ARTICLE 27 ter
Imposition des subventions d'équipement
Commentaire : le présent article, introduit
à l'Assemblée nationale par M. Jérôme Cahuzac,
tend à légaliser les solutions doctrinales en matière de
traitement fiscal des subventions d'équipement. Il s'agit ainsi :
- de permettre aux entreprises de choisir entre l'imposition immédiate
de ces subventions ou le dispositif d'étalement de la
réintégration de ces subventions aux résultats imposables
de l'entreprise bénéficiaire prévu par l'article 42
septies
du code général des impôts ;
- de permettre aux entreprises qui auraient opté pour l'étalement
de réintégrer les subventions au rythme des amortissements
pratiqués ;
- d'étendre cette dernière faculté aux biens
financés par crédit-bail ;
- de permettre aux contribuables assujettis à l'impôt sur le
revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux
d'opter pour le dispositif d'étalement.
Les subventions reçues par une entreprise entraînent une
augmentation de l'actif net. Conformément au principe posé
à l'article 38-2 du code général des impôts, elles
constituent un élément du bénéfice imposable et
doivent à ce titre être rapportées aux résultats
imposables.
La législation fiscale prévoit toutefois un échelonnement
d'imposition pour les subventions d'équipement versées par l'Etat
ou par les collectivités publiques. Ces subventions doivent être
rattachées au résultat comptable à la fin de chaque
exercice, à concurrence des amortissements pratiqués. La notion
de subvention d'équipement est relativement large puisqu'elle couvre
notamment les primes d'aménagement du territoire et les primes à
la construction.
La doctrine est encore plus souple puisqu'elle permet une
réintégration de ces subventions à proportion (et non
à hauteur) des amortissements pratiqués sur le bien que la
subvention a permis d'acquérir ou de créer.
Le présent
article propose, entre autres, de donner une assise légale à ces
assouplissements doctrinaux.
I. LA SITUATION ACTUELLE
A. LE DISPOSITIF LÉGISLATIF
En vertu de l'article 42
septies
du CGI, les subventions
d'équipement accordées par l'Etat ou les collectivités
publiques ne sont pas comprises dans les résultats de l'exercice en
cours à la date de leur versement. Elles doivent, du point de vue
fiscal, faire l'objet d'un étalement qui s'effectue différemment
selon qu'elles servent à financer des biens amortissables ou non
amortissables.
Les subventions qui financent la création ou l'acquisition de
biens
amortissables
doivent être rapportées aux
bénéfices imposables de chacun des exercices
suivant
celui
en cours à la date de leur
versement
, à concurrence du
montant des amortissements pratiqués à la date de clôture
desdits exercices sur le prix de revient des immobilisations.
Les subventions qui financent la création ou l'acquisition de
biens
non amortissables
doivent être rapportées par fractions
égales :
- aux bénéfices des exercices pendant lesquels les
immobilisations sont inaliénables au terme du contrat accordant la
subvention ;
- à défaut de clause d'inaliénabilité, au
bénéfice des dix exercices suivant celui du versement de la
subvention.
B. LES ASSOUPLISSEMENTS DOCTRINAUX
Pour permettre d'assurer plus parfaitement la neutralité du dispositif
et de préserver la capacité de financement des subventions,
divers
aménagements
ont été apportés par la
doctrine administrative (cf. Doc. adm. 4 A 2412) aux dispositions
légales décrites ci-dessus.
D'une part, il a été admis que l'échelonnement de
l'imposition n'était qu'une
faculté
à laquelle les
entreprises pouvaient renoncer au profit d'une
imposition
immédiate
.
Cette solution peut présenter un intérêt si l'entreprise
veut apurer des déficits antérieurs qui risquent d'être
atteints par la péremption des cinq années.
De la même façon, si la subvention est versée à une
entreprise nouvelle dont les bénéfices sont
exonérés d'imposition pendant les deux premières
années (cf. article 44
sexies
du CGI), l'entreprise a
intérêt à opter pour un rattachement de la subvention aux
résultats de l'exercice de son octroi.
Il est d'autre part admis que le
rapport de la subvention
soit, dans
les mêmes conditions que l'amortissement du prix de revient,
échelonné sur la durée de vie de l'immobilisation
a
partiellement servi à créer ou à acquérir.
Cette solution implique qu'un taux identique soit utilisé, à la
fois pour le calcul des annuités d'amortissement et la
détermination de la part de la subvention à inclure chaque
année dans les résultats, et cela dès l'exercice au cours
duquel est pratiquée la première annuité d'amortissement.
Exemple
: Soit une machine d'un prix de revient, hors TVA, de
100.000 francs, acquise le 1
er
octobre 1994 et amortissable
selon le mode linéaire sur une période de cinq ans. On supposera
que l'entreprise, dont l'exercice coïncide avec l'année civile, a
perçu en 1994 une subvention d'équipement couvrant la
moitié de l'investissement.
Solution législative
:
Calcul des annuités d'amortissement :
1994 : 100.000 x 20 % x 25 % (un quart d'annuité) =
5.000 F
1995 : 100.000 x 20 % = 20.000 F
1996 : 100.000 x 20 % = 20.000 F
L'application littérale de l'article 42
septies
implique que la
subvention soit réintégrée pour une somme de 25.000 F
à la clôture de l'exercice 1995 (montant des amortissements
pratiqués à cette date), de 20.000 F à la clôture de
l'exercice 1996 et de 5.000 F (le solde) à la clôture de
l'exercice 1997. La subvention aura ainsi été rapportée en
trois ans.
Solution doctrinale :
L'entreprise a la possibilité de calculer ainsi la fraction de
subvention à réintégrer à la clôture de
chaque exercice :
1994 : 50.000 x 20 % x 25 % (un quart d'annuité) = 2.500
F
1995 : 50.000 x 20 % = 10.000 F
1996 : 50.000 x 20 % = 10.000 F
1997 : 50.000 x 20 % = 10.000 F
1998 : 50.000 x 20 % = 10.000 F
1999 : 50.000 x 20 % x 75 % = 7.500 F
La subvention d'équipement aura ainsi été rapportée
en cinq ans et dès l'année de son octroi.
II. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE
A. LA LÉGALISATION DES SOLUTIONS DOCTRINALES
Les solutions doctrinales précédentes n'ayant pas de fondement
législatif, le présent article propose de les légaliser en
modifiant la rédaction de l'article 42
septies
du code
général des impôts.
Le nouveau texte de l'article 42
septies
précise ainsi :
- que
l'entreprise doit opter pour l'échelonnement
de la
réintégration de la subvention d'équipement dans son
résultat imposable ; à défaut, la subvention est
rapportée aux bénéfices imposables de l'exercice en cours
à la date de leur attribution ;
- que "
les subventions sont rapportées aux
bénéfices imposables
en
même temps et au
même rythme que celui auquel l'immobilisation en cause est amortie
.
Ce rythme est déterminé pour chaque exercice, par le rapport
existant entre la dotation annuelle aux amortissements pratiqués
à la clôture de l'exercice concerné sur le prix de revient
de cette immobilisation et ce même prix de revient.
"
En revanche, le rythme du rapport des subventions d'équipement
afférentes à des immobilisations non amortissables reste
inchangé.
Enfin, le mot "
attribution
", juridiquement plus
correct, est
substitué au mot " versement " dans le texte de l'article 42
septies
pour éviter un décalage de deux ans entre
l'attribution de la subvention et la première
réintégration.
B. L'EXTENSION AUX BIENS FINANCÉS PAR CRÉDIT-BAIL
Il résulte de l'article 42
septies
que seules les entreprises
propriétaires
des immobilisations subventionnées peuvent
bénéficier de l'étalement. L'application de cette
règle soulève des difficultés lorsque l'Etat ou les
collectivités locales participent par voie de subvention à la
réalisation d'un programme d'investissements pour lequel l'entreprise
bénéficiaire a choisi de recourir au
crédit-bail
comme moyen de financement plutôt qu'à l'emprunt.
Or, le Conseil d'Etat a jugé
24(
*
)
que les primes de développement
régional versées aux sociétés de crédit-bail
finançant la construction d'un immeuble devant être
exploité par une entreprise, pouvaient donner lieu, pour cette
dernière, à l'application des dispositions de l'article 42
septies
, dès lors que les sociétés de
crédit-bail ont rétrocédé immédiatement ces
primes au crédit-preneur. Le Conseil d'Etat n'a cependant pas
précisé les modalités d'étalement de la subvention.
Le présent article donne une assise législative à cette
jurisprudence et précise les modalités de la
réintégration des subventions en cas de recours au
crédit-bail. Ainsi, un alinéa nouveau inséré par le
présent article après les trois premiers alinéas de
l'article 42
septies
retient une
réintégration
linéaire de la subvention sur la durée du contrat de
crédit-bail
:
"
La subvention attribuée par l'intermédiaire d'une
entreprise de crédit-bail est répartie, par parts égales,
sur les exercices clos au cours de la période couverte par le contrat de
crédit-bail, à la condition que la décision accordant
cette subvention prévoie son reversement immédiat au
crédit-preneur.
"
En outre, les dispositions prévues en cas de cession et d'apport d'une
immobilisation subventionnée sont étendues aux cas de cession ou
de résiliation d'un contrat de crédit-bail.
Cession de l'immobilisation subventionnée
En cas de cession des immobilisations subventionnées,
l'article 42
septies
dispose que la fraction de la subvention non encore
rapportée aux bases de l'impôt est comprise dans le
bénéfice imposable de l'exercice au cours duquel cette cession
est intervenue.
Toutefois, en cas d'apport d'une entreprise individuelle en
société (article 151
octies
) ou de fusion et
opérations assimilées (article 210 A), la fraction non encore
rapportée peut, sur option, être réintégrée
dans les résultats de la société
bénéficiaire de l'apport, par parts égales :
- sur la période correspondant à la nouvelle durée
d'amortissement du bien retenue par la société et qui correspond
à sa durée normale d'utilisation appréciée à
la date de réalisation de l'apport, pour les immobilisations
amortissables ;
- sur la période de réintégration initialement retenue par
la société apporteuse, qui reste à courir à la date
de réalisation de l'apport, pour toutes les immobilisations non
amortissables.
Ainsi, en cas de cession ou de résiliation d'un contrat de
crédit-bail, la fraction de la subvention non encore rapportée
aux bases de l'impôt est comprise dans le bénéfice
imposable de l'exercice au cours duquel cette cession ou cette
résiliation est intervenue.
La fraction de la subvention restant à rapporter est alors
rapportée aux résultats de la société
bénéficiaire de l'apport par parts égales sur la
période restant à courir à la date de l'opération
concernée jusqu'à l'échéance du contrat de
crédit-bail.
C. L'APPLICATION DU RÉGIME D'ÉTALEMENT EN MATIÈRE
DE BNC
L'article 42
septies
est applicable aux contribuables - assujettis
à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les
sociétés - qui déclarent des bénéfices
industriels et commerciaux. Il ne s'applique donc pas aux contribuables
assujettis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des
bénéfices non commerciaux.
Aussi, le présent article étend-il la possibilité
d'étaler la réintégration des subventions
d'équipement aux contribuables soumis au régime de la
déclaration contrôlée à raison d'une
activité non commerciale
qui en font la demande expresse.
M. Jérôme Cahuzac a précisé lors de la
discussion du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale
que cette disposition encouragerait les cabinets médicaux à
s'informatiser, grâce aux subventions de la CNAM.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.