III. ANALYSE DU PRÉSENT PROJET DE LOI - LES PARADOXES DE LA RÉFORME PROPOSÉE
A. LE TEXTE INITIAL DU PROJET
D'un contenu sensiblement moins substantiel que le
précédent, le présent projet de loi comprend
trois
grandes parties
.
La première expose les
dispositions générales relatives
au nouveau service national
: date d'entrée en vigueur et contenu de
celui-ci (recensement, " appel de préparation à la
défense ", rétablissement éventuel de la
conscription), et volontariat militaire. Le projet de loi renvoie à un
texte ultérieur pour préciser les contours des volontariats
civils, se bornant à poser le principe du maintien de types de
volontariat qui concourent " au développement et à l'action
de la France dans le monde ", c'est-à-dire qui s'accomplissent en
dehors du territoire métropolitain (aide humanitaire, coopération
internationale, aide technique ...).
La deuxième partie comprend les
modifications du code du service
national
issu de la loi n° 71-424 du 10 juin 1971, afin
d'aménager les conditions de l'accomplissement du service national
obligatoire dont relèveront, jusqu'à la fin de 2002, les jeunes
gens nés avant le 1er janvier 1979.
La troisième partie traite de
" dispositions
diverses ".
Outre les
aménagements du code du travail
et
du statut général des militaires rendus nécessaires par la
réforme du service national, cette dernière partie comprenait,
dans le texte initial du projet, un
article sans lien direct avec la
réforme du service national,
qui
avait pour objet de demander
une
autorisation parlementaire pour procéder, par voie
d'ordonnance, à l'adaptation du code de justice militaire à la
réforme du code de procédure pénale.
De manière générale, tout en s'appuyant à bien des
égards sur le précédent projet, le présent projet
de loi se veut
recentré sur les aspects militaires de la
réforme du service national.
La définition du service national rénové qui
résulte du texte initial du projet n'échappe cependant pas
à
d'importantes incertitudes
sur le contenu du futur service
national.
1. Le contenu du nouveau service national
Le service national défini par le texte initial du présent projet de loi comprend le recensement, l'" appel de préparation à la défense " et le retour éventuel à la conscription, dénommée " appel sous les drapeaux ".
a) Le recensement
De manière très comparable à ce que
prévoyait le précédent projet de loi, le recensement a
pour objectif non seulement de
préparer les convocations à
l'" appel de préparation à la défense
",
mais aussi de
rendre possible le rétablissement de la
conscription
, si une modification de la situation internationale le
justifiait. Ainsi le présent projet de loi prévoit-il le suivi,
par la Direction centrale du service national, des coordonnées et de la
situation familiale et professionnelle des jeunes recensés.
Le lien entre le recensement et l'" appel de préparation à
la défense " justifie les deux différences sensibles par
rapport à la situation actuelle, introduites par le présent
projet de loi,
et directement inspirés du précédent
projet.
- D'une part, le recensement sera effectué
dès l'âge de
seize ans
, à un moment où la plupart des jeunes
Français sont
encore scolarisés
(à raison de 96,4 %
en 1996), afin que le système scolaire puisse informer et sensibiliser
les jeunes à l'importance de cette obligation. Le choix de cet âge
tient aussi à la nécessité de laisser à
l'administration (c'est-à-dire à la Direction centrale du service
national) un délai suffisant pour assurer, à l'issue du
recensement, la préparation de l'" appel de préparation
à la défense ", qui doit être accompli avant
l'âge de dix-huit ans.
- D'autre part, l'obligation de recensement sera
étendue aux jeunes
filles
. La pertinence de la mixité de cette obligation se trouvera
renforcée par le projet de loi sur la nationalité, qui envisage
d'assurer, à partir du recensement,
l'inscription automatique sur les
listes électorales
.
Par ailleurs, selon le texte initial du projet de loi, l'obligation de
recensement tombait à l'
âge
de vingt-cinq ans
,
c'est-à-dire à l'âge auquel, selon les informations
transmises à votre rapporteur, le suivi des jeunes effectué dans
la perspective d'une éventuelle remontée en puissance de la
conscription cesse d'être justifié, car le recours aux classes
d'âge comprises entre dix-huit et vingt-cinq ans permet de rassembler des
effectifs suffisants pour faire face à un danger de mobilisation.
L'obligation de recensement est assortie de
sanctions
: l'attestation de
recensement conditionne ainsi l'inscription de chaque jeune aux examens et
concours soumis au contrôle de l'autorité publique
(baccalauréat, permis de conduire, de pêche et de chasse, concours
d'accès à la fonction publique). Ces sanctions n'étaient
plus opposables, selon le projet de loi initial, passé l'âge de
vingt-cinq ans (comme le prévoyait d'ailleurs le précédent
projet de loi). Par ailleurs, les jeunes ayant négligé de se
faire recenser pouvaient, à tout moment, régulariser leur
situation jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans
L'innovation sur laquelle repose la réforme du service national (qu'il
s'agisse du présent projet de loi ou du précédent)
consiste donc à faire du recensement une
étape
spécifique du futur service national
, alors que, selon le code du
service national issu de la loi n° 71-424 du 10 juin 1971, cette
démarche administrative est actuellement effectuée
en vue de
l'accomplissement du service national
(article L. 15), sans faire partie
toutefois expressément de celui-ci.
b) L'" appel de préparation à la défense "
L'" appel de préparation à la
défense " s'inscrit dans la
recherche de relations
rénovées entre l'armée et la Nation
,
parallèlement à la professionnalisation des forces.
.
Destiné à sensibiliser et informer les jeunes
Français sur les questions de défense, il est conçu dans
la continuité de l'enseignement relatif aux principe de
défense nationale
qui devrait prochainement être
dispensé
dès la scolarité
.
.
Comme le " rendez-vous citoyen ", il concerne
aussi les
jeunes filles
: le service national rénové est
conçu sur des bases résolument universelles.
.
L'"appel de préparation à la défense" s'adresse
à une
population particulièrement jeune
, puisqu'il doit
être effectué
entre seize et dix-huit ans
, alors que le
" rendez-vous citoyen " pouvait être accompli entre
dix-huit et
vingt-cinq ans (trente ans pour certains cas exceptionnels).
.
Cette obligation concerne également
tous les jeunes
Français qui résident à l'étranger
à
l'âge où doit être effectué l'" appel de
préparation à la défense " (c'est-à-dire
jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans). Néanmoins, compte tenu
des difficultés -d'ordre pratique et juridique- qu'est susceptible de
poser, dans certains pays, l'accomplissement d'une obligation liée
à la défense d'un autre pays par des ressortissants qui peuvent
être des double-nationaux, le présent projet de loi prévoit
que l'" appel de préparation à la défense " des
jeunes Français de l'étranger peut être
aménagé "en fonction des contraintes du pays de résidence".
.
D'une durée
d'une journée
, l'" appel de
préparation à la défense " est assorti de
sanctions légères
(impossibilité, pour ceux qui ne
se seraient pas rendu à leur convocation, de se présenter aux
examens et concours soumis au contrôle de l'autorité publique),
identiques à celles que prévoit le projet de loi en cas de
non-accomplissement du recensement. Des sessions de rattrapage sont
proposées à ceux qui ne seraient pas en règle avec
l'obligation de l'" appel de préparation à la
défense ". Il est, en effet, possible à tout jeune de
régulariser sa situation jusqu'à l'âge de vingt-cinq
ans
.
.
En conséquence du
caractère relativement bénin
de l'obligation
résultant de l'" appel de préparation
à la défense " (un jour au lieu de cinq dans le cadre du
"rendez-vous citoyen", le projet de loi, dans sa version initiale, ne
reconnaissait aux jeunes, pendant cette journée, d'autre
statut
que celui de
personnes se rendant à une convocation prévue par
la loi dans un bâtiment public
(candidats aux examens publics,
jurés ou témoins d'un procès). Il s'agit d'une
différence considérable par rapport au précédent
projet de loi, qui reconnaissait aux jeunes la qualité
d'
appelés
pendant le " rendez-vous citoyen.
.
Enfin, le présent projet de loi renvoie à la
participation volontaire de certains jeunes, à l'issue de l'" appel
de préparation à la défense ", à des
préparations militaires.
A la différence du
précédent projet, le présent projet de loi prévoit
de maintenir le système des préparations militaires actuelles
(préparation militaire supérieure, préparation militaire
parachutiste ...)
2(
*
)
. Celles-ci
auront néanmoins pour vocation non plus de préparer au service
militaire, mais d'apporter une première formation aux futurs cadres de
la réserve, dont le rôle est nécessairement appelé
à croître avec la professionnalisation.
c) L'" appel sous les drapeaux "
Présenté comme un élément du service national rénové, parallèlement au recensement et à l'" appel de préparation à la défense ", l'" appel sous les drapeaux " renvoie à l'éventuel recours à la conscription. Celle-ci n'est, en effet, que suspendue -comme le prévoyait le précédent projet de loi. Une loi pourrait cependant la rétablir si une évolution préoccupante de la situation internationale rendait nécessaire une remontée en puissance du service militaire.
2. Le volontariat
Le présent projet de loi, à la différence
du précédent, ne consacre que très peu d'articles au
volontariat, qui est destiné à se substituer aux
différentes modalités d'accomplissement du service national issu
de la loi de 1971.
On distingue la relative précision qui caractérise les
dispositions relatives aux volontariats dans les armées de la
discrétion avec laquelle sont abordés les volontariats civils.
a) Le volontariat civil : l'affirmation du principe
C'est à un projet de loi ultérieur qu'il
reviendra de préciser le contenu de ces volontariats, ainsi que le
statut des volontaires.
Le présent projet de loi se bornait, en effet, dans sa version initiale,
à poser le principe de la possibilité d'apporter un
" concours personnel et temporaire dans les domaines de la
prévention et de la solidarité, de l'aide technique ainsi que de
la coopération internationale et de l'aide humanitaire ". On
remarque que c'est aux volontariats destinés à contribuer
" au développement et à l'action de la France dans le
monde " que renvoyait ce texte. A l'exception de l'aide technique
dans les
départements et territoires d'outre-mer, expressément
mentionnée, les volontariats civils sont censés être
effectués à l'étranger. Il s'agit d'une réduction
d'échelle très sensible par rapport au précédent
projet de loi, qui proposait de créer des volontariats dans des domaines
civils très diversifiés (police, environnement,
sécurité civile, coopération internationale et aide
humanitaire, entreprises à l'étranger, soutien scolaire dans les
quartiers difficiles ...). Une telle restriction est justifiée, selon
les informations transmises à votre rapporteur, par la constatation que
de nombreux volontariats recouvrent des emplois susceptibles d'être
créés sur la base du projet de loi relatif au
développement d'activités pour l'emploi des jeunes. C'est ainsi
que le volontariat dans la police, si d'aventure il était mis en place,
se trouverait redondant par rapport aux postes d'adjoints de
sécurité qui seront créés en tant
qu'" emplois-jeunes ".
b) Le volontariat dans les armées
Les conditions d'accomplissement du volontariat militaire
sont
définies parallèlement à celles qui ont été
envisagées à l'égard des "emplois-jeunes". La
durée du volontariat serait ainsi comprise entre un et cinq ans
(entre neuf et vingt-quatre mois selon le précédent projet),
l'âge des volontaires devant être compris entre dix-huit et
vingt-six ans
(l'âge limite prévu par le
précédent projet de loi était de trente ans).
Le projet de loi n'assimile pas à un droit l'accès à un
volontariat dans les armées, car l'acceptation des demandes est
subordonnée à des
conditions d'aptitude
, et encadré
par la limite des
emplois budgétaires
.
Les volontaires sous statut militaire auront vocation à servir au sein
des forces et des services des armées et de la gendarmerie. Certains
pourront effectuer leur volontariat au sein du
service militaire
adapté,
qui permet aux jeunes Français d'outre-mer
d'acquérir une formation professionnelle. Le projet de loi renvoie
à un
décret en Conseil d'Etat
pour préciser les
modalités d'application du volontariat militaire.
3. Aménagement de la transition
Les dispositions concernant la période 1997-2002 sont de deux natures. Les unes concernent l'aménagement des modalités d'accomplissement du service national obligatoire qui s'imposera aux jeunes nés avant le ler janvier 1979. Les autres visent à prévoir la montée en puissance du nouveau système pour les jeunes gens et les jeunes filles qui seront soumis à l'obligation d'effectuer l'"appel de préparation à la défense", et pour lesquels le recensement constituera une étape du service national rénové.
a) Montée en puissance progressive du nouveau service national3( * )
Comme le précédent projet de loi, le
présent projet se fonde sur le choix d'une classe d'âge à
partir de laquelle les jeunes gens ne seront plus appelés dans les
conditions prévues par le code actuel, et à partir de laquelle
les jeunes filles seront assujetties aux obligations créées par
le nouveau code du service national. Seuls, les jeunes gens nés avant le
ler janvier 1979 seront soumis au service national obligatoire.
C'est donc à partir de la classe 1999 que s'appliquera le nouveau
système. Toutefois, le service national rénové ne devait
être obligatoirement effectué, selon le projet de loi initial, que
par :
- les garçons nés après le 31 décembre 1979,
- les jeunes filles nées après le 31 décembre 1983.
On constate une modification des échéances prévues par le
précédent projet de loi, qui concernait les jeunes gens
nés après le 31 décembre 1978 et les jeunes filles
nées après le 31 décembre 1984.
(1) Le cas des jeunes filles
Le rapprochement des échéances relatives aux jeunes filles s'explique par le souci d'accélérer la mixité du recensement , prévu, dans le projet initial du gouvernement, dès le ler janvier 2000 (alors que le précédent projet de loi renvoyait à la date du ler janvier 2001), dans la perspective de l'inscription automatique sur les listes électorales à partir du fichier du recensement. De surcroît, le dispositif de montée en puissance de l'"appel de préparation à la défense" étant moins complexe que celui du "rendez-vous citoyen", essentiellement en raison de sa durée substantiellement réduite, il a paru possible d'accélérer la mixité de cette obligation, qui serait étendue aux jeunes filles dès le ler janvier 2000 au lieu du ler janvier 2003, pour être accomplie entre 2000 et 2002 par les jeunes filles nées à partir de 1984.
(2) Le cas des jeunes gens
.
Les situations diffèrent en fonction de
l'année de naissance :
- les jeunes gens
nés avant 1979
effectueront le service national
obligatoire jusqu'à la fin de la période de transition (31
décembre 2002) ;
- les jeunes gens
nés en 1979
sont soumis à l'obligation
de recensement (ils ont d'ailleurs déjà effectué celui-ci
en 1996, sur la base du code actuel du service national, à l'âge
de dix-sept ans), mais n'auront à effectuer ni service national
obligatoire, ni "appel de préparation à la défense". Cette
situation particulière
résulte, selon les informations
transmises à votre rapporteur, de la nécessité de laisser
l'"appel de préparation à la défense" s'organiser au
niveau local, ce qui semble supposer des délais importants, puisque les
premiers "appels de préparation à la défense" ne sont
prévus qu'en octobre 1998.
- les jeunes gens
nés après 1979
effectueront donc
l'"appel de préparation à la défense" à partir de
1998. Les classes 2000, 2001, 2002 et 2003 seront convoquées à
cette journée à un âge légèrement
décalé par rapport à ce que prévoit le
présent projet de loi (entre 17 ans et 18 ans, et non entre 16 et 18
ans), pour des raisons tenant à la nécessité d'absorber
progressivement le retard pris dans la montée en puissance du nouveau
dispositif.
.
Le présent projet de loi permet des
dérogations
sur une base
volontaire
:
- les jeunes gens ne relevant pas du code actuel du service national, car ils
sont nés après le 31 décembre 1978, pourront
néanmoins, s'ils le souhaitent, effectuer leur service national dans les
conditions prévues par la législation actuellement en vigueur.
Cette faculté concernait, au 1er août 1997, quelque 52 jeunes
gens, dont 21 sont nés après le ler janvier 1980. Ces
appelés ont été incorporés sur la base du futur
livre II du code du service national.
- les jeunes gens de la classe 1999, qui ne sont soumis qu'à
l'obligation de recensement, peuvent demander à effectuer l'"appel de
préparation à la défense". Le succès
éventuel de cette faculté serait très éclairant de
celui de la journée d'"appel de préparation à la
défense".
b) Aménagement du code actuel du service national
Le présent projet de loi reprend, dans leur quasi
intégralité, les modifications apportées au code actuel du
service national dans le cadre de l'examen du précédent projet.
Ces modifications ont pour objet à la fois de simplifier la conduite de
la transition (en ce qui concerne les reports et le régime des
dispenses), et d'atténuer dans le même temps, dans la mesure du
possible, les contraintes liées à l'accomplissement du service
national obligatoire pour les dernières classes qui y seront
assujetties. Le présent projet de loi tend également, comme le
précédent, à mettre à jour certaines dispositions
du code actuel du service national.
(1) L'adaptation des modalités d'exécution du service national obligatoire aux contraintes de la transition
- Aménagement de la durée du service national
obligatoire
Le présent projet de loi permettra qu'il soit procédé, le
cas échéant, à une réduction de la durée du
service national, par le recours aux
libérations
anticipées
, et tend à rendre uniforme la durée du
service militaire. Le recours aux
libérations anticipées que
l'article L.76 du code du service national réserve au service militaire,
aux services dans la sécurité civile et dans la police,
pourrait donc être étendu aux services de l'aide technique et
à la coopération, ainsi qu'au service des objecteurs de
conscience.
Cette modification sensible est liée au fait que la suppression
prochaine du service national obligatoire ne permet plus d'assimiler
systématiquement à des privilégiés les
appelés effectuant un service civil.
-
L'uniformisation de la durée du service militaire
tend à
mettre fin à la différence de traitement des appelés sous
statut militaire au regard de la durée du service. Les scientifiques du
contingent et les professions médicales effectueront donc un service de
dix mois, soit la durée de droit commun, alors que la législation
actuellement en vigueur a maintenu la durée de douze mois pour ces deux
catégories d'appelés. Cette différence de traitement
était considérée, au moment de la réforme de la
durée du service national, comme une compensation des reports
exceptionnels dont bénéficient ces deux catégories en vue
de poursuivre leurs études.
- simplification des reports
Le code actuel du service national prévoit une grande diversité
de régimes de report, qui permettent de reculer l'âge normal de
l'incorporation, compris entre 18 et 22 ans, à :
- 24 ans pour les jeunes gens suivant une formation professionnelle ou
effectuant des études supérieures,
- 25 ans pour les titulaires d'un brevet de préparation militaire,
- 26 ans pour les titulaires d'un brevet de préparation militaire
supérieure,
- 27 ans pour les pharmaciens et vétérinaires,
- 28 ans pour les médecins et chirurgiens-dentistes.
Par ailleurs, des raisons sociales ou familiales graves peuvent justifier un
report supplémentaire d'une année. Les jeunes gens candidats aux
services de la coopération, de l'aide technique, ou au service accompli
en tant que scientifique du contingent ont vocation à obtenir un report
d'incorporation jusqu'à l'obtention des diplômes requis en vue de
ces affectations et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre de
l'année civile au cours de laquelle ces jeunes gens atteignent
l'âge de 25 ans.
Le projet de loi, comme le précédent, substitue un dispositif
plus simple à cette diversité de régimes. C'est ainsi que
seront supprimés les reports particuliers liés aux brevets de
préparation militaire, parallèlement à l'adaptation de
celle-ci à la nouvelle organisation de la défense. Par ailleurs,
un report unique et de droit commun portera à 26 ans l'âge limite
d'incorporation pour ceux qui justifient de la poursuite d'études ou de
formations professionnelles. En conséquence, il sera mis fin au
système particulier des reports destinés aux coopérants,
aux scientifiques du contingent et aux appelés au titre de l'aide
technique, système par ailleurs relativement complexe, qui ne concerne
que 7 500 jeunes gens (environ) chaque année, sur un effectif de 175 000
bénéficiaires de reports, et qui représente par
conséquent un coût administratif réel qu'il est
particulièrement opportun de supprimer. Enfin, le projet de loi
uniformise le report des professions médicales à 28 ans.
- libéralisation des dispenses
Le projet de loi maintient, comme le précédent, la
suppression
des dispenses pour exceptionnelle gravité
, dans le souci de mettre
un terme à une
procédure très lourde
,
subordonnée à des conditions particulièrement exigeantes,
et qui concerne une
population limitée
(430 jeunes gens en 1995).
En revanche, le projet de loi
étend les dispenses pour soutien de
famille
aux jeunes gens mariés dont l'épouse ne
possède pas de ressources suffisantes (alors que le code actuel prend en
compte l'appréciation des ressources susceptibles d'être
allouées à ladite épouse par sa famille), et aux jeunes
gens qui ont la charge effective d'un enfant (sans plus prendre en
considération l'origine de l'enfant précisée par le code
actuel : légitime, enfant naturel reconnu, ou enfant de la jeune femme
dont les futurs appelés sont devenus l'époux). Environ 1 400
jeunes gens pourraient bénéficier de cet allégement des
dispositions de l'article L.32 du code actuel du service national.
Le texte initial du présent projet de loi reprenait la rédaction
proposée par le Sénat pour le troisième alinéa de
l'article L.32 du code du service national, qui permet de dispenser non plus
seulement les "orphelins de père et de mère ne disposant pas de
l'aide de leur famille", mais aussi, de manière plus
générale, les jeunes gens ne pouvant bénéficier
d'une aide de leur famille, et risquant de se trouver, du fait de leur
incorporation, dans une
"situation sociale grave".
Par ailleurs, le projet de loi maintient
l'extension des dispenses
réservées aux jeunes gens reprenant une
exploitation
familiale
(agricole, commerciale ou artisanale) en cas de
décès ou d'incapacité des beaux-parents ou des ascendants.
Cette mesure pourrait concerner 600 jeunes gens par an environ.
Enfin, les dispenses réservées aux
chefs d'entreprise
concerneront, comme le prévoyait le précédent projet de
loi, les jeunes gens chefs d'une entreprise depuis un an au lieu de deux. Cette
disposition est également assouplie par la suppression de toute
condition relative au nombre d'emplois que l'incorporation du chef d'entreprise
aurait pour conséquence de supprimer.
(2) Autres actualisations du code actuel du service national
.
Outre la suppression de dispositions caduques du
code
actuel du service national, le présent projet de loi tend à
adapter les modalités d'accomplissement du service national obligatoire
par un
Français ayant simultanément la nationalité d'un
autre Etat
, en permettant aux double nationaux d'effectuer leur service
"sous le régime du code du service national français". La
rédaction proposée a pour objet d'autoriser ces jeunes gens
à servir à l'étranger (dans le cadre de la
coopération ou des forces armées stationnées en
République Fédérale d'Allemagne), alors que le code actuel
du service national renvoie exclusivement au service accompli sur le territoire
français.
.
Le présent projet de loi
adapte les obligations du service
national susceptibles d'incomber aux personnes devenues françaises entre
dix-huit et cinquante ans
(par voie de naturalisation, déclaration
ou option). La nouvelle rédaction proposée prend en compte les
obligations accomplies par les intéressés dans le cadre du
service national accompli, y compris à titre civil, dans leur pays
d'origine, alors que le code actuel du service national ne porte que sur les
services accomplis dans un cadre militaire (Légion
étrangère ou armée du pays d'origine).
.
Enfin, le présent projet de loi propose, ainsi que l'a
fréquemment suggéré votre rapporteur à l'occasion
de son avis budgétaire sur la dotation des Forces terrestres, de
procéder à la
légalisation des protocoles
.
Rappelons que, par dérogation à l'article L.7 du code du service
national, qui prescrit d'affecter les appelés affectés au service
militaire à des
emplois militaires
, les conventions conclues
entre le ministère de la Défense et diverses administrations
civiles ont permis de mettre des appelés servant sous statut militaire
à disposition de ces dernières. Le recours à de tels
protocoles remonte à 1976 (protocole Défense-Anciens
combattants). En 1996, les effectifs affectés à ces
modalités particulières d'accomplissement du service militaire
(13 437 appelés) faisaient des protocoles la
première forme
civile
de facto
du service national
.
Notons, en marge de l'analyse du présent projet de loi, que le protocole
"Ville" concerne désormais la très grande majorité des
"appelés-protocoles", puisque 11 947 jeunes gens y avaient
été affectés en 1996, comme le montre le tableau
ci-après.
Les protocoles depuis 1994
Type de protocole |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 (prévisions) |
Ville |
5.136 |
6.835 |
11.947 |
10.000 |
Rapatriés |
243 |
317 |
273 |
242 |
Handicapés |
203 |
224 |
338 |
250 |
Environnement |
258 |
523 |
762 |
750 |
Anciens combattants |
20 |
20 |
0 |
20 |
Santé |
4 |
4 |
0 |
4 |
Culture |
25 |
27 |
17 |
25 |
CEA |
50 |
42 |
100 |
100 |
Total |
5.939 |
7.992 |
13.437 |
11.391 |
La légalisation des protocoles tirera donc les conséquences du fait que ceux-ci sont devenus une affectation permanente pour de nombreux appelés, en contradiction avec l'article L.73 du code du service national, qui n'autorise l'affectation d'unités militaires à des tâches d'intérêt général qu'à titre "secondaire et temporaire". La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées demandait depuis plusieurs années que la prise en compte des protocoles dans le cadre du service national mette enfin le droit en accord avec les faits.
4. Adaptation du code du travail à la réforme du service national
Le code du travail subit quelques aménagements
destinés à tirer les conséquences, d'une part, des
nouvelles modalités d'accomplissement du service national, et d'autre
part, de la situation particulière des jeunes gens qui, nés avant
le ler janvier 1979, effectueront le service national obligatoire. Ces
aménagements sont directement inspirés de ceux que
prévoyait le précédent projet de loi.
.
Le présent projet de loi introduit donc dans le code du
travail un nouvel article créant une
autorisation exceptionnelle
d'absence
pour les salariés et les apprentis convoqués
à l'"appel de préparation à la défense".
.
Comme le précédent projet de loi, le présent
projet dispose que le
contrat de travail des jeunes gens appelés au
service national
dans le cadre du code actuel du service national, en
vigueur jusqu'en 2002, est
suspendu
pendant la durée du service,
et non plus résilié comme le prévoit la législation
actuellement en vigueur. Il s'agit donc là d'une
garantie très
substantielle
pour les jeunes appelés disposant d'un emploi au
moment de leur incorporation. En effet, alors que le code du travail, dans sa
présentation actuelle, se borne à prévoir une
priorité de réembauche pour les jeunes gens n'ayant pas
été réintégrés dans leur emploi à la
fin du service national actif, le présent projet de loi crée
une
obligation de réintégration des appelés dans un
emploi équivalent
à celui qu'ils occupaient avant
d'être incorporés.
5. Autres dispositions du projet de loi
a) Un "rendez-vous législatif" en vue de la définition des volontariats civils
A la différence du précédent, le
présent projet de loi n'aborde véritablement que le volontariat
militaire. Les deux dispositions qui concernent les modalités civiles
d'accomplissement des volontariats se bornent à édicter des
principes généraux. Ainsi le texte initial du projet de loi
disposait-il que des jeunes gens pourraient apporter un "concours
personnel et
temporaire" "au développement et à l'action de la France dans le
monde".
S'agissant des conditions d'exécution de ces volontariats, le projet de
loi renvoie à une loi ultérieure, qui précisera notamment
les contours du statut des volontaires, la nature des missions susceptibles de
leur être confiées, les modalités d'agrément des
organismes d'accueil, ainsi que les différentes catégories de
volontariats susceptibles d'exister parallèlement aux
"emplois-jeunes".
b) Deux dispositions sans rapport direct avec la réforme du service national
Le texte initial du présent projet de loi comportait
enfin deux dispositions sans rapport direct avec la réforme du service
national.
.
Il s'agissait, d'une part,
d'une actualisation du statut
général des militaires,
ayant pour objet de tirer les
conséquences de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996
modifiant la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et
obligations des fonctionnaires, en intégrant au statut des militaires
l'obligation pour l'Etat d'accorder sa protection juridique aux militaires
faisant l'objet de poursuites pénales.
Tel qu'il résulte du texte initial du projet, le "toilettage" de la
loi
de 1972 reste donc très incomplet.
.
D'autre part, le présent projet de loi tendait, dans sa version
initiale, à autoriser le Gouvernement à modifier par ordonnance,
sur la base de l'article 38 de la Constitution, certaines dispositions du
code de justice militaire
, afin d'adapter celui-ci aux modifications
introduites dans le
code de procédure pénale
par la loi
n° 93-2 du 4 janvier 1993.
6. Les contradictions de la nouvelle réforme du service national
Le présent projet de loi s'appuie sur des ambiguïtés qui tiennent à la difficulté d'envisager le nouveau service national sans nostalgie du passé, aux ambitions contradictoires qui sous-tendent l'"appel à la préparation à la défense", et aux incertitudes qui caractérisent la définition du volontariat.
a) L'inutile fiction du maintien d'une obligation universelle
Elaboré à un moment où la professionnalisation ne saurait être remise en cause, le présent projet de loi semble maintenir une certaine réticence à admettre que le service national obligatoire hérité de la IIIe République a vécu, et que le service national rénové repose sur une logique totalement différente. Cette ambiguïté se manifeste par la référence à un devoir de défense qui s'imposerait à tous les citoyens sans exception, et par la banalisation du retour éventuel à la conscription, conçu comme un élément du nouveau service national.
(1) Le devoir universel de défense en contradiction avec le choix de la professionnalisation
Comme le précédent projet, le présent
projet de loi pose le principe du "devoir", pour "tous les
citoyens", de
concourir à la défense de la Nation, "notamment" par le biais du
service national universel. L'adjonction de l'adverbe "notamment"
permet de
renvoyer de manière implicite à d'autres formes de participation
à la défense du pays -forces de réserves, défense
économique, défense du patrimoine culturel,...- que
l'accomplissement du service national.
Comme votre rapporteur le soulignait déjà à l'occasion de
l'examen du précédent projet après l'examen de celui-ci
par l'Assemblée nationale, il paraît paradoxal d'inscrire dans
notre législation un devoir universel de défense, alors que la
France s'engage dans la professionnalisation de ses forces armées, alors
que l'armée professionnelle doit être au coeur de notre effort de
défense, et alors que la législation française ne se
référait pas à un devoir universel de défense quand
le dispositif militaire reposait sur le contingent.
Par ailleurs, si cette disposition relative au devoir de défense est
cohérente, en principe, avec le recentrage de l'"appel de
préparation à la défense" sur des objectifs
essentiellement militaires, il paraît disproportionné de
prétendre que la participation à cette journée puisse
être un moyen pour la jeunesse de "contribuer à la défense
de la Nation"...
Le premier article du futur code du service national que propose le
présent projet de loi semble donc relever d'une certaine
nostalgie
pour le service national obligatoire, à la veille de la disparition de
celui-ci.
(2) La banalisation de l'éventuel rétablissement de la conscription
Relève d'une démarche comparable
l'intégration, dans le futur service national, de l'éventuel
rétablissement de la conscription (dénommé "appel sous les
drapeaux").
Le Sénat a, certes, dès le débat organisé au
Parlement au printemps 1996 sur la réforme du service national, pris
parti pour que la législation maintienne le principe de
l'éventuelle remontée en puissance de l'appel au contingent, pour
le cas où une menace majeure mettrait en péril
l'indépendance nationale. Le précédent projet de loi
autorisait donc la remise en vigueur de la conscription, "si la défense
de la Nation le justifie".
Or le présent projet de loi présente le rétablissement de
l'"appel sous les drapeaux" comme
l'une des étapes du service
national rénové, à égalité avec le
recensement ou l'"appel de préparation à la défense"
.
Ce faisant, le présent projet de loi
banalise l'éventuel
retour à la conscription
, et rend de ce fait
ambigus les contours
du futur service national
.
Cette défaillance est imputable à un regrettable souci de
concilier, par manque d'audace, à la fois les principes traditionnels du
service national hérité de la IIIe république, et la
professionnalisation des forces rendue inévitable par la situation
internationale issue de la fin de l'affrontement Est-Ouest.
b) Les lacunes de l'"appel de préparation à la défense"
L'"appel de préparation à la défense" repose sur des bases contestables, qu'il s'agisse de sa dénomination ou de son contenu.
(1) D'inévitables malentendus liés à une dénomination paradoxale
La dénomination d'"appel de préparation à
la défense" est contestable, car il semble présomptueux de
prétendre dispenser à la jeunesse une quelconque
"
préparation à la défense
" pendant les quelque
quatre heures et demi
au cours desquelles seront dispensés aux
participants des
exposés sur les enjeux
,
l'organisation et les
métiers de la Défense
(voir le tableau retraçant heure
par heure le déroulement de l'"appel de préparation à la
défense", supra, II-B-1).
Le malentendu sur lequel repose le terme de "préparation à la
défense" tient à une
confusion majeure entre ce qu'avaient
souhaité certains membres de l'actuelle majorité -un service
militaire court et universel, auquel le terme d'"appel de préparation
à la défense" aurait été adapté- et ce
qu'autorise la réalité, notamment budgétaire -une
obligation de quelques jours, dont l'objectif est de préserver le lien
armées-Nation, et de sensibiliser les jeunes aux impératifs de la
Défense nationale.
(2) Un contenu insuffisant
Lors des travaux organisés au printemps 1996 au
Parlement sur l'avenir du service national, un consensus s'était
exprimé sur le maintien d'une obligation de quelques jours, dont les
objectifs étaient de deux ordres.
Il s'agissait, d'une part, de
maintenir un lien fort entre la jeunesse et
les armées
, d'éviter que la professionnalisation ne se
traduise par une dégradation de
l'esprit de défense
, et
d'informer les jeunes sur les métiers de la défense, les
volontariats
et les perspectives
d'engagement dans les
réserves.
D'autre part, la persistance d'une obligation légale de quelques jours
avait pour objet de
préserver les compétences statistiques de
la Direction centrale du service national
, dans le
domaine sanitaire
ainsi que dans celui de la
détection de l'illettrisme,
et de
les
étendre aux jeunes filles.
Le but était d'être
en mesure de
renverser, dans une perspective
de santé
publique, la logique de l'examen de santé effectué lors des
"trois jours
".
Cette
seconde vocation assignée au service national
rénové
était justifiée par le souci de tirer
parti du "rendez-vous citoyen" pour identifier les jeunes qui, exclus
du
système scolaire ou médical (ou des deux), avaient besoin d'un
rattrapage, non seulement dans le domaine des apprentissages fondamentaux
(lecture, écriture, calcul), mais aussi dans celui de la santé.
C'est précisément ce second volet qui manque à l'"appel
de préparation à la défense
". Bien que le programme de
celui-ci comporte un test de lecture (qui d'ailleurs ne figurait pas dans le
texte initial du présent projet de loi), il omet de prévoir le
bilan de santé pourtant jugé indispensable au printemps 1996.
Cette lacune semble liée au parti pris d'organiser l'"appel de
préparation à la défense" en une journée unique.
Votre rapporteur est néanmoins convaincu de la possibilité
d'étendre le contenu de l'"appel de préparation à la
défense" à un examen médical, comme il le précisera
à l'occasion de l'examen des articles du présent projet de loi.
c) Les ambiguïtés du volontariat
Le présent projet de loi définit le volontariat de manière ambiguë, qu'il s'agisse de la place faite au volontariat par rapport au service national rénové, ou des missions et du statut impartis aux volontaires au sein des forces armées.
(1) Par rapport au service national
Contrairement au précédent texte, le
présent projet de loi, dans sa rédaction initiale, excluait le
volontariat des modalités d'accomplissement du service national
rénové. Celui-ci était constitué exclusivement du
recensement, de l'"appel de préparation à la défense" et
de l'éventuel rétablissement de la conscription. De
manière plus surprenante encore, le projet de loi gouvernemental
incluait dans le nouveau code du service national l'article de principe
consacré à certains volontariats civils, mais ne codifiait pas
l'article relatif au volontariat dans les armées.
Comme votre rapporteur l'a précédemment relevé, le fait
que le volontariat n'ait pas été conçu comme un
élément du futur service national, s'explique par le souci du
gouvernement
d'assimiler le volontariat aux "emplois-jeunes",
et de
passer ainsi d'une logique de quasi-bénévolat, qui
caractérisait la précédente réforme, à une
logique de formation professionnelle et d'emploi.
(2) Par rapport aux engagés
- La place des volontaires au sein des forces armées
semble caractérisée par certaines
incertitudes
.
Les volontaires militaires sont ainsi considérés comme des
militaires à part entière
, ayant la possibilité
notamment à participer aux opérations extérieures. La
catégorie des volontaires recouvrira néanmoins des situations
très différentes.
Certains volontaires seront les successeurs des appelés de l'actuel
service militaire adapté, dont la mission est de contribuer à la
formation professionnelle des jeunes d'Outre-mer. D'autres occuperont des
fonctions équivalentes à celles des scientifiques du contingent,
et poursuivront une logique de formation professionnelle, voire de recherche
d'une première ligne de curriculum vitae. D'autres accompliront des
fonctions purement techniques et de soutien, voire rempliront des missions
combattantes. Selon la présentation faite par le volontariat militaire
par M. Alain Richard, ministre de la Défense, lors de son audition par
la commission le 9 septembre 1997, les volontaires qui paraîtraient les
plus aptes et les plus motivés pour accéder aux premiers grades
de sous-officiers, voire d'officiers, pourraient se voir proposer un contrat
d'engagement, ce qui semble exclure que des volontaires puissent exercer des
missions d'encadrement.
- Le succès du volontariat repose sur un
pari
osé. En
effet, attirer vers le volontariat des effectifs compatibles avec la
professionnalisation (27 171 volontaires en l'an 2002 selon la loi de
programmation 1997-2002) suppose de
rendre attractif ce type d'engagement
militaire
, sans toutefois attribuer aux volontaires des avantages qui
risqueraient de
limiter l'intérêt présenté par le
statut d'engagé
, alors même que le succès de la
professionnalisation est subordonné à la possibilité
d'élever les effectifs d'engagés à 92 527 hommes à
l'échéance de 2002, soit un doublement par rapport aux effectifs
de 1996.
La rémunération qu'il est question de servir aux volontaires -le
SMIC net comprenant les avantages en nature : logement, nourriture, transport
SNCF -ne risque-t-elle pas de banaliser celui des engagés (le SMIC net
augmenté des avantages en nature ci-dessus
énumérés) ? Dans le même ordre d'idées,
est-il pertinent d'instituer une durée du volontariat pouvant aller
jusqu'à cinq ans, alors que les premiers contrats souscrits par les
engagés portent sur une durée de trois ou de cinq ans, sans
aucune spécificité par rapport au volontariat ?
L'ambiguïté sur laquelle semble devoir reposer la situation des
volontaires dans les armées paraît donc tenir à une
insuffisante distinction entre la situation des engagés et celles des
volontaires. Cette insuffisante distinction pourrait être mal
perçue des engagés, ce qui serait d'autant plus regrettable que
de cette catégorie dépend le succès de la
professionnalisation.
B. MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Parallèlement à la conduite d'une réflexion juridique rigoureuse, qui l'a amenée à modifier la présentation formelle du présent projet de loi, et à poser, entre autres difficultés pratiques, des questions relatives aux limites de l'universalité de l'" appel de préparation à la défense " (cas des personnes handicapées), et aux conditions de l'engagement de la responsabilité de l'Etat dans le cadre du service national rénové, l'Assemblée nationale a nuancé de manière non négligeable la définition et la portée du nouveau service national, et a souhaité modifier certains aspects de la période de transition, en s'interrogeant notamment sur la situation des jeunes gens qui, titulaires d'un emploi, devraient être incorporés au titre du service national obligatoire.
1. Nuances introduites dans la définition du nouveau service national
Les nuances introduites par l'Assemblée nationale
à l'égard du service national rénové tendent
à renforcer la signification du recensement et à accroître
la portée de l'enseignement relatif aux principes de la défense,
tout en se bornant à préciser certaines incidences juridiques de
l'" appel de participation à la défense ".
Dans le même temps, des modifications intervenues dans la
définition du nouveau service national contribuent à amplifier
les ambiguïtés qui caractérisaient déjà le
texte initial du projet.
a) Renforcement de la signification du recensement
- L'insertion, par l'Assemblée nationale, d'une
disposition rappelant que l'administration chargée du service national
assure le suivi des dossiers des personnes recensées souligne le
rôle essentiel qu'est censé jouer le recensement dans la
perspective d'une éventuelle remontée en puissance du service
national obligatoire.
-
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a aggravé les
sanctions
susceptibles d'être infligées pour
non-accomplissement du recensement, en supprimant la limite d'âge de
vingt-cinq ans au-delà de laquelle ces sanctions devaient, selon le
texte initial du présent projet, disparaître. Cette modification
tient à la constatation faite par certains députés que,
des trois nouvelles obligations définies par le projet de loi
-recensement, " appel de préparation à la
défense " et " appel sous les drapeaux "-, seul le
recensement paraît devoir jouer un rôle véritablement
décisif, puisqu'il est indispensable dans la perspective d'un
éventuel rétablissement de la conscription. Dans cette logique,
et selon l'interprétation ainsi faite du nouveau service national, c'est
le recensement qui
manifeste l'appartenance à la communauté
nationale
et qui, partant, doit désormais constituer une
obligation " quasiment sacrée ".
b) Augmentation de la portée de l'enseignement relatif à la défense
L'Assemblée nationale a renforcé la portée de l'enseignement relatif aux principes et à l'organisation de la défense, qui doit être organisé dans le cadre scolaire, en faisant de l'" appel de préparation à la défense " le " complément " de cet enseignement. Cette nuance rédactionnelle fait de l'enseignement des principes de la défense le fondement de la formation des citoyens à l'esprit de défense. Ainsi se trouvent renforcées de manière considérable les responsabilités de l'Education nationale à l'égard de la réforme. Dans le même esprit, un amendement a rendu cet enseignement " obligatoire ", tout en l'étendant expressément aux lycées, et en prescrivant la mise en oeuvre de ce dispositif dès la rentrée de septembre 1998.
c) Précisions d'ordre juridique relatives à l'" appel de préparation à la défense "
Bien que certains députés aient exprimé
le scepticisme que leur inspirait le terme d'" appel de préparation
à la défense ", l'Assemblée nationale n'a pas
tiré les conséquences de ces critiques en proposant une
dénomination différente de cette obligation, se bornant, pour
l'essentiel, à préciser certaines incidences juridiques de cette
manifestation.
- L'Assemblée nationale a ainsi reconnu aux jeunes participant à
l'" appel de préparation à la défense " le
statut d'
appelés
, qui permet de clarifier les conditions dans
lesquelles pourrait être engagée la
responsabilité de
l'Etat
à raison des dommages corporels subis à l'occasion de
l'" appel de préparation à la défense ".
L'insertion d'une disposition excluant toute action récursoire contre
les personnes morales propriétaires des locaux où sera
organisé l'" appel de préparation à la
défense " procède d'une démarche comparable,
liée au souci d'affirmer le principe général de la
responsabilité de l'Etat à l'égard de l'"appel de
préparation à la défense".
- L'Assemblée nationale a inséré une disposition relative
à
l'exemption d'" appel de préparation à la
défense "
pour les
personnes handicapées
,
précisant ainsi la portée de l'universalité du service
national rénové.
- Par ailleurs, l'Assemblée nationale a
complété le
contenu de l'"appel de préparation à la défense "
en l'étendant à la détection de l'illettrisme -ce que
prévoyait d'ailleurs le projet de programme élaboré par le
ministère de la Défense-, ainsi qu'à l'information des
jeunes sur les possibilités ouvertes par les volontariats et par les
possibilités d'engagement dans les forces armées ou dans les
forces de réserve. Ces précisions n'apportent néanmoins
pas de modification substantielle à l'"appel de préparation
à la défense ", dont la philosophie est
scrupuleusement respectée.
d) Aggravation de l'ambiguïté du service national rénové
Certaines des modifications adoptées par l'Assemblée nationale contribuent à rendre plus ambiguë encore la signification du nouveau service national, qu'il s'agisse du volontariat dans son ensemble, de l'éventuel rétablissement de la conscription, ou du statut des futurs volontaires dans les armées.
(1) une définition contestable du volontariat
De manière très opportune, l'Assemblée
nationale a
intégré le volontariat au service national
rénové
, que le texte initial du projet de loi limitait au
recensement, à l'appel de préparation à la
défense " et à l'éventuel " appel sous les
drapeaux ". Le bénéfice de cette amélioration est
néanmoins réduit par une modification intervenue dans la
définition globale du volontariat, selon laquelle celui-ci constituerait
un " concours personnel ", et non plus
" personnel et
temporaire " à la communauté nationale. Loin d'avoir une
simple portée rédactionnelle, cette nouvelle définition
tend à accroître la
confusion entre le volontariat,
élément du futur service national impliquant une
participation non permanente à une mission d'intérêt
général
, et la
notion d'emploi
, qui s'appuie sur le
recours à des personnels non temporaires.
La définition des missions susceptibles d'être confiées aux
volontaires s'était, dans le cadre de l'examen du
précédent projet de loi, heurtée à la
difficulté de confier aux volontaires des activités à la
fois non permanentes et non "nécessaires au fonctionnement normal de
l'organisme d'accueil". En dépit de sa complexité, cette
démarche présentait au moins le mérite d'
éviter
tout chevauchement entre la notion de volontariat et celle d'emploi.
Le
volontariat auquel renvoie la présente réforme emprunte donc pour
partie à la logique du service national, et pour partie à la
notion d'emploi, essentiellement à cause de la
coïncidence entre
la mise en place des " emplois-jeunes " et l'examen du
présent
projet de loi.
(2) une banalisation accrue du rétablissement de la conscription
Il serait légitime de penser que, la défense de
notre pays reposant désormais sur une armée professionnelle, que
renforceront les futurs volontaires et réservistes, la
possibilité de rétablir la conscription ne devrait être
considéré que comme une assurance ultime contre un bouleversement
très grave de la situation internationale, susceptible d'affecter notre
sécurité et notre indépendance.
Or les critères devant présider au rétablissement de la
conscription par le législateur ont été brouillés
par leur extension, souhaitée par l'Assemblée nationale, au cas
où " les objectifs assignés aux armées "
nécessiteraient un tel retour en arrière. Les débats de
l'Assemblée nationale montrent très clairement que, apparemment
vagues et dénués de portée réelle, ces termes
visent la possibilité de rétablir le service national obligatoire
si les effets de la professionnalisation apparaissaient comme devant être
corrigés.
La modification adoptée par l'Assembée nationale introduit donc,
en réalité, une certaine vulnérabilité dans le
processus de professionnalisation, en présentant celui-ci d'ores et
déjà comme susceptible d'être prochainement remis en cause.
Cela ne revient-il pas à altérer la lisibilité de notre
politique de défense aux yeux de ceux qui la servent ?
(3) Un risque de confusion dû au statut des volontaires militaires
Les inconvénients dûs au statut des futurs volontaires dans les armées, tel que l'Assemblée nationale l'a complété, ont pour origine la volonté d'aligner les conditions d'accomplissement des volontariats sur celles des " emplois-jeunes " (durée, rémunération). Allant jusqu'au bout de cette logique, l'Assemblée nationale a poursuivi l' assimilation des volontariats à des emplois relevant d'une logique de carrière, en étendant aux volontaires de nombreuses dispositions de la loi n° 72-662 portant statut général des militaires (hiérarchie militaire, règles de discipline, notation, exercice des droits civils et politiques, obligations et responsabilité, couverture des risques et rémunérations ...). Ce quasi alignement du statut des futurs volontaires dans les armées sur celui des personnels qui ont vocation à y faire carrière -même pour une durée relativement brève- comporte le danger de banaliser la situation des engagés , en suscitant ce qui pourrait être perçu par ces derniers comme une concurrence de la part des volontaires. Or un effort tout particulier doit être consacré aux engagés pendant la période de professionnalisation.
2. Aménagements apportés à la conduite de la période de transition
Les modifications introduites par l'Assemblée Nationale dans les dispositions relatives à la période de transition concernent, d'une part, le renforcement de l'universalité du nouveau service national et, d'autre part, la prise en compte de la situation des jeunes gens soumis au service national obligatoire.
a) Accélérer l'universalité du service national
Souhaitant accélérer l'universalité du nouveau service national, l'Assemblée nationale a rapproché d'un an les échéances relatives à l'entrée en vigueur du service national rénové pour les jeunes filles . Celles-ci devraient donc être recensées à partir de 1999 au lieu de 2000, l'" appel de préparation à la défense " devant être mixte entre 1999 et 2001, pour accueillir les jeunes filles qui, nées après le 31 décembre 1982, accompliront l'" appel de préparation à la défense " entre leur seizième et leur dix-huitième anniversaire. Dans le même souci d'universalité s'inscrit l'insertion d'un article additionnel précisant que les préparations militaires sont ouvertes aux jeunes filles.
b) Une amélioration très relative de la situation des jeunes titulaires d'un contrat de travail incorporables d'ici 2002
Deux nouvelles dispositions, dont la portée
réelle semble limitée, relèvent de la volonté
d'atténuer, pour les jeunes gens appartenant aux dernières
classes soumises au service national obligatoire et disposant d'un
emploi
, les contraintes susceptibles de résulter de leur
incorporation.
- Le texte initial du présent projet reprenait les
modifications du
code du travail adoptées dans le cadre du précédent
projet,
afin que le contrat de travail des jeunes gens incorporés au
titre du service national obligatoire ne soit que
suspendu
pendant
celui-ci, et non plus rompu, ce qui implique la réintégration de
ces jeunes dans leur emploi lors de leur libération. Ces nouvelles
dispositions du code du travail mettent opportunément fin au
régime très instatisfaisant de la garantie très
théorique de réembauche à laquelle renvoie la
législation actuellement en vigueur. L'Assemblée nationale a tenu
à souligner les conséquences de la suspension du contrat de
travail, en rappelant que " la réintégration (du jeune
homme) dans l'entreprise est de droit ". Cette disposition ne modifie
cependant pas, sur le fond, les dispositions adoptées dans le cadre de
l'examen du précédent projet de loi.
- L'Assemblée nationale a également souhaité apporter une
réponse au problème posé par
l'incorporation des jeunes
gens titulaires d'un contrat de travail
, en permettant que soit
attribué aux jeunes gens titulaires d'un contrat de travail de droit
privé un report d'incorporation de deux ans au plus en ce qui concerne
les contrats à durée déterminée, et de deux ans
renouvelables dans le cas des contrats à durée
indéterminée. Comme le confirmera l'examen des articles, cette
formule ne devrait pas constituer une réponse claire au problème
posé par l'incorporation des jeunes gens titulaires d'un contrat de
travail. Elle pourrait de surcroît
compromettre la montée en
puissance de la professionnalisation.