II. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI ORGANIQUE
A. LES RECRUTEMENTS EXCEPTIONNELS
1. Les dispositions du projet
Les articles premier à 5 du projet de loi organique
autorisent le recrutement exceptionnel de
100 magistrats en 1998
et,
anticipant sur les décisions budgétaires qui devraient être
prises pour l'année 1999, de
100 magistrats en 1999
.
Sont ainsi autorisés pour chacune des deux années, le recrutement
de
50 magistrats du second grade
ainsi que de
50 magistrats
qui
seront appelés à exercer directement les fonctions de
conseillers de cour d'appel
, à savoir 40 magistrats du second
grade et 10 magistrats du premier groupe du premier grade.
Le
recrutement direct au niveau de conseiller de cour d'appel,
et
notamment de conseillers du premier grade,
est une
innovation
du
projet par rapport aux recrutements antérieurs. Il tend à
répondre à la situation critique que connaissent certaines cours
particulièrement encombrées.
Il aurait certes pu être envisagé de faire
bénéficier les magistrats déjà en fonctions de ces
postes, et notamment de ceux ouverts au premier grade, à un moment
où l'avancement des magistrats est particulièrement difficile. Il
a cependant été jugé préférable de
répartir les recrutements sur l'ensemble de la pyramide des âges
pour éviter des recrutements trop importants à la base
jugés préjudiciables à une bonne gestion du corps. Ce
choix peut également être justifié par le fait que des
postes de conseillers de cour d'appel sont actuellement vacants, faute de
candidatures, et que l'intégration directe de conseillers du premier
grade semble de nature à attirer des candidats d'un certain âge
possédant une réelle expérience.
Les conditions de
diplôme
, d'
âge
et
d'activité professionnelle
antérieure
sont
similaires à celles posées pour les recrutements
précédents.
Cependant les conditions d'âge et de durée d'expérience
professionnelle ont été définies de manière
à correspondre aux différents niveaux hiérarchiques et
fonctionnels retenus. De plus aucune condition n'est fixée quant
à la nature de l'activité antérieure exercée qui,
lors des concours précédents, devait être de
nature juridique, administrative, économique ou sociale.
Conditions des recrutements exceptionnels
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Les concours n'auront plus lieu sur titres ni sur travaux et
les épreuves ne seront plus de caractère exclusivement pratique
pour permettre de mieux tester l'aptitude au raisonnement juridique des
candidats. La chancellerie a de plus souhaité
renforcer le niveau
juridique des épreuves
. Le projet de décret d'application de
la loi prévoit ainsi que les candidats aux fonctions du second grade
seront obligatoirement interrogés, à l'oral ou à
l'écrit, sur le
droit civil
, le
droit pénal
et le
droit public
et devront fournir, à l'écrit, une
consultation, une note de synthèse et une composition. Les
précédents concours ne comportaient que 2 matières
obligatoires et pas de composition. Les candidats aux fonctions de conseillers
de cour d'appel du premier ou du second grade subiront, en outre, une
interrogation orale portant à leur choix sur le
droit social
, le
droit commercial
ou la
procédure civile et pénale
.
Les garanties quant à la culture juridique des candidats sont donc
renforcées et sont cadrées sur les besoins des cours d'appel,
particulièrement importants en matière sociale et commerciale.
Comme il en a été lors des concours précédents, les
candidats admis recevront une
formation rémunérée
dispensée par
l'ENM
et comprenant des stages en juridiction. Le
projet de décret d'application prévoit une formation de
six
mois
, répartie en un mois de formation théorique à
l'école et cinq mois de stage en juridiction. Il prévoit de plus,
pour la première fois, une
formation permanente
de
deux
mois
répartie sur les quatre premières années
d'exercice. La chancellerie souhaite centrer la formation sur l'adaptation aux
fonctions et sur la déontologie.
Enfin une reprise partielle des années d'activité professionnelle
est prévue pour le classement indiciaire des intéressés et
pour l'inscription au tableau d'avancement des magistrats recrutés au
second grade.
Le
calendrier prévisionnel
du premier recrutement
entraînerait, en cas d'adoption du projet de loi au début 1998,
l'ouverture du concours au mois de mars avec clôture des inscriptions en
mai. Les épreuves écrites pourraient se dérouler au mois
de septembre et les épreuves orales en novembre. La formation se
déroulerait de janvier à juin 1999, pour une
prise de
fonctions effective au 1er juillet 1999.
2. La position de votre commission
Votre commission rappelle que les
voies normales
de
recrutement des magistrats demeurent celles des
concours de l'ENM et des
intégrations directes
-semble-t-il peu utilisées-
prévues par l'ordonnance de 1958. Elle constate que le recours
à des concours exceptionnels révèle une déficience
certaine dans la planification de la gestion du corps et devrait être
évité.
Cependant, consciente de l'urgence de ces recrutements pour
l'amélioration du fonctionnement de la justice dont elle a
déjà eu l'occasion de souligner la dramatique insuffisance de
moyens, et dans la mesure où des garanties sérieuses sont
données quant au niveau juridique des candidats, elle ne peut que
souscrire aux dispositions du projet de loi dont elle apprécie et salue
le réalisme.
De plus, les statistiques rétrospectives et prévisionnelles
fournies par la chancellerie montrent que, compte tenu de ces recrutements
exceptionnels et des recrutements latéraux, la part des
magistrats
issus de l'ENM
dans le total des nominations intervenues entre 1981 et l'an
2000 s'élèverait à plus de
76%
alors que celle de
l'ensemble des concours exceptionnels n'atteindrait pas
9%
. Dans de
telles proportions, l'introduction d'une certaine diversification dans le
recrutement des magistrats n'est pas nécessairement négative et
peut apporter un effet novateur particulièrement utile dans la
période de mutation que connaît notre société.
Entrées dans le corps judiciaire
Année
|
Magistrats issus de l'ENM |
Concours exceptionnels |
Conseillers de cour
d'appel
|
Recrutement
|
|
1981 |
210 |
83 |
|
74 |
367 |
1982 |
266 |
2 |
|
48 |
316 |
1983 |
233 |
|
|
72 |
305 |
1984 |
232 |
68 |
|
32 |
332 |
1985 |
214 |
|
|
25 |
239 |
1986 |
243 |
|
|
25 |
268 |
1987 |
231 |
|
|
30 |
261 |
1988 |
221 |
|
|
46 |
267 |
1989 |
244 |
|
|
40 |
284 |
1990 |
228 |
|
|
41 |
269 |
1991 |
196 |
|
|
51 |
247 |
1992 |
169 |
90 |
|
57 |
316 |
1993 |
179 |
|
|
26 |
205 |
1994 |
167 |
|
|
15 |
182 |
1995 |
155 |
|
|
10 |
165 |
1996 |
114 |
|
|
14 |
128 |
1997 |
106 |
|
4 |
23 |
133 |
1998 |
145 |
|
26 |
25 |
196 |
1999 |
145 |
100 |
20 |
25 |
290 |
2000 |
145 |
100 |
|
25 |
270 |
Total |
3843
|
443
|
50
|
704
|
5040 |
Concernant la formation, votre commission ne peut
s'empêcher d'émettre quelques inquiétudes sur sa
durée de six mois comparée à la formation de 31 mois
reçue par les auditeurs à l'ENM, mais elle reconnaît que
l'urgence impose une formation abrégée et constate que cette
durée était similaire lors des précédents
recrutements exceptionnels. À défaut d'une formation plus longue,
elle insiste donc pour qu'un soin particulier soit apporté pour en
garantir la qualité. Elle approuve par ailleurs l'institution d'une
formation permanente.
Quant au caractère hiérarchisé du recrutement, il
permettra de répondre aux besoins des cours d'appel, mais ne doit pas
faire négliger d'apporter des solutions aux blocages que connaissent
aujourd'hui les magistrats dans leur avancement.