4. L'Allemagne vient d'ouvrir totalement son marché de l'électricité à la concurrence
L'organisation électrique de l'Allemagne est le reflet
de
l'organisation administrative de la République fédérale
d'Allemagne qui, en vertu de la Loi fondamentale de 1949, confie aux
Länder
l'essentiel de la gestion économique du pays et ne
laisse à l'Etat fédéral (le
Bund
) qu'un certain
nombre de prérogatives limitées.
La production d'électricité est, principalement, assurée
par neuf sociétés " suprarégionales " qui
contrôlent plus de 80 % de la production, parmi lesquelles RWE,
Preussen Elektra ou Bayernwerk ; les 20 % restant sont produits à
parité par 80 entreprises régionales et 900
sociétés municipales (
Stadtwerke
). Le transport est
assuré par les neuf compagnies " suprarégionales ". La
distribution est le fait des " neuf " (34 %), des
sociétés régionales (39 %), des municipalités
(27 %). La propriété publique est très majoritaire
(85 % entre les entreprises publiques et les entreprises d'économie
mixte).
Or, l'Allemagne vient
d'ouvrir d'un coup son marché de
l'électricité à la concurrence
européenne par
le biais d'une loi entrée en vigueur
le 1
er
mai 1998
et qui sonne le glas, pour les producteurs d'électricité, d'un
monopole régional qui leur assurait jusqu'ici de confortables revenus.
La réforme, plus ambitieuse que ce que prescrit la directive
européenne, ouvre à la concurrence le marché de
l'électricité, aussi bien pour les gros clients industriels que
pour les particuliers,
sans aucune étape intermédiaire
. Le
Gouvernement fédéral espère ainsi encourager les
électriciens à diminuer leurs tarifs, au bénéfice
notamment des industriels, tarifs qui sont pour l'instant 30 % plus chers que
la moyenne européenne.
Néanmoins, cette réforme ne devrait pas produire d'effets
immédiats compte tenu du morcellement du système
électrique allemand.
Certes, les neuf compagnies " suprarégionales " seront
obligées de mettre leur réseau à la disposition de leurs
concurrents, leur permettant de desservir les consommateurs qui
dépendaient jusqu'ici uniquement d'eux. Mais, les électriciens
allemands disposent de plusieurs moyens pour se protéger de concurrents
comme EDF qui produit un courant meilleur marché grâce aux
centrales nucléaires. La directive européenne prévoit, en
effet, une clause de sauvegarde qui permet aux Etats membres ouvrant largement
leur marché de se protéger des exportations de pays moins
libéralisés. Les grandes firmes allemandes vont, en outre, exiger
des taxes pour faire transiter sur la longue distance le courant en provenance
de l'étranger.
Quant aux 200 communes qui approvisionnent directement leurs habitants en
électricité, une centaine d'entre elles qui sont
équipées de centrales de cogénération conserveront
leur monopole. L'autre moitié a également la possibilité
de rester, jusqu'en 2005, l'unique intermédiaire entre les nouveaux
fournisseurs d'électricité et les clients de leur territoire
(principe de l'acheteur unique).
Les effets de la libéralisation devraient donc, dans un premier
temps, être limités
. Pour les industriels, les experts tablent
sur une baisse rapide des prix de 10 à 15 %. En revanche, les
réductions pour les ménages devraient survenir plus tardivement,
après que certains problèmes techniques comme l'adaptation des
compteurs et des logiciels auront été surmontés. Dans
l'immédiat, la
réforme devrait surtout profiter aux
intermédiaires grossistes
qui ne devraient pas manquer
d'apparaître, comme aux Etats-Unis.
Enfin, la désignation et la définition géographique des
gestionnaires de réseau sont implicitement laissées à
l'initiative des compagnies.
Le Gouvernement fédéral
n'envisage pas
, en effet,
de mettre en place une autorité de
régulation nouvelle
.
Les contrats de démarcation aux termes desquels une
société obtient soit l'exclusivité de l'approvisionnement
ou de la distribution dans une zone géographique donnée
(démarcation horizontale entre fournisseurs ou entre distributeurs),
soit l'exclusivité de l'activité de distribution
(démarcation verticale entre distributeur et fournisseur) ne
bénéficieront plus d'un régime d'exception légale.
Ils tomberont sous le coup de l'interdiction générale des accords
entre entreprises et seront susceptibles d'être dénoncés
par l'Office fédéral des cartels.
Cet office sera également compétent pour traiter des litiges
nés d'un refus de transit par le propriétaire d'un réseau
ou de la contestation des conditions tarifaires du transit. L'accès au
réseau devra être accordé selon des conditions comparables
à celles dont bénéficient les compagnies pour leurs
besoins propres. En cas de refus d'accès, la charge de la preuve
incombera à l'exploitant.