B. UN CADRE JURIDIQUE COMPLEXE ET INADAPTÉ

Le caractère obsolète de certaines dispositions de l'ordonnance, leur inadaptation aux enjeux du spectacle vivant sont régulièrement dénoncés depuis plus d'une décennie.

Ainsi, en 1992, un avis du Conseil économique et social relatif à l'organisation du spectacle vivant en France soulignait : " L'ordonnance de 1945 apparaît comme un texte daté, qui ne répond qu'imparfaitement aux réalités des pratiques et des techniques en ce domaine. Préparant mal l'ouverture européenne, ces textes sont largement et quotidiennement détournés en raison même de leur inadaptation et de l'incapacité des pouvoirs publics d'en contrôler le suivi et de sanctionner les manquements " .

Force est de reconnaître que ce constat sévère n'est pas sans fondement.

· Les catégories de licences mal définies ne reflètent guère l'organisation de ce secteur.

Les catégories de licences prévues par l'ordonnance se fondent sur plusieurs critères : le genre artistique, la nature de l'activité (production ou exploitation de lieux de représentation) ou le mode d'exploitation (fixe ou en tournée) sans qu'une logique d'ensemble assure la cohérence des catégories.

Certaines catégories de licences visent un genre artistique, comme celle relative aux " concerts symphoniques et autres orchestres divers et chorales " , qui comprend à la fois des salles de concerts et des producteurs de spectacles. D'autres catégories de licences s'appliquent à des lieux de représentation, comme celle relative aux " théâtres de marionnettes, cabarets artistiques, cafés-concerts, music-halls et cirques " qui réunit ainsi plusieurs genres artistiques.

Quant à la sixième catégorie, elle ne s'applique ni à un genre artistique, ni à un mode d'exploitation, ni à une nature d'activité spécifique et est destinée aussi bien aux exploitants de salles de concerts de variétés, de théâtres pornographiques qu'à des producteurs de spectacles de curiosités, de variétés ou de spectacles forains.

Ces catégories ne correspondent, en outre, aucunement à l'organisation des professions du spectacle vivant.

Elles ne reflètent ni la répartition des compétences entre différentes directions du ministère de la culture, ni les différents champs d'application des conventions collectives applicables aux spectacles vivants, ni la représentation professionnelle de ce secteur.

· Le champ d'application de l'ordonnance ne couvre qu'une partie des entrepreneurs de spectacles vivants.

L'ordonnance ne s'applique pas, en effet, aux entreprises de spectacles de droit public.

L'ensemble des entreprises de spectacles de droit privé est soumis depuis peu aux dispositions de l'ordonnance. Celle-ci excluait initialement les sociétés à responsabilité limitée et les associations. Depuis, la loi n° 88-15 du 5 janvier 1988 relative au développement et à la transmission des entreprises a introduit dans l'ordonnance la possibilité pour un entrepreneur de spectacles de prendre la forme d'une SARL, puis la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992 relative au développement du temps partiel a soumis à l'obligation de la licence les responsables des associations ayant pour principale activité la production de spectacles vivants.

En revanche, l'ordonnance exclut de son champ d'application les théâtres nationaux dépendants de l'Etat. La jurisprudence administrative a étendu cette exemption aux salles de spectacles exploitées en régie directe par des collectivités publiques.

Ainsi dans le domaine du théâtre dramatique, les responsables des théâtres privés, des centres dramatiques nationaux et des scènes nationales sont tenus d'être titulaire d'une licence, alors que les responsables des cinq théâtres nationaux et des théâtres municipaux gérés en régie directe en sont dispensés.

Par ailleurs, l'ordonnance ne s'est pas jusqu'à présent appliquée à une catégorie particulière d'entrepreneurs de spectacles : les diffuseurs.

En l'absence de dispositions définissant la qualité d'entrepreneur de spectacles, les services du ministère de la culture ont, en effet, jugé que l'ordonnance ne s'appliquait qu'à des responsables de salles de spectacles ou à des producteurs en leur qualité d'employeurs d'artistes du spectacle.

De ce fait, les diffuseurs, qui servent d'intermédiaires entre les producteurs et les exploitants de salles, n'ont pas été soumis aux dispositions de l'ordonnance. Or la professionnalisation du spectacle vivant a contribué à faire des diffuseurs des entrepreneurs de spectacles à part entière. Rien ne justifie donc qu'ils ne soient pas soumis aux mêmes règles que les autres entrepreneurs de spectacles.

· Certaines dispositions de l'ordonnance apparaissent aujourd'hui inutilement complexes .

L'ordonnance impose en particulier une série de formalités administratives qui paraissent aujourd'hui excessives par rapport aux objectifs poursuivis.

Ainsi, toute création d'entreprise doit être précédée d'une déclaration au ministère de la culture ainsi qu'à la préfecture du département. Toute édification de salle de spectacles doit, en outre, être accompagnée d'une déclaration spéciale. Ces déclarations effectuées, l'exercice de l'activité est subordonné à l'octroi de la licence.

L'ordonnance prévoit, outre les cinq catégories de licences, deux régimes de licences, l'un temporaire et l'autre définitif. Une disposition -non appliquée- distingue même les licences pour Paris de celles pour la province. Cette volonté de contrôle administratif avait également conduit à prévoir une licence pour tous les artistes et techniciens du spectacle, disposition qui n'a cependant jamais été mise en oeuvre.

La définition des cas de dispense de licence révèle également une grande complexité.

Ainsi les dispositions relatives aux spectacles occasionnels qui peuvent être organisés sans licence dans la limite de deux représentations par an et sous réserve d'une déclaration préalable à la préfecture, ne s'appliquent qu'à deux catégories de personnes physiques et morales : les établissements et services publics dépendant de la direction générale des arts et des lettres du ministère de la culture, d'une part, et les collectivités publiques, les particuliers ou les associations, d'autre part, et pour cette dernière catégorie pour les seuls spectacles organisés en vue de subvenir aux besoins du culte ou d'oeuvres de bienfaisance.

Les dispositions relatives aux spectacles de théâtre d'essai qui peuvent être organisés sans licence dans la limite de dix spectacles par an après déclaration préalable à la préfecture, ne s'appliquent, quant à elles, qu'aux spectacles de théâtre dramatique ou lyrique et sous réserve d'une autorisation du ministre de la culture.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page