du
réacteur n° 1 le 5 février dernier, assimile la
décision du Gouvernement à une expropriation de fait et a
formé un recours sur ce motif devant
la Cour administrative
suprême de Suède
. Celle-ci
vient de lui donner raison en
demandant au Gouvernement suédois de surseoir à la fermeture de
la première tranche
de la centrale de Barsebäck.
L'opérateur privé a également porté plainte
auprès de la Commission européenne au motif que la fermeture de
Barsebäck "
renforcera la position déjà
prédominante de la compagnie publique d'électricité
Vattenfall sur le marché suédois
" et
"
contribuera à la distorsion du marché européen
de l'électricité
".
En tout état de cause, Skydraft, qui réclame une compensation
sous forme de capacités de production hydroélectrique et la prise
en compte immédiate de la deuxième tranche du même site
dans le cadre des négociations, se trouve en position de force pour
négocier.
Enfin, si l'on en croit les derniers sondages,
l'opinion publique
suédoise est désormais majoritairement opposée au
démantèlement
(entre 55 % et 66 % selon les
instituts).
Quant aux voisins nordiques, leurs sentiments sont contrastés. Si le
ministre danois de l'environnement a exprimé sa satisfaction que la
centrale - très proche de Copenhague - soit
désactivée, les autorités norvégiennes craignent
des tensions à la hausse sur le marché nordique de
l'électricité.
En définitive, en voulant ainsi montrer que la sortie du
nucléaire est amorcée, le Gouvernement suédois aurait
clairement obéi à des motivations politiques, à la veille
des échéances électorales de septembre prochain. Dans tous
les cas, rien n'indique que cette première fermeture, si elle a lieu,
sera suivie d'autres. En assortissant toute poursuite du
démantèlement du nucléaire au delà de ce premier
réacteur, de conditions qui en rendent l'éventualité
douteuse, le Gouvernement espère sans doute désamorcer
durablement un dossier qui est devenu au fil des années un
" serpent de mer " de la politique suédoise.
5. Le nucléaire constitue un enjeu électoral en Allemagne
En
Allemagne, l'avenir de la filière nucléaire fait depuis plusieurs
années l'objet de négociations pour un " consensus
énergétique " entre le SPD, dirigé par
M. Gerhard Schröder, et les partis de la coalition au pouvoir. En
1996, le SPD, le FDP et la CDU/CSU étaient très proches d'un
accord sur la question de la gestion des déchets, mais c'est finalement
l'opposition au maintien de l'option nucléaire manifestée par le
SPD qui a fait échouer les négociations.
Le SPD maintient en effet le principe d'un abandon du nucléaire, bien
qu'il n'en ait pas fixé le terme. M. Oskar Lafontaine s'est ainsi
engagé lors de la campagne pour les élections législatives
du 27 septembre prochain à "
revoir de fond en comble le budget
de la recherche
" pour affecter les fonds dégagés du
nucléaire à la recherche d'énergies "
porteuses
d'avenir
". Par ailleurs, bien que M. Schröder tienne pour
improbable une sortie du nucléaire avant 25 à 30 ans, rien ne
permet de préjuger du renouvellement des centrales actuelles.
Le Gouvernement fédéral souhaite pour sa part maintenir l'option
nucléaire ouverte, c'est-à-dire préserver les conditions
réglementaires, scientifiques et techniques de l'exploitation et de la
construction de centrales. Pour les autorités entendues par votre
rapporteur,
seul le maintien de l'option nucléaire peut justifier
l'intervention des pays d'Europe de l'ouest dans les pays de l'ex-bloc
communiste en vue de garantir la sécurité des installations
.
S'agissant du réacteur EPR développé en collaboration avec
la France, le Gouvernement fédéral s'efforce de trouver une forme
de procédure d'autorisation de ce type de réacteur qui n'exige
pas la construction d'un prototype EPR en Allemagne. Pour le SPD, accepter une
procédure spéciale sur l'EPR reviendrait
de facto
à
admettre le renouvellement des centrales existantes. Le SPD ne semble pas
prêt à franchir ce pas.
Quoi qu'il en soit, les grands électriciens exploitant des centrales
nucléaires (RWE, Preussen Elektra, Badenwerk, Bayernwerk) estiment ne
pas disposer de la sécurité juridique et politique suffisante
pour investir à nouveau dans des unités nucléaires, dans
un secteur où les investissements doivent être planifiés et
amortis à long terme. Les électriciens considèrent que la
loi n'offre pas de garanties aux exploitants de centrales et qu'elle est de
surcroît appliquée et interprétée dans l'idée
d'entraver l'exploitation des centrales.
Le cas de la centrale nucléaire de RWE à Mühleim-Karlich
(Hesse) en est une illustration : cette centrale, dont la construction a
commencé il y a 25 ans, n'a jamais fonctionné. L'autorisation
accordée à RWE au moment du lancement du projet a
été retirée à la suite des recours introduits par
les riverains et les organisations écologistes.
6. Une exception : le Japon
Au
Japon, la production totale d'électricité atteignait en 1997 990
milliards de kWh, soit deux fois la production française. Cette
électricité
était à 56,8 % d'origine
thermique,
à
33,4 % d'origine nucléaire
et à
9,8 % d'origine hydraulique. 50 réacteurs étant
opérationnels à l'heure actuelle dans le pays.
Alors que la demande d'électricité va continuer à
croître au Japon de 40 % d'ici 2010, selon le Ministère du
Commerce International et de l'Industrie (MITI), la part du nucléaire
dans la production d'électricité devrait augmenter de
manière significative et passer, de 43 à 70,5 GW d'ici à
2010, soit une
augmentation de 60 %
. Seize à dix-sept
centrales devraient être mises en service durant cette période, ce
qui devrait porter la part du nucléaire dans la production
d'électricité à près de 37 %.
L'opinion publique japonaise demeure en effet très favorable au
nucléaire, malgré les incidents du réacteur à
neutrons rapides de Monju, en décembre 1995, et les réactions
hostiles à l'implantation d'une centrale sont restées
limitées
31(
*
)
.
La peur de la pénurie de matières premières, notamment
énergétiques, a toujours été au coeur de l'histoire
japonaise contemporaine et les chocs pétroliers ont encore plus durement
frappé ce pays. Le choix du nucléaire résulte donc, comme
en France, de la volonté délibérée s'inscrivant
dans le long terme, d'assurer la sécurité de leur
approvisionnement.
Le Japon continue dans la filière des réacteurs à neutrons
rapides et va redémarrer le surgénérateur Monju.
C. LE PROBLÈME NON RESOLU DE LA GESTION DES DÉCHETS
1. La Suède a opté pour le stockage souterrain de ses déchets
La
Suède dispose d'un dispositif presque complet de traitement des
déchets radioactifs dont la gestion revient à la
société SKB, constituée par les quatre compagnies
productrices d'électricité d'origine nucléaire. En effet,
aux termes de la loi suédoise, les propriétaires des centrales
sont responsables de la manutention et de l'évacuation sûre de
tous leurs déchets radioactifs (principe de responsabilité du
producteur).
Les déchets de faible et moyenne activité
provenant des
centrales ainsi que des hôpitaux, de l'industrie et de la recherche
sont envoyés
au SFR,
installation de stockage définitif
située sous la Baltique
à 1 km de la côte dans le
soubassement rocheux. Le dépôt se compose de cavités
creusées dans la roche à une profondeur de 50 à 100
mètres, en différentes configurations selon le type de
déchets à recevoir.
S'agissant du combustible irradié,
il a été
décidé de ne pas le retraiter
compte tenu de la limitation du
programme nucléaire aux 12 réacteurs existants.
Le combustible
irradié est en conséquence stocké depuis 1985
(pour
quarante ans environ)
dans une installation de stockage provisoire
située sur le site d'Oskarshamn.
La dernière étape du programme mené actuellement par SKB
et divers instituts de recherche suédois vise à réaliser
un site de stockage final en grande profondeur d'ici 2005-2010. L'approche
visant à confiner les déchets à haute activité en
formation géologique profonde dans le socle cristallin a en effet
été choisie dès le début du programme
nucléaire. Un programme pour la localisation du futur site de stockage,
la phase la plus sensible de la fin du cycle du combustible, a
été lancé selon une procédure alliant souplesse et
transparence. Des études préliminaires sont actuellement
menées sur cinq sites et doivent conduire dans un délai de deux
ans à la sélection de deux sites sur lesquels une analyse
approfondie sera effectuée. Dans la phase ultime qui devrait avoir lieu
dans 8 à 10 ans, le choix du site définitif sera
opéré, après autorisation des autorités
chargées de la sécurité publique, de la commune et du
Gouvernement.
Enfin, pour se donner les moyens de conduire des tests à grande
échelle et en milieu réel, SKB a décidé de
construire un
laboratoire
de recherche souterrain à 450
mètres de profondeur dans la roche granitique
, sous la petite
île d'Äspö, tout près du site de stockage d'Oskarshamn.
Ce laboratoire, achevé en 1995, n'a pas vocation à être
transformé en site de stockage définitif. Les programmes y sont
menés en collaboration avec des organismes de la communauté
nucléaire internationale (ANDRA...).
Il convient de noter que si les Suédois émettent des doutes sur
la sûreté du stockage en couches profondes (44 % des
personnes interrogées pensent que le stockage en couche
géologique profonde est le meilleur mode de stockage mais 40 %
pensent qu'il serait sage de reculer la décision), ils font preuve d'un
certain " sens civique " puisque 55 % des personnes
interrogées accepteraient que leur commune soit retenue comme site de
stockage final.
2. L'Allemagne est en faveur du stockage irréversible
En
Allemagne, l'aval du cycle nucléaire est réglementé par la
"loi atomique". Jusqu'en 1994, cette dernière obligeait les exploitants
de réacteurs à retraiter en priorité leur combustible
usé dans la mesure où ce retraitement demeurait rentable et
pouvait se faire sans dommages pour l'environnement. Depuis un amendement de
cette loi en 1994, le
libre choix leur est laissé entre le
retraitement et le stockage direct
.
Dans la pratique, la plupart des
électriciens ont encore recours au
retraitement dans le cadre de contrats qui les lient avec BNFL et Cogema
jusqu'en 2005, avec, selon les cas, des options pour 10 années
supplémentaires. L'Allemagne ne dispose en effet pas d'installation
industrielle de retraitement (le projet d'usine de retraitement de Wackersdorf
ayant été stoppé en 1989).
Les 19 centrales nucléaires à eau légère en
activité en Allemagne produisent annuellement environ 480 tonnes de
combustible usé sous forme de métaux lourds.
Selon la loi, le stockage définitif des déchets nucléaires
à vie longue est du ressort des autorités fédérales
alors que le stockage des déchets à faible et moyenne
activité incombe aux Länders. C'est aux exploitants d'assurer
l'entreposage intermédiaire.
Il existe deux centres de stockage intermédiaire, l'un à Ahaus et
l'autre à Gorleben (Basse Saxe), destinés à recevoir des
combustibles irradiés en vue de leur stockage direct ou en attente de
leur retraitement. Chacun dispose d'une capacité de 1 500 tonnes.
En pratique, seul Ahaus a pu jusqu'à présent fonctionner
correctement, le fonctionnement de Gorleben ayant été
entravé par les actions en justice des anti-nucléaires. Mais, ce
dernier site a été retenu pour y construire une installation
pilote (PKA) de conditionnement pour le stockage direct
d'éléments combustibles irradiés.
Par ailleurs, la capacité de stockage sur site autorisée de
l'ensemble des centrales s'élevait début 1996 à 6 683
tonnes.
Les déchets de haute activité issus du retraitement des
combustibles sont vitrifiés sur place (i.e. à Sellafield ou
à la Hague) et réexpédiés dans des conteneurs de
transport à Gorleben pour stockage intermédiaire.
Le stockage définitif de déchets radioactifs n'est pour l'instant
effectif qu'au centre de Morsleben (ERAM) remis en service en 1994, qui
doit accueillir jusqu'en 2000 des déchets de faible et moyenne
activité.
S'agissant du stockage définitif des déchets de haute
activité, le site profond de la mine de sel de Gorleben fait l'objet
d'études géologiques depuis 1989.
3. Le Japon procède au retraitement-recyclage des déchets
Le Japon
ne dispose que de faibles capacités de retraitement, avec l'usine de PNC
de Tokaï (actuellement à l'arrêt à cause de l'incident
de mars 1997), d'une capacité de 90 tonnes par an, alors que les
réacteurs japonais déchargent en moyenne 1 000 tonnes
de combustible usé par an.
C'est pourquoi les électriciens japonais ont signé il y a vingt
ans avec COGEMA (usine P3 de La Hague) et BNFL (Sellafield) des contrats pour
le retraitement d'environ 6 000 tonnes.
Une usine de retraitement, de technologie française, est en cours de
construction à Rokkasho-mura. Elle ne sera opérationnelle qu'en
2003 et, d'une capacité maximale de 800 tonnes ne suffira pas à
assurer l'intégralité du retraitement de combustibles
usés. Dans l'intervalle, les contrats en cours devraient être
prolongés.
Très attentif aux questions de non prolifération, le Gouvernement
japonais suit une politique de contrôle étroit et de limitation au
maximum des stocks de plutonium. Le principe posé par le plan à
long terme adopté en 1994, reconfirmé en janvier 1997, est la
consommation intégrale à terme des quantités de plutonium
issues du retraitement dans les réacteurs à eau
légère sous forme de Mox, et ultérieurement dans les
réacteurs à neutrons rapides commerciaux. Le Japon ne dispose pas
encore de sa propre usine de fabrication de Mox et s'approvisionnera, dans un
premier temps, uniquement auprès de fournisseurs européens. Le
Gouvernement japonais est très favorable à la coopération
avec la France dans ce domaine.
Au total,
la période 2010-2015 sera une période
charnière pour l'avenir du nucléaire mondial
, dans la mesure
où les positions qui seront prises face aux besoins de renouvellement du
parc occidental détermineront la position du nucléaire pour
plusieurs décennies.
La plupart des observateurs s'attendent à
ce que le renouvellement ait lieu
, tant pour des raisons de
sécurité d'approvisionnement, de stabilité des prix que de
participation à la lutte contre l'effet de serre. Il en
résulterait une nouvelle croissance de la part du nucléaire dans
la production totale d'électricité.
Encore faudrait-il, comme le souligne le rapport du Commissariat du Plan, que
"
les problèmes de sûreté, d'acceptabilité
et de compétitivité puissent être
résolus
".
IV. UN NOUVEL ÉLAN EN FAVEUR DE L'UTILISATION RATIONNELLE DE L'ÉNERGIE ET DES ÉNERGIES RENOUVELABLES
Hier
considérées comme la panacée pour s'affranchir des
énergies importées et coûteuses, les énergies
renouvelables (éoliennes, solaire, géothermique, biomasse) font
l'objet d'un nouvel engouement aujourd'hui en raison de leurs qualités
non polluantes.Leur crédibilité s'accroît au rythme des
progrès technologiques réalisés dans ce domaine.
S'il semble hors de question que le vent, le soleil,
l'hydroélectricité ou la biomasse remplacent un jour le
pétrole, le gaz ou le charbon, ces énergies présentent
néanmoins l'avantage, d'une part de pouvoir équiper des zones
isolées, et, d'autre part, de limiter les émissions de gaz
à effet de serre.
Là encore, une très grande
hétérogénéité caractérise les
différents pays, selon la plus ou moins grande sensibilité de la
population aux problèmes environnementaux, ou selon le bilan
énergétique du pays.
Quant aux efforts de maîtrise de l'énergie, ils ont fluctué
en fonction des prix du pétrole : importants à la suite du
choc pétrolier, ils ont reflué avec le contre-choc de 1986.
Ainsi, après avoir décru sous l'influence des progrès
technologiques et des efforts de rationalisation des usages
énergétiques, l'intensité énergétique
(énergie consommée par point de PIB) progresse de nouveau dans la
plupart des pays industrialisés depuis la fin des années 1980.
Aujourd'hui, la maîtrise de la consommation énergétique,
notamment dans le domaine des transports, est partout envisagée comme un
moyen d'honorer les engagements pris à Kyoto. La plupart des Etats
déclarent en conséquence vouloir y consacrer un effort plus
soutenu, à commencer par les Etats-Unis.
Enfin, la cogénération, qui permet d'augmenter
considérablement le rendement énergétique de
l'énergie primaire consommée, possède des atouts
indéniables au regard de la nouvelle préoccupation
environnementale. C'est l'argument principal de la Commission européenne
dans sa proposition de " stratégie communautaire pour promouvoir la
production combinée de chaleur et d'électricité et
supprimer les obstacles à son développement ".
A. LA MAÎTRISE DE LA CONSOMMATION EST FORTEMENT INFLUENCÉE PAR LA VARIATION DU PRIX DES ÉNERGIES
L'évolution de la politique énergétique
américaine en matière d'économies d'énergies ou de
maîtrise de la consommation est emblématique des revirements qui
ont touché tous les pays dans ces domaines. Les Etats-Unis sont en effet
passés par une phase de promotion des énergies de substitution
dans les années 1970 à une phase de " laisser-faire "
dont les récentes déclarations du Président
américain laissent envisager la fin.
La crise énergétique de la décennie 1970 avait
incité le Congrès à faciliter la production
d'électricité par des petits producteurs dénommés
"
Qualifying Facilities
" (QF) et utilisant la
cogénération et les énergies renouvelables. Cela a
constitué la première brèche dans le monopole de
production que possédaient jusqu'alors les compagnies
d'électricité américaines. La loi dénommée
"
Public Utility Regulatory Policies Act
" (PURPA) a contraint
alors les compagnies d'électricité traditionnelles à
acheter le courant produit par cette nouvelle catégorie
d'opérateurs. Toutefois, le rôle des
Qualifying facilities
est resté limité à des projets de petite puissance ou
à la production combinée d'électricité et de
chaleur, compte tenu des conditions de production qu'elles doivent
respecter
32(
*
)
.
L'attitude actuelle des Etats-Unis reflète à l'inverse la
confiance des autorités publiques américaines dans la richesse
des dotations énergétiques nationales
33(
*
)
et dans la puissance diplomatique américaine.
En effet, les
économies d'énergie et la promotion des
énergies renouvelables ont cessé d'être une
préoccupation américaine au profit de la recherche de
l'approvisionnement au moindre coût
. Les considérations de
rendement ou d'indépendance énergétique sont
reléguées au second plan, les Américains estimant, quant
au second point, qu'ils disposent des moyens politiques et militaires de se
garantir l'accès aux ressources.
Dans une période de faibles prix du pétrole et du gaz, cette
politique se traduit par l'accroissement de la consommation des énergies
fossiles (+ 14 % depuis 1990). Pour la première fois depuis
les chocs pétroliers, les véhicules neufs mis sur le
marché consomment plus de carburant que les anciens et le contenu en
énergie du point de croissance marginal a tendance à augmenter.
Le gaz devient la solution de référence pour le
développement énergétique. Une moitié des nouvelles
centrales devrait être alimentée en gaz naturel dans les vingt ans
qui viennent, le charbon conservant, pendant la même période, sa
part relative (environ 55 % de la production d'électricité).
Sur le plan géographique, la dépendance des Etats-Unis à
l'égard des importations de pétrole continue de
s'accroître, dans l'indifférence à peu près
générale. Selon les estimations du département de
l'énergie, les importations devraient couvrir plus de 60 % des
besoins vers 2010.
La priorité américaine dans le domaine extérieur est
dès lors d'assurer un approvisionnement mondial en énergie,
particulièrement en pétrole, en quantité suffisante pour
tirer les prix vers le bas. Elle vise aussi à diversifier les sources
d'approvisionnement de manière à réduire la
dépendance globale à l'égard des pays de l'OPEP. Ainsi,
l'accès aux ressources pétrolières du bassin de la mer
Caspienne apparaît comme la clé de la politique
énergétique internationale des Etats-Unis
. La question que
doivent résoudre les responsables américains est celle de
l'acheminement du pétrole et du gaz vers les marchés mondiaux.
Parallèlement, l'accroissement rapide des besoins
énergétiques chinois constitue l'un des principaux défis
à venir. Il s'agit pour les Américains, d'une part, d'inciter les
Chinois à résoudre leurs problèmes
énergétiques à venir par la coopération
internationale plutôt que par des revendications territoriales (mer de
Chine du Sud), et, d'autre part, de prendre part à des projets de
développement énergétiques situés à la
périphérie chinoise, en collaboration avec les Japonais,
notamment.
Aux yeux des responsables américains, la situation devrait demeurer
confortable au moins pour les vingt ans à venir, les réserves
connues de pétrole et de gaz permettant de satisfaire au moindre
coût une demande mondiale qui devrait passer, pour le pétrole, de
70 à environ 90 millions de barils/jour. Si des pénuries locales
apparaissaient (Turquie), les Américains considèrent qu'ils
disposent des moyens militaires et diplomatiques suffisants pour assurer
l'approvisionnement des marchés en hydrocarbures à moindre
coût.
Néanmoins,
la récente conférence de Kyoto semble avoir
ébranlé les certitudes américaines
. Le
président américain, Bill Clinton, qui a qualifié de
"
plus grand défi actuel
" les changements climatiques
et le réchauffement de la planète, a en effet rendu public, le 4
mai 1998, un
programme d'économies d'énergies dans les
résidences individuelles
dont l'objectif premier est de
réduire les émissions de gaz carbonique. Baptisé
" Partenariat pour le progrès des technologies dans le
logement ", ce programme est fondé sur une coopération
volontaire entre le Gouvernement fédéral, les professionnels de
l'industrie du logement et les autorités locales.
Mettant en oeuvre l'utilisation de nouvelles générations
d'appareils électroménagers, d'ampoules électriques
à énergie solaire et une meilleure isolation thermique, le
programme doit permettre de réduire de quelque 24 millions de
tonnes par an en 2010, les émissions de CO
2
, selon la Maison
Blanche.
S'agissant des économies d'énergie, les objectifs annoncés
sont aussi ambitieux. Le programme doit entraîner des réductions
de consommations d'énergie de 50 % dans les résidences
nouvellement construites et de 30 % dans 15 millions de logements
bâtis. Pour les consommateurs, cela signifierait 11 milliards de
dollars d'économies sur les dépenses énergétiques
d'ici 2010.
Il convient de préciser que l'énergie consommée à
domicile représente quelque 20 % des émissions de gaz
responsables aux Etats-Unis de l'effet de serre. Une maison individuelle
produit en moyenne deux fois plus de CO
2
qu'une voiture. Les
24 millions de tonnes que le programme doit permettre d'économiser
sont l'équivalent de ce que produiraient 20 millions de véhicules
automobiles.
En Finlande, le ministère du commerce et de l'industrie et la
Confédération des employeurs finlandais ont signé un
accord en novembre 1997 destiné à encourager les économies
d'énergie dans l'industrie. Les entreprises adhérant à
l'accord cadre s'engagent à faire une analyse de leur rendement
énergétique et à établir un projet
d'amélioration dont l'avancement fera l'objet d'un rapport
annuel.
B. LA RELANCE DU DÉVELOPPEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES
Avant
1990, les politiques menées pour réduire la dépendance
énergétique, qui étaient centrées principalement
sur le nucléaire, ont eu aussi quelques effets sur le
développement de la
production hydraulique
, centralisée et
décentralisée, notamment en France et au Danemark.
Les politiques nationales de développement des énergies
renouvelables ont été réactivées à la fin
des années 1980, comme appui des politiques de réduction des
émissions de CO
2
face au risque de changement climatique.
Aussi, compte tenu de leur caractère récent,
l'effet de ces
politiques sur les bilans énergétiques reste encore très
limité
.
Ainsi, selon les statistiques de l'Agence Internationale de l'Energie, les
énergies renouvelables ne représentaient en 1995, en proportion
de la production d'électricité des pays membres que :
- 14,6 % pour l'hydroélectricité
- 0,4 % pour la biomasse
- 0,1 % pour l'énergie solaire
Néanmoins, l'année 1997 a été marquée par
une augmentation de 43 % de la production mondiale de modules
photovoltaïques, qui a atteint 126,7 MW. Cette croissance est due au
programme des 70 000 toits au Japon et aux programmes analogues
lancés en Allemagne et en Suisse, tandis qu'aux Pays-Bas, une loi impose
d'étudier pour toute construction neuve une variante
d'électrification par le solaire.
Selon l'International Institute for Applied System Analysis (IIASA), la part
globale des énergies renouvelables dans le bilan
énergétique mondial devrait osciller entre 16 et 21 % en
2020, contre 17 % au début de la décennie. La biomasse
devrait continuer à satisfaire 12 % des besoins dans le monde et
l'hydroélectricité se maintiendrait entre 5 et 6 %.
Le solaire devrait enregistrer une progression importante, passant de 0,8
à 2,7 %.
Les politiques adoptées dans la plupart des pays européens
portent sur toutes les
techniques de production électrique
renouvelable
, proches de la rentabilité ou l'ayant atteint
(mini-hydraulique, éolien, photovoltaïque, biomasse)
34(
*
)
. Complétant ou relayant les aides à la
recherche-développement, diverses combinaisons de dispositifs
d'incitation sont utilisées, assorties d'une obligation d'achat par les
entreprises électriques, dans le cadre de politiques de création
ou d'ouverture de marchés. La production thermique par énergies
renouvelables fait également l'objet d'incitations fiscales, dans un
certain nombre de pays (Allemagne, Autriche, Espagne, Suède)
35(
*
)
.
Pour ce qui concerne le subventionnement par les tarifs d'achat, la
définition d'un prix standard élevé supérieur au
coût évité des entreprises électriques est le moyen
le plus utilisé. Il est supposé permettre une rentabilité
correcte des projets : le prix est simplifié et sans lien avec la
garantie de fourniture ; il est calculé en référence
à la recette unitaire moyenne en Allemagne, au tarif domestique aux
Pays-Bas, au coût évité rehaussé d'une prime
conséquente en Italie, au tarif domestique rehaussé du
reversement des diverses taxes sur l'électricité (taxe sur le
CO
2
, TVA) au Danemark. En Grande-Bretagne, le prix est
spécifique à chaque projet et est aligné sur le prix de
rentabilisation de chacun. Ce mode de subventionnement des unités de
production peut être financé de trois façons :
- par une taxe explicite sur l'électricité (1 % du prix
de l'électricité de gros en Grande-Bretagne, 2 % sur les
tarifs des distributeurs faisant le choix d'aider les énergies
renouvelables aux Pays-Bas) ;
- par un subventionnement interne à l'entreprise acheteuse, comme
en Allemagne et en Italie, ce qui nécessite une hausse explicite ou
implicite des tarifs ;
- ou, encore, par reversement de taxes sur l'électricité
(Danemark).
Le financement de cette bonification tarifaire repose donc, soit sur l'ensemble
des consommateurs (Grande-Bretagne, Italie), soit seulement les clients de
l'entreprise locale acheteuse (Allemagne, Pays-Bas), ou bien encore sur le
budget de l'Etat (Danemark)
36(
*
)
.
Pour ce qui concerne les subventions à l'investissement final, il est
à signaler que l'usage de subventions publiques (de l'ordre de
30 %) n'est dominant qu'aux Pays-Bas, en Suède et en Espagne
où il n'y a pas de prix spéciaux
37(
*
)
. Mais il constitue un appui complémentaire
important en Allemagne. Au Danemark, ce type d'aides qui n'existe actuellement
que pour la production par biomasse, a été progressivement
éliminé en éolien au profit de la seule bonification
tarifaire, une fois lancée la dynamique d'innovation (30 % en 1979,
0 % en 1985).
Le peu de recul dont on dispose par rapport aux politiques mises en place
après 1990 (Danemark excepté) ne permet pas de porter un jugement
tranché sur leur impact. Au niveau des bilans énergétiques
nationaux et au niveau industriel, ces impacts sont - du moins à ce
jour - très modestes, à l'exception du Danemark.
Mais
de nombreux projets sont en cours de développement
,
et les objectifs de capacité à installer affichés par les
gouvernements sur la décennie (1 700 MW en Espagne,
1 500 MW en Grande-Bretagne et en Italie, etc...) devraient
être atteints.
En Italie, 300 projets représentant une capacité de
1 570 MW (dont 440 MW éoliens) ont été
acceptés pour une réalisation progressive d'ici 2000-2003. Au
Royaume-Uni, les quatre appels d'offre successifs ont abouti à
l'acceptation de projets représentant une capacité de
2 000 MW (dont 600 MW en éolien).
1. Le Danemark est un pionnier dans l'exploitation du potentiel éolien
L'industrie éolienne danoise détient un
incontestable
leadership sur le marché mondial (50 % du marché mondial).
Cet avantage est dû au développement précoce de
l'énergie éolienne au début des années 1980 et
à la continuité du soutien (subventions, puis bonification
tarifaire).
En décembre 1995, l'industrie éolienne danoise comptait
ainsi 9 000 emplois (1 760 chez les fabricants et 7 240
chez les sous-traitants, consultants et sociétés de maintenance),
soit plus que le secteur des pêcheries. Le volume exporté en 1995
était de 480 MW pour une valeur de 2,8 GF.
En 1996, la contribution de l'électricité éolienne au
Danemark était de 1,55 Twh/an, soit 4 % de
l'électricité produite pour 835 MW installés. Quant
au coût du kWh éolien au Danemark, il était compris entre
0,264 et 0,352 F/kWh selon les sites en 1995. La taille des turbines a
décuplé (de 50 à 500 kw) et le coût des
générateurs éoliens a été divisé par
deux en dix ans.
2. L'éolien décolle en Espagne
Les
énergies renouvelables représentaient une production de
5 000 GWh en 1997, soit 3 % de la production électrique
de l'Espagne, l'essentiel étant d'origine mini-hydraulique. Toutefois,
l'Espagne a opté pour un développement
accéléré de l'exploitation de l'éolien.
La nouvelle loi du secteur électrique accorde d'ailleurs une place non
négligeable à ces énergies, bien que les incitations
soient revues à la baisse.
S'agissant de l'éolien, la puissance installée est passée
de 115 MW répartie sur 36 parcs éoliens en 1996 à
près de 400 MW fin 1997. On prévoit une production de
1 700 MW en l'an 2000, soit 2 % de la production électrique
totale et un investissement de 8 milliards de francs. Le ministère de
l'industrie estime qu'à cette date, la consommation
d'électricité d'un million de foyers espagnols proviendra des
éoliennes et considère que le potentiel pourrait un jour
atteindre 10 % de la production électrique nationale.
Deux facteurs sont à l'origine de ce décollage soudain :
- les progrès technologiques qui ont ramené les coûts
d'installation du kw de 16.000 à 6 000 francs en dix
ans ;
- l'obligation faite aux compagnies électriques d'acheter
l'électricité produite par les éoliennes à un
coût supérieur de 20 % au prix du marché sur la
période 1996-2000 (12,3 pesetas).
Si l'Andalousie et les Canaries sont les régions autonomes les mieux
équipées en parcs éoliens, les meilleures perspectives de
croissance se trouvent cependant en Galice, en Aragon et en Navarre. Le plan
galicien, très ambitieux, prévoit d'atteindre les
2 000 MW en dix ans, ce qui paraît
surévalué.
3. L'Italie place des espoirs dans l'énergie photovoltaïque
En
Italie, la contribution des sources d'énergie renouvelables à la
consommation globale d'énergie s'élève à 6 %
et correspond à 10 Mtep. Il s'agit pour l'essentiel
d'énergie hydroélectrique, de géothermie et de biomasse.
Les prévisions font état d'une contribution de 12 % en 2010.
Une loi de 1991 a mis en place des mesures incitatives en faveur de la
production d'énergie à partir de sources renouvelables. Elle
prévoit :
- la suppression des limitations imposées à
l'auto-production : la loi de nationalisation de 1962 prévoyait un
seuil minimum de 70 % d'autoconsommation ;
- la détermination de conditions favorables de cession
d'énergie électrique à l'Enel : contrats à
long terme et prix subventionnés ;
- la confirmation de la responsabilité de l'Enel en tant que
coordinateur et programmateur de la production. Les projets de production
indépendante sont subordonnés à une vérification
comptable de la part de la compagnie nationale.
Les projets de production indépendante autorisés dans le cadre de
la loi de 1991 représentent une puissance de 8 000 MW, dont
2.500 sont en fonctionnement depuis 1996.
L'Italie dispose ainsi de 1 876 centrales hydrauliques pour une puissance
de plus de 16 MW et une production annuelle de 37 780 GWh. Cependant,
le recours à l'énergie hydroélectrique est en diminution
compte tenu du faible nombre de nouveaux projets de la part des
auto-producteurs ces cinq dernières années (+ 300 GWh),
notamment en raison de procédures administratives complexes. Les mesures
incitatives du comité interministériel (CIP n° 6)
ne suffisent pas à assurer la rentabilité d'un projet.
S'agissant de l'énergie éolienne, l'Italie dispose d'une
puissance installée de 70 MW, dont une vingtaine proviennent
d'installations expérimentales de première
génération. 50 MW de puissance additionnelle ont
été installés en 1996.
L'Italie bénéficie pourtant d'un environnement favorable pour le
développement de l'énergie éolienne, en particulier dans
les Appenins et en Sicile. Au cours du premier semestre 1996, l'Enel a
présenté des demandes d'autorisation pour l'installation de
1 800 MW, bien que 70 MW seulement aient été
autorisés par le ministère de l'industrie.
En 1996, la Campanie et les Pouilles ont investi 110 milliards de lires dans de
telles installations ; la Calabre et la Sicile s'apprêtent à
suivre leur exemple, notamment grâce à l'aide des fonds
structurels européens.
L'engouement pour l'énergie solaire, en particulier l'énergie
solaire thermique à basse température, n'a pas été
confirmé après l'essor des années 1970. On recense ainsi
10 000 m
2
d'installations pour la production d'eau chaude.
En revanche, l'énergie photovoltaïque bénéficie d'une
attention plus favorable. En 1994, elle a fait l'objet d'un accord programme
d'une durée de trois ans entre l'Enea
38(
*
)
et le ministère de l'industrie, qui
prévoit un financement de 50 milliards de lires. A Serre, dans la
province de Salerno, a été construite la plus grande centrale
photovoltaïque du monde, d'une puissance de 3 300 kw.
A l'échelle nationale, le secteur est caractérisé par une
multitude d'utilisateurs, isolés pour la plupart du réseau de
distribution électrique : installations isolées,
installations pour l'électrification de groupements d'habitations en
zone rurale, installations connectées au réseau de distribution.
Selon les estimations de l'Enea, la puissance installée atteignait
15.350 kw en 1995 pour une production d'énergie de 13.173 MWh.
Enfin, dans le cadre du programme Thermie de la Commission européenne,
l'Enel installera des sites photovoltaïques d'une puissance maximale de 3
à 6 kw pour une puissance globale de 48 kw.
4. La Grande-Bretagne a su concilier libéralisme et promotion des énergies renouvelables
Bien que
leur part dans la production électrique reste très marginale
(1 % de la consommation d'électricité en 1995, contre 6 %
pour l'Union européenne), les énergies renouvelables
bénéficient d'un potentiel incontestable au Royaume-Uni. Le
marché des énergies renouvelables a notamment été
stimulé par l'introduction de la clause NFFO (Non Fossil Fuel
Obligation) instituée en 1989. Les sommes prélevées
grâce à une taxe de 1 % sur la consommation d'énergie
fossile sont ensuite redistribuées aux industriels qui produisent de
l'énergie à partir de sources non fossiles : elles sont
destinées à 97 % au nucléaire et à 3 % aux
énergies renouvelables. La NFFO sert à financer des projets
sélectionnés par le ministère du commerce et de
l'industrie par l'intermédiaire d'appels d'offre.
La politique dite d'ouverture de marché s'appuie en effet en
Grande-Bretagne (comme en Irlande ou en Italie) sur la réservation d'un
segment quantitativement déterminé du marché
électrique à la production indépendante par
énergies renouvelables : l'objectif est de porter la
capacité installée à 1.500 MW sur le marché
anglo-gallois d'ici l'an 2000 (incluant les "assimilés",
c'est-à-dire la production par résidu ou gazéification).
Ce type de politiques est beaucoup plus directif que celui consistant à
afficher des objectifs quantifiés et à laisser jouer l'incitation
constituée par le seul affichage de prix d'achat élevés,
comme c'est le cas en Allemagne. Il s'appuie sur des appels d'offre successifs
pour un montant précis de capacités à installer. Ceux-ci
s'accompagnent d'une sélection sur la base du critère de prix
offerts par les candidats. Les projets sélectionnés se voient
alors attribuer un contrat d'achat d'électricité de long terme
(quinze ans) à prix garanti, qui correspond au prix de rentabilisation
du projet proposé initialement par le candidat.
Les règles ne sont pas figées. Elles peuvent évoluer au
fur et à mesure de l'apprentissage de cette pratique incitatrice. Ainsi,
à partir du deuxième appel d'offres sur la niche britannique de
la NFFO, l'appel a été segmenté par techniques pour
éviter la concurrence entre techniques de niveau de maturité
différente. A partir du troisième appel d'offres, les candidats
se sont vus offrir des contrats de quinze ans au lieu de huit ans, et une
rémunération au prix qu'ils proposaient au lieu du prix du projet
marginal sélectionné lors des appels précédents.
L'exemple britannique montre que
l'organisation libéralisée
des industries électriques sous l'effet de la dérégulation
n'est pas antinomique de la mise en oeuvre de politiques très actives de
soutien à la diffusion des énergies renouvelables
. Il s'agit
seulement d'isoler une petite partie des nouveaux marchés
électriques de la règle concurrentielle générale
- ce qui n'empêche pas d'appliquer un principe concurrentiel pour la
sélection des projets - et d'éviter de fausser la
concurrence en faisant porter pour cela la charge financière de l'aide
aux énergies renouvelables sur l'ensemble de l'électricité
par une taxe au niveau du transport.
Le prix d'achat de la production éolienne est ainsi passé de
0,93 F/kWh à 0,33 F/kWh entre le premier appel d'offres (1991)
et le quatrième (1996)
39(
*
)
.
L'énergie éolienne britannique est la moins chère d'Europe
après celle des Pays-Bas.
Néanmoins, bien que le Royaume-Uni dispose du plus grand potentiel
d'Europe en matière d'énergie éolienne, il y a des
limitations à la disponibilité du territoire pour les sites de
turbines dues aux contraintes physiques (présence de villes, villages,
lacs, bois, routes...) et institutionnelles, comme la protection de certains
lieux du territoire. De plus, les turbines doivent être placées
à une certaine distance les unes des autres, ce qui réduit la
ressource théorique accessible. Quant à la technologie offshore,
si elle représente un important potentiel, elle requiert des
développements supplémentaires avant de pouvoir être
effectivement exploitée.
En résumé, le potentiel onshore accessible est estimé
à 340 Twh/an et offshore à 380 Twh/an. L'exploitation
de ce potentiel est impossible car cela nécessiterait que de larges
régions du pays se couvrent d'éoliennes.
A l'avenir, la taxe sur les énergies fossiles devrait disparaître,
conformément aux engagements pris auprès de Bruxelles. Mais la
Commission a, semble-t-il, accepté son prélèvement
à un taux plus faible, au seul bénéfice des
énergies renouvelables.
5. La politique allemande de développement de l'éolien est contestée par les opérateurs électriques
En
Allemagne, ce sont les
électriciens qui subventionnent le
développement des énergies renouvelables
: une loi
fédérale de 1991 fait en effet obligation aux entreprises
d'approvisionnement en énergie de racheter l'électricité
produite à partir d'énergies renouvelables et fixe le prix de
rachat à un niveau très supérieur au prix du marché
(17,2 Pf/kWh pour l'électricité éolienne, soit un prix
deux fois supérieur au prix du marché).
La loi a provoqué un essor considérable de l'énergie
éolienne : la capacité installée est ainsi
passée de 630 MW en 1994 à 2.000 MW aujourd'hui. 10.000
emplois seraient directement dépendants de cette activité.
Le nombre d'installations éoliennes de production
d'électricité est passé de 480 en 1990 (pour une
production totale de 100 GWh) à 3 655 en 1995 (pour une
capacité de 1.150 MW dont 550 MW pour les seules installations mises en
service au cours de l'année 1995). Elles se situent essentiellement sur
les cotes de la mer du Nord. La production s'est élevée en 1995
à 2.600 GWh, soit 0,56 % de la demande totale
d'électricité. Les prévisions des Länder concernant
la capacité installée s'élèvent à 4.000 MW
à l'horizon 2005.
Les entreprises d'approvisionnement en électricité
considèrent que les trois quarts des installations éoliennes
ainsi construites ne seraient pas rentables sans cette subvention. Il
évaluent le surcoût qui leur est ainsi imposé, et qui les
oblige à accroître le prix de l'électricité pour les
consommateurs, à 350 millions de deutsche marks en 1994, 560 millions en
1995 et 780 millions en 1996. Sont surtout pénalisées les
entreprises d'approvisionnement situées dans le nord-ouest du pays
(PreussenElektra et Veba).
L'ensemble des subventions attribuées aux énergies renouvelables
atteindrait un milliard de deutsche marks par an.
Le Gouvernement a reconnu dans un rapport d'octobre 1995 que
"
l'introduction d'électricité sur le réseau dans
les sites où les conditions de production sont particulièrement
favorables s'avère significativement plus rentable que cela ne serait en
réalité nécessaire pour une exploitation
commerciale
".
La loi d'ouverture du marché de l'électricité à la
concurrence conduira probablement à revoir le mécanisme actuel de
subventionnement des primes tarifaires, dès lors que les entreprises
locales sur lesquelles il repose devront subir la concurrence d'autres vendeurs
sur leur territoire.
Par ailleurs, le programme allemand photovoltaïque a eu un impact sur la
réduction du coût des générateurs par le
développement induit sur l'électronique de puissance et sur
l'intégration du photovoltaïque aux éléments du
bâtiment. Le prix du générateur photovoltaïque
(module + électronique de puissance) installé est
passé de 98 F/W à 70 F/W sur la période
1990-1995 mais il se situe toujours loin de la compétitivité
économique. Il faut toutefois souligner la tendance longue à
l'abaissement des prix du module photovoltaïque qui représente
aujourd'hui 50 % du coût du générateur
installé : 18,4 $/W en 1980, 5,28 $/W en 1995, les
prévisions tablant sur un prix de 2,54 $/W en 2010.
L'aventure de l'industrie photovoltaïque allemande montre toute la
difficulté qu'il y a à courir après plusieurs objectifs
simultanés (énergétique, industriel et emploi). En effet,
si l'ouverture du marché du photovoltaïque connecté au
réseau a connu certains succès, les deux industriels allemands
-dont Siemens Solar, numéro un mondial- ont, par contre,
arrêté toute fabrication en Allemagne et ont installé toute
leur production aux Etats-Unis, essentiellement pour réduire leur
coût de production.
Enfin, le développement du marché du solaire thermique en
Allemagne a certainement conduit à réduire le coût de
production pour les industriels, sans pour autant diminuer le prix de vente. La
superposition de mesures incitatives (subventions fédérales,
subventions régionales et déductions fiscales) a finalement
encouragé le maintien de prix élevés sans émergence
d'opérateurs de taille suffisante. Il semblerait, selon une
étude, que les prix soient au moins 30 % supérieurs aux prix
pratiqués sur le marché français.
Il est cependant indéniable qu'à terme les énergies
renouvelables vont être développées, conformément
aux recommandations de la
Commission européenne qui a adopté,
en novembre 1997, un plan visant à faire passer de 6 % à
12 % la part des énergies renouvelables dans le bilan
énergétique de l'Union d'ici 2010.
Les secteurs concernés sont essentiellement le solaire
photovoltaïque, l'énergie éolienne et la biomasse. La phase
de décollage prévoit quatre actions prioritaires qui
coûteront au total 20 milliards d'euros (sur un total de
95 milliards d'euros) :
- l'installation de 500.000 toitures et façades
photovoltaïques dans des bâtiments publics en Europe et
l'exportation dans des pays en développement de
500 000 systèmes solaires pour l'électrification
décentralisée de villages ;
- le lancement de grands parcs d'éoliennes d'une capacité de
10 000 mégawatts ;
- la production combinée chaleur-électricité pour
10 000 mégawatts à partir de centrales de plusieurs
technologies utilisant la biomasse ;
- le choix de cent collectivités locales de tailles et
caractéristiques variables, pour l'utilisation de système
intégrés ou dispersés utilisant les énergies
renouvelables.
Selon la Commission, l'intérêt d'un tel plan est triple : il
est favorable à l'emploi car l'industrie européenne est leader
mondial dans ce secteur ; il devrait permettre, si les objectifs finals
sont atteints, une réduction des importations de combustibles de
17,4 % ainsi qu'une diminution des émissions de gaz carbonique de
400 millions de tonnes par an.
C. LE DÉVELOPPEMENT TRÈS IMPORTANT DE LA COGÉNÉRATION
1. Le développement de la cogénération semble avoir atteint un palier en Allemagne
La
première centrale produisant conjointement de l'énergie thermique
et de l'énergie mécanique a été
érigée en 1893 à Hambourg. Mais c'est avec les crises
pétrolières, qui ont encouragé le développement de
centrales de cogénération au charbon que l'utilisation de la
cogénération pour l'alimentation du réseau public s'est
développée.
La durée d'amortissement des centrales, le rôle très
important des communes dans le choix des modes d'approvisionnement en courant
et en chaleur des foyers - et même des entreprises peu
consommatrices -, et la présence d'entreprises très
consommatrices de vapeur expliquent la place importante occupée par la
cogénération sur le marché allemand de l'énergie.
Dans les nouveaux Länder, la croissance des capacités de
production de 82 % trouve son origine dans une politique volontariste.
En effet, pour répondre aux besoins de rénovation des centrales
et des réseaux, et notamment réduire les émissions de gaz
polluants émanant des centrales au lignite qui dépassaient
largement les normes ouest-allemandes, le Gouvernement fédéral a
mis en place un programme d'aides au chauffage urbain doté de 1,2
milliard de DM sur la période 1992-1995.
Le développement des installations de cogénération a en
outre bénéficié de conditions relativement avantageuses de
rachat de l'électricité
produite en surplus dans les
petites centrales
par les grands électriciens
exploitants de
réseau de transport à moyenne et longue distance. En vertu d'un
accord entre professionnels datant de 1979 et renégocié en 1994,
il incombe en effet aux exploitants du " réseau public " de
racheter l'électricité produite dans des installations de
cogénération dès lors que la production de
l'opérateur privé excède ses besoins
40(
*
)
.
Au total, la production d'électricité
cogénérée représente
8 % de la production
brute totale d'électricité
en Allemagne, ce qui place ce pays
juste en dessous de la moyenne communautaire. 88 % de
l'électricité produite par cogénération est
destinée au réseau public
41(
*
)
(ce
qui représente une capacité de production de 9.500 MW) et
11 % à l'industrie (capacité de production de
8.700 MW).
A part la compagnie d'électricité berlinoise BEWAG qui assure
57 % de la production d'électricité
cogénérée du réseau public, les grands
électriciens sont avant tout présents sur le segment industriel
de la cogénération, tandis que l'exploitation et le
contrôle des capacités de production destinée au
réseau public sont très décentralisés
(installations détenues par les
Stadtwerke
).
D'une manière générale, les installations du réseau
public, en particulier dans les nouveaux Länder, privilégient
l'utilisation du lignite qui y est extrait, tandis que les industriels ont
plutôt recours à des centrales, à moteur ou à
turbine, utilisant le gaz.
Mais
tout laisse penser que le développement de la
cogénération en Allemagne a atteint un palier
. Sa part dans
l'approvisionnement en électricité pourrait même reculer
dans les années à venir. La production
d'électricité en général et la
cogénération en particulier souffrent d'importantes
surcapacités.
Dans son propre parc de centrales, la BEWAG estime ces surcapacités
à 400 MW, soit environ 20 % de ses capacités totales.
Le dernier investissement d'importance réalisé par la BEWAG est
la centrale à cycle combiné gaz-vapeur de Berlin-Mitte (quartier
de Berlin), inaugurée en septembre1997. Mais la BEWAG n'envisage plus
d'investissement conséquent à un horizon de cinq ans. Le premier
exploitant de réseau de chauffage urbain d'Europe considère que
ses capacités sont largement suffisantes pour satisfaire une demande qui
ne devrait pas augmenter de manière importante au cours des prochaines
années et, qu'en outre, elles sont dans l'ensemble dans un état
technique satisfaisant.
Mais le gel des investissements n'est pas seulement la conséquence des
surcapacités. Il s'explique aussi par
la libéralisation du
marché de l'électricité comme du gaz qui laisse planer un
doute sur la rentabilité future des installations de
cogénération
(concurrence des autres types de production
électrique et baisse des prix) et par la récente privatisation de
la BEWAG dont les nouveaux actionnaires seront certainement plus exigeants en
termes de rentabilité que ne l'avait été le Land de Berlin.
Exploitants et producteurs considèrent en effet que l'introduction d'une
plus grande concurrence sur le marché pourrait nécessiter une
renégociation de l'accord professionnel de 1994. Avec ou sans
renégociation,
le prix de rachat devrait baisser sous l'effet de la
concurrence
. Les exploitants de centrales de cogénération
devront prendre en compte cette évolution qui se traduira par la baisse
des recettes de la revente d'électricité sur le réseau
public. C'est une raison supplémentaire d'inquiétude pour les
acteurs du marché de la cogénération.
Les communes ont toutefois obtenu de pouvoir protéger leurs
installations de cogénération contre la concurrence dans le cadre
de la réforme du droit de l'énergie entrée en vigueur le
1
er
mai dernier : si l'exploitation d'une centrale de
cogénération était menacée du fait de la
concurrence que lui livre un producteur, la commune pourrait refuser d'ouvrir
son réseau à ce producteur pour conserver ses
débouchés. En cas de conflit entre les fournisseurs voulant
accéder au réseau communal et les communes qui exploitent des
centrales de cogénération, les tribunaux allemands devront
préciser les droits et obligations respectifs des parties.
L'avis qui prévaut à la BEWAG est que ces dispositions juridiques
protectrices ne supporteront pas l'épreuve de la concurrence et que les
centrales de cogénération seront soumises en définitive
aux mêmes impératifs de compétitivité que les
centrales thermiques classiques.
2. Un développement spectaculaire en Espagne
Pour ce
qui concerne la cogénération, la puissance totale
installée était, fin 1997, de 4.400 MW, soit l'équivalent
de 4 centrales nucléaires, réparties entre plus de 1000 centrales
et 500 propriétaire. Parmi elles, une trentaine ont une capacité
supérieure à 20MW et appartiennent à de grandes
entreprises. Cinq années ont suffi pour multiplier par 4 le nombre de
kilowatt-heures cogénérés : la production annuelle
est ainsi passée de 3.600 GWh en 1990 à 15.670 GWh en 1996.
La croissance a été si spectaculaire en 1995 que les objectifs de
production d'électricité cogénérée
prévus par le Plan Energétique National pour la période
1991-2000 ont déjà été atteints.
Au total,
près de 9 % de l'électricité produite en
Espagne provient directement de l'industrie et non des entreprises
d'électricité
. L'industrie auto-produit 16 % de
l'électricité qu'elle consomme. L'industrie du raffinage
génère à elle seule 39 % de
l'électricité auto-produite, suivie par l'industrie du papier
avec 14 %, la chimie avec 12 % et le verre avec 8,7 %.
Notons que si les producteurs électriques s'intéressent à
ce marché, ils n'y sont pas systématiquement favorables dans la
mesure où ils sont obligés d'acquérir les excédents
générés par ces nouveaux concurrents à un prix de
rachat bien supérieur au prix national.
Aussi, la nouvelle loi du secteur électrique a-t-elle distingué
les autoproducteurs dont la puissance installée est comprise entre
25 MW et 50 MW, et ceux dont la puissance est inférieure
à 25 MW. Les installations comprises entre 25 et 50 MW ne
pourront plus prétendre au régime d'aide et devront consommer au
minimum 50 % de leur production. Les installations inférieures
à 25 MW devront consommer au minimum 30 % de leur production
et pourront bénéficier de primes modulées en fonction de
la puissance (selon que celle-ci est inférieure ou supérieure
à 10 MW) et du type d'énergie renouvelable (solaire,
hydraulique, biomasse).
Le nouveau régime devrait freiner le développement de la
cogénération et favoriser les petites structures
(inférieures à 25 MW).
CHAPITRE III -
LA POLITIQUE
ÉNERGÉTIQUE FRANÇAISE
EN EST UNE
ILLUSTRATION
I. ELLE A TOUJOURS OCCUPÉ UNE PLACE STRATÉGIQUE DANS LA POLITIQUE DE LA NATION
A. LES CONTRAINTES ET LEUR ÉVOLUTION
La France ne dispose pas d'abondantes ressources énergétiques ; au contraire, elle a dû assurer en permanence la difficile adéquation de ressources insuffisantes ou inadaptées à des besoins énergétiques qui croissaient en fonction de l'évolution économique.
1. Des ressources rares ou difficilement accessibles
En
dépit de sa surface, plus importante que celle des pays voisins et plus
que doublée par la zone maritime sur laquelle s'exerce sa
souveraineté économique, notre pays est dépourvu de
ressources fossiles significatives.
Ce déficit de ressources naturelles explique en grande partie le retard
que nous avons pris au XIXe siècle sur des pays voisins mieux pourvus
tels que la Grande-Bretagne ou l'Allemagne.
En ce qui concerne le
charbon
, trois bassins principaux
(Nord-Pas-de-Calais, Lorraine, Centre-Midi) ont été
exploités de façon intensive. Cependant, même si les
réserves prouvées sont estimées à 150 millions
de tonnes équivalent charbon, les conditions d'extraction sont telles
que l'exploitation des mines est gravement déficitaire.
En matière de
pétrole,
nous sommes moins bien pourvus
encore malgré l'étendue de nos bassins sédimentaires.
Quant aux forages off-shore effectués sur notre plateau continental, ils
n'ont donné aucun résultat. Nos ressources, se limitent donc aux
quelques gisements mis à jour dans le Sud-Ouest et la Région
parisienne, dont la capacité pourrait nous assurer quatre mois de
consommation...
Quant au
gaz
, il a été largement utilisé au XIXe
siècle sous la forme du gaz de houille, mais il a été
remplacé par le gaz naturel, issu du sud-ouest de la France mais que
nous possédons en quantité limitée.
Jusqu'au début du XXe siècle, le gaz obtenu par distillation du
charbon fut largement utilisé pour l'éclairage des villes et
habitations ainsi que pour les usages domestiques. Toutefois, ce gaz, hautement
toxique en raison de la présence d'oxyde de carbone et d'une
capacité thermique médiocre fut supplanté par les gaz de
pétrole (butane et propane) puis par le gaz naturel. En ce qui concerne
ce dernier, malgré l'espoir suscité un temps par la
découverte du gisement de Lacq, notre potentiel est extrêmement
limité et l'obsolescence du gisement bien réelle.
Ce
constat de pauvreté
en énergies fossiles a
été notamment dressé par le groupe
Énergie 2010 du Commissariat Général du Plan qui
notait : "
La France importe aujourd'hui la quasi-totalité du
pétrole, les neuf dixièmes du gaz et la moitié du charbon
qu'elle consomme.
La situation s'est d'ailleurs dégradée
depuis 1973, tant pour le gaz que pour le charbon, dont les productions
nationales ont chuté de moitié en quinze ans. "
42(
*
)
Les ressources du sous-sol français prouvées au 01/01/1993 |
||
|
en unités |
en millions de tep (43( * )) |
Pétrole brut
|
20 Mt
|
20
|
Gaz
naturel épuré
|
28
milliards de m
3
|
> 480 Mtep (47( * )) |
Source : Observatoire de l'énergie |
Ces
ressources s'épuisent vite : l'Observatoire de l'énergie
évaluait, au
l
er
janvier 1998
, nos réserves de
gaz
à
14,4 milliards de m
3
et nos
réserves de pétrole à
14,6 millions de tonnes
.
Elles sont à comparer à la consommation nationale
d'énergie primaire qui s'est élevée en 1997 à
237 millions de tep.
2. Des besoins croissants
Or, pendant que les rares ressources naturelles dont disposaient notre pays allaient en s'épuisant, le développement économique et le contexte international contraignaient la France à se procurer ou à produire des quantités croissantes d'énergie. Après que la révolution industrielle du XIXe siècle eut révélé le handicap charbonnier français, la première guerre mondiale mit en lumière le rôle vital du pétrole pour la défense et donc l'indépendance nationale ; après la deuxième guerre mondiale, la période de la reconstruction, puis celle des années de prospérité économique accrurent fortement nos besoins énergétiques et notre consommation s'orienta vers le pétrole, peu cher et largement disponible au Moyen-Orient. Or, cette solution à notre pauvreté en énergies fossiles fut balayée par la crise de 1973 ; en effet, l'embargo sur le pétrole du Moyen-Orient à destination des pays jugés favorables à Israël avait épargné la France mais le brutal relèvement des prix du brut décidé par l'OPEP nous toucha directement car nous étions alors, de tous les pays industrialisés, l'un des plus gros importateurs de pétrole en provenance du Moyen-Orient.
B. LA " SOLUTION FRANÇAISE " : UNE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE VOLONTARISTE
1. Une intervention constante de l'Etat
La réponse à ces contraintes a été la mise en place progressive d'une politique énergétique volontariste, sous-tendue par la participation croissante des pouvoirs publics. Trois grandes étapes marquent ce processus.
-
•
Après la première guerre mondiale,
les
gouvernants comprirent que pour assurer l'indépendance et le
développement de la France, il était indispensable
d'acquérir le contrôle de gisements se trouvant à
l'étranger
et de disposer de moyens de raffinage à la mesure
de nos besoins, au lieu de continuer à importer des produits
raffinés des États-Unis ou de Grande-Bretagne. Ces
préoccupations conduisirent le Gouvernement français à
conclure avec le Royaume-Uni le pacte de San Remo (1920) grâce auquel la
participation allemande (23,7 %) aux gisements mésopotamiens de la
Turkish Petroleum Company fut dévolue à la France.
La gestion de cette part de production fut confiée à la Compagnie française des Pétroles, l'État participant au capital de celle-ci à hauteur de 36 %. Puis en 1930 fut créée une filiale de la CFP, la Compagnie française de Raffinage, également à participation étatique.
État actionnaire mais également État régulateur : choisissant une voie originale à une époque dominée par le principe de la libre concurrence, les pouvoirs publics décidèrent de soumettre le secteur pétrolier français à un régime particulier, défini par la loi du 30 mars 1928, qui institua un régime de monopole délégué en disposant que toute entreprise désirant importer du pétrole brut devait bénéficier d'une autorisation préalable octroyée par décret pris en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État.
Ces mesures ont accru notre indépendance et contribué efficacement au développement d'un indispensable outil de raffinage.
• Après la deuxième guerre mondiale, le secteur énergétique français se trouva profondément modifié par les mesures de nationalisation et de regroupement qui affectèrent une partie importante des entreprises productrices. Trois grandes entreprises furent créées en 1946 : Électricité de France (EDF), Gaz de France (GDF) et Charbonnages de France.
Cette politique de regroupement et de mise sous tutelle des entreprises productrices d'énergie donnait à l'État la possibilité d'orienter efficacement la politique énergétique du pays. Il ne s'agit pas ici de juger du bien-fondé des nationalisations mais de constater que, pendant la période de reconstruction, puis pendant les années de fort développement économique qui ont suivi, seul l'État pouvait, à travers une grande entreprise telle qu'EDF, mener à bien les énormes investissements rendus nécessaires par la croissance exponentielle de la demande d'électricité.
Par ailleurs la loi de nationalisation de 1946, tout en conférant à EDF un monopole quasi-absolu qui lui permettait d'être la courroie de transmission de la politique énergétique nationale, n'excluait pas totalement les acteurs locaux du système : les régies de distribution électrique qui existaient avant 1946 ont été maintenues, dans leur périmètre d'origine. Elles gèrent aujourd'hui encore la fourniture d'électricité à environ 5 % des communes françaises.
Un autre volet de cette politique énergétique volontariste fut la valorisation de l'une de nos ressources naturelles non fossiles, notre réseau de fleuves et de rivières, l'État a ainsi pu programmer la construction massive de barrages qui nous permettent encore aujourd'hui de bénéficier d'un apport d'énergie hydroélectrique non négligeable et ne dépendant pas de pays étrangers.
Enfin, dès la Libération, le général de Gaulle veilla à ce que la France puisse reprendre ses recherches sur l'atome . Sous l'impulsion de Maurice Schumann, alors ministre chargé des questions atomiques, et qui fut un visionnaire en ce domaine, Raoul Dautry et Frédéric Joliot-Curie préparèrent un projet d'ordonnance qui allait aboutir à la création du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) le 18 octobre 1945. Cet organisme bénéficiait d'un statut original puisque placé directement sous l'autorité du Président du Conseil, il était cependant doté de la personnalité civile et jouissait de l'autonomie financière. C'est dire que, dès l'origine, il avait semblé impératif de placer l'énergie nucléaire sous le contrôle de l'Etat. Quelques années plus tard, Félix Gaillard présentait un plan quinquennal doté d'un budget de 40 milliards de francs, ayant pour objectif la production d'une cinquantaine de kilos de plutonium et se traduisant par la construction des premiers réacteurs nucléaires à Marcoule. Il concluait son exposé par cette affirmation : " Il dépend de nous aujourd'hui que la France reste un grand pays moderne dans dix ans ". Pour la première fois en 1952, l'atome faisait l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et en 1955 les premières études d'un programme français d'énergie nucléaire pour les vingt années à venir étaient lancées.
• Après la guerre du Kippour, en 1973, et l'envolée des cours du pétrole, les pouvoirs publics, soucieux d'affranchir la nation de la " tutelle " pétrolière décidèrent de développer une énergie de substitution dont nous ayons la maîtrise.
Ainsi, début 1974, EDF fut autorisée à engager, l'année même, la construction de six tranches nucléaires de 900 MW et, en 1975, de sept tranches de même puissance. Puis EDF reçut l'autorisation de mettre en chantier, pour les années 1976 et 1977, des installations d'une puissance totale de 12 000 MW. Et le mouvement se poursuivit, pour doter la France d'un parc électronucléaire de taille respectable.
Parallèlement, dès le début de 1974, les pouvoirs publics mettaient en place un considérable programme d'économie d'énergie (qui représentait une véritable rupture avec le passé) en créant l'Agence pour les Économies d'Énergie (AEE) et définissaient dans le cadre du VIIe Plan un objectif de 45 millions de TEP d'économies. Les mesures prises furent soit à portée immédiate soit à effet différé (actions de caractère structurel telles que le financement de recherches visant à permettre d'économiser l'énergie et les subventions ou incitations fiscales aux investissements répondant au même objet). Le chiffre global des économies d'énergie atteignit 24 millions de TEP en 1980.
Les objectifs constants de cette politique énergétique, qui a consacré le rôle des pouvoirs publics ont été la recherche de l'indépendance nationale et la volonté de soutenir l'expansion économique. Les résultats ont été à la hauteur des ambitions.
2. Une grande continuité qui a donné des résultats à la hauteur de nos ambitions
La politique énergétique engagée au lendemain du premier choc pétrolier, en 1973-1974, à la suite de la guerre du Kippour, a été, malgré quelques infléchissements, poursuivie avec une continuité à laquelle elle doit ses résultats.
a) Malgré quelques infléchissements à terme coûteux...
En 1981,
la politique énergétique fut modifiée sur deux points.
Le
programme nucléaire
en cours prévoyait le lancement de
neufs tranches, chiffre que le Gouvernement ramena à quatre pour
finalement le porter à six pour les années 1982 et 1983 ;
Dans le domaine du
charbon
, le Gouvernement voulut renverser la tendance
à la réduction de la cadence d'extraction opérée
lors des deux décennies précédentes et porter de 20
à 30 millions de tonnes la production nationale à l'horizon
1990. Cette rupture avec la politique de réduction graduelle de la
production menée depuis 1960 conduisit à
l'embauche, entre
1981 et 1984, de 10 000 mineurs
. Les conséquences
financières de cette décision pèsent très lourd
dans le bilan des Charbonnages de France :
L'entreprise doit rémunérer aujourd'hui 12 000 mineurs,
issus pour l'essentiel des recrutements de la période 1981-1984. Son
endettement actuel (32,5 milliards de francs) va malheureusement augmenter
jusqu'en 2005, terme de l'exploitation.
À cette date, en tenant compte des retraites à verser aux
mineurs, l'
endettement
final sera d'environ cent milliards de
francs
, aucun mode de financement n'étant aujourd'hui prévu
pour couvrir cette dette.
Cependant,
les choix essentiels
(développer la production
domestique d'énergie, principalement grâce au programme
électronucléaire, promouvoir les économies
d'énergie et diversifier les approvisionnements extérieurs)
n'ont pas fait l'objet d'une véritable remise en cause depuis
1973
et ont produit des résultats probants
b) Une continuité qui a donné des résultats probants
Sur la
période le bilan énergétique de la France a connu une
évolution remarquable :
une amélioration de l'ordre de 20 % de notre
efficacité énergétique,
une production domestique d'énergie multipliée par 2,5
surtout grâce au nucléaire,
un taux d'indépendance extérieur de près de
50 % (contre 22,5 % en 1973), une électricité qui est
aujourd'hui d'origine nationale à plus de 90 %,
un bilan énergétique nettement plus diversifié avec
une énergie dominante, le pétrole, ramenée de 70 %
à environ 40 % de la consommation,
des approvisionnements extérieurs plus diversifiés tant sur
le plan géographique (avec, pour le pétrole, une part du Moyen
Orient ramenée des trois-quarts à moins de la moitié), que
par type d'énergie primaire (avec une forte décrue des
importations pétrolière (83 MT/an au lieu de 135 MT/an)
et une augmentation très importante des importations gazières qui
ont quadruplé depuis 1973.
Le tableau ci-après illustre cette amélioration de notre bilan
énergétique :
Extraits du bilan
énergétique provisoire de 1997
établi
|
|||||||||||||||||||
Structure de la consommation d'énergie primaire (corrigée du climat) |
|||||||||||||||||||
en % |
1973 |
1980 |
1990 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
TCAM 96-98 |
TCAM 73-97 |
||||||||||
- Charbon
|
15,2
|
15,8
|
8,9
|
6,3
|
6,4
|
6,6
|
5,8
|
-12,0
|
-3,9
|
||||||||||
Total |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
|
|
||||||||||
TCAM (taux de croissance annuel moyen) en %. |
|||||||||||||||||||
Production d'énergie primaire |
|||||||||||||||||||
En Mtep |
1973 |
1980 |
1990 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
TCAM 96-97 |
TCAM 73-97 |
||||||||||
- Charbon
|
17,3
|
13,1
|
7,7
|
5,4
|
5,1
|
5,0
|
4,2
|
-16,5
|
-5,7
|
||||||||||
Total production |
41,7 |
54,3 |
100,5 |
114,0 |
116,0 |
118,3 |
115,7 |
-2,2 |
+4,3 |
||||||||||
Taux
d'indépendance
|
22,5% |
27,4% |
47,8% |
51,2% |
51,0% |
50,0% |
49,6% |
-0,4pt |
- |
||||||||||
TCAM (taux de croissance annuel moyen) en %. |
Bien
qu'elle ne porte que sur des quantités faibles, la production
d'énergies fossiles subit une chute sévère, de -12 %
pour le gaz à -17 % pour le charbon, reflétant
le
caractère inéluctable de l'épuisement des réserves
nationales
.
La production d'électricité primaire (hydraulique et
nucléaire) brute a été de 463 TWh, dont 15 % pour
l'hydraulique et 85 % pour le nucléaire.
L'électricité primaire a ainsi représenté 89 %
de la production nationale totale et la seule électricité
nucléaire 76 %
. La contribution des énergies fossiles se
dégrade sensiblement en 1997, avec des baisses qui dépassent
12 %.
Si les résultats sont satisfaisants, ils ne doivent en aucun cas
autoriser un relâchement de la politique énergétique
française. En effet, tant dans le domaine de la sobriété
énergétique (que le faible coût de l'énergie a
conduit à négliger), que dans celui de l'indépendance
énergétique (notre taux d'indépendance vient de passer
symboliquement en dessous du niveau de 50 % qui avait été
atteint en 1993), on peut constater que
notre conduite doit être
dictée par le sens de l'effort et non celui du confort
.
La politique énergétique est aujourd'hui confrontée de
nouveaux défis :
défi environnemental
, tout d'abord,
puisqu'elle devra tenir compte des engagements internationaux pris à
Kyoto sur la réduction des gaz à effet de serre ;
défi européen
ensuite, car il faudra tirer les
conséquences de l'ouverture du marché européen de
l'énergie à la concurrence ;
défi
nucléaire
, enfin, à l'heure où le problème du
renouvellement du parc est posé et que de nombreux pays se
détournent de ce secteur.
II. LES DÉFIS ACTUELS
A. LE DÉFI ENVIRONNEMENTAL
Le défi environnemental peut être qualifié de " global ", en ce sens qu'il recouvre à la fois une dimension spatiale (il concerne l'ensemble de la planète) et temporelle (il touche aussi les générations futures). Nouveau paramètre de l'équation énergétique, il constitue sans doute un des principaux éléments que notre politique en ce domaine devra prendre en considération, ceci en concertation avec nos partenaires européens.
1. Les risques
La
France est apparue au sommet de Kyoto comme un pays vertueux : elle est,
parmi les pays de l'OCDE, un de ceux qui émet le plus bas taux de CO2
par habitant, essentiellement grâce à une large utilisation de
l'énergie nucléaire et de l'hydraulique pour la production
d'électricité.
Le risque environnemental ne doit pourtant pas être
négligé, car malgré nos performances, le bilan tant en
matière de pollution atmosphérique qu'en termes d'émission
de gaz à effet de serre s'est dégradé au cours des
dernières années.
Une pollution atmosphérique préoccupante
Celle-ci se manifeste tout d'abord par des pics de pollution qui frappent
l'opinion publique. Ainsi, à Lyon, en janvier 1997, les autorités
ont interdit la circulation des poids lourds après trois jours
consécutifs de pollution au dioxyde d'azote de niveau 3 (à
partir de 400 microgrammes/m
3
d'air) ; à Paris, le
niveau 2 a été atteint le 10 mars et le
19 septembre 1997 et, le 1er octobre, le niveau 3 ayant
été dépassé, le système de circulation
alternée prévu par la loi sur la qualité de l'air du
30 décembre 1996 a été mis en place, dans la
capitale et dans 22 communes limitrophes.
Toutefois,
le
vrai problème ne réside pas dans ces pics
de pollution, mais dans l'exposition des individus à celle-ci tout au
long de leur vie.
Dans ce domaine, on constate malheureusement que si certaines formes de
pollution ont diminué, d'autres se sont transformées ou ont
augmenté. Ainsi, on rejette globalement moins de poussières dans
l'atmosphère mais celles qui sont émises par le secteur des
transports sont plus nombreuses ; de plus, elles ont changé de
nature et les poussières issues des trains du début du
siècle étaient différentes de celles qui proviennent d'un
moteur diesel et dont la dimension (0,2 u) leur permet de s'infiltrer dans
le système respiratoire.
Un rapport récent du ministère de l'environnement indiquait que
la qualité de l'air s'était améliorée depuis 1991,
mais que les mesures variaient fortement en fonction des polluants : dans
les agglomérations de plus de 100.000 habitants, la présence
de plomb dans l'air, issu des carburants, est passée d'une moyenne
annuelle maximale de 0,71 microgramme par mètre cube d'air en
1991 à 0,28 microgramme en 1996. Quant au dioxyde de soufre, qui
constituait un polluant majeur il y a trente ans, et qui a
été visé avec succès par la taxe sur la pollution
atmosphérique, ses émissions ont été
réduites de 20 % sur l'ensemble du territoire.
En revanche,
les émissions de dioxyde d'azote et de monoxyde d'azote
sont en hausse et sont dues, pour les trois-quarts
selon Airparif (le
réseau de surveillance de la qualité de l'air en Ile-de-France),
à la circulation automobile
et proviennent notamment des voitures
fonctionnant au diesel ou à l'essence sans pot catalytique.
Enfin,
la diffusion de dioxyde de carbone ou gaz carbonique
(CO
2
), polluant classé parmi les gaz à effet de serre,
a augmenté de 2 % alors qu'on la pensait stabilisée.
TABLEAU SUR LES PARTICULES DANGEREUSES
Les transports et les activités industrielles et agricoles sont à l'origine de l'émission de polluants rejetés dans l'air :
-
•
Le dioxyde d'azote (NO
2
)
: puissant irritant des
voies pulmonaires, il aggrave les symptômes des personnes atteintes de
maladies respiratoires. 6 000 tonnes sont produites annuellement par le
transport routier, soit douze fois moins que par le secteur agricole et
forestier. Le seuil d'alerte (niveau 3) est atteint à partir de 400
microgrammes par mètre cube d'air. Les oxydes d'azote (NOX) contribuent
également à la formation d'ozone.
• L'ozone (O 3 ) : formé à partir de divers polluants atmosphériques (composés organiques volatils, hydrocarbures, solvants et oxydes d'azote) sous l'influence des rayons solaires, il occasionne des difficultés respiratoires notamment chez les enfants, les personnes âgées et les asthmatiques. A long terme, il peut provoquer une altération chronique des fonctions pulmonaires. L'ozone affecte également les végétaux. Le seuil d'alerte de niveau 3 est atteint à 360 microgrammes par mètre cube.
• Le dioxyde de soufre (SO 2 ) : il peut occasionner des broncho-constrictions et des essoufflements chez les asthmatiques. Il provoquerait chaque année le "décès prématuré" de 215 personnes hospitalisées dans les grandes villes. 150 000 tonnes par an sont émises par les transports routiers, soit la moitié de ce qui est produit par les secteurs de l'énergie et de l'industrie de transformation. Le niveau 3 est atteint à 600 microgrammes par mètre cube d'air.
• Le monoxyde de carbone (CO) : ce gaz peut aggraver les angines de poitrine et d'autres maladies coronariennes, altérer certaines fonctions du système nerveux et présenter un risque pour le développement du foetus. 5,2 millions de tonnes sont attribuées à la circulation routière, soit 46 % de la production nationale.
• Le dioxyde de carbone (CO 2 ) : 118 millions de tonnes sont rejetées chaque année sur les routes, soit le tiers de la production française tous secteurs confondus. Classé parmi les gaz à effet de serre, il contribuerait au réchauffement du climat.
• Les particules : les plus nocives sont d'une dimension inférieure à 10 microns, ce qui leur permet de s'infiltrer dans le système respiratoire. Produites entre 50 et 80 % par les véhicules automobiles, elles occasionnent des atteintes pulmonaires, particulièrement chez les enfants. Des études américaines montrent que l'exposition prolongée peut réduire l'espérance de vie et entraîner des risques de cancer. En France, elles seraient chaque année responsables de 870 morts prématurées chez des malades cardiaques ou insuffisants respiratoires. En zone urbaine, 90 % des émissions attribuables aux transports seraient issues de véhicules à moteur Diesel.
Source : Corinair-1994, Erpurs - AQMD-Californie.
Etude citée par "Le Monde" du 2 octobre 1997.
L'émission de gaz à effet de serre
Le rayonnement solaire est absorbé par la terre qui renvoie à son
tour de la chaleur vers l'atmosphère, mais une partie de ce rayonnement
thermique peut être piégée par certains gaz contenus dans
la partie basse de l'atmosphère, la troposphère : vapeur d'eau,
gaz carbonique, méthane, oxydes d'azote, ozone, fluoro carbures. Cet
" effet de serre " entraîne un réchauffement de la terre
qui est, à l'origine, bénéfique puisqu'il permet
d'élever la température globale moyenne de notre planète
de - 18° C à + 15° C. Toutefois,
l'activité humaine a provoqué une forte et rapide augmentation de
la concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Ainsi
pour le gaz carbonique, cette concentration est passée de 280 ppm
(parties par millions) à 360 ppm en un siècle, alors que
pour les 200.000 ans précédents, elle avait varié
dans une fourchette de 170 ppm à 280 ppm.
L'accroissement de ce gaz dans l'atmosphère tient principalement
à deux causes : la combustion brutale des substances fossiles, charbon
et hydrocarbures gazeux et liquides (le pétrole) et la
déforestation non compensée par le reboisement.
Les
émissions totales de CO
2
liées à
l'activité humaine sont évaluées à environ
7,1 milliards de tonnes de carbone par an dont 5,5 milliards
proviennent de l'utilisation d'énergies à base de combustibles
fossiles et 1,6 milliard de la déforestation
.
Selon les rapports du GIEC (Groupe intergouvernemental sur l'évolution
du climat), la température de notre planète
s'élèverait de 2° C d'ici 2100 si la concentration des
gaz à effet de serre doublait. Cette hypothèse est optimiste car,
si les émissions de gaz à effet de serre continuaient à
progresser de 10 à 20 % par décennie, leur concentration
pourrait tripler, voire quadrupler au cours du prochain siècle. Le GIEC
estime qu'une augmentation de la température de 2° C
entraînerait une élévation du niveau moyen des
océans de 50 cm et aurait des conséquences très
variables selon les régions du monde. Il prévoit une
intensification du cycle hydrologique entraînant des sécheresses
ou des inondations accrues, une modification de certains courants marins, une
plus grande vulnérabilité de la santé humaine et la
disparition de terres habitées ou cultivées.
Même si l'on peut espérer que ces prévisions seront
tempérées par des phénomènes naturels encore mal
connus et qu'il faut étudier très sérieusement
(rétroaction des océans, courants marins, comportement des nuages
et de la glace, effet parasite des aérosols, gaz, poussières ou
cendres qui refroidissent l'atmosphère...),
l'attitude à
adopter devant l'accroissement de la concentration des gaz à effet de
serre va au-delà du principe de précaution et débouche sur
la nécessité d'une stricte réglementation des
émissions polluantes.
2. Les contraintes nationales et internationales
La
vigilance de l'opinion publique
Selon une enquête menée en 1996
49(
*
)
, la lutte contre la pollution de l'air est, pour plus
d'un Français sur deux (54 %, soit huit points de plus que
l'année précédente), l'action que l'Etat doit mener en
priorité dans le domaine de la protection de l'environnement. Quant aux
Parisiens, 62 % d'entre eux placent la pollution en tête de leurs
préoccupations
50(
*
)
.
De plus, 95 % des Français sont conscients des risques que la
pollution atmosphérique présente pour la santé et, parmi
eux, 72 % y voient un danger qu'ils qualifient d'important : 45 % de
nos concitoyens déclarent qu'eux-mêmes ou une personne de leur
proche entourage ont subi des troubles liés à ces
phénomènes
51(
*
)
.
Par ailleurs, dans le domaine des mesures à prendre pour lutter contre
cette nuisance, même si les comportements personnels ont tendance
à évoluer dans le bon sens, l'action de l'Etat et la contrainte
réglementaire semblent indispensables afin de l'emporter sur la pratique
individuelle spontanée.
La loi du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation
rationnelle de l'énergie
Ce texte a précisément mis en place un cadre d'action pour les
pouvoirs publics en organisant la surveillance de la qualité de l'air,
en prévoyant des plans régionaux pour la qualité de l'air,
des plans de protection de l'atmosphère, des plans de
déplacements urbains et en revalorisant le concept de maîtrise de
l'énergie.
Des délais ont été prévus pour la
réalisation de ces objectifs : il est indispensable de les respecter.
Des décrets en Conseil d'Etat doivent définir des mesures visant
à réduire la consommation d'énergie et à limiter
les sources d'émission de substances polluantes nocives pour la
santé humaine et l'environnement : il est indispensable de les
faire paraître rapidement.
Les choix européens
Ils concernent le domaine des transports mais, de façon plus
générale, l'amélioration de la qualité de l'air.
En ce qui concerne les
transports
, le programme " Auto-oil "
doit aboutir en juin 1998.
LE PROGRAMME AUTO-OIL SUR LES CARBURANTS
Le
projet de directive, qui vise à réduire à l'horizon 2010
les concentrations de polluants dans l'air en milieu urbain de 60 à
70 %, fait l'objet de surenchères de la part du Parlement
européen. Ainsi, le texte élaboré par la Commission sur la
base du programme Auto-Oil
52(
*
)
qui
définissait les orientations les plus économiques (elles
n'auraient coûté que 12 milliards d'euros à l'Union
européenne), a été repoussé en première
lecture par le Parlement au motif qu'il manquait d'ambition. Le Conseil des
ministres a alors proposé un texte de compromis qui représente
une dépense de 20 milliards d'euros, dont 15 % environ pour la
France.
Mais le Parlement s'est prononcé pour des normes plus
sévères et obligatoires aussi bien pour 2000 que pour 2005
(alors que le texte du Conseil ne prévoit que des valeurs limites
indicatives pour 2005). Il s'agirait notamment de porter la teneur maximale
autorisée en soufre de 400-500 parties pour millions (ppm) à 150
ppm pour l'essence et 200 ppm pour le gazole en 2000, et 30 ppm pour l'essence
et 50 ppm pour le gazole en 2005 (la position commune du Conseil
prévoyait uniquement 350 ppm pour le gazole à compter du
1
er
janvier 2000). Il s'agirait également de ramener à
1 % v/v (valeur par volume) la teneur en benzène dans les essences
(contre 5 % aujourd'hui) et à 35 % v/v la valeur limite obligatoire
des composés aromatiques (contre 42 % dans la proposition du
Conseil). Enfin, le Parlement a voté l'interdiction au 1
er
janvier 2000 de la commercialisation de l'essence plombée.
Le surcoût par rapport au projet du Conseil serait de l'ordre de 30
milliards d'euros, portant le coût global du durcissement envisagé
à 50 milliards d'euros. Un compromis final devrait être
trouvé d'ici juin 1998
, en comité de conciliation avec le
Conseil des ministres.
De plus, le Parlement européen a demandé à la Commission
européenne d'élaborer d'ici fin 1998
une directive
réglementant les émissions spécifiques de gaz
carbonique
et rendant obligatoire à partir de 2005 une consommation
de 5 litres/100 km pour les véhicules neufs de la gamme
moyenne (4,5 litres pour le diesel). Ces valeurs devraient être
fixées à 3 litres pour 2010.
En ce qui concerne la
qualité de l'air
, les ministres de
l'environnement européens ont accepté en mars 1998, à
l'unanimité, la proposition de la Commission europénne d'imposer
des valeurs limites calquées sur la recommandation de l'Organisation
mondiale de la santé pour les émissions de certaines polluants,
nocifs pour la santé et l'environnement. Ces valeurs limites concernent
le dioxyde de soufre (SO
2
), et le plomb (la date butoir étant
fixée à 2005), ainsi que le dioxyde d'azote (NO
2
),
l'oxyde nitrique (NO) et les particules (la date butoir étant
fixée à 2010).
Les engagements internationaux de baisse des rejets de gaz à effet
de serre
.
La situation des pays industriels est préoccupante :
Un Français émet en moyenne par an 6,1 tonnes de
CO
2
contre près de 9 tonnes pour un Japonais et
près de 20 tonnes pour un habitant des Etats-Unis.
Pourtant, malgré ses faibles émissions, la France n'est pas en
situation confortable dans les négociations internationales
. Le
sommet de Kyoto a fixé un taux global de réduction des
émissions des six gaz à effet de serre de 5,2 % entre
2008 et 2012 par rapport à 1990, soit une diminution de 7 % pour
les Etats-Unis, 6 % pour la Japon et 8 % pour la " bulle "
que constituent les 15 pays de l'Union européenne.
Or, la France avait déjà un faible niveau d'émission de
gaz carbonique en 1990, compte tenu des éléments
énoncés plus haut, et les efforts qu'elle devra consentir seront,
de ce fait, plus coûteux que pour d'autres pays. En effet, son bas taux
d'émissions provenant du recours massif à l'énergie
nucléaire,
l'effort devra porter principalement sur le secteur des
transports
, ce qui implique des décisions politiques
délicates.
Par ailleurs, l'Union européenne redéfinira, vraisemblablement en
juin 1998, les normes respectives pour chacun des Etats membres correspondant
au nouvel objectif global (soit une diminution de 8 % alors que celle qui
avait été prévue par le Conseil en mars 1997 était
de 10 %). Dans ce contexte,
la France, même si son taux
d'accroissement autorisé d'émission de gaz à effet de
serre reste fixé à zéro, sera
défavorisée
par le fait que
l'accord de Kyoto porte sur
six gaz à effet de serre et ne prend en compte les
" puits " de carbone (forêts) que de façon
limitée.
Or, lorsque notre pays s'était engagé
à ne pas rejeter plus de gaz en 2010 qu'en 1990, les hypothèses
étaient différentes (prise en compte de seulement
trois gaz : le gaz carbonique, le méthane et l'oxyde nitreux,
mais de l'ensemble des puits).
Il convient donc de bien mesurer et de ne pas
minimiser les efforts qui s'avéreront nécessaires.
B. LE DÉFI EUROPÉEN
La
définition de la politique énergétique s'inscrit de plus
en plus dans un cadre dont les contours sont tracés à Bruxelles.
C'est pourquoi le deuxième paramètre exogène qui
influencera sensiblement le paysage énergétique français
de demain réside dans la
politique européenne de
libéralisation progressive des secteurs de l'électricité
et du gaz.
Réussir cette adaptation tout en veillant à ce que l'Union
européenne ne sombre pas dans une dépendance
énergétique extérieure excessive : tel
peut-être schématiquement présenté le défi
européen que la France devra contribué à
relever.
1. L'intégration à une Europe en dépendance énergétique croissante
A
l'heure actuelle, l'Union européenne se procure près de la
moitié de son énergie auprès de pays tiers (48 %).
Faute de mesures appropriées, cette dépendance pourrait
atteindre, d'ici 2020, près de 70 % de la consommation totale
d'énergie, soit 70 % pour le gaz naturel, 80 % pour le charbon
et 90 % pour le pétrole, selon les estimations de la Commission
européenne
53(
*
)
.
Ces dernières reposent sur une
étude
que la direction
générale de l'énergie (DG XVII) a
réalisée, au printemps 1996, intitulée :
"
Europe de l'énergie en 2020
", dans laquelle elle a
adopté une approche basée sur des scénarios qui
reflètent l'incertitude régnant sur le secteur de
l'énergie à l'heure actuelle.
Au nombre de quatre, ces scénarios concluent tous à une
augmentation de la dépendance à l'égard des importations
de l'ordre de 70 % de la consommation brute d'ici à 2020.
Les perspectives tracées par cette étude s'avèrent
très instructives et méritent d'être brièvement
présentées.
Trois scénarios supposent que le réchauffement de la
planète sera prouvé d'ici à 2005. Un quatrième
scénario, celui dit de la " sagesse traditionnelle "
évalue les conséquences de la poursuite des politiques actuelles.
Dans le scénario dit " champ de bataille ", le monde revient
à l'isolationnisme, aux grands blocs et au protectionnisme. Dans le
scénario dit " hypermarché ", les thèmes
prédominants sont les tendances du marché, le libéralisme
et la liberté du commerce, les gouvernements et les gestionnaires
publics intervenant au minimum. Dans le scénario " forum ", le
processus d'intégration globale se déroule dans le cadre de
structures internationales animées par le consensus et la
coopération et dans lesquelles la gestion ainsi que l'intervention
publiques jouent un rôle marquant.
L'étude révèle une dépendance croissante du
consommateur européen par rapport aux importations, ceci quelque soit le
scénario, et par rapport à l'énergie fournie en
réseau. En effet, la
consommation
d'énergie primaire
augmenterait de l'ordre de 0,7 à 0,9 % par an, cette
évolution modérée étant due à une
amélioration de l'intensité énergétique de l'ordre
de 1,1 à 1,8 % par an.
Parallèlement,
la production européenne
d'énergie
54(
*
)
semble devoir
diminuer de l'ordre d'un cinquième d'ici l'an 2020
.
En effet, si la production d'énergies renouvelables devrait augmenter,
celle de combustibles solides devrait en revanche diminuer fortement, pour se
situer à 40 % des niveaux actuels dans l'hypothèse la plus
optimiste et à 10 % à peine de ceux-ci dans une
hypothèse pessimiste. La production de pétrole ne devrait pas
connaître de diminution notable d'ici l'an 2000, mais elle baisserait par
la suite. La production de gaz, quant à elle, devrait atteindre un
sommet à la même époque ou un peu plus tard, avec un taux
de diminution en 2020 cependant plus lent.
La combinaison de ces deux facteurs -augmentation de la demande, diminution
de la production- expliquerait cette dépendance croissante par rapport
aux pays tiers.
La dépendance maximum, de 71 % en l'an 2000, est atteinte avec le
scénario " hypermarché ". Alors, la demande de gaz
naturel augmenterait fortement (+ 3 % par an en moyenne) et la part
du nucléaire serait bien moindre qu'aujourd'hui.
Dans le scénario " sagesse traditionnelle ", la
dépendance serait de l'ordre de 68 %. C'est dans ce scénario
que l'énergie nucléaire connaîtrait la croissance la moins
élevée (+ 0,5 % par an), au fur et à mesure de
l'arrivée à maturité puis du déclin du secteur
nucléaire, les énergies renouvelables étant, quant
à elles, multipliées par trois.
La dépendance s'élèverait à 61 % environ dans
le scénario " champ de bataille " et d'environ 55 % dans
le scénario " forum ". Dans cette dernière
hypothèse, la société européenne investirait dans
de nouvelles technologies nucléaires, dans le but de résoudre le
problème des émissions européennes de CO
2
.
Parallèlement, les énergies renouvelables enregistreraient une
croissance de 5 % par an, pour quadrupler d'ici 2020.
Il faut souligner que seul ce dernier scénario permet de réduire
les émissions de CO
2
: de - 10 % en 2020,
contre + 40 % dans " champ de bataille ", + 15 %
dans " sagesse traditionnelle " et + 18 % dans
" hypermarché ".
On voit donc émerger au travers de cette étude toute la
difficulté qu'aura l'Union européenne -et elle ne sera pas la
seule...- à concilier défi environnemental et
préoccupations en termes de compétitivité
économique, de sécurité des approvisionnements et de la
fourniture de l'énergie.
Notons que le scénario " forum " semble permettre à la
fois d'atteindre une moindre dépendance à l'égard des
tiers et de satisfaire aux engagements souscrits à Kyoto. Mais
consensus, coopération et action publique collective
prévaudront-ils à l'heure où l'impératif mondial de
compétitivité favorise l'émergence d'une tendance à
la libéralisation des secteurs énergétiques ?
Celle-ci se traduit par le projet d'intégration progressive des
marchés énergétiques des Etats-membres de l'Union
européenne.
2. La réalisation du marché intérieur de l'énergie
a) Un enjeu de compétitivité
L'intégration des marchés européens de
l'énergie vise avant tout à accroître la
compétitivité des entreprises du vieux continent, outre qu'elle
tend à mieux répondre aux besoins des consommateurs et peut
contribuer à diversifier les ressources énergétiques
européennes en permettant une grande flexibilité dans leur
accès et favoriser l'initiative industrielle.
Dans un contexte de globalisation croissante des marchés, on ne peut
ignorer, en effet, que les industries européennes payent leur
énergie plus cher que leurs homologues américaines. La Commission
européenne estime, par exemple, que les compagnies européennes du
secteur chimique payent leur énergie près de 1,5 fois plus cher
que leurs concurrents d'Outre-Atlantique.
Alors que l'Union européenne ne dispose pas de compétence
spécifique dans le secteur énergétique -à
l'exception de celles que lui confèrent les traités CECA et
EURATOM-, ce constat a incité la Commission européenne à
proposer aux Etats-membres de faire évoluer le secteur vers un
marché de l'énergie plus intégré, plus
libéralisé et plus concurrentiel.
En outre, cette démarche a été
encouragée par un
double mouvement d'ordre économique et juridique
:
-
au plan économique
, l'organisation traditionnelle des
industries de réseaux sous une forme généralement
monopolistique et intégrée verticalement -allant de la production
à la distribution et à la vente au consommateur final- a
été remise en question dès les années 1980, aux
États-Unis puis en Grande-Bretagne, avec l'objectif essentiel
d'introduire la concurrence partout où cela est possible, de
façon à inciter davantage au progrès technique, à
la baisse des prix et, de ce fait à la satisfaction du
consommateur ;
55(
*
)
-
au plan juridique
, en l'absence de politique commune de
l'énergie la Commission européenne s'est appuyée sur les
règles de concurrence et sur les dispositions de l'Acte unique
européen relatives au marché intérieur pour
réaliser le marché intérieur de
l'électricité et du gaz.
b) Analyse comparative des principales caractéristiques des directives concernant le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel
Trois
directives ont été adoptées au cours d'une première
étape consensuelle :
- en 1990, une directive sur la transparence des prix de vente de
l'électricité et du gaz au consommateur final industriel, qui
impose aux Etats membres de prendre les mesures nécessaires pour que les
entreprises concernées communiquent à l'Office statistique des
Communautés européennes, les prix et les conditions de vente aux
consommateurs industriels, les systèmes de prix en vigueur, ainsi que la
définition des différentes catégories de consommateurs ;
- en 1990 et 1991, deux directives sur le transit de
l'électricité et du gaz sur les grands réseaux, qui
imposent une obligation de circulation de l'énergie entre les
gestionnaires des réseaux de transport.
Après huit années de négociations parfois laborieuses,
voire conflictuelles, deux nouvelles directives ont été
récemment adoptées :
- la directive sur le marché intérieur de
l'électricité, le 19 décembre 1996 ;
- la directive sur le marché intérieur du gaz, le 11
mai 1998.
On rappellera les caractéristiques principales de ces deux directives,
sachant qu'elles comportent de nombreux points communs -la deuxième
ayant été partiellement calquée sur la première-
mais aussi certaines spécificité que l'on précisera au fur
et à mesure.
Champ d'application des directives
Ces directives susmentionnées établissent des règles
communes aux Etats membres pour :
- la production, le transport et la distribution
d'électricité ;
- le transport (par des gazoducs à haute pression), la distribution
(le transport de gaz par réseaux locaux ou régionaux), la
fourniture (la livraison et/ou la vente de gaz à des clients) et le
stockage de gaz naturel, y compris de gaz naturel liquéfié.
Notons que la production de gaz n'est pas visée dans la mesure où
elle est d'ores et déjà soumise à la concurrence.
Règles générales d'organisation des secteurs
concernés
Dans les deux cas, conformément aux dispositions du Traité de
Rome, en particulier à celles de son article 90-2, les Etats
peuvent imposer aux entreprises concernées des
obligations de service
public
, qui peuvent porter sur la sécurité
d'approvisionnement, la régularité, la qualité et le prix
des fournitures et sur la protection de l'environnement. Elles doivent
être clairement définies, transparentes, non discriminatoires et
contrôlables. Afin d'assurer l'accomplissement de ces obligations de
service public, les États peuvent introduire une
planification
à long terme
, en prenant en compte, s'agissant du gaz, la
possibilité pour des tiers de rechercher un accès au
réseau.
Lorsque les États décident d'instituer un régime
d'autorisation -plutôt que d'appel d'offres- pour la construction de
nouvelles installations de production d'électricité ou pour la
construction ou l'exploitation d'installations gazières, ils doivent le
faire sur la base de critères objectifs et non discriminatoires. Ils
peuvent, cependant, ne pas appliquer ces dispositions à la distribution
de gaz lorsque cela s'avère nécessaire à l'exercice des
missions de service public.
Exploitation du réseau de transport d'énergie
- Pour
l'électricité
, les Etats membres doivent
désigner un gestionnaire du réseau, à qui sera
confiée la responsabilité de l'exploitation, de l'entretien et,
le cas échéant, du développement du réseau de
transport dans une zone donnée, ainsi que des interconnexions avec
d'autres réseaux, pour garantir la sécurité
d'approvisionnement. Il devra s'abstenir de toute discrimination entre les
utilisateurs du réseau.
Le gestionnaire de réseau, lorsqu'il appelle les installations de
production, peut se voir imposer par l'État membre un certain
ordre
de priorité
:
* en faveur des installations utilisant des sources d'énergies
renouvelables ou des déchets qui produisent de façon
combinée de la chaleur et de l'électricité ;
* pour des raisons de sécurité, en faveur des installations
utilisant des sources nationales d'énergie primaire, ceci dans une
proportion maximum de 15 % de la quantité totale d'énergie
primaire nécessaire à la production d'électricité.
- S'agissant du
gaz
, toute entreprise de transport et/ou de
stockage a l'obligation d'exploiter, d'entretenir et de développer ses
installations de manière
" sûre, efficace,
économique et en prenant en compte l'environnement
".
Elle doit s'abstenir de toute discrimination entre utilisateurs de ses
installations et fournir aux autres entreprises gazières des
informations suffisantes pour permettre un bon fonctionnement du réseau
interconnecté. Elle préserve la confidentialité des
informations commercialement sensibles obtenues au cours de l'exécution
de ces prestations et interdit leur exploitation abusive.
Exploitation du réseau de distribution
On retrouve ici les mêmes spécificités que pour le
réseau de transport :
- avec un gestionnaire du réseau de distribution de
l'électricité ;
- et des entreprises de distribution de gaz soumises aux mêmes
obligations que celles imposées aux entreprises de transport.
Dans les deux cas, les États peuvent obliger les entreprises
concernées à alimenter les clients situés dans une zone
donnée et réglementer les tarifs de telles fournitures afin de
garantir l'égalité de traitement des clients concernés.
Obligation de dissociation comptable et de transparence de la
comptabilité
La volonté exprimée est d'éviter les discriminations,
subventions croisées et distorsions de concurrence.
Les directives prévoient que les entreprises électriques ou
gazières intégrées doivent tenir dans leur
compatibilité interne des comptes séparés pour la
production, le transport, la distribution, le stockage (de gaz) et, le cas
échéant les activités autres. Par contre, en cas
d'accès au réseau réglementé et lorsque le
transport et la distribution font l'objet d'une tarification commune, les
comptes de ces deux activités peuvent être agrégés.
Si l'exploitation du réseau de transport d'électricité est
confiée à une entreprise intégrée, cette
activité de gestionnaire de réseau devra être
indépendante, au moins sur le plan de la gestion, des autres
activités de cette opérateur non liées au réseau de
transport.
Organisation de l'accès au réseau
Cette organisation revêt deux types de modalités, dont le choix
appartient à chaque État membre
et qui doivent être mis
en oeuvre selon des critères objectifs, transparents et non
discriminatoires :
- accès négocié au réseau ou formule de
l'acheteur unique, pour l'électricité ;
- accès négocié au réseau ou accès
réglementé, pour le gaz.
L'accès réglementé
permet aux entreprises
concernées et aux clients éligibles de négocier au cas par
cas la fourniture d'énergie sur la base d'accords commerciaux
volontaires.
Dans la formule de
l'acheteur unique
, les États membres
désignent un acheteur unique d'électricité à
l'intérieur du territoire couvert par le gestionnaire de réseau,
celui-ci étant tenu d'acheter l'électricité qui a fait
l'objet d'un contrat entre un client éligible et un producteur
situé à l'intérieur (producteurs indépendants) ou
à l'extérieur du territoire susvisé, et servant en quelque
sorte d'intermédiaire obligé.
Le droit d'accès au réseau fait l'objet d'une
rémunération à son profit, dont le niveau doit être
publié.
Quant à
l'accès négocié
au réseau de
gaz, il s'effectue sur la base de tarifs et/ou autres clauses publiés et
applicables à tous.
Les entreprises peuvent refuser l'accès à leur réseau en
cas d'absence de capacité ou, s'agissant du gaz lorsque cet accès
les empêcherait d'accomplir leurs obligations de service public ou en cas
de graves difficultés économiques et financières
liées à des contrats avec clauses de " take or
pay "
56(
*
)
, sous réserve du respect
de certains critères et procédures. Ce refus doit être
dûment motivé.
Définition des clients éligibles
Les gros consommateurs, dits " consommateurs éligibles ",
auront le droit -sous certaines conditions- de quitter leurs fournisseurs
monopolistiques traditionnels et d'utiliser les réseaux de transport de
ces derniers, s'ils trouvent des fournisseurs à meilleur prix.
La détermination des critères de définition des clients
éligibles relève du respect du principe de subsidiarité,
mais la liberté des Etats-membres n'en est pas moins encadrée
:
- d'une part, les consommateurs finaux d'électricité
consommant plus de 10 gigawatts/heure par an sont automatiquement
éligibles, de même que les producteurs d'électricité
à partir de gaz ;
- d'autre part, en raison de l'"
éligibilité
partielle des distributeurs d'électricité
", en vertu de
laquelle ces derniers, s'ils ne sont pas déjà
désignés comme clients éligibles, ont la capacité
juridique de passer des contrats pour le volume d'électricité
consommé par leurs clients désignés comme éligibles
dans leur réseau de distribution, en vue d'approvisionner ces
derniers ;
- enfin et surtout, les Etats-membres doivent assurer une ouverture
significative et progressive du marché.
Vers une ouverture progressive et significative du marché
Pour le marché de l'électricité, cette ouverture est
organisée sur six ans.
Dans un premier temps, la part de la consommation nationale
représentée par les clients auxquels sera reconnu le statut
d'" éligible " doit être au moins égale à
la part de la consommation communautaire représentée par les
clients dont la consommation est supérieure à 40 Gwh par an.
Trois ans après l'officialisation de la directive, ce seuil passera
à 20 Gwh par an, et six ans après, il sera de 9 Gwh par an.
Le tableau ci-dessous permet de prendre la mesure de
l'enjeu de cette
ouverture pour notre secteur électrique
:
Si la part de marché assurée à EDF reste de 70 %
d'ici six ans, l'entreprise publique est confrontée au
défi
d'une concurrence concernant un quart de son marché dès l'an
prochain et près d'un tiers de ce dernier en 2003.
Quand ? |
Sont éligibles ceux qui consomment plus de : |
Part de marché concernée en France (en volume) |
Nombre de clients éligibles en France |
Au plus tard au 19 février 1999 |
40 Gwh |
25 % |
400 |
A partir de février 2000 |
20 Gwh |
28 % |
800 |
A partir de février 2003 |
9 Gwh |
plus de 30 % |
3.000 |
En
outre, il faut avoir conscience que les Etats membres n'en resteront sans doute
pas là.
La directive confie, en effet, à la Commission
européenne le soin
" d'examiner en temps utile la
possibilité d'une nouvelle ouverture du marché, qui deviendrait
effective neuf ans après l'entrée en vigueur de la
directive ".
Cela revient à dire qu'
à compter de
2006, la libéralisation du marché électrique pourrait
connaître une nouvelle étape
. Sachant qu'un certain nombre
d'Etats membres ont anticipé, ou sont sur le point de le faire,
l'application des différentes phases prévues par la directive, on
peut penser qu'il s'agit là plus d'une proche probabilité que
d'une simple éventualité.
En outre, une forte pression s'exercera inéluctablement à la
baisse rapide des seuils, dans la mesure, où, à l'heure actuelle,
le prix de l'électricité pour un industriel de taille importante
varie de 0,13 à 0,30 F/kwh selon les pays et les régions.
Le mercredi 1er avril dernier, les ministres du G8, réunis à
Moscou, se sont d'ailleurs engagés à promouvoir dans les vingt
prochaines années des marchés de l'énergie ouverts et
concurrentiels, jugeant qu'il s'agissait là du meilleur moyen de
satisfaire les besoins des consommateurs.
Pour le marché du gaz, l'ouverture à la concurrence est
organisée sur dix ans.
Les clients industriels consommant plus de 25 millions de m
3
par an et par site, seuil ramené à 15 millions de
m
3
par an après cinq ans et à 5 millions de
m
3
par an après dix ans, outre -on l'a dit- les producteurs
d'électricité à partir de gaz, (quelle que soit leur
consommation annuelle), ont accès au réseau.
S'agissant des producteurs d'électricité, il faut préciser
que, dans le but de garantir l'équilibre de leur marché de
l'électricité, les Etats membres peuvent indiquer un seuil
d'éligibilité qui ne peut être supérieur à
celui, susmentionné, applicable aux clients finals.
L'ouverture du marché doit être égale au minimum
à 20 % de la consommation nationale annuelle de gaz à la
date d'entrée en vigueur de la directive, 28 % après cinq
ans et 33 % après dix ans.
La directive prévoit
cependant que si cette définition conduit à une ouverture
immédiate supérieure à 30 % (38 % après
cinq ans, 43 % après dix ans), les Etats concernés peuvent
modifier son application de façon à réduire l'ouverture de
leur marché à cette valeur.
Sur cette base,
l'enjeu de cette ouverture à la concurrence pour
notre secteur gazier peut être appréhendé comme suit
:
Quand ? |
Sont éligibles ceux qui consomment plus de : |
Part de marché concernée en France (en volume) |
Nombre de clients éligibles en France |
Au plus tard en février 2000 |
25 millions de m 3 |
20 % |
100 |
A partir de février 2003 |
15 m de m 3 |
28 % |
300 |
A partir de février 2008 |
5 m de m 3 |
33 % |
700 |
L'ouverture à la concurrence du secteur gazier sera
donc un
peu plus étalée dans le temps (dix ans, contre cinq pour
l'électricité), un peu plus tardive (puisqu'elle a
été adoptée après la directive sur
l'électricité et sera transposée en droit national
après cette dernière), un peu moins importante au début
(20 %, contre 25 %), mais tout autant à terme,
c'est-à-dire en 2008. N'oublions pas, en outre,
qu'il s'agit
là de l'ouverture minimale du marché
, l'application des
critères d'éligibilité pouvant entraîner un
degré de concurrence supérieur à ces chiffres.
Enfin, ici aussi, la Commission européenne est chargée
d'établir un
rapport
sur le marché intérieur du gaz
et sur la mise en oeuvre de la directive, dans le but de permettre au Conseil
et au Parlement européen d'adopter des dispositions de nature à
améliorer ce marché et qui deviendraient effectives dix ans
après l'entrée en vigueur de la directive.
Désignation d'une autorité de régulation
indépendante
L'une et l'autre des directives prévoient que chaque Etat membre doit
désigner une autorité compétente,
indépendante
des parties
, pour régler les litiges relatifs aux contrats, aux
négociations et au refus d'accès au réseau, sans
préjudice des droits d'appel prévus par le droit communautaire.
Ils doivent instaurer des mécanismes conformes au Traité contre
tout abus de position dominante, en particulier au détriment des
consommateurs, et tout comportement prédateur.
*
* *
Une
telle mise à plat en termes comparatifs des principales dispositions des
directives sur le marché intérieur de l'électricité
et du gaz naturel était nécessaire pour permettre d'en
appréhender les contours et les enjeux, et de prendre ainsi la mesure du
défi européen que notre politique énergétique doit
prendre en considération.
Les Gouvernements français successifs ont oeuvré, avec une
continuité qui mérite d'être saluée, pour que
l'ouverture du marché de l'électricité et du gaz soit
progressive et néanmoins réelle, qu'elle permette une large
application du principe de subsidiarité, reconnaissant les missions de
service public des opérateurs du secteur et respectant les organisations
électriques et gazières présentes dans chaque pays, en
particulier en France.
Il n'en reste pas moins que l'évolution et l'intégration du
marché entraînent une dépendance accrue par rapport aux
choix énergétiques effectués par chacun des Etats membres.
Il nous faut en avoir conscience, et faire preuve d'une extrême vigilance
dans les négociations éventuelles et
ultérieures.
C. LE DÉFI NUCLÉAIRE
C'est
dans ce contexte de libéralisation progressive que la France abordera
une phase stratégique de sa politique énergétique,
à savoir la
décision concernant le renouvellement
éventuel de son parc nucléaire
à l'horizon 2020. D'ici
là, l'industrie nucléaire risque de vivre des années
difficiles que d'aucuns n'hésitent pas à qualifier de
véritable " traversée du désert ".
En dépit de cette période critique, si un certain nombre de
conditions sont réunies, l'énergie nucléaire continuera
d'apparaître comme une alternative incontournable aux énergies
fossiles.
1. La problématique du renouvellement du parc nucléaire français
Le parc
de 58 réacteurs nucléaires de la filière à eau
pressurisée (d'une capacité totale de
60.000 Mégawatts) permet de satisfaire 82 % de la consommation
française d'électricité.
Ce parc présente deux caractéristiques majeures (il est jeune et
largement dimensionné) qui emportent des conséquences quant
à la place future qu'occupera l'énergie d'origine
nucléaire dans le paysage énergétique français
à l'échéance de son renouvellement et à l'avenir de
l'industrie concernée.
a) Un parc relativement jeune et largement dimensionné
La
construction des centrales nucléaires françaises a
été engagée voici une vingtaine d'années sur la
base d'une hypothèse prudente d'une durée de vie de 25 ans.
La bonne tenue technique et la disponibilité du parc semblent permettre
désormais d'envisager la prolongation de sa durée de vie et de la
porter au minimum à 40 ans, sous réserve cependant que les
autorités de sûreté autorisent leur exploitation
au-delà de 30 ans, autorisation qui ne saurait être
donnée qu'au cas par cas, et de période en période. Cette
tendance est d'ailleurs partagée par d'autres pays : c'est ainsi que les
Etats-Unis viseraient une durée de vie de 40 à 60 ans
pour leurs centrales et le Japon, de 40 à 70 ans.
La date à laquelle les décisions lourdes concernant le
renouvellement ou le remplacement du parc électronucléaire risque
donc d'être repoussée. Mais,
il ne faut pas
pour autant
tarder à arrêter une décision de principe concernant ce
renouvellement.
Alors que viennent d'être couplées au réseau les centrales
de dernière génération de Chooz et de Civaux, les besoins
de nouveaux équipements lourds, en France, apparaissent pour le moment
inexistants jusqu'à cet horizon de 2020.
En effet, notre parc nucléaire est largement dimensionné. Cette
situation s'explique par deux raisons principales : d'une part, la
croissance de la consommation d'électricité s'est
avérée plus modeste que prévu et, d'autre part, la
disponibilité du parc a nettement dépassé les
prévisions (elle s'élève, en effet, à 82,6 %
en 1997, contre 73 % il y a 10 ans).
L'ouverture de la production d'électricité à la
concurrence, les perspectives de développement de la production par des
opérateurs autres qu'EDF, notamment par le biais de la
cogénération entraînera, en outre, l'installation de
nouvelles capacités de production.
Mais à l'inverse, elle renforcera les opportunités pour EDF
d'exporter son électricité chez nos partenaires européens.
Il faudra, pour ce faire, que des solutions soient trouvées afin que ses
exportations ne soient pas handicapées par la limitation des
capacités de transport.
L'horizon des premiers besoins de nouveaux équipements de production
d'électricité " en base " (plus
de 6.400 heures)
risque de
se trouver pratiquement
confondu avec celui du renouvellement du parc nucléaire existant,
à savoir probablement 2020
.
Il nous faut cependant assurer la continuité de la filière
nucléaire et ne pas laisser s'installer la " traversée du
désert " que les industries voient se profiler à
l'horizon.
b) Le risque d'une " traversée du désert "
A
l'échéance de 2020, un certain nombre d'incertitudes
obscurcissent l'horizon
:
-
Au plan économique,
l'énergie nucléaire
sera-t-elle toujours compétitive ? On peut le penser pour les
usages dits de " base ". Mais, qu'en sera-t-il pour les usages dits
de " semi-base " ? Tout dépendra de l'évolution
des coûts relatifs des différentes énergies et des tensions
éventuelles concernant les approvisionnements en énergies
fossiles.
-
Au plan politique et social,
la question suivante est
fondamentale : quel sera le degré d'acceptation sociale de
l'énergie nucléaire dans 20 ans ?
- Ceci est largement lié aux
questions environnementales
:
comment réduire les émissions des gaz provoquant l'effet de serre
? Saura-t-on poursuivre l'amélioration de la sûreté des
installations et gérer l'aval du cycle nucléaire, en particulier
les déchets ?
Toutes ces interrogations amènent à penser qu'à
défaut de pouvoir prévoir avec certitude les modalités du
renouvellement du parc nucléaire, nous devons préparer ce
dernier. Le préparer signifie nous donner les moyens d'être
prêts à apporter les solutions les plus crédibles aux
questions énergétiques qui se poseront dans les termes de demain.
Dans cette perspective, la prise en compte de l'enjeu industriel apparaît
fondamentale.
Recevant peu de commandes, les constructeurs ne risquent-ils pas, en effet,
d'éprouver de grandes difficultés à maintenir la
compétence de leurs chercheurs, de leurs bureaux d'études et de
l'ensemble de leurs équipes, ainsi que leurs moyens de production
spécifiques ?
Pendant cette période, l'enjeu sera donc de :
- préserver les compétences industrielles ;
- maintenir la sûreté des installations existantes ;
- préparer le réacteur du futur, qui doit être
à la fois compétitif et sûr ;
- améliorer la gestion des déchets nucléaires.
On étudiera, ci-après
57(
*
)
,
comment on pourrait satisfaire à ces objectifs essentiels.
2. L'énergie nucléaire, comme alternative incontournable aux énergies fossiles sur la planète
La
France ne sera pas isolée dans ses choix et elle pourra contribuer
à valoriser les atouts du nucléaire dans une politique de
développement durable de la planète.
Le secteur nucléaire français n'est pas le seul à
être confronté à des
difficultés
majeures
58(
*
)
.
Il s'avère cependant indispensable que l'option nucléaire
reste ouverte.
C'est d'ailleurs ce que conclut le rapport qu'un groupe
d'experts indépendants a rendu, en janvier 1998, au
Secrétaire général de l'OCDE sur
"
l'énergie nucléaire à l'OCDE : pour une
démarche intégrée
" :
"
L'option nucléaire est un atout indéniable pour les
pays de l'OCDE, qui leur permettra d'affronter un avenir incertain. La prudence
veut que cette technologie reste une option réaliste et qu'elle fasse
partie intégrante des débats sur une politique
énergétique durable "
Encore faut-il, comme le souligne le Commissariat Général du
Plan, que les problèmes de sûreté, d'acceptabilité
et de compétitivité puissent être résolus.
Par ailleurs, si la capacité nucléaire se réduisait d'ici
2020 dans la zone OCDE, ce déclin devrait être compensé par
les accroissements de capacités attendus en
Asie
et dans les
pays de l'Est
.
Il faut, en outre, avoir conscience que, sur la planète,
tant
l'explosion des besoins énergétiques
59(
*
)
que les contraintes environnementales rendront
inéluctablement nécessaire le recours à l'option
nucléaire
.
Ce recours sera d'ailleurs facilité par le fait que les réserves
mondiales d'uranium sont abondantes et relativement bien distribuées
à travers le monde (près de 30 % en Asie-Océanie,
24 % dans l'ex-URSS, 21 % en Afrique et près de 18 % en
Amérique du Nord).
Le défi concernant l'avenir de l'énergie nucléaire
concerne l'ensemble de la planète, ceci d'autant plus que les risques
qui sont liés à ce type d'énergie sont globaux. Il se
décline de façon spécifique en France, dans la mesure
où notre pays est celui où l'énergie nucléaire joue
le plus grand rôle dans la production d'électricité,
assurant ainsi une indépendance énergétique que sa quasi
absence de matières premières ne lui aurait pas permis
d'atteindre autrement.
TITRE II -
QUELLE POLITIQUE
ÉNERGÉTIQUE
POUR LA FRANCE DE DEMAIN ?
CHAPITRE I -
S'ADAPTER À L'ÉVOLUTION DES
CONTRAINTES
I. IL SERAIT " SUICIDAIRE " DE REMETTRE EN CAUSE LES AXIOMES ACTUELS
Les
fondements de notre politique énergétique expliquent sa
réussite. C'est pourquoi notre pays ne saurait renoncer aux principes
qui ont inspiré cette politique.
L'ouverture à la concurrence du marché énergétique
est une réalité mondiale. Loin de condamner la conduite d'une
politique énergétique au plan national, elle la rend au moins
aussi nécessaire.
A. NE RENONÇONS PAS AUX AMBITIONS DE LA NATION
Le
contexte juridique et économique a beaucoup évolué depuis
que les pouvoirs publics ont organisé le secteur
énergétique de façon à satisfaire les besoins de la
reconstruction, après guerre, puis à faire face au défi du
choc pétrolier, en 1974.
Certes, on pourrait considérer qu'à de nouvelles contraintes
correspondent de nouveaux objectifs tant en termes environnementaux,
qu'économiques et sociaux.
Mais l'enjeu central reste le même. Il s'agit toujours de permettre aux
entreprises -mais aussi à l'ensemble des citoyens d'accéder
à l'énergie la plus sûre et la plus compétitive
possible.
Aussi, les impératifs d'hier : l'indépendance
énergétique de la Nation et son excellence technologique,
demeurent.
1. L'indépendance énergétique doit rester prioritaire.
L'indépendance énergétique de notre pays
n'est
d'ailleurs que relative. Elle ne s'élève, en tout état de
cause, qu'à 49,60 %. Elle n'est, en outre, jamais acquise. Bien au
contraire, l'Union européenne sera en situation de dépendance
énergétique croissante d'ici 2020.
Elle demande, en définitive, une vigilance et un effort sans
relâche.
C'est pourquoi votre Commission d'enquête n'adhère pas au discours
de ceux qui sont tentés d'extrapoler la situation actuelle -qui reste
satisfaisante- et jugent que l'on peut désormais largement
s'exonérer des contraintes qu'imposerait une telle
priorité.
2. L'excellence technologique demeure impérative
Les
industries nucléaire, pétrolière et gazière
constituent des pôles d'excellence majeurs pour la France. Prenons donc
les mesures nécessaires pour qu'ils le demeurent demain.
Pour ce faire, il faut poursuivre nos efforts de recherche-développement
dans ce secteur, en prenant de plus en plus en considération les
impératifs environnementaux. Dans cette perspective, les nouvelles
technologies permettant d'économiser l'énergie, de produire une
énergie plus sûre et moins polluante ou concernant les
énergies renouvelables doivent être développées non
seulement au profit de notre territoire, mais aussi en vue de conquérir
des marchés étrangers. Elles peuvent, en effet, constituer un
formidable vecteur d'exportations.
B. MAINTENONS UNE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE NATIONALE
D'aucuns
-surtout chez nos partenaires européens d'ailleurs- défendent
l'idée que l'on pourrait s'affranchir de toute politique
énergétique nationale dans la mesure où l'ouverture
croissante du secteur à la concurrence et la montée en puissance
de l'Europe en ce domaine la rendrait désormais inutile.
Votre commission d'enquête ne souscrit pas à une telle
démarche et estime que l'on ne peut faire confiance aux seules forces du
marché ou s'en remettre à la seule politique européenne
pour ce qui concerne un secteur aussi fondamental et stratégique que
l'énergie.
1. On ne peut faire confiance aux seules forces du marché
La
libéralisation des marchés électrique et gazier
-après celle plus ancienne des secteurs du pétrole et du charbon-
devrait faciliter l'accès à certaines ressources en mobilisant de
nouveaux acteurs, permettre des réductions de coût et une
amélioration du service rendu aux consommateurs.
Elle pourrait cependant inciter les opérateurs à
privilégier les investissements ayant des temps de retour très
courts et,
a contrario
, les décourager de réaliser les
investissements lourds nécessaires au développement du secteur
-telles que des centrales nucléaires- ou certains projets plus modestes
mettant en oeuvre des technologies aujourd'hui non rentables -dans le domaine
des énergies renouvelables, par exemple.
C'est pourquoi, il apparaît indispensable que les pouvoirs publics
continuent à fixer les objectifs à atteindre et s'assurent
notamment que les moyens mis en oeuvre garantiront la sécurité
d'approvisionnement.
C'est aux pouvoirs publics qu'il appartient de déterminer les
règles du jeu et de prévoir les modalités de la
régulation du marché
60(
*
)
, en
s'assurant de la réalité et de la loyauté de la
concurrence qui s'y exerce.
2. On ne peut s'en remettre à la seule politique européenne
Les
institutions européennes modèlent aujourd'hui largement
l'environnement juridique et économique du secteur, que ce soit par le
biais des directives de libéralisation des marchés de
l'électricité et du gaz naturel, par l'édiction de
règles concernant les carburants ou les moteurs automobiles, par les
programmes de recherche mis en oeuvre ou par les relations bilatérales
(avec les pays de l'Est, par exemple) ou multilatérales (comme lors du
sommet de Kyoto).
Elles ne disposent cependant pas de compétences spécifiques en
matière de politique énergétique. Ceci nuit à la
définition d'une politique globale et favorise la mise en oeuvre de
mesures résultant de points de vue spécifiques (concurrence,
environnement, etc.)
On ne peut cependant le regretter tout à fait, car cela résulte
du souhait légitime des Etats membres de conserver la maîtrise de
cet aspect stratégique de leur politique économique. En outre,
ceux-ci connaissent des situations extrêmement variées tant en
termes de ressources que d'organisation du secteur et affichent des
intérêts parfois divergents de ceux de leurs partenaires. C'est
ainsi, par exemple, que les Etats membres producteurs de pétrole et de
gaz ont défendu des positions très différentes de celles
des pays consommateurs à l'occasion des négociations sur les
directives sur le marché intérieur de l'électricité
et du gaz.
Aussi, convient-il à la France de mener sa stratégie propre,
tout en contribuant autant que possible à l'harmonisation des politiques
européennes en ce domaine.
II. LES PRINCIPES DEVANT GUIDER NOTRE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE
A. UNE POLITIQUE ORIENTÉE VERS LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
Le
concept de " développement durable ", mis à l'honneur
depuis le début des années 1990, est fondé sur la prise en
compte de l'avenir des générations futures. Il défend
l'idée, qu'il est nécessaire d'exprimer, selon laquelle
l'économie doit être développée au
bénéfice des générations présentes sans que
le coût pour les générations futures en soit inacceptable.
Deux attitudes s'opposent à cet égard : celle des
maximalistes pour lesquels, partout où c'est possible, la protection de
l'environnement doit primer ; et celle des économistes pour
lesquels cette primauté est valable tant que la préférence
des individus pour la croissance reste inférieure à celle qu'ils
ont pour la sauvegarde de leur environnement.
Votre commission d'enquête a intégré ces deux positions en
recherchant, dans une attitude responsable et réaliste, la position
moyenne consistant à encourager les agents économiques à
prendre en compte les conséquences de leurs actions sur des
tiers
61(
*
)
et l'environnement par le biais d'une
juste tarification, et, ainsi, à adopter des comportements dont le
coût est pris en charge sans compromettre le développement et le
profit.
1. " Ne pas faire payer à nos petits-enfants notre confort d'aujourd'hui "
La
politique énergétique doit
préserver l'avenir des
générations futures.
C'est une des préoccupations
majeures des jeunes, comme en témoigne
l'article 3,
relatif
à l'environnement, de la Charte du jeune citoyen de l'an 2000
adoptée par trois cents adolescents réunis au Sénat le 28
mars dernier dans le cadre de
l'opération
" Sénateurs-Juniors
".
"
La planète est en danger ! Contre les
pollueurs, il faut envisager soit des sanctions plus lourdes, soit des mesures
réellement incitatrices. Une des priorités de la recherche doit
porter sur les énergies nouvelles. Des moyens conséquents doivent
être attribués à ces recherches. Il faut développer
la prévention et l'information surtout chez les jeunes. Des mesures
donnant la priorité aux énergies non polluantes pourraient
être adoptées : avantages fiscaux pour les utilisateurs,
circulation alternée, développement des équipements pour
les deux roues en ville. Mais le plus grand enjeu nous paraît être
celui du nucléaire et de la gestion des déchets. Il est
absolument nécessaire, dès maintenant, de faire des choix pour
l'avenir. Cela impose un débat national dans lequel les jeunes doivent
avoir leur mot à dire. "
Une politique énergétique orientée vers le
développement durable doit s'appliquer à mettre en oeuvre trois
principes :
- la préservation de l'environnement ;
- la conservation du stock de ressources énergétiques ;
- la satisfaction des besoins de mise à niveau et de
développement des pays.
Il s'agit non seulement de promouvoir les modes de production
énergétiques les moins polluants, mais également de
réserver l'utilisation des ressources fossiles aux seuls usages pour
lesquels il n'y a pas d'alternative afin de prolonger leur durée de vie
au profit des générations futures.
Ces
principes
ont l'avantage d'être
parfaitement
compatibles
puisqu'une utilisation plus modérée des
hydrocarbures ou du charbon à des fins de combustion pour produire de
l'énergie a pour corollaire une moindre émission de gaz
carbonique.
Enfin, la protection de l'environnement passe nécessairement par un
effort soutenu en faveur des énergies renouvelables et par un maintien
de la filière nucléaire, seules sources d'énergie non
polluantes susceptibles de venir remplacer les centrales thermiques
traditionnelles. A cet égard, une gestion optimale des déchets
nucléaires issus de cette filière doit pouvoir préserver
la planète pour les générations futures
62(
*
)
.
Le principe de conservation des ressources énergétiques
épuisables peut, quant à lui, être mis en oeuvre à
travers quatre types d'actions :
-
la gestion rationnelle des ressources énergétiques
fossiles
: il s'agit de préserver le pétrole pour des usages
essentiels comme la pétrochimie, les installations mobiles ou le secteur
des transports, et le charbon pour la carbochimie ;
-
l'accroissement de l'efficacité
énergétique
: il s'agit de faire en sorte que notre
consommation énergétique augmente moins vite que le produit
intérieur brut. Un tel objectif peut être atteint à travers
une meilleure gestion de l'énergie et une maîtrise de la
consommation ;
-
le développement des carburants de substitution
: de
nombreuses alternatives au pétrole existent pour propulser les
véhicules (électricité, gaz naturel, gaz de pétrole
liquéfié, biocarburants). Il convient de continuer les
recherches dans ces domaines ;
-
la promotion d'une politique des transports moins
" énergivore
" : il convient ainsi de redonner la
place qui leur incombent aux transports ferroviaire et maritime par une
tarification adéquate (prise en compte des externalités positives
de ces deux modes et, inversement, incorporation des externalités
négatives résultant des transports routiers dans le prix de ces
derniers par une politique fiscale appropriée) et d'encourager
l'utilisation des transports collectifs par tous les moyens et notamment par
une politique tarifaire incitative.
2. Ouvrir l'éventail des possibles afin de préserver l'avenir
Essentiellement axée vers la recherche de
l'indépendance énergétique, la politique
énergétique menée jusqu'à présent a eu
paradoxalement pour effet de rendre la France dépendante d'une seule
source de production de l'électricité et d'encourager les usages
d'une électricité produite en abondance et accessible à
bas prix là où d'autres sources énergétiques
auraient dû garder la primeur (chauffage, notamment). La France a, en
effet, fait le choix d'une solution portée par un seul acteur
centralisé, EDF, pour exorciser le risque de pénurie
énergétique, alors que les autres pays ont une opinion
mobilisée en faveur de la recherche de solutions
décentralisées. Même la Suède qui a fait un choix
similaire à celui de la France, a limité à 50 % la
part de l'électricité produite par le nucléaire.
L'existence du programme nucléaire - qui est un beau succès
de la politique industrielle et énergétique
française - a aussi eu,
selon le Commissariat
Général du Plan dans son rapport d'évaluation de la
politique de maîtrise de l'énergie
conduite de 1973 à
1993
63(
*
)
, certains effets négatifs :
-
un effet d'éviction : l'ampleur des investissements
consacrés au nucléaire a sans doute freiné les
décisions publiques d'investissements en faveur du développement
d'autres sources énergétiques (énergies renouvelables
notamment) et de la maîtrise de la consommation ;
- un effet de surcapacité de production d'électricité qui
a durablement réduit l'intérêt économique qu'il peut
y avoir à optimiser les modes de production électrique sur le
territoire et à économiser l'électricité ;
cette surcapacité a, en outre, encouragé les usages
" concurrentiels " de l'électricité (chauffage, eau
chaude) ;
- un effet démobilisateur de l'opinion publique qui a été
convaincue de ce que notre pays dispose ainsi d'une énergie
centralisée, propre et abondante : elle a été moins
sensibilisée à la maîtrise de l'énergie que dans les
pays qui n'ont pas voulu du nucléaire.
Selon le Commissariat Général du Plan, ces effets
, qui ont
contribué à réduire l'éventail des sources
énergétiques en France,
ont été accentués
par la politique de péréquation des tarifs progressivement mise
en place par EDF, sans intervention du législateur, dans les
années soixante en France métropolitaine, puis étendue en
1975 dans les départements d'outre-mer
. Une semblable
péréquation tarifaire, qui n'existe dans aucun pays dans lesquels
la commission d'enquête a eu l'occasion de se déplacer, a eu pour
résultat de faire disparaître des niches géographiques
où des énergies renouvelables auraient pu fournir de
l'énergie thermique moins coûteuse que l'électricité
(solaire thermique et bois, notamment) si elles ne subissaient pas la
concurrence d'une électricité subventionnée.
Selon M. Michel Colombier, membre de l'International Consulting on
Energy
64(
*
)
:" Il apparaît ainsi
qu'un client souscrivant un abonnement EDF de 12 kVA pour une utilisation
étendue au chauffage et à l'eau chaude bénéficie
par le biais de la péréquation tarifaire d'une
subvention de
1 800 à 2 000 francs par an
. Cette
péréquation dissimule aux yeux des clients d'EDF, comme à
ceux des décideurs, les coûts effectifs de la desserte
électrique rurale et l'intérêt qu'il pourrait y avoir
à envisager une réorientation des politiques
énergétiques en milieu rural. Elle engendre la situation
paradoxale dans laquelle on constate une consommation basse tension de
l'électricité des habitants ruraux supérieure d'environ
30 % à celle des urbains, ce qui s'explique en partie par la
pénétration plus forte du chauffage électrique à la
campagne qu'à la ville. "
Or, les énergies concurrentes, notamment le bois ou le solaire,
devraient trouver en milieu rural un terrain naturel d'expression et des
conditions économiques favorables à leur développement. Le
développement du gaz pourrait aussi être encouragé :
GPL (gaz de propane liquéfié) dans les communes isolées,
et gaz naturel dans les communes rurales où le réseau
s'étend parfois aujourd'hui et où il est paradoxal de voir
s'affronter en concurrence l'électricité et le gaz quand le
réseau gazier doit être amorti, alors que le réseau
électrique nécessite d'être renforcé.
Dans les départements d'outre-mer, en Corse et, plus marginalement, en
métropole, les technologies décentralisées de production
d'électricité (photovoltaïque, éolien, petits
générateurs) se révèlent également
très rapidement rentables, en alternative avec l'établissement de
nouveaux réseaux de distribution d'électricité dans les
zones les plus périphériques.
Pour l'instance d'évaluation de la politique de maîtrise de
l'énergie précitée, "
une telle conception d'un
service public égalitaire de l'électricité est peu
légitime pour les usages non spécifiques de
l'électricité
65(
*
)
et s'exerce au
détriment des zones géographiques auxquelles elle entend
bénéficier : si au nom de la solidarité nationale il
est légitime de compenser le handicap que subissent certaines zones dans
leur approvisionnement énergétique, il est indûment
coûteux d'apporter cette compensation en privilégiant une
énergie (l'électricité) qui comporte moins de valeur
ajoutée locale que ses concurrentes dans le domaine des énergies
renouvelables
".
Au total, ouvrir l'éventail des possibles ne signifie pas uniquement,
comme le déclare le ministre de l'industrie,
garder toutes les
options ouvertes
(nucléaire, gaz utilisé en " cycle
combiné ", charbon)
afin de disposer du maximum de
possibilités quand les choix stratégiques seront à
formuler.
Cela implique également de
traiter les questions
liées à la distorsion tarifaire induite par la
péréquation et l'uniformité de la politique commerciale
d'EDF sur le territoire afinde
:
Développer des moyens de production électrique
décentralisés lorsque ceux-ci peuvent contribuer au bilan
énergétique dans de bonnes conditions économiques.
Votre commission d'enquête approuve l'initiative du Fonds d'amortissement
des charges d'électrification (FACE) consistant à réserver
sur son budget une enveloppe (100 MF en novembre 1994)
spécifiquement dédiée au financement d'opérations
de maîtrise de la demande d'électricité ou
d'électrification décentralisée à partir de sources
renouvelables, en alternative aux interventions classiques sur le
réseau. Il est ainsi proposé aux collectivités de
promouvoir et de financer des opérations innovantes dès lors que
celles-ci se révèlent moins coûteuses que la réponse
" classique " par le biais d'un développement du
réseau. Il convient toutefois que cette action soit relayée par
EDF.
De promouvoir les sources d'énergie thermique (géothermie,
gaz naturel, GPL, cogénération, photovoltaïque...) qui
peuvent être mis en oeuvre de manière décentralisée
On peut approuver à cet égard l'obligation faite à Gaz de
France de desservir, dans un délai de trois ans, les communes qui seront
inscrites au plan de desserte gazière institué par l'article 35
du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et
financier voté par le Sénat le 7 mai dernier.
De mettre en place une politique du logement qui préserve le
choix des Français en matière énergétique
(conduites de cheminées, disponibilité du gaz)
Il faut néanmoins être conscient
que les sources
d'énergie alternatives ne peuvent, à horizon visible, se
substituer en quantité à l'électricité d'origine
nucléaire
, les clients d'EDF ayant fait des choix
d'équipements consommateurs d'électricité
(électroménager, chauffage, eau chaude...) qui
génèrent une saturation des capacités sur le départ
basse tension qui les alimente et qu'il serait délicat et coûteux
de remettre en cause. Il semble dès lors nécessaire d'adopter une
démarche qui chercherait à accompagner les clients EDF au fur
et à mesure de leurs choix d'équipement
(construction neuve,
rénovation, achat d'appareils électriques...) et les inciterait
à opter pour des solutions individuellement et collectivement plus
satisfaisantes. Il appartient à EDF de valoriser les opportunités
offertes par le changement technique et de répondre aux besoins
diversifiés des territoires et des consommateurs, dans l'esprit d'un
service public attentif à la fois à la satisfaction des clients
et à la prise en compte des externalités négatives
attachées à l'exercice de son activité.
B. UNE POLITIQUE ÉQUILIBRÉE
1. Répondre simultanément aux exigences du court et du long termes
a) Tenir compte des contingences du marché et de l'évolution des coûts relatifs des énergies
La
politique énergétique française ne peut pas ignorer
- au prétexte qu'elle aurait choisi la filière
nucléaire comme instrument principal de ses buts -, les conditions
économiques de rentabilité des équipements.
Il
convient
en particulier
de tenir compte des coûts relatifs des
énergies avant de prendre toute décision nous engageant pour
l'avenir.
A cet égard, l'étude réalisée par la Direction du
gaz, de l'électricité et du charbon (DIGEC) du ministère
de l'industrie, tous les trois ans, sur les coûts de
référence de la production électrique donne des
indications précieuses sur les coûts comparés de production
de l'électricité.
La dernière étude réalisée en 1997
66(
*
)
révèle ainsi que,
si la
plupart des filières de production d'électricité ont vu
leurs coûts de production diminuer,
le nucléaire reste
aujourd'hui un choix solide pour la production d'électricité de
base
67(
*
)
, même si cette
filière peut être concurrencée par les cycles
combinés au gaz si les prix se maintiennent à un niveau
durablement bas. Le nucléaire présente ainsi l'avantage
d'être moins dépendant des fluctuations du marché.
Néanmoins, l'étude fait valoir que le maintien de la
compétitivité de la filière du nucléaire sur le
long terme dépendra non seulement des améliorations que pourront
apporter les réacteurs du futur, mais aussi de la capacité de
l'opérateur à mettre en oeuvre un programme comportant un nombre
suffisant de tranches avec une cadence d'engagement régulière.
L'étude indique, par ailleurs, que
le cycle combiné au gaz
ressort clairement comme le moyen de production le plus compétitif pour
la " semi-base
", c'est-à-dire pour des durées
d'utilisation annuelle moyennes. Elle souligne cependant que si cette
filière devait acquérir une place non négligeable dans le
cycle de production, ce qui est probable, cela risquerait d'engendrer des
contraintes de stockage du gaz.
En tout état de cause, le renforcement de la position des cycles
combinés sur la semi-base se ferait
au détriment du
charbon
, bien que la filière du " lit fluidisé
circulant "
68(
*
)
puisse conserver un
intérêt en termes de diversification du parc de production et pour
se prémunir contre une hausse du prix du gaz. En dessous des
durées de fonctionnement justifiant l'appel aux cycles combinés
au gaz, l'étude précise que les moyens de production les plus
compétitifs sont les turbines à combustion au gaz ou bien, pour
la pointe proprement dite, au fioul domestique.
Enfin, l'étude considère que
la production
décentralisée d'électricité constitue une
diversification intéressante du parc de production
. Elle approuve la
cogénération, pourvu qu'existent des besoins de chaleur à
proximité, mais relève que le développement des turbines
à vapeur à contre-pression fonctionnant au charbon - qui
présentent une excellente compétitivité pour un
fonctionnement en base - est limité par le nombre de sites capables
d'absorber de la vapeur en quantité. En outre, les turbines à gaz
fonctionnant en cogénération sont compétitives en base et
en semi-base à partir d'une certaine taille, alors que les installations
plus petites ne conservent un intérêt que par l'économie du
coût de transport et de distribution de l'électricité
qu'elles permettent de réaliser. Il apparaît enfin que les
aérogénérateurs peuvent devenir compétitifs
à l'horizon 2005 sur des sites très bien ventés.
Il convient toutefois de nuancer les résultats de
cette
étude
en précisant
qu'elle ne prend pas en compte
l'ensemble des coûts sociaux et environnementaux
(" externalités
"), qui, bien que difficilement
quantifiables, sont particulièrement importants. Ainsi, outre qu'il
contribue à la sécurité des approvisionnements, le
nucléaire présente un intérêt majeur en termes de
réduction des émissions de polluants atmosphériques et de
lutte contre l'effet de serre et constitue un facteur de stabilité des
coûts. A l'inverse, il convient de prendre en compte l'impact
environnemental en termes d'économies de pylônes induit par la
mise en oeuvre de moyens de production décentralisés.
Il est essentiel que cette étude constitue le document de base
à partir duquel pourront être effectués les choix de
l'avenir en matière d'équipements
énergétiques
.
b) Donner la priorité à la recherche
Pour
pouvoir mettre à profit les observations de l'étude de la DIGEC,
il convient de poursuivre les efforts de recherche afin de préserver la
compétitivité de la filière nucléaire dans le futur
et les compétences de nos chercheurs.
Plus généralement, afin de maintenir toutes les options ouvertes
et de diversifier nos modes de production, il nous faut poursuivre les
recherches parallèlement dans les autres secteurs, en particulier pour
développer les technologies respectueuses de l'environnement.
2. Adopter une vision " multi-prismes " de la politique énergétique
L'expérience passée nous a appris que la
politique
énergétique ne pouvait être abordée sous l'angle
unique de l'indépendance énergétique ou de la
sûreté des approvisionnements, sauf à sacrifier la
compétitivité de l'économie, les préférences
des consommateurs et, dans le cas de la France, la diversité des sources
d'énergie.
De même, une politique énergétique abandonnée au jeu
des seules forces économiques, afin d'assurer l'approvisionnement des
consommateurs au meilleur prix, est réductrice et dangereuse puisque le
marché ignore les enjeux géopolitiques (risques de rupture des
approvisionnements en provenance des zones politiquement sensibles) et
néglige le long terme (épuisement des ressources fossiles,
dégradation irréversible de la planète résultant de
leur combustion).
Bref, une politique responsable de l'énergie ne consiste pas seulement
à satisfaire les besoins de la collectivité nationale en
énergie au moindre coût et en évitant les risques de
rupture d'approvisionnement.
Il est désormais admis qu'une politique énergétique doit
s'efforcer de prendre en compte un ensemble de facteurs sensibles et
d'atteindre une série d'objectifs qui présentent la
difficulté de ne pas être compatibles entre eux : ainsi, la
libéralisation des marchés visant à garantir le meilleur
prix aux consommateurs conduira les producteurs à se porter vers les
ressources énergétiques les plus accessibles et souvent les plus
nuisibles à l'environnement. La même politique n'encouragera pas
les consommateurs à maîtriser leur consommation si
l'énergie est abondante et bon marché.
Il revient de ce fait à la puissance publique, grâce à
une vision multi-prismes, d'utiliser tous les moyens à sa disposition
pour rendre compatibles des objectifs
a priori
contradictoires
.
Ainsi, tout en organisant un marché ouvert et concurrentiel, pour
influer sur les prix de l'énergie au mieux de l'intérêt des
consommateurs, les responsables publics peuvent, par l'intermédiaire de
la fiscalité, des aides publiques ou de la réglementation,
promouvoir le développement des énergies renouvelables, taxer les
énergies polluantes ou encourager les économies d'énergie,
dans l'optique du développement durable.
Si les
hydrocarbures ou le charbon
constituent à l'heure actuelle
les énergies les plus compétitives, c'est que leur prix,
fondé sur leur relative abondance, n'intègre pas deux facteurs
fondamentaux : leur caractère polluant (externalité
négative) et leur nature épuisable.
Une solution pourrait
résulter d'une tarification incluant ces deux facteurs (éco-taxe)
qui permettrait de rééquilibrer leur prix relatif par rapport
à des ressources énergétiques moins polluantes ou
renouvelables,
ce qui constituerait une incitation au développement
de ces dernières. Il va de soi
qu'une telle politique ne peut
être menée qu'à un niveau supranational
, afin de ne pas
perturber les compétitivités relatives des différents
pays. Un État qui pratiquerait seul la vertu ne pourrait survivre
longtemps à la concurrence d'États moins scrupuleux.
3. Mieux associer les citoyens et leurs représentants aux décisions publiques et mieux les informer
a) La politique énergétique doit prendre en compte les aspirations des Français
La
politique énergétique ne peut ignorer les
préférences des Français en matière
énergétique. A cet égard, l'enquête du Centre de
recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC)
sur les "
attitudes et opinions des Français vis-à-vis de
l'énergie
", réalisée à la demande d'EDF
et de l'Observatoire de l'énergie en 1995, est d'un grand secours.
Cette étude révèle que, pour la première fois
depuis quinze ans,
le gaz naturel supplante l'électricité en
tant que source d'énergie idéale pour le chauffage
. Dans les
faits, il occupe déjà la première place dans
l'équipement de chauffage des Français (29 %) devant
l'électricité et le fioul (22 %). Interrogés sur leur
préférence " dans l'absolu " en matière de
chauffage, 39,5 % des Français optent pour le gaz (soit un gain de
2,5 points par rapport à 1994), 21 % favorisent
l'électricité (perte de 3,7 points en un an) et 17,6 %
choisissent le fioul-mazout (progression d'un point).
La préférence pour le gaz naturel est encore plus nette si l'on
questionne les Français sur "
la source d'énergie
idéale, en tenant compte du coût
" : il recueille
alors 46 % des citations, loin devant le fioul (21 %), le bois (14 %)
et l'électricité (11 % soit le plus bas niveau depuis dix ans).
31 % de ceux qui sont chauffés à l'électricité
se convertiraient volontiers au gaz naturel (contre 23 % en 1994). Si le
confort d'utilisation reste la principale qualité de
l'électricité (appréciée par 36 % des personnes
interrogées), le coût est son principal défaut, souligne
l'étude. Enfin, toujours dans l'absolu, 82 % des sondés
souhaiteraient un mode de chauffage individuel.
b) Il convient d'associer le Parlement aux choix de politique énergétique
Il est
courant de dire que la filière nucléaire française s'est
développée sans véritable débat public, à
l'ombre des laboratoires de recherche civils et militaires. Néanmoins,
il faut admettre que le programme civil de centrales nucléaires
décidé dans les années 1970 dans le contexte de crise de
l'énergie, n'a que très progressivement déclenché
des réactions d'opposition.
Si les responsables de ce secteur technologiquement très pointu
n'éprouvaient guère le besoin de s'expliquer devant l'opinion,
c'est peut-être d'abord parce que les fonds dépendaient
directement des autorités politiques. Mais c'est aussi parce que
l'information était considérée comme trop technique pour
que la discussion et le débat sur la place publique soient d'une
quelconque utilité.
Il convient toutefois de noter que le Parlement a toujours eu la
possibilité de s'opposer aux décisions effectuées en
matière de politique énergétique - ne serait-ce qu'en
ne votant pas les crédits du ministère de l'industrie -
même s'il ne pouvait réellement revenir sur un choix qui nous
engage sur le long terme, compte tenu de la lourdeur des investissements et de
la durée des amortissements.
Votre commission d'enquête considère que les pouvoirs publics
seront d'autant plus conduits à justifier leurs décisions
à l'avenir qu'ils seront moins légitimes à agir dans un
secteur de plus en plus dépendant des forces du marché.
Il
faudra donc qu'ils redoublent d'explications et de transparence
pour faire
comprendre que la politique énergétique doit également
s'efforcer de préserver l'indépendance de la Nation, mais aussi
s'attacher à économiser les ressources et à
protéger la planète.
Elle estime qu'il est essentiel d'associer le Parlement à ce
débat pour valider des choix fondamentaux pour l'avenir de notre
pays.
c) Il convient de dépassionner le débat sur le nucléaire en informant mieux les Français de l'ensemble des risques
Les
Français en ont peu conscience : les risques potentiels liés
à la radioactivité sont loin de n'être liés
qu'à l'énergie nucléaire. La radioactivité, outre
qu'elle existe à l'état naturel, résulte aussi
d'activités médicales, industrielles ou de transport....
Cependant, en matière d'énergie nucléaire, la prise en
compte du principe de précaution exacerbe la demande sécuritaire
dans un contexte où la non-existence d'un risque ne peut être
démontrée de manière plausible.
Il est ainsi significatif de constater que le moindre incident
nucléaire, aussi bénin soit-il, fait aussitôt les titres de
la presse, alors même qu'il ne fait souvent courir aucun danger pour la
sûreté ou la santé des personnes. Une telle attitude
résulte certes de l'ignorance de la population à l'égard
des phénomènes radioactifs, qui ne lui permet pas de relativiser
les informations dont il est fait état dans la presse, mais aussi des
difficultés de communication des questions scientifiques. Ces
difficultés conduisent à déléguer la
réflexion à des experts, ce qui entraîne un déficit
de démocratie.
Le professeur Charpak déclarait ainsi devant votre commission
d'enquête avec beaucoup de bon sens que "
lorsqu'il y a 120 morts
à cause du gaz, on le regrette mais on ne condamne pas le gaz. En
revanche, s'il y avait 120 morts à cause de l'énergie
nucléaire, cela condamnerait le nucléaire. Or, il n'y a pas eu un
seul mort à cause du nucléaire depuis la mise en place de la
filière en France
. "
Il n'est pourtant pas difficile de faire tomber le voile de l'ignorance en
informant les Français sur les risques de l'exposition de l'homme aux
rayonnements ionisants. Certes, en matière nucléaire, les
scientifiques ne parlent que de probabilités, de hasard et
d'incertitudes, mais il est essentiel de faire comprendre au public que
l'ignorance est informative. Il convient d'apprendre aux Français
à comprendre un message probabiliste
. Parmi les contre-pouvoirs, les
médias ont un rôle déterminant
. Encore faut-il que la
façon dont ils présentent les éléments
d'information soit pédagogique et ne cherche pas la sensation ou la
polémique à tout prix.
Il revient ainsi aux médias de relayer le message de Roland Masse,
ancien directeur de l'Office de protection contre les radiations ionisantes
(OPRI) selon lequel "
aucune étude
épidémiologique, aucun effort de compréhension des
mécanismes moléculaires sous-jacents, aucune
expérimentation animale dans le domaine des risques induits, aucun
effort de limitation des expositions
n'ont atteint la qualité et le
caractère exhaustif de ce dont se sont dotées la recherche dans
tous les pays nucléaires puis la réglementation internationale en
matière de radioprotection
". Le Comité
international contre les radiations (CIPR) recommande ainsi de limiter les
expositions des travailleurs à 50 millisieverts par an, et 100
millisieverts sur cinq ans, et l'exposition générale à un
millisievert par an en plus des radiations naturelles et médicales.
COMMENT MESURER LA RADIOACTIVITÉ ?
-
• Pour caractériser une source radioactive, on mesure son activité, c'est-à-dire la quantité de radiations émises . L'unité d'activité est le becquerel : un becquerel représente une quantité de radiation est l'activité. Il correspond à une désintégration par seconde.
• On doit aussi caractériser la dose reçue par l'organisme, appelée dose absorbée. Pour cela, on mesure l'énergie déposée quand les radiations traversent cet organisme. L'unité de dose absorbée est le gray (Gy) : un gray est égal à un joule par kilogramme. La source émet aussi des becquerels et l'organisme reçoit des grays.
• L'évaluation des doses étant compliquée, on a décidé de convertir les doses absorbées en sievert (Sv). Le sievert est une mesure de dose de radioactivité pour l'homme. Il est censé tenir compte des différentes nocivités des rayonnements, sur la base de données expérimentales. En principe, un nombre donné de sieverts a le même effet cancérigène, quel que soit le type de rayonnement. On dit que le sievert est l'unité de doses efficace. L'avantage de la mesure en sievert est qu'elle permet d'estimer la dose totale à Hiroshima et Nagasaki où il y avait à la fois des gamma et des neutrons.
L'encadré ci-après indique, par ailleurs, que l'industrie nucléaire ne contribue que pour 0,4 % aux radiations subies par l'homme au cours d'une année (que l'on estime à environ 2,4 millisievert) et dont la majeure partie est d'origine naturelle (radon contenu dans le sol, rayons cosmiques, aliments). L'autre partie est surtout due aux expositions médicales, les autres expositions d'origine humaine (essais nucléaires aériens, accidents...) représentant des doses très faibles.
LES RADIATIONS ET L'HOMME
Chaque
Français reçoit en moyenne
2,4 milliSieverts/an
, soit
en moyenne :
- 1,00 mSv par le radon du sol,
- 0,55 mSv par les radiographies et autres traitements médicaux,
- 0,30 mSv par les matériaux de construction,
- 0,25 mSv par les rayons cosmiques,
- 0,25 mSv par les boissons et aliments, le corps,
- 0,05 mSv par d'autres sources dont :
- 0,02 mSv des retombées nucléaires militaires,
-
0,01 mSv de l'industrie nucléaire (réacteurs,
retraitement, déchets, etc),
- 0,02 mSv de diverses sources (télévision, industrie,
voyages en avion, etc).
Il faut noter qu'en se déplaçant de Paris en Bretagne, dans le
Limousin, en Corse ou en Suisse, la dose de radiation que l'on subit est
multipliée par deux en raison du sol granitique contenant thorium et
uranium radioactifs (elle passe de 1,5 mSv/an à 3 mSv/an). Par ailleurs,
la dose augmente avec l'altitude en raison des rayons cosmiques (la dose est
multipliée par 2,5 à 2.000 mètres d'altitude). Ainsi, dans
certaines régions du monde, la dose annuelle reçue par les
populations peut atteindre 50 mSv. En revanche, si l'on habite près de
la clôture d'un réacteur, la dose normalement reçue
n'augmente que de 0,25 %.
d) Les risques liés aux autres énergies ou industries
-
• S'agissant de l'aval du cycle nucléaire, il est
également utile de
replacer les déchets nucléaires dans
le contexte plus large des déchets produits par la France
.
• L'encadré ci-après indique que la France ne produit par habitant et par an que 100 grammes de déchets nucléaires à vie longue ou très longue, conditionnés dans le verre ou le béton, soit 0,3 % des 32 kg de déchets fortement toxiques (métaux lourds, amiante...) produits chaque année par habitant. Ces derniers posent cependant un problème majeur pour le présent et pour les générations futures.
LES DÉCHETS NUCLÉAIRES ET LES AUTRES
La France produit environ 3 tonnes de déchets par habitant
et par an, soit : 180 millions de tonnes
dont :
- 1.700 kg de déchets inertes (terres, gravats, bois)
- 700 kg de déchets industriels inertes
- 500 kg de déchets ménagers
- 100 kg de déchets industriels spéciaux pour dépôts classe 1
dont :
. 32 kg de déchets fortement toxiques 2 millions de tonnes
à vie longue ou permanents (métaux lourds, amiante, etc...) (environ 1.500.000 m 3 )
. 1,5 kg de déchets nucléaires toutes catégories, y compris
démantèlement, conditionnés, dont :
- 0,1 kg de déchets nucléaires à vie longue ou très longue,
conditionnés dans le verre ou de béton 6.000 kg
(environ./ 2.400 m 3 )
Par ailleurs, le plutonium est certes toxique, mais la nicotine pure l'est encore plus à poids égal, sans parler d'autres substances biologiques. En outre, alors qu'un microgramme de plutonium est aisément décelable au compteur (2.300 becquerels), cela n'est pas le cas des autres substances toxiques.
Enfin, il n'est pas inutile de rappeler que les nuages radioactifs ne connaissent pas les frontières d'un territoire. Ainsi, quand bien même la France déciderait de fermer ses centrales, elle ne serait pas à l'abri des conséquences d'accidents nucléaires se produisant hors de ses frontières. Il semble alors plus judicieux de contribuer à la sûreté du parc de centrales nucléaires dans le monde en faisant bénéficier les pays souhaitant renouveler leur parc ou se doter de nouvelles centrales nucléaires de l'avance technologique française.
• En réalité dès sa naissance, l'industrie a consacré un nouveau danger : le risque technique . Aujourd'hui, nucléaire, chimie et transport/stockage de matières dangereuses sont les activités industrielles les les plus susceptibles de causer d'importants dommages sur les hommes, les biens et l'environnement. Mais les nouvelles technologies (biotechnologies, génie génétique) n'en sont pas exemptes. Pour ces activités dangereuses, nombre de mesures de protection sont prises, mais aucune d'entre elles ne peut garantir l'impossibilité absolue d'un accident. Nulle installation n'est à l'abri d'une erreur humaine, d'une défaillance mécanique, d'une vulnérabilité des multiples systèmes interdépendants ou interconnectés.
N'oublions pas que toute activité humaine engendre risques et pollutions. Il nous faut donc arbitrer entre ces derniers.
L'énergie nucléaire s'avère bien moins polluante que d'autres sources d'énergie, mais également que d'autres industries (chimiques, notamment) généralement moins bien contrôlées qu'elle.
CHAPITRE II -
REFAIRE DE LA MAÎTRISE DE
L'ÉNERGIE UNE PRIORITÉ
Il
ressort du rapport d'évaluation de la politique de maîtrise de
l'énergie menée de 1973 à 1993
69(
*
)
que cette politique fut en réalité
essentiellement conjoncturelle avec pour objectif premier de réduire
à court terme la facture pétrolière dans la période
1974-1986 : l'ampleur des dépenses publiques de maîtrise de
l'énergie a accompagné assez étroitement la variation des
prix du pétrole.
Ainsi, si les 1,3 milliards de francs consacrés en moyenne chaque
année à la maîtrise de l'énergie entre 1973 et 1986,
ont permis à la France de réaliser des économies
d'énergie de 1,5 % par an en moyenne sur la même
période et pendant les trois années qui ont suivi
70(
*
)
, la période 1991-1996 a enregistré une
croissance de la consommation d'énergie supérieure de 0,5 %
par an en moyenne à celle du PIB. De surcroît, la
décroissance très rapide de la dépense publique à
partir du contre-choc pétrolier a eu pour conséquence d'amplifier
l'effet démobilisateur que la chute des prix du pétrole a eu sur
l'attention spontanée portée par les consommateurs à
l'optimisation de leurs décisions en matière d'utilisation de
l'énergie.
Il est vraisemblable, selon l'instance d'évaluation, que
l'efficacité de l'action publique aurait été
supérieure, à dépense globale identique sur la
période 1973-1993, si les aides avaient été plus
constantes (une partie des aides à l'investissement de la période
1973-1986 étant transférée sous forme d'aides à la
démonstration et d'aides à la décision après 1986).
On doit aussi regretter que la fiscalité ait accentué les
fluctuations des prix au lieu de les lisser (la baisse des prix s'est en effet
accompagnée de la baisse de certaines fiscalités
spécifiques aux produits énergétiques : fioul lourd,
fioul domestique, gazole).
Enfin, l'instance met en évidence le contraste entre, d'une part, la
très grande continuité de l'effort public en faveur du
nucléaire et de l'effort privé d'investissement des grands
producteurs d'énergie fossile, et, d'autre part, le caractère
conjoncturel de l'impulsion publique en matière de maîtrise de
l'énergie : les pouvoirs publics ont davantage réagi
à court terme, pour accélérer le rétablissement de
notre balance des paiements compromise par la facture pétrolière,
sans réellement chercher à instaurer un meilleur équilibre
à long terme, reflétant correctement le prix des ressources
rares, entre les investissements consentis pour développer l'offre
d'énergie et ceux consacrés à optimiser la demande.
Aujourd'hui,
la libéralisation des marchés de l'énergie
et les engagements que nous prenons au niveau international au titre de l'effet
de serre rendent doublement nécessaire une politique énergique de
maîtrise de l'énergie
. La libéralisation des
marchés risque en effet non seulement de tirer vers le bas les prix de
l'énergie au détriment de l'utilisation rationnelle de
l'énergie, mais aussi de conduire à terme à une
réduction de la part du nucléaire. Or, même dans
l'hypothèse la plus favorable d'un maintien du parc nucléaire
à son niveau actuel, seul un effort conséquent de maîtrise
de l'énergie pourra nous permettre de respecter les engagements
résultant du sommet de Kyoto.
Une relance énergique de la politique de maîtrise de
l'énergie doit également nous permettre de modérer une
facture pétrolière en croissance
. Il convient en effet de
rappeler que si la France produit aujourd'hui 50 % de l'énergie
qu'elle consomme, le secteur des transports dépend encore à
100 % du pétrole importé. Or, en 1997, la facture
énergétique de la France s'est accrue de 8 % en raison
notamment de la hausse de la consommation d'énergie dans les transports.
De même, les livraisons de produits pétroliers ont fortement
augmenté en mars dernier (+ 9,5 % pour le gazole, + 1,2 % pour les
supers). Or, rien ne garantit que le prix du baril de pétrole se
maintienne au très bas niveau qu'il a atteint depuis quelques mois.
Au total, il ne s'agit pas pour les autorités nationales de compenser
par une action sur la demande les compétences qu'elles perdent dans le
domaine de l'offre énergétique, mais bel et bien de brider la
préférence des marchés pour le présent en
intégrant dans le calcul des agents économiques des facteurs
qu'ils sont spontanément amenés à négliger,
à savoir le caractère fini des ressources utilisées, les
risques d'approvisionnement et les atteintes à l'environnement.
Néanmoins, il ne faut pas se leurrer, les économies
d'énergie restant à réaliser seront les plus difficiles et
les plus coûteuses à obtenir.
I. REDÉFINIR UNE POLITIQUE DE MAÎTRISE DE L'ÉNERGIE
Trois
types d'actions méritent d'être retenues :
-
la voie réglementaire ;
-
les aides à l'investissement ;
-
les aides à la décision.
Il convient de mener ces actions de front dans chaque secteur consommateur
d'énergie, sans toutefois saupoudrer les efforts. Ainsi, votre
commission d'enquête préconise de
cibler les actions sur celles
qui sont susceptibles d'avoir le plus fort levier en termes d'économies
d'énergie
, la priorité devant être
réservée au secteur connaissant la plus forte progression des
consommations énergétiques, à savoir le
secteur des
transports
.
A. ENCOURAGER LA PRISE DE DÉCISION DANS L'INDUSTRIE
On
estime que le
gisement potentiel d'économies
d'énergie
dans l'industrie s'élève à
10 Mtep
,
soit 20 % de la consommation du secteur
.
La réglementation
71(
*
)
impose des visites
et des examens périodiques pour les grandes installations consommant de
l'énergie thermique et la consultation préalable à la
réalisation d'unités thermiques de forte puissance. Ainsi, un
contrôle de la combustion et une mesure des rendements
énergétiques sont-ils obligatoires, de même que le bon
état du matériel destiné au transport et à la
distribution d'énergie ou la vérification de la tenue du
" livret de chaufferie ".
Dans son rapport d'évaluation, le Commissariat Général du
Plan préconise de mieux cibler cette procédure sur les
entreprises pour lesquelles elle serait le plus utile et les périodes
où son efficacité pourrait être la plus grande. Elle
suggère en outre de l'assortir d'un mécanisme incitatif pour les
PME qui confieraient à un expert compétent, utilisant un cahier
des charges approprié, l'expertise énergétique de leurs
installations.
Par ailleurs, une procédure d'aide à la décision a
été mise en place en 1983 afin de permettre à l'ensemble
des établissements de réaliser des études de
faisabilité préalables à une décision
d'investissement. Or, si les grands groupes ont depuis longtemps
intégré la gestion du poste énergie dans leurs
stratégies de développement en développant des structures
expertes en leur sein, la situation est plus contrastée pour les PMI. La
plupart d'entre elles ne disposent en effet pas des compétences pour
investir dans des équipements qui prennent en compte la maîtrise
de l'énergie.
En conséquence, il convient de se réjouir de la décision
récemment annoncée par le Gouvernement d'élargir la
compétence des fonds régionaux d'aide au conseil (FRAC) à
l'ensemble des audits énergétiques mis en place par les PMI
(à l'exception de ceux qui sont obligatoires). Ces audits pourront
être subventionnés par les FRAC à concurrence de 50 %
(jusqu'à un plafond de 200.000 F).
Néanmoins, jusqu'au milieu des années 1980, les entreprises
savaient qu'en investissant pour économiser l'énergie, elles
pouvaient rentrer dans leurs frais en moins de deux ans. Aujourd'hui, compte
tenu des bas prix de l'énergie, il faut compter un temps de retour de
six à sept ans. Un temps suffisamment long pour mettre de tels
investissements en concurrence avec d'autres, plus rentables.
C'est pourquoi votre commission d'enquête se félicite que le
Secrétariat d'Etat à l'industrie ait demandé à
l'ADEME et à EDF de systématiser leur soutien technique et
financier aux entreprises désireuses de faire réaliser des
diagnostics énergétiques dans trois domaines identifiés
comme constituant un important gisement d'économies d'énergie
(10 TWh soit un peu plus de 2 Mtep/an) : les moteurs à vitesse
variable, la chaîne du froid et la gestion d'air comprimé. Un
budget de 35 millions de francs est prévu à cet effet.
Notons cependant que s'il progresse par rapport à 1993 (10 millions de
francs), ce budget est très éloigné de ce que l'ADEME et
les agences qui l'ont précédée allouaient en 1985 à
ces actions (146 millions de francs). L'instance d'évaluation
précitée note, à cet égard, que le
rétrécissement des moyens consacrés aux actions d'aide
à la décision et d'information a eu pour conséquence de
faire quasiment disparaître la profession d'ingénieurs-conseils
dans ce secteur d'activité.
Il convient
donc, comme le préconise l'instance
d'évaluation, de
restaurer un budget suffisamment conséquent
pour entretenir une capacité d'expertise chez les consultants
.
Enfin, rappelons que les entreprises qui investissent dans des matériels
destinés à économiser de l'énergie ont la
possibilité de pratiquer un
amortissement exceptionnel sur 12
mois
72(
*
)
. Cette disposition devrait prendre
fin le 31 décembre 1998.
Votre commission d'enquête recommande la reconduction de cet
amortissement exceptionnel, mais surtout la promotion auprès des
entreprises
afin d'en faire un véritable outil d'incitation à
l'investissement économe et non un simple effet d'aubaine.
De même, les matériels destinés à économiser
l'énergie bénéficient de plein droit d'une
réduction de 50 % des bases d'imposition à la taxe
professionnelle, qui peut être portée à 100 % sur
décision des collectivités locales concernées. Cette
disposition devrait également prendre fin en 1998.
B. POURSUIVRE LA RÉHABILITATION DES LOGEMENTS
Parmi
les 3,5 millions de logements HLM existants en France, 13 % sont
équipés en chauffage électrique. Environ 25 % de ces
logements sont vétustes et ont une isolation insuffisante ou un
bâti détérioré. Ces défauts conduisent
à des consommations excessives d'électricité et peuvent
être corrigés par des travaux de réhabilitation. La
performance des installations de chauffage électrique dépend en
effet de la qualité des installations, de la finesse des
réglages, de la qualité du bâti et de l'isolation.
Une convention nationale signée le 3 novembre 1997 entre EDF et l'Union
nationale des fédérations d'organisations HLM (UNFOHLM) a ainsi
pour objet de réhabiliter 60.000 logements dans un délai de
trois ans afin d'améliorer les performances du chauffage
électrique.
Dans les 26.000 logements neufs à construire d'ici trois ans,
l'objectif est d'atteindre des performances thermiques supérieures
à la réglementation grâce à l'utilisation des
techniques de pointe.
Il est également prévu de mettre en place un certain nombre
d'outils et de services permettant d'optimiser les consommations dans les
logements rénovés ou neufs : sous-comptage
(séparation des consommations de chauffage et des autres utilisations),
télérelève en milieu rural, installations
spécifiques aux parties communes.
C. RENFORCER ET FAIRE RESPECTER LA RÉGLEMENTATION
Avec une
consommation d'énergie primaire de 83,1 Mtep en 1996, le secteur
résidentiel et tertiaire est le secteur économique le plus
consommateur. Sa proportion dans l'énergie totale consommée en
France est passée de 38,4 % en 1973 à 45,5 % en 1994.
La consommation totale du secteur se décompose dans des proportions
voisines de 2/3 pour les bâtiments d'habitation et de 1/3 pour le
tertiaire.
Il faut, par ailleurs, noter que la part de l'électricité est
passée de 22,5 % à 54 % de la consommation finale
totale, dénotant une forte pénétration du chauffage
électrique. Si une telle substitution a permis une diminution de la
consommation unitaire moyenne de chauffage au m
2
, elle a accru les
besoins en énergie primaire compte tenu du faible rendement de la
production d'électricité
73(
*
)
.
1. Renforcer la réglementation
a) Dans le secteur de l'habitat
L'habitat est, par excellence, un domaine où une action
réglementaire est légitime dans la mesure où les
intérêts du maître d'ouvrage et de l'utilisateur ne sont pas
compatibles : ainsi, le maître d'ouvrage cherche à minimiser
le coût de la construction au détriment du coût
d'utilisation du logement sur le long terme. L'utilisateur subirait les
conséquences d'un tel choix par une facture d'électricité
et de chauffage accrue si la puissance publique ne venait y mettre bon ordre.
La réglementation thermique mise en place en 1974 définissait des
exigences minimales d'isolation (toits, murs, planchers, vitrages,
renouvellement d'air) peu élevées dans un premier temps,
puisqu'elles entérinaient les bonnes pratiques professionnelles du
moment, puis renforcées progressivement (en 1977, en 1982 puis en 1988).
Il convient de tenir compte des observations émises par l'instance
d'évaluation sur l'efficacité des actions menées par voie
réglementaire pour accroître l'efficacité
énergétique de l'offre d'équipements ayant trait au
logement.
Votre commission recommande de
rendre obligatoires certaines normes
plutôt que d'imposer une performance globale minimale
en laissant au
maître d'ouvrage le choix des moyens.
L'instance d'évaluation recommande ainsi la généralisation
des doubles vitrages peu émissifs et marque une préférence
pour l'isolation par l'extérieur.
Elle observe, en effet, que la réglementation qui a exigé un
niveau minimum de rendement pour les
chaudières
au lieu
d'instaurer une information obligatoire sur leurs performances n'a pas
été suffisamment exigeante pour généraliser
l'emploi des matériels les plus performants et stimuler le
progrès technique. L'instance note à cet égard que la
marque NF gaz est restée une marque " opaque ", classant les
produits de façon binaire (bons ou mauvais), avec un critère peu
sélectif pour l'obtention du label, ce qui n'a pas stimulé la
concurrence.
A l'inverse, l'action réglementaire développée avec
continuité de 1975 à 1988 pour améliorer
l'efficacité énergétique des nouveaux bâtiments est
un exemple d'action réussie qui a eu un impact marqué et
rentable. Néanmoins, l'instance préconise de
rehausser les
exigences réglementaires
qui n'ont pas été revues
depuis 1988, malgré les progrès techniques qui ont
été validés depuis lors. La France, qui se trouvait en
avance en 1988, se voit ainsi aujourd'hui dépassée par ses
voisins.
b) Dans le secteur tertiaire
La
réglementation thermique de la construction d'immeubles " à
usage non résidentiel " a été plus tardive que dans
le secteur résidentiel (1976) et correspond à un niveau
d'exigence moindre de 25 % environ.
Ainsi, contrairement à la réglementation adoptée dans les
logements, celle s'appliquant au secteur tertiaire ne fixe une limite
quantitative que pour les déperditions dans les parois, lesquelles sont
appréciées par un coefficient volumique de déperdition qui
doit être inférieur à un coefficient de
référence déterminé pour un bâtiment
géométriquement identique au projet, et tenant compte d'un
certain nombre de facteurs (catégorie des locaux, type d'énergie
utilisée, zone climatique, caractère de l'occupation...). A cette
contrainte, s'ajoute l'obligation de respecter un certain nombre d'exigences en
matière d'équipements : de régulation et de
programmation du chauffage, de ventilation, de climatisation (lorsqu'elle est
prévue), de comptage de l'énergie.
L'administration compétente justifie le caractère moins exigeant
de cette réglementation, par rapport à celle régissant les
locaux d'habitation, d'une part, par la difficulté de définir a
priori par la réglementation les conditions d'une optimisation du couple
investissement-exploitation, compte tenu de la plus grande complexité et
diversité des locaux concernés et de leurs différents
modes d'occupation, d'autre part, par le sentiment que les maîtres
d'ouvrage sont plus avisés que les usagers des logements en
matière d'optimisation de la dépense globale.
Or, en pratique, une étude réalisée à la demande de
l'instance d'évaluation de la politique de maîtrise de
l'énergie a permis de constater que 5 % seulement des
opérations respectaient rigoureusement la réglementation.
Toutefois, les exigences relatives à l'enveloppe sont mieux
respectées que celles qui concernent les équipements.
Ainsi, la réglementation est aisément respectée en
matière d'isolation, ce qui confirmerait l'intérêt d'un
relèvement sensible des exigences réglementaires dans ce domaine.
La dispersion des performances plaiderait quant à elle pour une
meilleure prise en compte de certaines caractéristiques architecturales.
Il conviendrait par exemple de prendre en compte les avantages résultant
des apports solaires dans la détermination du coefficient de
référence s'appliquant aux surfaces vitrées.
En revanche, les équipements sont soit de mauvaise qualité, soit
mal utilisés. Ces manquements résultent davantage, selon
l'instance d'évaluation, d'une mauvaise compréhension de la
réglementation et d'une négligence dans son application que d'une
volonté d'économiser sur l'investissement. De meilleurs
résultats semblent pouvoir être obtenus par une
réglementation plus descriptive
qui fixerait par exemple les
différentes catégories de surface de l'enveloppe (opaques,
vitrées), ou qui exigerait le recours à des vitrages peu
émissifs ou à des huisseries performantes à partir d'une
certaine proportion de surfaces vitrées. Cette réglementation
descriptive s'appliquerait également à l'éclairage,
à la ventilation et à la climatisation.
Il convient donc, comme s'y est engagé le ministre de l'Equipement,
des transports et du logement, devant votre commission d'enquête,
d'harmoniser les exigences du secteur tertiaire au niveau de celles des
logements individuels.
c) Dans les bâtiments de l'État
Les
audits réalisés au ministère de la justice
révèlent que la rationalisation de la gestion de l'énergie
dans les bâtiments de l'Etat permettrait d'économiser au moins 10
% des consommations annuelles. Ce gisement d'économies n'a guère
été exploité à ce jour en raison des
difficultés de financement des opérations de maîtrise de
l'énergie et d'une insuffisance des moyens humains consacrés
à la gestion et à l'animation de ce programme.
En effet, le thème de la maîtrise de l'énergie ne mobilise
en effet pas aujourd'hui les hauts fonctionnaires responsables du patrimoine
public qui ont d'autres priorités. Seul le ministère de la
justice a mené avec l'ADEME une action de formation afin de sensibiliser
les gestionnaires du patrimoine aux économies d'énergie. En
outre, les investissements nécessaires à la maîtrise de
l'énergie se heurtent à la centralisation des crédits
d'investissement et à l'absence de liens entre les budgets
d'investissement et les budgets de fonctionnement.
Ainsi, alors que le programme français de prévention de l'effet
de serre arrêté début 1995, prévoyait que l'ADEME
consacrerait 10 millions de francs cette année-là à la
promotion des économies d'énergie dans les bâtiments
publics, les sommes effectivement déboursées pour cette action
jugée prioritaire n'ont atteint que 2 millions de francs, contre 2,8
millions de francs en 1994.
L'instance d'évaluation suggère en conséquence que
l'optimisation du budget énergie des bâtiments de l'Etat soit
l'objectif prioritaire de l'ADEME et soit appuyé par un recours
très large au crédit-bail, voire par la création d'une
caisse de financement de ces investissements qui se rémunérerait
sur les économies d'énergie réalisées. La
procédure du crédit-bail est astucieuse en ce qu'elle permet la
couverture de la charge financière des loyers par les économies
d'énergie. Néanmoins, la loi du 2 juillet 1966 impose au
crédit-bailleur d'être propriétaire des biens, ce qui est
incompatible avec le principe d'inaliénabilité du domaine public.
C'est en partie pour cette raison que la circulaire du 13 février 1991
qui autorisait déjà le recours au crédit-bail pour le
financement d'équipements mobiliers économisant l'énergie
n'a pas trouvé d'application. Il conviendrait en conséquence
qu'une loi déroge au principe d'inaliénabilité en faveur
des investissements de maîtrise de l'énergie, comme cela a
déjà été fait pour l'informatique et les
équipements portuaires.
Il est important, en effet, que l'Etat donne l'exemple dans ce domaine et que
l'Agence démontre aux administrations concernées qu'il peut y
avoir des économies d'énergie rentables malgré les bas
prix de l'énergie.
Pour la construction de bâtiments nouveaux, il convient d'introduire,
dans les règles applicables aux marchés publics, l'obligation de
retenir l'offre qui a le coût global (investissement + exploitation) le
plus faible et non le moins disant sur le seul poste investissement.
2. Mieux assurer le respect de la réglementation
Il ne
sert à rien de rendre plus sévère la réglementation
si celle-ci n'est pas appliquée. Or, l'instance d'évaluation a
constaté un
laxisme certain dans l'application des règlements
concernant l'habitat
.
L'instance d'évaluation juge ainsi particulièrement regrettable
la quasi-absence de contrôle du respect de la réglementation
thermique et note que des progrès substantiels pourraient être
faits au plan énergétique, si l'administration de
l'équipement et des transports acquérait une culture du
contrôle.
Elle recommande que soit instauré un mode de contrôle
systématique simplifié lors de la construction de maisons
individuelles bénéficiant d'une aide à l'accession
à la propriété (le label " qualitel " est
nécessaire pour accéder à des financements
privilégiés pour le logement locatif social).
De la même manière, les contrôles méritent
d'être multipliés dans le
secteur tertiaire
où
les exigences réglementaires concernant les équipements ne sont
appliquées que dans 5 % des cas. En outre, des manquements
entraînant une augmentation d'un tiers des consommations ont
été relevés en matière de ventilation dans plus de
la moitié des cas. Pour l'instance d'évaluation, le maintien en
état de marche et la bonne utilisation des installations devraient
pouvoir être contrôlés tout au long de la vie d'un immeuble.
L'instance regrette, à cet égard, que les fonctionnaires du
ministère de l'équipement ne soient pas davantage
impliqués dans les activités de contrôle et suggère
que celles-ci soient assurées par des contrôleurs techniques
rémunérés par les maîtres d'ouvrage, ainsi que cela
se pratique déjà en matière de stabilité des
bâtiments et de sécurité des personnes.
D. ACCROÎTRE LES EFFORTS DANS LE SECTEUR DES TRANSPORTS
Le
secteur des transports a connu de 1973 à 1992 une croissance de sa
consommation d'énergie voisine de celle de l'ensemble du PIB alors que
celle de l'ensemble des autres secteurs stagnait jusqu'en 1986 et ne
connaissait sur l'ensemble de la période qu'une croissance égale
au tiers de celle du PIB.
Par ailleurs,
la consommation de pétrole des autres secteurs a
baissé de moitié quand celle des transports augmentait de
moitié pour atteindre 61 % du total
. Cette évolution
résulte de la croissance de la mobilité
74(
*
)
, elle-même liée à la croissance
du PIB et à l'évolution des modes de vie et de production, et
d'une augmentation de la part des modes de transport les moins efficaces sur le
plan énergétique (la voiture particulière et l'avion pour
les passagers, la route pour les marchandises).
En 1997, la facture pétrolière de la France s'est
élevée à 97,4 Mtep, en hausse de 2 % par rapport à
1996 (contre un rythme d'augmentation annuelle moyen de 1 % sur les dix
années précédentes). La quantité de pétrole
consommé dans les transports a cru de 1,9 % en 1997 par
rapport à 1996. Une telle évolution dénote une
accélération de la tendance connue depuis 1993 (+ 1,5 %).
Enfin, la part des usages " non substituables " du pétrole
(transports et usages non énergétiques) représente
64 % de la consommation totale et 69 % de la consommation finale
(dont 50 % pour les seuls transports), ce qui introduit une
rigidité structurelle.
Le graphique ci-après retrace la part des différents usages du
pétrole :
Or, en dépit de l'augmentation continue de sa part dans la consommation
de pétrole, le secteur des transports a fait l'objet de peu d'aides
ciblées sur la maîtrise de l'énergie et a par contre
été affecté par diverses politiques publiques en
matière d'urbanisme, d'investissements en infrastructures de transport
et de fiscalité. Le secteur des transports a ainsi
bénéficié de moins de 10 % des interventions de l'ADEME.
Il convient donc d'y remédier par des actions renforcées en
faveur du véhicule urbain, des comportements économes
(utilisation des transports collectifs, réduction de la vitesse...) et
des carburants de substitution.
1. Promouvoir des véhicules économes
a) Encourager la recherche en faveur des véhicules économes
Entre
1979 et 1988, deux programmes ont été successivement soutenus par
l'ADEME dans le but de réduire la consommation des
véhicules : les prototypes EVE de Renault et VERA de Peugeot
visaient un gain de 25 % sur la consommation avec des technologies
immédiatement disponibles ; puis, à partir de 1984, le
programme " 3 litres " avait pour objet de produire des
véhicules de performance et confort comparables aux véhicules bas
de gamme mais ne consommant que 3 litres aux 100 km.
Mais, curieusement, le contre-choc pétrolier ainsi que
l'amélioration des normes de sécurité et de pollution et
la recherche d'un confort accru ont conduit les constructeurs à
ne
pas exploiter les résultats de ces recherches
alors même que
l'industrie automobile en était capable. A l'inverse, les efforts
d'allégement ont été abandonnés et la puissance des
moteurs est en hausse continuelle.
En conséquence,
les consommations conventionnelles des voitures ne
diminuent que peu depuis une dizaine d'années
(de 1986 à
1996, - 2,8 % tous carburants confondus mais - 0,6 % pour l'essence
et + 2 % pour le gazole
75(
*
)
). L'une
des raisons pourrait être l'accroissement du nombre d'appareils
auxiliaires, entraînant un
alourdissement des véhicules
.
L'ADEME fait ainsi état d'une augmentation de la masse unitaire moyenne
de + 9,1 % en dix ans pour les voitures à essence et
de 1,7 % pour le diesel. L'obligation d'équiper les
véhicules de pots catalytiques à partir de 1993 a probablement
contribué à détériorer la situation. Les
systèmes électriques entraînent aussi une augmentation de
la consommation des carburants.
De très
nombreuses solutions
concurrentes sont néanmoins
en cours d'essai chez les constructeurs
pour économiser
l'énergie et réduire les émissions polluantes :
moteur à injection directe, carburants alternatifs, voire solutions plus
futuristes comme les systèmes hybrides ou encore les moteurs
électriques à piles à combustible.
Aux
Etats-Unis
, les recherches des constructeurs sur les motorisations
hybrides ou à faibles émissions polluantes s'inscrivent dans le
cadre du programme gouvernemental PNGV (partenariat pour une nouvelle
génération de véhicules). Celui-ci prévoit la mise
au point d'ici à cinq ans d'une berline pouvant rouler 80 miles avec un
gallon d'essence (soit une consommation inférieure à 3,4 litres
aux 100km).
Au
Japon
, la généralisation des moteurs à injection
directe
76(
*
)
, qui équiperont 85 %
des modèles de Mitsubishi Motors dans moins de deux ans, la
commercialisation à grande échelle par Toyota d'un
véhicule hybride, mi-électrique, mi-essence (la
" Prius "), une première mondiale, la naissance d'une gamme
à faible émission chez Honda ou encore les efforts de Nissan
témoignent de l'importance des considérations liées
à l'environnement dans la stratégie des constructeurs japonais.
Le
moteur diesel
est enfin considéré comme une
solution
d'avenir
par la plupart des constructeurs dans le monde pour faire baisser
les consommations de manière significative. Plus efficace que son
concurrent à essence, il rejette de surcroît 2,5 fois moins de
monoxyde de carbone et 3 fois moins d'hydrocarbures. En revanche, il produit 2
fois plus d'oxydes d'azote et émet des particules
considérées par nombre de scientifiques comme
cancérigènes. Partout les investissements dans de nouvelles
technologies diesel à
injection directe
, dite de haute pression,
se multiplient, tandis que les ingénieurs travaillent sur les
" pièges " à oxydes d'azote et sur des filtres à
particules.
Devant la Commission européenne, l'association des constructeurs
européens d'automobiles (ACEA) s'est engagée en avril 1998
à réduire les émissions de CO
2
. Elle compte
pour cela sur un taux de diésélisation européen de 40 % en
2008.
Les constructeurs allemands se sont ainsi engagés à diminuer de
25 % l'ensemble des émissions polluantes d'ici à 2005 sur la
base des chiffres de 1990 et ont déjà réussi à
réduire les émissions de CO
2
de 8 % au cours de
ces six dernières années, notamment par la diminution de la
consommation de carburants. Volkswagen consacre 40 % de son budget R&D
moteur au diesel. Il espère être un des tout premiers à
présenter un modèle consommant moins de 4 litres aux 100 km, un
progrès rendu possible par l'allégement du véhicule
grâce à un recours au magnésium.
Peugeot devrait commercialiser en octobre des véhicules Citroën
Xantia et Peugeot 406 équipés de moteurs diesel HDI, dotés
de l'injection directe à haute pression. Leur consommation devrait
être réduite de 20 % par rapport à celle des moteurs
diesel actuels grâce à l'injection directe du gazole à
haute pression, directement dans la chambre de combustion. Une telle technique
permet un allégement des structures de l'ordre de 22 %. Enfin, les
émissions de gaz carbonique seraient réduites de 20 %, celles de
monoxyde de carbone de 40 %, celles d'hydrocarbures imbrûlés
de 50 % et celles de particules de 60 %.
En France, le programme PREDIT - programme de recherches en entreprises
pour le développement et l'innovation dans les transports terrestres - a
été renouvelé en 1996 pour une période de cinq
ans.
On peut cependant se demander si les aides qu'il prodigue sont
suffisantes pour soutenir la concurrence des constructeurs japonais, allemands
ou américains, eux-mêmes soutenus par leurs
Gouvernements.
b) Rétablir la neutralité de la fiscalité
Jusqu'à présent, la puissance fiscale des
véhicules qui sert d'assiette à plusieurs impôts comme la
taxe différentielle sur les véhicules à moteur
(" vignette ") ou la taxe sur les certificats d'immatriculation des
véhicules (" carte grise ") était calculée en
fonction de la cylindrée des véhicules ainsi que d'un coefficient
caractérisant le mode de transmission. Or la formule permettant de
déterminer cette puissance fiscale ne tenait pas compte des innovations
technologiques apparaissant au fur et à mesure et permettant
d'améliorer la puissance des véhicules à cylindrée
inchangée. Il en résultait une déconnexion croissante
entre la puissance réelle des véhicules et leur puissance fiscale.
Il faut donc se réjouir de
la modification du mode de calcul de la
puissance fiscale des véhicules
77(
*
)
. Cette réforme, dont le Sénat
est l'initiateur,
devrait permettre de prendre en compte non seulement la
puissance réelle des véhicules pour le calcul des chevaux fiscaux
qui servent d'assiette à la vignette, à la carte grise ou
à la taxe sur les véhicules de société, mais aussi
les émissions de dioxyde de carbone.
Les véhicules puissants,
donc fortement consommateurs de carburants et fortement pollueurs, devraient
s'en trouver pénalisés
.
Par ailleurs, la consommation des véhicules et leur propension à
polluer augmente avec l'âge des véhicules. Le tableau
ci-après fait apparaître en effet qu'un véhicule de 8 huit
ans consomme un litre de plus aux 100 km qu'un véhicule neuf.
Consommation des voitures particulières selon
l'année de mise en circulation,
en 1994
1
(l/100 km)
Age des véhicules |
Tous carburants |
Essences |
Gazole |
1 an |
7,1 |
7,9 |
6,6 |
2 ans |
7,4 |
8,1 |
6,6 |
3 ans |
7,3 |
8,1 |
6,6 |
4 ans |
7,7 |
8,3 |
6,5 |
5 ans |
7,7 |
8,4 |
6,4 |
6 ans |
7,7 |
8,5 |
6,4 |
7 ans |
7,8 |
8,4 |
6,7 |
8 ans |
8,0 |
8,3 |
6,9 |
9 ans |
8,4 |
8,7 |
6,5 |
10-11 ans |
8,5 |
8,9 |
6,9 |
12-14 ans |
8,9 |
9,2 |
7,0 |
15 ans et plus |
9,6 |
9,8 |
8,2 |
1.
Résultats non disponibles
après 1994.
Or, la fiscalité des véhicules avantage les véhicules les
plus anciens.
Le tarif de la vignette est en effet réduit de
moitié pour les véhicules de plus de cinq ans et devient
symbolique au-delà de vingt ans, ce qui incite à conserver son
véhicule le plus longtemps possible.
Il n'est donc pas étonnant de constater que le parc de véhicules
français vieillit. Début 1998, son âge moyen atteignait en
effet 7 ans contre 6,8 ans douze mois plus tôt. Parmi les 26 millions de
voitures de tourisme, 62 % ont plus de cinq ans et
25% ont plus de dix
ans
!
Votre commission d'enquête se demande donc s'il ne serait pas opportun
de revenir sur les dispositions fiscales relatives à la vignette qui ont
été élaborées en 1956, indépendamment de
toutes considérations énergétiques.
2. Améliorer les conditions d'utilisation des véhicules
Trois
mesures méritent d'être rétablies ou encouragées
pour améliorer les conditions d'usage des véhicules :
La présence, au moins dans les véhicules d'apprentissage de
la conduite, de dispositifs indiquant la consommation instantanée de
carburants
(" économètres "), afin d'encourager
l'apprentissage de la conduite " économique ".
Une telle mesure avait été rendue obligatoire pour tous les
véhicules-écoles à partir du 1
er
janvier 1981,
à l'exception des véhicules diesel pour lesquels le cahier des
charges était relativement exigeant ; or, les écoles de
conduite s'étant progressivement équipées de voitures
diesel, la mesure a été vidée de son contenu avant
d'être rapportée en 1991.
Constatant que les constructeurs étrangers proposent assez
fréquemment des " éconoscopes " en option, votre
commission d'enquête se demande si les progrès technologiques
constatés dans le domaine de l'équipement électronique des
véhicules ne permettrait pas aux constructeurs de
généraliser, à faible coût, la présence de
tels appareils dans les véhicules mis en circulation.
La régulation des feux
L'instance d'évaluation de la politique de maîtrise de
l'énergie révèle que la loi de décentralisation a
conduit à l'arrêt de la mise en place de systèmes de
régulation du trafic en zone urbaine " pour l'amélioration
du rendement énergétique des déplacements des
véhicules en ville ", actions qui avaient été
entreprises à partir de 1973. 70 % des carrefours à feux ne
sont ainsi pas coordonnés entre eux. Un tel abandon résulte de la
dispersion des responsabilités entre les différents
échelons des collectivités et de l'incompatibilité des
systèmes élaborés par un trop grand nombre de fournisseurs
différents.
Or, de telles opérations, dont le coût est chiffré pour la
ville de Caen à 6.000 F par tep/an économisée, sont
éminemment rentables et pourraient engendrer
de 500.000 à
700.000 tep par an d'économies d'énergie
. Elles contribuent
en outre à réduire la pollution, le bruit et la congestion du
trafic.
Il conviendrait donc d'encourager les actions de régulation des feux
dans le cadre du regroupement communal. De telles actions ne peuvent en effet
être efficaces que si elles sont menées à l'échelon
de l'agglomération, et non à celui des seules communes. En outre,
de tels investissements méritent
autant
le soutien financier
de l'Etat et de l'ADEME
que les investissements tendant à
améliorer le réseau routier et la sécurité.
Entretien et réglage des véhicules
L'instance d'évaluation épingle dans son rapport le manque
d'empressement manifesté par la France dans la transposition de la
directive européenne du 22 juin 1992 tendant à rendre
obligatoires les contrôles techniques. Elle met néanmoins en doute
la rentabilité de tels contrôles, rendus obligatoires depuis le
1
er
janvier 1994, en observant qu'ils visent plus à la
sécurité des véhicules et à la réduction des
émissions polluantes qu'à la réduction de leur
consommation énergétique.
3. Promouvoir le véhicule électrique
Les
véhicules standards capables de transporter 4 à 5 personnes sur
autoroute à 130 km/h ne sont pas conçus pour la conduite en ville
qui véhicule en moyenne 1,25 passager à très faible
vitesse, à grand renfort d'énergie inutile.
A l'inverse, le véhicule électrique est non seulement silencieux
et non polluant, mais aussi économe et simple d'utilisation. Ses
performances de vitesse et d'accélération sont comparables
à celles d'un véhicule moyen dans les zones urbaines. Son
autonomie est certes très faible (autour de 100 km), mais rappelons
que 80 % des trajets interurbains sont inférieurs à 50 km
par jour.
Il est, en conséquence, pour le moins surprenant que les constructeurs
aient tenté par leurs recherches de rapprocher le véhicule
électrique d'un véhicule banal plutôt que de tirer profit
des avantages du véhicule électrique comme véhicule
" spécifiquement urbain ".
Il revient alors à la puissance publique de
faire converger toute une
série d'avantages fiscaux
(vignette, TIPP, fiscalité de la
location),
tarifaires
(stationnement),
et réglementaires
(stationnement, autorisation de circuler, normes de sécurité)
pour permettre la segmentation du marché entre véhicules
" banalisés " et véhicules spécifiquement
urbains que le marché n'opère pas
spontanément.
a) Des encouragements à prodiguer
Le
précédent Gouvernement avait tenté d'encourager l'usage du
véhicule électrique dans le coeur des villes et demandé
aux collectivités publiques de montrer l'exemple.
Un accord-cadre signé en avril 1995 entre l'Etat, les constructeurs
automobiles et Electricité de France prévoyait ainsi que
10 % des nouveaux véhicules urbains des services de
l'administration devraient être électriques (soit au moins 1.000
véhicules). Le même accord-cadre prévoyait d'accorder une
prime de 5.000 F à chaque particulier pour l'achat d'un
véhicule électrique, EDF étant chargé de verser au
constructeur une somme de 10.000 F par véhicule vendu. L'objectif
de cet accord-cadre était de porter le parc de véhicules
électriques à 100.000 unités en l'an 2000.
Outre ces primes, les acquéreurs de véhicules électriques
bénéficient d'un certain nombre d'avantages
récapitulés dans l'encadré ci-après.
LES AIDES AUX VÉHICULES ÉLECTRIQUES
Le
dispositif de prime à l'achat institué en avril 1995 a
été reconduit jusqu'à fin 1998. Pour les deux roues,
les particuliers reçoivent une aide de 2.000 F.
Par ailleurs, la loi de finances pour 1995 a permis un amortissement
accéléré sur douze mois des véhicules
électriques. La loi sur l'air de décembre 1996 a étendu
cette mesure aux accumulateurs nécessaires au fonctionnement des
véhicules électriques et faisant l'objet d'une facturation
distincte (
voir infra
). Elle a également exonéré
les entreprises de taxe sur les véhicules de société.
A ces aides s'ajoutent, dans nombre de villes, la gratuité du
stationnement (en aérien) ainsi que de la recharge des batteries en parc
de stationnement et une réduction, voire une exonération, de la
" vignette ".
Quant aux collectivités, pour chaque véhicule électrique
acheté, elles reçoivent de l'ADEME des primes de 2.000 à
16.000 F par véhicule selon la charge utile, ainsi que 2.000 F
par deux-roues.
En dépit de ces dispositifs, le nombre de véhicules
électriques n'atteint que 3.200 unités en France aujourd'hui,
dont 1 150 chez EDF, la seule entreprise qui a converti 2 % de son
parc automobile à la propulsion électrique.
Entre juillet 1995 et juin 1997, l'administration publique n'a acquis que 150
véhicules électriques sur 1.800. Il reste donc à en mettre
en service 850 autres d'ici l'an 2000, soit près de 300 par an. Quant
aux particuliers, ils n'ont acquis que 2 % des véhicules
électriques mis en circulation.
Il semble, en effet, que le dispositif de la prime ait été
lancé alors que l'appareil industriel n'était pas encore
prêt et que les constructeurs automobiles étaient mobilisés
sur la vente de véhicules thermiques encouragée par les primes
" à la casse ". Ils n'ont en conséquence guère
investi en information et en promotion.
Pour expliquer le faible empressement des collectivités locales, on
évoque leur recours préférentiel à l'achat de
véhicules d'occasion pour constituer leur parc automobile.
Aujourd'hui,
un effort de relance du véhicule électrique
est
d'autant plus
urgent
que l'annonce par Toyota du lancement de la
fabrication de sa voiture électrique hybride " Prius ",
à la cadence de 2.000 véhicules par mois, montre que la France a
pris du retard. Or, nul ne sait quel modèle sortira de l'usine de
Valenciennes...
Il convient dès lors de
mobiliser tous les moyens pour faire
connaître aux Français les avantages du véhicule
électrique
: sa souplesse d'utilisation, son caractère
quasi-indestructible (un moteur électrique est prévu pour tourner
pendant 1 million de kilomètres), le faible coût de son emploi...
Le véhicule électrique serait ainsi susceptible de se positionner
sur le créneau de la deuxième ou de la troisième voiture
ainsi que sur celui des très petits véhicules de liaison.
Le véhicule électrique pourrait aussi investir le créneau
des petites livraisons urbaines (soit un potentiel de 40 à 100.000
véhicules) ainsi que les véhicules de transport collectif.
Il revient à l'Etat et aux collectivités territoriales de
compenser son coût
(une Peugeot 106 coûte près de
90.000 F et il faut compter 600 F de location mensuelle pour les
batteries)
par des incitations fiscales adéquates
(stationnement
gratuit, exonération de vignette et de carte grise...).
En octobre 1997, a été inaugurée à
Saint-Quentin-en-Yvelines la première expérience mondiale de
voitures électriques en libre-service avec un système de recharge
par induction développé par EDF (Praxitèle). La Rochelle a
suivi en lançant un système de voitures électriques en
libre-service avec 50 véhicules accessibles grâce à une
carte magnétique, disponibles 24 heures sur 24. EDF va créer une
filiale de location de véhicules électriques destinés aux
entreprises ou aux collectivités locales. Elle compte mettre en location
4.000 véhicules sur trois ans, sur l'ensemble de la France. Ces
véhicules seraient ensuite revendus à un tarif attractif au grand
public.
Les collectivités territoriales devraient, en outre, s'inspirer de
l'exemple de la Communauté urbaine de Bordeaux qui affichera 75
véhicules électriques fin 1998. La Rochelle va également
mettre en place un service de livraison de marchandises par véhicules
électriques, l'objectif étant à court terme de n'avoir que
des véhicules de livraison à propulsion électrique dans le
centre-ville.
Enfin, il convient de
multiplier les bornes de rechargement
.
Actuellement, 160 prises de recharge pour les véhicules
électriques sont disponibles dans Paris. En 1997, 430 points de recharge
ont été installés par EDF dans 22 villes.
Mais il ne suffit pas de montrer l'exemple et de compenser par des aides le
surcoût d'un véhicule électrique par rapport aux
véhicules thermiques,
il convient également d'en
améliorer les performances et d'en diminuer le coût. C'est le
rôle des constructeurs.
b) Une technologie à perfectionner
Si les
batteries au plomb semblent faire partie de la préhistoire du
véhicule électrique, il a fallu 1985 pour voir utilisée la
batterie Nickel-cadmium deux fois plus puissante que le plomb
(55-60 Wh/k), mais aussi trois fois plus cher (4.000 F/kWh contre
1.300 F pour le plomb). Placées sous le capot ou dans le coffre,
elles augmentent le poids du véhicule de plus de 200 kilos.
En 1997, a commencé une production pilote de batteries nickel-hydrure de
métal qui ont une puissance de 65 à 70 Wh/k, ce qui,
à poids égal, donne une autonomie supérieure de 30 %,
soit 120 km. La génération suivante, c'est la batterie au
lithium-ion qui recèle 120-140 Wh/k, soit deux fois plus de puissance
que le nickel-hydrure de métal, ce qui porterait l'autonomie du
véhicule à 200 km. Le coût de revient du lithium-ion
n'est en outre que de 1.000 F/kWh.
EDF a ainsi noué une collaboration avec Bolloré Technologies pour
développer les batteries lithium-polymère, cinq fois moins
lourdes et deux fois moins volumineuses que les batteries au plomb. Ce type de
batteries pourrait constituer une rupture technologique pour le stockage
d'énergie.
Outre les véhicules hybrides essence-batteries, la combinaison de
batteries conventionnelles et de piles à combustible rechargeables
à l'hydrogène semble être la solution avancée pour
répondre aux divers problèmes soulevés par les
véhicules électriques : le manque d'infrastructures,
l'autonomie et le prix. La pile à combustible permettrait en effet une
autonomie de 400 km.
LA PILE À COMBUSTIBLE
Le
principe de la pile à combustible est connu depuis 150 ans. C'est un
convertisseur électrochimique qui fait appel à la réaction
inverse de l'électrolyse. De l'oxygène et de l'hydrogène
gazeux mis en présence produisent de l'électricité. Le
sous-produit de cette réaction est de l'eau.
Dans l'automobile, les constructeurs travaillent sur la technologie PEMFC
(Proton Exchange Membrane Fuel Cell). Cette solution fait appel à des
composants actuellement très chers. La membrane qui joue le rôle
d'électrolyte solide est en Nafion et coûte actuellement environ
40.000 F selon le CEA. Les plaques anodes et cathodes sont en graphite
à 5.000 F pièce.
Selon les estimations du CEA, diverses améliorations pourraient faire
baisser le prix d'une pile à combustible d'un facteur 100, la faisant
alors passer sous la barre des 10.000 francs, objectif jugé
" raisonnable " par l'industrie automobile.
Ford, Toyota et Mercedes ont récemment affiché leur
intérêt pour la pile à combustible. Ford et Mercedes ont
ainsi signé un accord avec le canadien Ballard, pionnier de cette
technique et constructeur en 1993 du premier bus propulsé par une pile
à combustible. Avec 420 millions de dollars injectés, Ford est le
premier contributeur d'un programme qui pourrait déboucher sur la
commercialisation d'un premier modèle vers 2004.
En France, un premier projet, cofinancé par l'ADEME, a regroupé
PSA, Renault et le CEA. Deux programmes européens ont été
lancés récemment : Fever avec notamment Renault et l'italien
De Nora qui fournira les piles à combustible, et un autre dirigé
par PSA avec le CEA et Hydro Gen. Les deux Français visent la
réalisation de démonstrateurs roulants avant l'an 2000.
Néanmoins,
nombre de problèmes devront être
réglés avant de voir cette technologie mise sur le
marché
, et en particulier le choix de la source
d'hydrogène.
4. Encourager les carburants de substitution
Pour
anticiper les tensions potentielles sur le marché de l'énergie et
plus particulièrement des carburants, mais également pour lutter
contre la pollution induite par les rejets, il convient d'offrir des
alternatives à l'essence et au diesel. A long terme, le véhicule
électrique mais aussi les biocarburants issus des cultures
énergétiques semblent offrir des perspectives
intéressantes. A plus court terme, les carburants dérivés
des combustibles fossiles (GPL et GNV) séduisent davantage les
consommateurs.
Les carburants reformulés peuvent être directement utilisés
en substitution aux carburants conventionnels, alors que le GPL et le GNV
nécessitent certaines adaptations sur les véhicules.
Ces filières font l'objet d'incitations fiscales depuis 1991 pour les
biocarburants, depuis 1996 pour le Gaz de pétrole liquéfié
(GPL) et depuis 1997 pour le véhicule électrique et le Gaz
naturel pour véhicules (GNV).
RAPPEL
DES DISPOSITIONS DE LA LOI SUR L'AIR
ET L'UTILISATION RATIONNELLE DE
L'ÉNERGIE
La loi n° 96-1236 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie du 30 décembre 1996 a prévu une série de dispositions fiscales incitatives en faveur des véhicules " propres " qui sont entrées en vigueur à compter du 1 er janvier 1997 :
-
• Amortissement exceptionnel sur douze mois des véhicules neufs
fonctionnant au moyen de l'énergie électrique, du GNV ou du
GPL ;
• Amortissement exceptionnel sur douze mois des équipements spécifiques permettant l'utilisation de l'électricité, du GNV ou du GPL pour la propulsion des véhicules qui fonctionnent déjà au moyen d'autres sources d'énergie ;
• Amortissement exceptionnel sur douze mois des matériels de stockage, de compression et de distribution du GNV et GPL et des installations de recharge des véhicules électriques ;
• Exonération de la taxe sur les véhicules de société pour les véhicules électriques et roulant au GNV ou au GPL. Néanmoins, pour les véhicules bi-carburation fonctionnant alternativement au moyen de GPL et de supercarburant, la récupération de la taxe sur les véhicules de société est limitée à 25 % de son montant ;
• Remboursement aux exploitants de réseaux de transports publics en commun de la taxe sur le GNV et de la TIPP sur le GPL (dans la limite de 12.000 l/véhicule/an) ;
• Remboursement aux taxis de la taxe sur le GNV et de la TIPP sur le GPL (dans la limite de 6.500 l/véhicule/an) ;
• Remboursement de la moitié du coût des installations de systèmes agréés réduisant les émissions polluantes (jusqu'à 8.000 F/véhicule) ;
• Obligation de se doter d'un parc automobile composé à 20 % au moins de véhicules électriques, GNV ou GPL dans un délai de deux ans à compter du 30/12/96 pour les personnes publiques gérant une flotte de plus de 20 véhicules ;
• Obligation pour les flottes de plus de 20 véhicules des agglomérations de plus de 100.000 habitants de fonctionner à l'aide de carburants dont le taux minimum d'oxygène a été relevé.
Les ressources en GPL sont par exemple liées à la production de pétrole : elles sont donc très limitées en comparaison des ressources en gaz naturel et devraient même se tarir d'ici quelques années. Il ne s'agirait donc que d'un carburant intermédiaire , en attendant notamment l'avènement des véhicules GV, peu onéreux et disposant de stock mondiaux quasi inépuisables.
En conséquence, compte tenu du succès rencontré par le GPL, il semble aujourd'hui nécessaire de focaliser les efforts sur le GNV et sur le véhicule électrique dont la pénétration reste trop marginale.
Il convient enfin d'appeler l'attention sur les conséquences que ne manquera pas d'avoir une éventuelle harmonisation des taux d'accises sur les carburants au niveau européen.
En réponse à l'obligation de réexamen des taux minima d'accises sur les huiles minérales figurant à l'article 10 de la directive 92/82/CEE du 19 octobre 1992, le Conseil des ministres a en effet déposé en mai 1997 une proposition de directive restructurant la taxation des produits énergétiques.
Une telle directive, si elle était adoptée, contrarierait les mesures de relance du GPL dans notre pays en portant le niveau minimal de taxation de ce carburant de 100 euros/1.000 kg à 174 euros/1.000 kg en l'an 2000, alors que le niveau de taxation français est de 122,8 euros/1.000 kg.
En outre, la proposition élargit le champ de la taxation, réservé jusqu'à présent aux huiles minérales, à l'ensemble des produits énergétiques. Ainsi, s'agissant du gaz naturel, la directive porterait le niveau de taxation français de 2,9 euros/gigagoule à 3,5 euros/gigagoule en l'an 2000.
En revanche, la directive n'aurait pas de conséquence sur les niveaux français de taxation des supercarburants et du gazole, compte tenu des niveaux déjà très élevés de ces derniers.
a) Le GPL connaît un engouement croissant
Le GPL
est un mélange de butane et de propane produit par raffinage du
pétrole brut ou récupéré sur les gisements de
pétrole ou de gaz naturel. Il offre un certain nombre d'avantages :
prix hors taxes modéré (bien que supérieur à
l'essence et au gazole), technologie éprouvée, logistique
minimale de distribution existante, rejets toxiques réduits de 30
à 70 % par rapport au mieux réglé des moteurs à
essence. Le test californien ULEV (Ultra Low Emission Véhicule) aurait
même prouvé qu'une Clio-GPL avoisinait la performance zéro
émission des véhicules électriques.
Néanmoins, l'installation du second réservoir entraîne un
surcoût compris entre 12.000 et 19.000 F par véhicule. En
outre, le moteur GPL s'accompagne d'une perte de puissance de 2 à
12 % par rapport au moteur à essence, ce qui accroît la
consommation au kilomètre du GPL d'environ 20 %.
Pour compenser ces surcoûts,
le GPL a bénéficié
depuis 1996 de trois séries de mesures incitatives.
-
• L'article 20 de la loi de finances pour 1996 a tout d'abord
procédé à une forte réduction de la taxe
intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) applicable au GPL
puisque son taux est passé de 245,67 F par quintal à 74,34 F
à compter du mois de janvier 1996. Cette mesure a permis de faire passer
le prix du GPL de 4,70 F à 2,56 F à la pompe, soit un prix
inférieur de 38 % à celui du gazole ;
• La loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie de décembre 1996 a ensuite permis l'amortissement exceptionnel sur douze mois de l'équipement spécifique GPL pour les véhicules bi-carburation et pour les véhicules neufs mono-carburation. Elle a par ailleurs prévu le remboursement de la TIPP pour les véhicules de transports publics dans la limite de 12.000 litres/an et pour les taxis dans la limite de 6.500 litres/an. Enfin, elle a permis une récupération de la taxe sur les véhicules de société à 25 % pour les voitures bi-carburation et à 100 % pour les véhicules mono-carburation.
• Enfin, la loi de finances pour 1998 a créé trois incitations nouvelles :
- elle a autorisé la récupération de la TVA à 100 % pour les véhicules de fonction et de société ;
- elle a permis aux conseils généraux d'exonérer de vignette les véhicules dits " propres " à partir de 1999.
Ces mesures ont permis une véritable renaissance d'un carburant dont le volume des ventes était tombé à 21.174 tonnes en 1995 (contre 66.000 en 1983). Les ventes sont ainsi remontées à 36.413 tonnes en 1996 (+71,97 %) puis à 80.000 tonnes aujourd'hui. De 20.000 en 1995, le nombre de véhicules équipés est passé à 40.000 en 1996 et à 70.000 en 1997. Il serait proche de 100.000 unités aujourd'hui, ce qui dénote un taux de croissance de près de 100 % par an.
Le nombre de stations délivrant du GPL est passé de 600 environ en 1995 à 900 début 1998, soit le même nombre qu'en 1992. On est toutefois encore loin du nombre record de 1.246 points de vente GPL recensé début 1986, au lendemain de l'autorisation alors donnée à la bi-carburation GPL/essence qui avait fait espérer un envol de la consommation du GPL. Les dispositions réglementaires relatives aux stations-service distribuant du GPL rendent en effet encore difficiles l'établissement de nouveaux postes de distribution en milieu urbain. Un allégement de ces contraintes est en cours de discussion avec les milieux professionnels.
Il faut cependant rapprocher ces chiffres des 600.000 véhicules roulant au GPL aux Pays-Bas, du million de véhicules italiens et des 250.000 taxis de Tokyo.
b) Le gaz naturel pour véhicules semble davantage réservé aux flottes captives
Le GNV
possède des qualités environnementales incontestables
(émissions de CO
2
réduites de 25 à 30 % par
rapport aux carburants traditionnels, émissions de dioxyde d'azote
inférieures de 40 %, réduction des pollutions à
froid) mais ses inconvénients ont pour l'instant réduit sa
diffusion.
Outre le fait que la puissance des véhicules est réduite de
l'ordre de 15 %, il est en effet nécessaire de stocker le GNV sous
une pression de 200 bars (c'est-à-dire dix fois supérieure
à celle nécessaire pour le GPL), ce qui implique l'utilisation de
bouteilles lourdes et encombrantes.
De plus, pour avoir une autonomie équivalente à 100 litres
d'essence, une réserve de 260 litres est nécessaire, ce qui
explique que l'emploi du GNV est souvent réservé aux flottes
d'utilitaires spécifiques. Soulignons cependant que la technologie de
remplissage rapide est maintenant maîtrisée (un plein se fait en 4
à 7 minutes au lieu de 2 à 5 heures), ce qui constitue un
avantage décisif sur le véhicule électrique.
Enfin, le coût d'adaptation global est bien plus important que pour le
GPL : une station de compressage rapide coûte plus de 3 millions de
francs, investissement injustifiable pour des flottes inférieures
à 100 véhicules. Sans compter que le transport et la compression
nécessitent des consommations d'énergie importantes.
Ces inconvénients n'ont pour l'instant pas permis le décollage du
GNV en France en dépit d'un marché potentiel
considérable (800 000 véhicules dans le monde en
1994) : il n'y a en effet que 17 000 véhicules roulant au gaz,
dont 4 000 à la RATP, avec un renouvellement de 1 000 à
1.200 véhicules par an.
Renault Véhicules industriels a développé un
véhicule roulant au GNV dont les bonbonnes de gaz sont installées
sur le toit. Le constructeur vise le marché des flottes d'autobus et
camions à ordures des grandes villes, soit 25 000 véhicules
en France.
Il faut donc espérer que les dispositions fiscales de la loi sur l'air
puis de la loi de finances pour 1998 (réduction de la taxe sur le gaz
naturel de 65,17 à 60 centimes par 100 m
3
, soit une baisse de
5,8 centimes) soient suffisamment incitatives.
Le GNV est, en effet, une solution susceptible d'être rapidement mise en
oeuvre dans la mesure où elle ne nécessite pas d'avancées
technologiques majeures. Elle possède, en outre, l'avantage de s'appuyer
sur une énergie pour laquelle les réserves sont plus abondantes
et mieux réparties que le pétrole.
Compte tenu de la baisse de rendement du moteur qu'une telle technologie
induit,
il convient, dans une première étape, d'encourager son
utilisation pour les flottes de véhicules légers circulant sur de
petites distance, avant d'envisager une diffusion élargie aux voitures
particulières
.
Des expériences comme celle menée par la ville de Colmar, qui a
annoncé récemment qu'en 1997 tous ses bus fonctionneraient au gaz
naturel, méritent également d'être promues et
encouragées. La ville de Colmar s'est en outre dotée d'une
station de compression de 2 millions de francs qui sera accessible aux
véhicules extérieurs à l'entreprise de transports
fonctionnant au GNV. La RATP s'est quant à elle engagée à
acheter 50 bus fonctionnant au GNV sur les 100 gazobus qu'elle compte mettre en
service au plus tard à la fin du premier semestre 1999.
c) L'aquazole semble disposer d'atouts intéressants
Enfin,
les expériences de Chambéry, de Lyon ou de
Villefranche-sur-Saône, qui font confiance à l'
aquazole
pour faire fonctionner un certain nombre de leurs bus, méritent
d'être examinées avec attention afin d'être
multipliées si elles s'avéraient concluantes.
L'aquazole, mis au point par Elf, est composé à 85 % de gazole,
à 13 % d'eau et à 2 % d'additifs. Il est utilisable sans
modification du moteur et permet de réduire fortement les rejets
polluants des bus
78(
*
)
. Les fumées
opaques et l'odeur désagréable qui accompagnent parfois le
démarrage d'un bus sont ainsi pratiquement supprimés.
Néanmoins, l'aquazole présente deux inconvénients :
il fait baisser la puissance du moteur, ce qui entraîne un surcoût
de consommation de 10%, et sa stabilité n'est pas assurée
au-delà de six mois.
d) Les expérimentations sur les biocarburants doivent être poursuivies
Le
blé, le colza, le maïs et la betterave peuvent subir des
transformations chimiques afin de produire des esters méthyliques ou
EMHV
79(
*
)
ou de l'ETBE
80(
*
)
produit à partir d'éthanol.
Dès 1987, la France a autorisé la fabrication de ces
biocarburants destinés à être incorporé l'un, au
gazole et au fioul domestique, l'autre, dans les essences. Les taux minimaux
banalisés de mélange sont respectivement de 15% pour l'ETBE et de
5% pour les EMHV. Ces carburants biologiques permettent d'augmenter l'indice
d'octane, autrement dit les performances du moteur, sans engendrer de pollution.
Il y a actuellement trois sites de production d'ETBE et 5 sites de production
d'EMHV pour des surfaces cultivées de 203 200 hectares en 1997 (en
baisse par rapport à 1996 où elles atteignaient 243 500
hectares).
Or, les biocarburants sont environ trois fois plus chers à produire que
les essences ou le gazole issus du pétrole brut. Pour combler ce
handicap, il a été décidé en 1991 d'exonérer
partiellement les biocarburants de la taxe intérieure sur les produits
pétroliers (TIPP), soit 3,29 F par litre d'éthanol et 2,3 F par
litre d'ester. Une telle exonération est autorisée par la
directive européenne 92/82/CEE du 19 octobre 1992 concernant
l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles
minérales, "
dans le cadre de projets pilotes visant au
développement technologique de produits moins polluants, notamment en ce
qui concerne les combustibles provenant de ressources renouvelables
".
Le dispositif d'exonération partielle a néanmoins dû
être réformé par la loi de finances rectificative pour 1997
pour prendre en compte certaines observations de la Commission
européenne.
Cette dernière avait, en effet, condamné le dispositif fiscal
français au motif qu'il constituait une " aide d'Etat " aux
producteurs des matières premières agricoles et qu'il
réservait le bénéfice de l'exonération aux
biocarburants produits à partir de matières premières
françaises, ce qui constitue une infraction aux règles de la
concurrence. En outre, la Commission a estimé que le dispositif
français excédait le stade expérimental du projet pilote.
Le Gouvernement français a, en conséquence,
présenté à la Commission européenne un projet de
refonte de la fiscalité des biocarburants qui rétablit
l'égalité entre les producteurs français et les
producteurs européens.
Les agréments seront en effet
attribués dans le cadre d'une " procédure d'appel à
candidatures publiée au JOCE ". En outre, les autorités
françaises devront fournir chaque année à la Commission le
détail des unités de production agréées et les
volumes agréés par unités de production. Enfin, la France
a fait valoir que la production de biocarburants ne représentait
qu'environ 1 % de la production de carburants d'origine fossile, ce qui
confirmait le caractère " pilote " du dispositif.
Les deux filières ont beaucoup progressé depuis 1992,
année de la défiscalisation. Entre 1993 et 1995, le nombre
d'hectares de jachère plantés en colza-diester est passé
de 31 500 à 238 000 hectares. En 1997, la production d'ETBE a
représenté 89 % de la capacité autorisée. Le
programme prévisionnel pour 1998 correspondrait à 205 000
tonnes, soit 96 % de la capacité actuelle autorisée. La
production d'EMHV a représenté quant à elle 88 % de
la capacité autorisée en France (277 300 tonnes). Dans
l'optique du nouveau dispositif fiscal qui ouvre le marché
d'approvisionnement sur l'Europe, les prévisions de production des
unités françaises pour 1998 sont de 254 400 tonnes.
Il convient de mentionner enfin que la loi sur l'air et l'utilisation
rationnelle de l'énergie du 30 décembre 1996 prévoit dans
son article 21 l'incorporation obligatoire d'un taux minimal d'oxygène
au fioul, au gazole et aux supercarburants avant le 1
er
janvier
2000. Un décret en Conseil d'Etat doit fixer les "
conditions
dans lesquelles les carburants mentionnés devront être
redéfinies
". En outre, l'article 24 de cette même loi
rend obligatoire l'utilisation de véhicules fonctionnant à l'aide
de carburants "
dont le taux minimum d'oxygène a
été relevé
" par les personnes publiques
gérant une flotte de plus de 20 véhicules à usage de
transport public en commun. 66 agglomérations sont concernées.
Mais les décrets d'application n'ont pas encore été
publiés.
Le bilan écologique et énergétique de ces carburants
fait néanmoins l'objet de débats.
Ainsi, selon l'instance d'évaluation de la politique de maîtrise
de l'énergie, "
la production de biocarburants permet certes
d'économiser de l'énergie fossile, mais avec un rendement
énergétique médiocre
", notamment pour la
filière éthanol. Elle fait valoir que pour produire une tep de
biocarburants, il faut consommer plus de 0,8 tep d'énergie fossile dans
la filière éthanol et plus de 0,5 tep dans la filière
colza. Ce prix de revient est le triple de celui du carburant classique pour
l'ester de colza et le quadruple pour l'éthanol.
L'instance considère en conséquence que "
la
décision d'exonérer les biocarburants de la TIPP, loin
d'être une mesure destinée à économiser
l'énergie, est en réalité une mesure de soutien au secteur
agricole
" chaque emploi préservé coûtant entre
140 000 et 300 000 F. Elle souligne que la politique de
développement des chaufferies collectives au bois permet
d'économiser davantage d'énergie fossile que la filière
biocarburant pour un coût 10 à 20 fois plus faible par emploi.
L'organisation professionnelle de la filière des
oléoprotéagineux (Proléa) s'inscrit en faux contre ces
chiffres. Elle fait valoir que l'énergie restituée sous forme de
carburant est près de deux fois supérieure à
l'énergie fossile nécessaire à sa fabrication, compte tenu
de toutes les étapes de culture, de transport et de transformations.
En outre, selon l'ADEME, le bilan environnemental de l'ester méthylique
de colza est optimal lorsque la production de colza n'abuse pas d'engrais et de
produits phytosanitaires et lorsque le taux de mélange avec le gazole
atteint 30 %. Le bilan gaz carbonique de la filière est favorable
si l'on tient compte de l'activité de photosynthèse du colza.
Enfin, les émissions d'hydrocarbures, de particules, de fumées,
de suies ou de monoxyde de carbone (CO) seraient réduites de 20 à
30 % (avec un taux d'incorporation de 30 %).
Votre commission d'enquête ne saurait prendre parti dans cette
polémique. Elle constate cependant que la Finlande
81(
*
)
et la Suède
82(
*
)
possèdent une avance certaine sur la France en
matière de développement des carburants reformulés, au
plus grand profit semble-t-il de la qualité de leur air. Elle observe
également que les incitations fiscales n'y sont pas
étrangères.
Elle rappelle de plus qu'une
communication de la Commission
européenne datée du 26 novembre 1997
sur les énergies
renouvelables
considère que l'agriculture peut permettre d'atteindre
l'objectif d'un doublement de la part des sources d'énergie renouvelable
(de 6 à 12 %) dans la consommation totale d'énergie de
l'Union européenne d'ici 2010.
Elle indique cependant qu'à supposer que nous puissions consacrer
8 % de la surface agricole utile à la production de biocarburants,
la production correspondante serait de 3,4 Mtep/an, à comparer aux 47,5
Mtep/an de carburants consommés en France et aux 9 Mtep/an de biomasse
d'ores et déjà utilisées comme combustibles, en l'absence
de toute subvention.
Elle recommande de
donner au programme biocarburant un caractère
évolutif d'expérimentation et de recherche avec l'ambition
d'arriver, en une vingtaine d'années, à diviser par deux le
coût des biocarburants
, ce qui les rendrait compétitifs
lorsque le coût des carburants fossiles aura doublé.
5. Promouvoir les modes de transport économes en énergie
Le tableau ci-après montre l'importance du choix modal sur la consommation d'énergie :
Voyageurs interurbains
Automobiles (2,45 voyageurs/véhicule)
|
Voyageurs, km/kep
|
Voyageurs interurbains
Automobile (1,25 voyageur/véhicule)
|
Voyageurs, km/kep
|
Marchandises
Route :
charge utile inférieure à 3 t
|
Tonnes, km/kep
|
On
constate ainsi que l'efficacité énergétique des autobus
est plus de deux fois supérieure à celle des automobiles qui
véhiculent en moyenne 1,25 voyageur. De même, l'efficacité
énergétique du transport ferroviaire de marchandises est
près de huit fois supérieure à celle du transport par
route dans un véhicule dont la charge utile est supérieure
à 3 tonnes. Enfin,
l'économie d'énergie induite par la
mise en place du TGV sur l'axe Paris-Lyon est évaluée à
117 000 tep
depuis 1989. En outre, le TGV a l'avantage de consommer de
l'électricité et non du pétrole.
Or, l'instance d'évaluation observe que le souci d'économiser
l'énergie a tenu peu de place, sauf en 1980, dans les travaux sur les
transports des commissions de concertation mises en place à l'occasion
de la préparation des plans. Les études montrent ainsi que les
investissements consacrés à la route ont été en
moyenne quatre fois plus importants sur la période 1970-1993 que ceux
consacrés aux infrastructures de la SNCF (50,8 milliards de francs entre
1986 et 1993 contre 13,6 milliards de francs).
Aussi convient-il
d'insuffler un nouvel élan au développement
des transports en commun.
De même qu'en matière de régulation des feux, et pour
reprendre une des propositions du Commissariat Général du Plan,
votre commission suggère que la
compétence en matière
de transport collectif, de circulation automobile et d'urbanisme
soit
confiée à une autorité unique au niveau de
l'agglomération
.
Il faut, en outre, s'attacher à
réduire les rigidités
qui empêchent les transports collectifs d'améliorer leur
productivité
.
C'est ainsi que la dérégulation tarifaire de 1986 a
provoqué une forte baisse des tarifs dans les transports routiers (- 22
% en neuf ans). Il semble utile à cet égard de
s'inspirer de
l'exemple de Londres en matière de dérégulation des
transports en commun
.
Contrairement à ce qui avait été mis en oeuvre dans
d'autres agglomérations britanniques où les itinéraires
ont été livrés aux compagnies concurrentes
83(
*
)
, la London Transport Authority a mis aux
enchères des " paquets d'itinéraires " à partir
de 1984, invitant tout opérateur qualifié à concourir. Dix
ans après, 40 % des itinéraires ont été
attribués (dont la moitié à des filiales de LT) tandis que
les autres sont encore exploités par LT dans sa forme d'organisation
traditionnelle. Les deux résultats les plus intéressants sont,
d'une part, que la hausse rapide des besoins de subventions publiques, qui
avait caractérisé la décennie 1974-1984, a fait place
à une baisse modeste mais durable, et, d'autre part, que la
qualité du service à augmenté. Cette augmentation est
aussi sensible sur les itinéraires restés en gestion
traditionnelle que sur les itinéraires concédés dans les
enchères.
Il convient enfin de réfléchir à un aménagement des
transports plus convivial et plus soucieux des besoins des usagers :
desserte automatique des centres commerciaux, porte-bagages...
S'agissant de l'intermodalité, les Hollandais ont
développé des services de taxis collectifs à la sortie des
gares pour assurer le transport des voyageurs jusqu'aux localités non
desservies par le rail : le prix est inclus dans le billet de train.
Par ailleurs, le développement du
transport combiné de
marchandises
exige des investissements au niveau des entreprises de
transport routier et surtout un changement d'organisation et de culture de la
part de ces entreprises. Celles qui achètent des équipements de
transport combiné et s'engagent sur une utilisation minimale de ces
équipements peuvent bénéficier d'une subvention de 15
à 20 % par le biais d'un crédit-bail à taux
bonifié. Il semble toutefois que la clause d'utilisation minimale du
matériel soit trop contraignante et que le réseau du transport
combiné soit insuffisamment développé. Enfin, le
rôle ambigu de la SNCF qui est, par ses filiales, un très gros
transporteur routier, est dénoncé.
Il faut cependant se rendre à l'évidence : le transport
routier bénéficie d'une souplesse incomparable par rapport au
chemin de fer et évite toute rupture de charge pour les
transporteurs.
6. Rétablir les conditions d'une concurrence équitable
a) Prendre en compte les " externalités " dans la tarification des modes de transport
L'usage
des véhicules entraîne des coûts qui ne leur sont pas
directement imputés par le marché : coûts
d'infrastructure (ou de congestion), coûts d'insécurité,
coûts d'environnement local (bruit et pollution des villes, effet de
coupure), coûts d'environnement global (effet de serre).
Des travaux du Conseil général des Ponts et Chaussées, non
encore rendus publics, font ainsi valoir que les usagers du réseau
routier (non urbain) paieraient 72 % de leurs coûts totaux, mais
que, à l'intérieur de cette moyenne, les poids lourds ne
paieraient que 66 % de leurs seuls coûts d'infrastructure et
40 % des coûts totaux. Les voitures particulières paieraient
beaucoup plus que leurs coûts d'infrastructures et un peu moins que leurs
coûts totaux, mais elles ne sont pas toutes assujetties au même
régime fiscal.
Or, à défaut d'une imputation de toutes ces
" externalités " aux usagers des transports, le volume des
transports augmente au-delà de leur utilité économique et
sociale réelle, dans la mesure où la demande est très
sensible aux prix
84(
*
)
.
De plus, dans le cadre du marché unique, le souci de rapprocher la
fiscalité française de la moyenne des fiscalités
européennes a provoqué une baisse de 18 % de la
fiscalité pesant sur les véhicules entre 1988 et 1993. Le taux de
TVA appliqué aux automobiles a notamment été ramené
de 33,33 % à 18,6 %. Il semblerait que cette baisse du prix
des automobiles ait encouragé l'achat de véhicules plus
puissants, amplifiant les effets du contre-choc pétrolier.
S'il convient donc de se féliciter de la revalorisation de la grille
tarifaire de la taxe à l'essieu, qui fait l'objet de l'article 50 du
projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et
financier (DDOEF) encore en discussion, on doit regretter que l'Etat
français ait mis tant de temps à adopter des dispositions que la
directive européenne n° 93/89/CEE du 25 octobre 1993 lui
faisait obligation de transposer avant le 1
er
janvier
1995.
b) Réduire l'écart de taxation entre essence et diesel
38 % des véhicules particuliers, 68 % des
véhicules utilitaires légers et 100 % des véhicules
industriels sont équipés de motorisation diesel.
Or, la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) n'est
que de 2,4 F par litre pour le gazole alors qu'elle est de 3,84 F par
litre pour le supercarburant sans plomb pour des prix hors taxe de chacun de
ces produits sensiblement similaires. Ce différentiel en faveur du
gazole a pour effet non seulement d'encourager les particuliers à
acquérir des véhicules diesel, mais aussi de conforter l'avantage
comparatif dont bénéficient les transporteurs routiers.
En outre, le faible prix du gazole conduit les possesseurs de véhicules
diesel à les utiliser davantage : selon des études, le
kilométrage annuel des ménages qui achètent une voiture
diesel en remplacement de leur voiture à essence augmenterait de 15 % en
moyenne.
Enfin, pour l'instance d'évaluation précitée,
"
les avantages fiscaux dont bénéficient le diesel ne
sauraient être justifiés par le souci d'économiser de
l'énergie car, même si on attribue au diesel un gain
énergétique de 10 %, la tep économisée
coûterait près de 40 000 F en pertes de recettes
fiscales
. "
Il semble en conséquence légitime de rééquilibrer
la fiscalité du gazole
85(
*
)
.
E. INTÉGRER LE FACTEUR ÉNERGÉTIQUE DANS LA DÉCISION PUBLIQUE
Le
rapport d'évaluation précité montre que les actions de
maîtrise de l'énergie ont été conçues par des
ingénieurs qui se sont attachés quasi exclusivement à
modifier les techniques de mise en oeuvre de l'énergie, sans
s'intéresser à des facteurs relatifs à notre organisation
sociale qui pèsent de plus en plus lourdement dans nos consommations
d'énergie.
Rien n'a été fait
,
par exemple,
pour freiner la
dilution de l'urbanisation
, ni même pour infléchir toutes les
actions publiques qui, involontairement, poussent à un urbanisme de
moins en moins dense (modalités d'aides à l'accession à la
propriété, subvention aux transports collectifs urbains, non
imputation à l'automobile des coûts d'usage de la voirie, taxation
des mutations immobilières, poids des prélèvements
obligatoires assis sur les salaires...). Or,
la consommation de carburant
est 5 à 7 fois plus élevée dans les villes peu
denses
(20 hab/ha), comme le sont les villes américaines ou nos
" villes nouvelles ", que dans les villes denses traditionnelles (100
hab/ha).
Ainsi, l'augmentation de moitié des consommations de carburants entre
1973 et 1993 montre que les politiques publiques suivies en matière
d'urbanisme, d'infrastructures de transport et de fiscalité sur les
usagers ont plus que compensé la réduction des consommations
unitaires de certains véhicules.
Par ailleurs, le souci d'abaisser le plus possible le prix des
logements
neufs
pour relancer l'activité des bâtiments l'a
emporté sur celui d'optimiser les dépenses globales
d'investissement et d'exploitation. Une telle politique ne prend pas en compte
les économies engendrées sur le long terme par l'instauration de
normes rigoureuses en matière d'isolation. Ainsi, les deux-tiers des
ménages accédant aujourd'hui à la propriété
ne respectent pas les règles d'isolation lorsqu'ils construisent une
maison dont ils sont les maîtres d'ouvrage, au risque d'être
gravement mis en difficulté par la facture ultérieure
d'électricité.
II. FAIRE DE TOUS LES CITOYENS LES ACTEURS DE CETTE POLITIQUE
Les
consommations domestiques sont estimées à 121 TWh. Sur ce total,
27 % des consommations seraient destinées au chauffage
électrique et 53 % aux usages spécifiques
(électroménager et éclairage).
Or, il faut déplorer une hausse sensible de ces consommations.
La
part de la consommation des appareils ménagers dans la facture
électrique des ménages est ainsi passée de 10 % en
1973 à presque 40 % aujourd'hui
.
Par ailleurs, en dix ans,
la température moyenne des logements est
passée de 19 à 21 degrés
86(
*
)
, soit une augmentation de la consommation de
14 % qui
a annulé l'effet des économies d'énergie
résultant des travaux d'isolation
. De surcroît, les
Français sont de moins en moins nombreux à effectuer de tels
travaux
87(
*
)
. Il faut y voir les
conséquences de la crise économique mais aussi le
manque
d'information
et de motivation, ainsi que
l'absence de caractère
contraignant de la réglementation.
Dans un contexte d'abondance et de faibles prix, les consommateurs industriels
ou particuliers ne sont en effet pas portés spontanément à
rechercher les informations nécessaires pour prendre les
décisions appropriées. Et pourtant, la panoplie de moyens pour
maîtriser la consommation d'énergie existe : doubles
vitrages, joints autour des portes, laine de verre dans les combles, changement
ou réglage des chaudières, installation de régulateurs et
de thermostats... Mais elle coûte cher (17 400 F pour la pose
de doubles vitrages).
Il revient alors aux pouvoirs publics de faciliter l'identification des
possibilités d'économie d'énergie et de rentabiliser des
actions que les Français ne seraient spontanément pas
amenés à réaliser.
On estime ainsi à
10 TWh
le
potentiel d'économies
que les ménages pourraient réaliser à l'horizon 2010
grâce à l'isolation, à une gestion rationnelle des
consommations et au recours à des matériels performants.
Il convient donc de poursuivre les actions engagées en matière
d'information et de conseil
. Par ailleurs, certains outils comme
l'incitation fiscale, gagneraient en efficacité s'ils étaient
spécifiquement ciblés sur les investissements individuels
destinés à économiser l'énergie.
A. CONSEILLER
La
maîtrise de la demande d'énergie fait partie intégrante des
missions de service public confiées à Electricité de
France par le contrat d'entreprise qu'elle a signé avec l'Etat pour la
période 1997-2000. Celui-ci prévoit ainsi qu'EDF s'engage
"
à améliorer l'efficacité
énergétique des usages de l'électricité au travers
d'actions de maîtrise de la demande, vis-à-vis de l'ensemble des
utilisateurs, notamment en partenariat avec l'ADEME
. "
Il demande, en outre, à EDF de "
proposer à ses clients
des équipements et des solutions électriques plus performants
assortis de conseils d'utilisation, des gammes de services plus
complètes, à travers des relations plus personnalisées.
Elle les aidera en particulier à maîtriser leurs dépenses
par des conseils énergétiques et tarifaires sans diminuer leur
confort. La maîtrise de la demande d'énergie fera partie
intégrante de sa politique
. "
En 1997, 150 000 clients ont ainsi bénéficié du
" Conseil confort électrique " prodigué gratuitement
par EDF aux personnes emménageant dans un logement chauffé
à l'électricité, pour les aider à bien utiliser
leurs équipements et maîtriser leurs consommations. 90 %
d'entre eux ont été satisfaits.
Par ailleurs, EDF a lancé en 1997 une offre de confort électrique
pour les logements neufs dénommée " Vivrélec ".
Cette offre consiste à :
- améliorer la qualité thermique du bâti : EDF
propose ainsi une isolation supérieure d'au moins 10 % aux normes
réglementaires, réduisant la consommation d'environ 20 % ;
- promouvoir les équipements thermiques performants, de chauffage
(techniques rayonnantes, convecteurs et panneaux radiants, planchers
chauffants, confort quatre saisons), mais aussi de climatisation
réversible ;
- favoriser la mise en oeuvre d'une gestion et d'un pilotage de
qualité des équipements ;
- proposer des services associés en soutien à la
qualité, en particulier le " conseil chauffage
électrique ".
La construction de près de 35 000 logements Vivrélec a ainsi
été engagée en 1997. Ils se répartissent à
parts égales entre maisons et appartements.
B. INFORMER
1. Sur la consommation énergétique des logements
En
rendant obligatoire l'information des locataires ou des acquéreurs de
logements sur les dépenses énergétiques qu'ils peuvent
s'attendre à devoir acquitter annuellement, on oblige les maîtres
d'ouvrage à intégrer le facteur énergétique dans
leurs calculs économiques et à proposer des logements peu
consommateurs d'énergie.
C'est l'objet de l'article 22 de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle
de l'énergie du 30 décembre 1996 dont le décret
d'application est en cours de rédaction.
La réglementation des loyers des logements sociaux incite par ailleurs
les maîtres d'ouvrage à privilégier les choix constructifs
qui permettent un diminution des charges des locataires.
2. Sur la consommation énergétique des appareils électro-ménagers
Pour un
appareil de même type et de même volume, la consommation
électrique d'un réfrigérateur et d'un congélateur
peut varier de 10 à 20 % d'une marque à l'autre.
Afin d'orienter le consommateur vers les appareils les plus économes en
énergie, un
système d'étiquetage informatif
a
été rendu
obligatoire
. Il consiste en l'apposition sur les
appareils d'une étiquette normalisée qui les classe en fonction
de leur performance énergétique. Le système
déjà en vigueur pour les réfrigérateurs, les
congélateurs et les sèche-linge devrait être
progressivement étendu aux machines à laver le linge et aux
lave-vaisselles.
De juin à décembre 1997, une
campagne d'information
a eu
lieu dans la presse magazine grand public, relayée dans 4 000
points de vente, pour
faire connaître au consommateur l'existence de
l'Etiquette Energie
et promouvoir l'électroménager à
faible consommation d'électricité. A l'issue de la campagne, une
enquête Sofres a montré que la notoriété de
l'Etiquette énergie s'était accrue de 4 points, passant de 16
à 20 %.
On peut se demander, sachant que 86 % des personnes sondées se sont
montrées intéressées et que l'on a constaté un
déplacement des achats vers les appareils les plus économes, s'il
ne conviendrait pas d'
étendre
la cible de la campagne de
communication en diffusant le même message sur les ondes
(radio et
télévision).
Enfin, il convient de
mettre en oeuvre les dispositions de la loi sur l'air
qui interdisent la mise sur le marché des appareils trop
énergivores.
3. Sur les avantages de l'éclairage performant
Les
lampes à basse consommation consomment, à éclairage
égal, quatre fois moins qu'une lampe classique à incandescence et
dix fois moins qu'une lampe halogène. Il convient donc de faire valoir
aux consomamteurs que le coût élevé de ces ampoules est
largement compensé, sur leur durée de vie, par les
économies d'énergie qu'elles induisent.
EDF et l'ADEME devraient consacrer 5 millions de francs au lancement d'une
campagne nationale de promotion de l'éclairage performant avant la fin
de cette année.
4. Sur les consommations inutiles
Une
récente campagne de mesures a mis en évidence des
surconsommations d'électricité injustifiées
liées :
- aux chaudières mal asservies dont les circulateurs tournent
été comme hiver, et 24 heures sur 24, sans aucune
utilité ; le gisement d'économies est estimé à
1 TWh/an ;
- aux dispositifs de veille des appareils audiovisuels
(téléviseurs, magnétoscopes) dont la consommation annuelle
est estimée à 4 TWh soit presque la moitié de la
production d'une centrale nucléaire.
Un appareil en veille consomme
en effet à peu près 15 % de l'électricité
qu'il consomme en fonctionnement normal. Tous les appareils devraient
être, comme ils l'étaient auparavant, équipés d'un
interrupteur permettant de les éteindre complètement ou de les
laisser en veille.
Il convient de mettre un terme à ces surconsommations par une
information adéquate et une action auprès des fabricants et des
installateurs de chauffage.
Votre commission d'enquête se demande en outre s'il est adéquat
de la part d'EDF d'encourager parallèlement la maîtrise de
l'énergie et le développement des installations de
climatisation.
5. Sur les alternatives en zone rurale
Pour
satisfaire pleinement les besoins des abonnés ruraux, il faudrait
renforcer plus de 50.000 lignes à basse tension, dont 40 %
desservent moins de six abonnés.
Cette opération de renforcement est onéreuse et peut poser, dans
certaines zones sensibles (parcs naturels notamment) des problèmes de
respect de l'environnement. Aussi, est-il souvent plus avantageux de
réduire la demande d'électricité ou d'en
écrêter la pointe, ou encore d'apporter un appoint en bout de
ligne avec des énergies renouvelables.
Depuis 1995, ces solutions alternatives peuvent bénéficier de
subventions du FACE dont la vocation première est de financer le
renforcement du réseau rural.
Des actions pilotes ont ainsi été conduites pour diminuer la
puissance appelée en période de pointe ou pour diminuer les
consommations par l'utilisation d'appareils électriques
énergétiquement très performants (appareils
ménagers, lampes à basse consommation...).
C. ENCOURAGER
Les
Français sont intéressés par deux types d'investissements
permettant d'économiser l'énergie de chauffage de leur
logement
88(
*
)
: l'isolation thermique des
murs, citée par 36 % des personnes interrogées, et le double
vitrage, mentionné par 32 % des sondés. Les autres travaux
ne suscitent guère d'engouement, qu'il s'agisse de l'isolation thermique
des toitures (évoquée par 15 % de la population), de la mise
en place de dispositifs de régulation de chauffage (8 %), de
l'individualisation des frais de chauffage collectif, de l'installation de
robinets thermostatiques, du changement de chaudière ou de
brûleurs de chaudière.
Près des trois-quarts des Français (70 %) savent qu'ils
peuvent déduire de leurs impôts une partie des frais qu'ils ont
engagés pour réduire leur consommation d'énergie et 82 %
de ceux qui connaissent ces dispositions fiscales les apprécient.
Les propriétaires occupants bénéficient, en effet, depuis
1974 de
réductions d'impôts
dont le coût global a
crû de 500 millions de francs par an jusqu'à 1.500 millions de
francs par an en 1986. Réduite à moins de 200 millions de francs
par an en 1987, la dépense fiscale est remontée à 500
millions de francs par an depuis 1991. Depuis 1985, cette réduction
d'impôt est accordée pour toutes les grosses réparations
concernant les logements achevés depuis plus de quinze ans, dans la
limite de 25 % des dépenses, plafonnée à
15 000 F pour une personne célibataire et à
30 000 F pour un couple marié
89(
*
)
. A partir de 1997, la condition relative à
l'ancienneté des immeubles a été assouplie, certaines
dépenses ont été exclues (dépenses de construction,
de reconstruction, d'agrandissement, de décoration, d'équipement
ménager ou d'entretien) et les plafonds ont été
portés à 20 000 et 40.000 F
90(
*
)
.
Pour l'instance chargée d'évaluer la politique de maîtrise
de l'énergie, "
cette procédure paraît avoir
évolué davantage comme un soutien à l'activité du
secteur BTP que comme une procédure de soutien à la
maîtrise de l'énergie :
la trop grande ouverture de son
champ engendre un effet d'aubaine de grande ampleur
. " Elle
préconise en conséquence la limitation de son champ d'application
aux seuls équipements les plus performants (notamment certifiés)
dans le seul domaine de la maîtrise de l'énergie.
Ce souci de limiter les effets d'aubaine induits par les réductions
d'impôt est totalement partagé par votre commission
d'enquête.
Pour encourager la sobriété énergétique,
il
convient également de responsabiliser les habitants de logements
collectifs en individualisant les consommations énergétiques de
chaque appartement
.
Or, les auditions effectuées par votre commission lui ont permis de
constater que le décret du 30 septembre 1991 rendant obligatoire le
comptage des calories en copropriété restait inappliqué.
Il convient donc de rendre effective cette disposition qui apparaît tout
à fait importante.
III. RENFORCER LA STABILITÉ ET LES MOYENS DE L'ADEME
A. CONFORTER L'AGENCE DANS SES MISSIONS DE MAÎTRISE DE L'ÉNERGIE
L'ambition initiale était de créer une agence
d'objectif menant une politique de longue haleine en matière de
recherche, de développement et de diffusion des technologies de
maîtrise de l'énergie, face aux grands producteurs
d'énergie.
Or, selon l'instance d'évaluation, la continuité du soutien
apporté par l'Etat à cette agence n'a pas été
suffisante pour lui permettre d'être un véritable " muscle
antagoniste " face aux offreurs d'énergie.
L'agence a en effet connu trois statuts successifs : l'Agence pour les
économies d'énergie (AEE) créée en 1974, est
devenue l'Agence française de maîtrise de l'énergie (AFME)
en 1982 et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie (ADEME) depuis 1991. Elle a connu un plan social avec
départs volontaires qui a réduit ses effectifs de 30 % en
1987. Elle a enfin été l'objet, en 1991, d'une décision de
délocalisation de son siège parisien voué à un
éclatement de ses effectifs centraux, pourtant modestes (358 en 1997)
entre trois implantations mal reliées (Sophia-Antipolis, Angers,
Cergy-Pontoise).
L'instance souligne, en outre, qu'à la suite de la fusion en 1991 de
l'AFME avec l'Agence nationale pour la récupération et
l'élimination des déchets (ANRED) et l'Agence pour la
qualité de l'air,
les personnels de l'Agence, recrutés au
titre de la maîtrise de l'énergie, travaillent de plus en plus
pour les déchets et la pollution de l'air où les crédits
d'intervention apportés par les taxes parafiscales sont bien
supérieurs
aux crédits budgétaires de l'Agence pour la
maîtrise de l'énergie.
Ainsi, avec la démobilisation générale dans le domaine des
économies d'énergie depuis 1986, la principale tâche de
l'ADEME a été la valorisation et le traitement des
déchets, devenus d'actualité avec la loi de 1992 prévoyant
la disparition des décharges en France en 2002 au profit de
systèmes de valorisation et de recyclage.
L'instance conclut en considérant que le désengagement de l'Etat
s'est traduit par un
démantèlement progressif et insidieux des
actions de maîtrise de l'énergie de l'Agence
.
Il convient en conséquence de refaire de la maîtrise de
l'énergie le coeur des activités de l'agence.
B. RENFORCER LES MOYENS BUDGÉTAIRES DE L'AGENCE CONSACRÉS À LA MAÎTRISE DE L'ÉNERGIE
L'Agence
dispose de deux types de ressources :
- des subventions budgétaires de fonctionnement et
d'investissement, en provenance du ministère de l'industrie et de ses
deux autres ministères de tutelle (la Recherche et
l'Environnement) ;
- le produit des quatre taxes fiscales ou parafiscales (sur le bruit, les
déchets, les huiles usagées et la pollution atmosphérique)
qu'elle est chargée de recouvrer.
Le produit des taxes tend à s'accroître
considérablement
, sous le double effet de l'élargissement de
leur assiette et de l'élévation de leur taux. Ce produit est, en
effet, passé de 512,7 millions de francs à 1,11 milliard de
francs entre 1993 et 1997. Compte tenu du décalage entre leur
recouvrement et leur redistribution, les taxes perçues
génèrent des disponibilités qui sont placées.
L'essentiel de ces revenus financiers provient des taxes sur les
déchets, en forte croissance, et de la taxe sur la pollution de l'air.
Pourtant, l'Agence n'a pas la liberté d'utiliser ces produits
financiers : leur affectation doit être identique à celle du
produit de la taxe, fixé législativement et
réglementairement.
Ainsi,
en dépit d'une trésorerie excédentaire, l'Agence
se trouve confrontée à des difficultés budgétaires
croissantes
. En effet, les subventions de l'Etat se tarissent
progressivement et ne sont que partiellement compensées par les
prélèvements pour frais de recouvrement et de gestion
effectués au profit de l'Agence sur le produit des taxes (85,7 millions
de francs en 1997 contre 28,8 en 1993).
Les versements effectifs sont retracés dans le tableau suivant :
On observe qu'en 1996, l'ADEME ne bénéficiait plus que
de la
moitié de ce dont elle disposait
en 1993 et du quart de ce dont elle
disposait en 1990.
Les crédits de recherche et d'intervention ont été
divisés par 8 entre 1983 et 1993.
Ces évolutions ont été particulièrement peu
favorables à la constitution d'équipes capables de construire une
logique de maîtrise de l'énergie face aux équipes de
l'offre d'énergie.
En outre, cette rigueur budgétaire n'est pas sans conséquence sur
l'ADEME qui doit faire face à une
dette importante
(plus de
300 millions de francs) et à un
déficit de
trésorerie
. Ses impayés étaient évalués
au 31 décembre 1996 à 62,2 millions de francs. En 1994, une
mission de l'Inspection générale des finances avait estimé
nécessaire d'apporter à l'Agence un complément de
subvention de 250 millions de francs pour lui permettre de résorber sa
dette.
Le tableau ci-après retrace l'évolution des dotations
budgétaires en faveur de l'ADEME inscrites au budget l'industrie.
On observe que pour 1998, la subvention de fonctionnement de l'ADEME retrouve
son niveau de 1996 à 96 millions de francs après avoir
décru de 5 % en 1997. Cette réduction avait
été compensée par une augmentation des
prélèvements pour frais de gestion sur le produit de la taxe
" déchet " perçue par l'Agence. Malgré cette
ressource supplémentaire, le budget de fonctionnement de
l'établissement ne pourra s'équilibrer en 1997 qu'en faisant
appel à un fonds de réserve qui sera épuisé en fin
d'exercice.
Les subventions d'investissement de l'ADEME sont stables en autorisations de
programme (75 millions de francs) et passent de 87 à 78,7 millions
de francs en crédits de paiement, ce qui traduit une baisse de
9,5 %.
Les moyens accordés à l'ADEME sont donc à nouveau en
baisse assez sensible en 1998. En outre,
les lignes budgétaires
consacrées à l'ADEME font souvent l'objet d'arrêtés
d'annulation de crédits en cours d'année
91(
*
)
.
On peut, en conséquence, s'interroger sur la cohérence entre les
propos du ministre de l'industrie tendant à "
refaire de la
maîtrise de l'énergie une priorité
" et les moyens
consacrés à cette action dans le budget pour 1998.
Il faut cependant souhaiter que la pérennité des
crédits affectés à l'Agence, pour la maîtrise de
l'énergie et le développement des énergies renouvelables,
sera assurée, sachant que 500 millions de francs lui ont
été octroyés à cet effet pour 1998.
1
La liste des personnes entendues
à
titre officiel figure en annexe au présent rapport.
2
Intensité énergétique = consommation
d'énergie: PIB.
3
" Ce monde qui nous attend. Les peurs françaises et
l'économie ". Grasset, 1997.
4
Selon la dernière étude de l'Institut
Français du Pétrole, l'amorce de la baisse de production en mer
du Nord serait reportée de dix ans.
5
Les pétroles conventionnels sont les mélanges
liquides d'hydrocarbures qui filtrent à travers les couches poreuses du
sous-sol et sont facilement exploitables selon les techniques traditionnelles
du forage et du pompage, contrairement aux bitumes qui s'écoulent
difficilement entre les grains de sable et de certains schistes.
6
" La fin du pétrole bon marché ". Pour la
Science n° 247. Mai 1998.
7
" L'Énergie pour le monde de demain ". CME.
Technip. 1992.
8
Extrait de l'article de Safaa Fouda. " Des carburants
liquides à partir du gaz naturel ". Pour la Science n° 247.
Mai 1998.
9
" L'Énergie pour le monde de demain ". CME.
Technip. 1992.
10
Énergie 2010-2020. " Le contexte
international ". Commissariat Général du Plan. 1998.
11
Intensité énergétique = consommation
d'énergie: PIB
12
Rapport final du Commissariat Général du Plan,
"
Le contexte international ",
Décembre 1997.
13
260 entreprises privées, les
Investor-Owned
Utilities
(IOUs), assurent l'essentiel de la production nationale
d'électricité et des ventes au consommateur final. La
distribution est assurée quant à elle par 2900 entreprises
publiques ou
Publicly-Owned Utilities
(POUs). Les IOUs sont liés
aux distributeurs par des contrats aux dispositions contraignantes
puisqu'allant jusqu'à fixer les tarifs de vente au client final.
14
Lorsqu'elles produisent seulement de
l'électricité, leur taille doit être inférieure
à 80 MW et 75 % de l'énergie produite doit être d'origine
solaire, éolienne ou géothermique ; lorsque ces
unités font de la cogénération, la part de
l'énergie thermique dans le total produit ne doit pas être
inférieure à 5 % ; dans les deux cas de figure, les
IOUs ne peuvent détenir plus de 50 % du capital.
15
Depuis le 31 mars 1998, les consommateurs californiens sont
libres de choisir leur compagnie électrique au lieu de traiter avec un
monopole privé local. Il semble cependant que la population
californienne soit assez réticente devant cette liberté nouvelle.
En effet, selon un sondage récent, 60 % des Californiens pensent que la
déréglementation finira par se traduire par des hausses de tarifs.
16
Dans cette affaire, ceux qui seraient les moins gagnants seraient
les plus gros utilisateurs car ils bénéficiaient avant la
privatisation de tarifs subventionnés.
17
Plusieurs directeurs d'entreprises électriques sont
devenus millionnaires en livres sterling.
18
Il est acquis que l'acquisition d'appareils de comptage en temps
réel de la consommation ne sera pas une opération réaliste
pour l'immense majorité des petits clients.
19
Selon le ministère du commerce et de l'industrie anglais,
36 % de l'électricité produite au Royaume-Uni en 2000 sera
d'origine gazière.
-
20
Soit 527 km de conduites de transport et 3 000 km de
canalisations de distribution.
21 La régie locale de transports urbains y a mis en service son centième véhicule de ce type au cours de l'année 1996.
23 Un Gigawatt = 1 milliard de Watts/heure.
24 Un térawatt/heure = 1 million de million de Watts/heure.
25 Non Fossil Fuel Obligation.
26 Fossil Fuel Level.
27 Le coût marginal de production du kWh nucléaire est tombé de plus de trois cents en 1987 à moins de deux depuis 1995 grâce à la réduction des coûts de maintenance et de combustible, à l'accroissement du facteur de charge (proche de 80 % en moyenne) et à l'optimisation des temps de rechargement (49 jours en 1996 contre 78 en 1990).
28 Le choix de cette unité est justifié par sa situation géographique (proximité de deux agglomérations importantes, Malmö et Copenhague), son ancienneté (1975) et sa part relativement modeste dans la production nationale (5,6% de la production d'électricité en 1996, 11 % de la production nucléaire).
29 Le coût de cette fermeture est estimé à 3,75 milliards de dollars auxquels il faudra rajouter les coûts indirects liés à la détérioration des conditions d'exploitation du second réacteur de la centrale.
30 Skydraft est détenu à 27 % par l'allemand Preussen Elektrat, à 15 % par le norvégien Statkraft et à 15 % par l'allemand HEW.
31 un seul cas de référendum d'initiative populaire hostile à l'implantation d'une centrale, en août 1996 dans la préfecture de Niiagata.
32 Lorsqu'elles produisent seulement de l'électricité, leur taille doit être inférieure à 80 MW et 75 % de l'énergie produite doit être d'origine solaire, éolienne ou géothermique ; lorsque ces unités font de la cogénération, la part de l'énergie thermique dans le total produit ne doit pas être inférieure à 5 % ; dans les deux cas de figure, les IOUs ne peuvent détenir plus de 50 % du capital.
33 Les Etats-Unis possèdent le quart des réserves mondiales en charbon et leurs réserves prouvées de pétrole représentent huit années de consommation. Avec huit tep per capita, le quotient énergétique des Etats-Unis est deux fois celui de l'Europe de l'Ouest.
34 L'usage de la biomasse pour la production électrique concerne aussi bien l'usage des déchets agricoles que celui des gaz de décharge ou de station d'épuration.
35 L'aide accordée en Allemagne peut l'être soit par le ministère fédéral du Commerce, soit par les Länder (sauf dans trois d'entre eux). Elle peut être attribuée soit forfaitairement (1.500 DM pour une maison individuelle), soit en pourcentage de l'investissement (20 à 30 % en général), selon l'instance de financement.
36 Cet éventail des solutions adoptées en Europe n'inclut pas le mécanisme de la tarification "verte" ("green pricing" utilisé parfois aux Etats-Unis, hormis de façon très limitée en Allemagne : s'inspirant du principe du "willing to pay", celui-ci consiste à proposer aux abonnés volontaires de contribuer au financement des surcoûts par une surprime mensuelle (6 dollars par mois par exemple dans le cas de la compagnie SMUD en Californie).
37 Toutefois, en Espagne, le mode de calcul des prix d'achat de l'électricité issue des énergies renouvelables par rapport aux tarifs de vente, qui relève de règles standards de définition de ces prix d'achat, est très favorable, notamment au niveau des coefficients traditionnels d'abattement. De plus, il inclut un rehaussement de 6 à 9 % pour la prise en compte des externalités.
38 Office national pour les nouvelles technologies, l'énergie et l'environnement.
39 Il est passé de 0,40 F/kWh à 0,33 F/kWh entre 1994 (troisième appel d'offres) et 1996 (quatrième appel d'offres).
40 La situation qui prévaut en Allemagne n'est donc pas différente, dans son principe, de celle que connaît la France. Il s'agit dans tous les cas d'éviter le " gaspillage " d'une production non stockable. Mais, alors qu'en France les conditions de rachat sont fixées par une réglementation spécifique, elles dépendent en Allemagne d'un accord entre professionnels dit " Verbändevereinbarung " qui lie les sociétés d'électricité (VDEW), les industriels du secteur de l'électricité (VIK) et le reste de l'industrie, représentée par la confédération de l'industrie allemande (BDI).
41 La part de la cogénération dans la production totale d'électricité destinée au réseau public est d'environ 4 %.
42 Commissariat Général du Plan. Énergie 2010. Rapport du groupe présidé par Michel PECQUEUR. Doc. Fr. 1991.
43 Tonne équivalent pétrole.
44 Million de tonne équivalent charbon.
45 1 tec = 0.619 tep.
46 Pour un coût d'extraction et de traitement inférieur à 130$/kg.
47 Selon la technologie adoptée...
48 Nucléaire + hydraulique - solde des échanges.
49 Conditions de vie et aspirations des Français - CREDOC.
50 Sondage IFOP des 13 et 14 janvier 1998.
51 Enquête du CREDOC réalisée en juin 1997.
52 Les programmes Auto-oil I et Auto-oil II, lancés en 1992 et en 1997, sont élaborés dans un cadre tripartite par la Commission européenne, les pétroliers (Europia) et les constructeurs automobiles (Acea). Ils sont à l'origine des directives en cours de discussion sur la qualité des carburants et sur les émissions des voitures particulières.
53 Voir la Communication de la Commission européenne du 23 avril 1997 : " Vue globale de la politique et des actions énergétiques ".
54 De toutes origines : fossiles, nucléaire, énergies renouvelables.
55 Il faut cependant rappeler que cette politique résulte d'une situation difficile, comme il a été exposé dans le Titre premier...
56 Rappelons que ces contrats d'approvisionnement à long terme, couvrant une période de 20 à 25 ans, ont pour but, d'une part, de garantir aux producteurs de gaz que les investissements très lourds auxquels ils procéderont pourront être amortis et, d'autre part, de sécuriser les approvisionnements des acheteurs. Ces contrats sont contraignants pour les deux parties : engagement de vendre pour les premiers, engagement d'acheter pour les seconds et de payer même s'ils ne peuvent acheter et enlever le gaz (d'où l'expression : " prendre ou payer ").
57 Voir le Titre II, chapitre IV : " Consolider nos acquis dans la nucléaire "
58 Voir le Titre premier, chapitre II.
59 Voir le Titre premier, chapitre 1er - II - B.
60 Voir le Titre II, Chapitre IV-B.
61 Ce qu'en langage économique on appelle les externalités : celles-ci sont positives lorsqu'elles sont bénéfiques aux tiers et négatives lorsqu'elles sont nuisibles.
62 Voir le Titre II, chapitre IV-IV-B.
63 Maîtrise de l'énergie. Rapport de l'instance d'évaluation présidée par Yves Martin. Comité interministériel de l'évaluation des politiques publiques, Commissariat général du Plan. Rapport édité par La documentation française, 1998.
64 Voir l'article de M. Michel Colombier : " Des dispositions tarifaires industrielles induites par la péréquation " paru dans Réalités industrielles d'août 1997.
65 Les usages spécifiques de l'électricité sont l'éclairage, la force motrice (notamment les moteurs électriques de l'électroménager), l'informatique et l'audiovisuel.
66 Voir en annexe.
67 Pour une durée d'utilisation donnée, le coût de production d'un équipement est obtenu en actualisant à la date de mise en service l'ensemble des dépenses d'investissement, d'exploitation et de combustible engagées sur la durée de vie de cet équipement, et en ramenant le coût ainsi obtenu à la somme actualisée de l'énergie produite. Ainsi, pour l'électronucléaire, sont pris en compte les dépenses " amont " (recherche) et " aval " (retraitement de combustible, stockage des déchets, démantèlement des centrales...).
68 Voir le Titre II, chapitre III-I-B
69 Maîtrise de l'énergie. Rapport de l'instance d'évaluation présidée parM. Yves Martin. Comité interministériel de l'évaluation des politiques publiques, Commissariat Général du Plan. Rapport édité par La documentation française, 1998.
70 Les économies d'énergie sont mesurées par la baisse du ratio consommation/PIB appelé intensité énergétique.
71 Arrêté du 20 mai 1974, complété le 5 juillet 1977, et décret du 16 septembre 1949.
72 Article 39 AB du code général des impôts.
73 La substitution d'électricité au niveau de la consommation finale a permis d'économiser 11,1 millions de tep de combustibles, mais a exigé une consommation de 20,8 millions de tep d'énergie primaire pour produire de l'électricité.
74 La mobilité a augmenté en 19 ans de 82 % pour les personnes et de 49 % pour les marchandises alors que le PIB croissait de 54 %.
75 Source : Observatoire de l'énergie.
76 Ces moteurs sont censés permettre une économie de consommation de 30 % et réduire de 80 % les émissions de monoxyde de carbone
77 Voir Titre II, chapitre VI, III.
78 Les émissions d'oyde d'azote (Nox) seraient réduites de 15 à 30 %, les émissions de particules de 10 à 50 % et les fumées noires de 30 à 80 %.
79 Esters Méthyliques d'huiles végétales
80 Ethyl Tertio Butyl Ether
81 Plus de 80 % des véhicules finlandais consomment désormais des carburants reformulés.
82 Stockholm possède une flotte de 30 bus fonctionnant à l'éthanol.
83 Le jugement du Comité des Transports de la Chambre des Communes sur la dérégulation des transports urbains au Royaume-Uni (Grand Londres excepté) est sévère : " La plupart des entrants adoptent le même type de stratégie concurrentielle. L'attaque se porte en général sur les itinéraires les plus fréquentés, conduisant au centre-ville. Il n'est pas rare que la rivalité sur la route conduise les conducteurs de bus à s'attarder le long des rues ou aux arrêts très fréquentés, ou encore à faire la course pour arriver les premiers à ces arrêts. "
84 Aux Etats-Unis, au Canada ou en Australie où la taxation des carburants est très faible, la consommation de carburant routier est trois fois plus forte qu'en Europe.
85 Voir titre II, chapitre VI, III, A.
86 Enquête annuelle sur les travaux d'isolation et de maîtrise de l'énergie des ménages réalisée par la Sofres pour le compte de l'ADEME.
87 Sur les 10.000 ménages interrogés par courrier, seulement 11 % avaient réalisé des travaux d'isolation contre 14 % en 1986.
88 Ces chiffres sont issus de l'enquête précitée du CREDOC sur les " attitudes et opinions des Français vis-à-vis de l'énergie " réalisée en 1995.
89 Article 199 sexies C du code général des impôts.
90 Article 199 sexies D du code général des impôts.
91 L'arrêté du 9 juillet 1997 a annulé 11,2 millions de francs en autorisations de programme pour l'année 1997, soit 15 % des autorisations initiales et 2,25 millions de francs en crédits de paiement.