EXAMEN DES ARTICLES
TITRE
PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AU RÉGIME
DES DÉCISIONS
ADMINISTRATIVES
Le titre premier prévoit le régime des procédures administratives non contentieuses applicable aux décisions prises par les autorités visées à l'article premier qui en définit le champ d'un point de vue organique.
Ont vocation à être soumises à ce nouveau régime juridique les décisions individuelles -à l'exclusion d'autres actes tels que des actes préparatoires ou déclaratifs- émanant des administrations de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics à caractère administratif, des organismes de sécurité sociale et des autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif.
Or, il apparaît qu'au nombre de ces décisions, toutes ne revêtent pas la nature de décisions administratives. En effet, certains organismes de sécurité sociale tels que les caisses primaires sont des organismes de droit privé et prennent, dans les relations qu'ils entretiennent avec leurs usagers, des décisions individuelles relevant du contentieux judiciaire. Aussi est-il nécessaire, pour mettre en cohérence l'intitulé du titre premier avec son champ d'application, d'en modifier le libellé. Votre commission des Lois vous propose un amendement à cet effet.
Article
premier
Définition des autorités administratives
Le premier alinéa de l'article premier définit le champ d'application du projet de loi d'un point de vue organique.
Il précise que devront respecter les obligations prévues par le titre premier les autorités administratives dont il dresse la liste : les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale ainsi que les autres organismes chargés d'une service public administratif.
Sont donc exclues de ce champ les autorités administratives indépendantes dont le régime des actes est fixé par les textes particuliers qui les régissent ainsi que les établissements publics industriels et commerciaux dont les éventuelles décisions à caractère administratif concernent des tiers plutôt que des usagers.
Sont en revanche inclus les organismes de sécurité sociale qui, pour certains d'entre eux, prennent des décisions relevant du droit privé.
L'essentiel de ce champ aurait pu être couvert par décret. Il s'inspire d'ailleurs largement du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers.
L'extension aux collectivités territoriales impliquait néanmoins l'intervention du législateur, en application de l'article 34 de la Constitution.
Le second alinéa de l'article premier, comme le fait le décret de 1983 précité, exclut en revanche l'application aux relations entre ces autorités administratives et leurs agents des articles du projet de loi relatifs à l'accusé de réception (article 2), à la transmission à l'autorité compétente (article 3), aux décisions implicites d'acceptation (article 5), aux modalités de retrait (article 6) et à la présentation préalable d'observations (article 7). L'Assemblée nationale y a apporté une modification rédactionnelle par coordination avec les amendements qu'elle avait adoptés à ces articles pour en intervertir l'ordre.
Cette exclusion résulte de l'existence, en matière de fonction publique, de règles de procédure spécifiques prévues par les statuts, généralement plus protectrices des droits des intéressés (communication du dossier par exemple).
Votre commission vous propose d'adopter conforme l'article premier.
Article
additionnel après l'article premier
Définition de la
" demande " au sens du titre premier
Les dispositions du titre premier, dans leur rédaction résultant de leur adoption par l'Assemblée nationale en première lecture, régissent les " demandes ou réclamations " adressées par le public aux autorités administratives visées à l'article premier.
L'utilisation de ce double vocable témoigne de la préoccupation d'éviter une interprétation restrictive du juge comme ce fut le cas pour la mise en oeuvre du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers, la jurisprudence du Conseil d'Etat (S.A. Laboratoire L. Lafon, 29 mars 1991) ayant considéré que la demande adressée à l'administration ne concernait pas les recours gracieux ou hiérarchiques. La rédaction retenue a en outre pour objet de reproduire le terme de " demande " résultant du décret du 28 novembre 1983 précité et le terme de " réclamation " utilisé par le décret du 11 janvier 1965 relatif aux délais de recours contentieux en matière administrative.
En dépit de ce souci de précision, il paraît préférable, pour une meilleure lisibilité des dispositions du titre premier et afin d'éviter les risques d'erreurs liés à la multiplicité des termes utilisés, d'employer un vocable générique unique et de le définir. C'est ce que vous propose votre commission par un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article premier .
Article
2
Accusé de réception
Cet article impose à l'ensemble des autorités administratives énumérées à l'article premier la délivrance d'un accusé de réception aux auteurs des demandes qui leur sont adressées. Cette exigence résulte aujourd'hui, pour les seuls services administratifs de l'Etat et ses établissements publics, de l'article 5 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers.
L'obligation instaurée par l'article 2 a vocation à s'appliquer non seulement aux demandes telles que définies par la jurisprudence du Conseil d'Etat pour la mise en oeuvre du décret susvisé mais aussi aux réclamations et aux recours administratifs gracieux ou hiérarchiques.
Des possibilités de dérogations et des limites à cette obligation sont cependant prévues.
En premier lieu, un décret en Conseil d'Etat devra déterminer les cas dans lesquels l'administration sera exemptée de l'exigence d'accuser réception de la demande en raison de la brièveté du délai qui lui est imparti pour répondre à l'administré ou lorsque la réponse attendue correspond à la fourniture d'une prestation ou d'un document dont la délivrance est prévue par un texte. Sont également réservés les cas où l'exigence d'un accusé de réception est d'ores et déjà régie par un texte prévoyant des modalités spécifiques. Cette précision traduit la préoccupation de ne pas substituer aux procédures existantes un régime uniforme qui pourrait se révéler inadapté.
En second lieu, l'autorité administrative ne sera pas tenue d'accuser réception des demandes revêtant un caractère abusif, ce caractère étant laissé à son appréciation sous réserve du contrôle a posteriori exercé par le juge. Sont en particulier susceptibles d'être qualifiées d'abusives les demandes répétitives ou systématiques.
Le champ d'application de l'article 2 instaurant l'obligation de délivrer un accusé de réception étant défini, les modalités de sa délivrance et les mentions qui devront y figurer seront déterminées par un décret en Conseil d'Etat. Ce décret devrait en particulier prévoir le délai imparti à l'autorité administrative pour accuser réception de la demande. Au nombre des mentions portées sur l'accusé de réception devraient également figurer la désignation du service compétent assortie du nom et des coordonnées de l'agent chargé d'instruire la demande, le délai au terme duquel la demande, à défaut de décision expresse, sera réputée acceptée ou rejetée, l'indication des éventuelles pièces manquantes nécessaires à l'instruction du dossier de même que celle des délais, des voies de recours et de la juridiction compétente. Rappelons qu'aux termes de l'article R 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les délais et les voies de recours doivent être mentionnés dans la notification de la décision, le non-respect de cette obligation étant sanctionné par l'inopposabilité desdits délais.
En ce qui concerne la sanction de l'obligation d'accuser réception de la demande, l'article 2 reproduit le dispositif figurant à l'article 5 du décret du 28 novembre 1983 : en l'absence d'accusé de réception ou lorsque l'autorité administrative ne s'est pas conformée aux conditions prescrites par le décret en Conseil d'Etat, le délai de recours contentieux ne court pas, il est inopposable à l'auteur de la demande qui peut donc attaquer la décision à tout moment. En revanche, lorsque l'accusé de réception est délivré dans les conditions prévues par le décret susvisé, le délai de recours contentieux court à compter de la notification de la décision à l'intéressé et non, comme cela résulte de la rédaction du deuxième alinéa de l'article 2, à compter de la transmission de l'accusé de réception. Aussi votre commission vous soumet-elle sur ce point un amendement de clarification.
Votre commission a en outre considéré que la sanction de l'inopposabilité des délais de recours en vertu de laquelle la décision peut être contestée par l'auteur de la demande à tout moment est préjudiciable à la stabilité des situations juridiques. Elle vous propose donc, par ce même amendement , de compléter le dispositif pour prévoir que, lorsque l'administration aura fait diligence et aura pris une décision expresse en réponse à la demande dans le délai au terme duquel, à défaut de décision explicite, une décision implicite serait intervenue, la possibilité d'attaquer la décision sera limitée au délai de recours contentieux, même si aucun accusé de réception n'a été délivré.
Il ne s'agit pas d'inciter l'administration à s'exonérer de l'obligation d'accuser réception des demandes qui lui sont adressées, d'autant qu'elle ne sera pas toujours en mesure d'apprécier d'emblée s'il lui sera possible de répondre expressément dans des délais restreints. Le dispositif proposé, dans l'esprit de simplification des procédures administratives qui sous-tend le projet de loi, invite au contraire l'administration à faire diligence, l'adoption d'une décision expresse étant toujours préférable pour l'administré, et évite que la décision ne demeure contestable indéfiniment.
Votre commission vous soumet en outre au premier alinéa de l'article 2 un amendement d'amélioration rédactionnelle ainsi que, sur l'ensemble de l'article, un amendement de coordination avec celui tendant à insérer un article additionnel après l'article premier pour défénir la demande.
Elle vous propose d'adopter l'article 2 ainsi modifié .
Article
3
Transmission de la demande à l'autorité compétente
Cet article prévoit que l'autorité administrative destinataire d'une demande à laquelle il ne lui appartient pas de répondre, dans la mesure où elle ne relève pas de son domaine d'attributions, doit la transmettre à l'autorité compétente .
Ce principe de transmission figure à l'article 7 du décret du 28 novembre 1983 qui dispose que toute autorité de l'Etat ou d'un établissement public administratif de l'Etat, saisie d'une demande dont l'examen relève d'une autre autorité, est tenue, quelle que soit la personne morale dont relève cette autorité, de transmettre la demande à l'autorité compétente.
A la différence du décret susvisé, l'article 3 prévoit une mesure d'information de l'auteur de la demande : en effet, l'autorité administrative saisie à tort doit aviser l'intéressé de la réorientation de son dossier.
En revanche, conformément au dispositif prévu par ledit décret, le présent article distingue des modalités différentes de computation des délais présidant à l'intervention d'une décision implicite, selon qu'elle est d'acceptation ou de rejet.
S'agissant d'une décision implicite de rejet , le délai au terme duquel elle intervient court à compter de la date de réception de la demande par l'autorité initialement saisie. Afin de préserver l'exercice d'un éventuel recours contentieux dans l'hypothèse de l'intervention d'une décision implicite de rejet, il conviendra que l'avis de transmission délivré par l'autorité initialement saisie à tort mentionne la date à laquelle elle a reçu la demande.
Au contraire, concernant une décision implicite d'acceptation , le point de départ du délai est la date de réception de la demande par l'autorité compétente. Dans ce dernier cas, il est précisé que l'autorité compétente, saisie in fine, délivre l'accusé de réception, lequel doit mentionner la date à laquelle la demande lui est parvenue.
Cette dernière précision étant susceptible de laisser accroire, par un raisonnement a contrario, que pour les décisions implicites de rejet l'accusé de réception serait délivré par l'autorité initialement saisie, votre commission vous soumet un amendement de clarification tendant d'une part à supprimer la dernière phrase de l'article 3 et d'autre part à indiquer que l'accusé de réception est, dans tous les cas, délivré par l'autorité compétente.
Quant à l'indication de la date de réception par l'autorité compétente sur l'accusé de réception, elle constitue une précision d'ordre réglementaire qui devra figurer au nombre des mentions définies par le décret en Conseil d'Etat prévu au premier alinéa de l'article 2.
Votre commission vous soumet par ailleurs un amendement d'ordre rédactionnel portant sur le premier alinéa de l'article 3 et un amendement de coordination avec celui tendant à insérer un article additionnel après l'article premier pour définir la demande.
Elle vous propose d'adopter l'article 3 ainsi modifié .
Article
4
Décisions implicites de rejet
L'article 4, tel que modifié par l'Assemblée nationale, traite désormais des décisions implicites de rejet -disposition qui figurait à l'article 7 du projet de loi initial-.
Sans modifier le fond, l'Assemblée nationale a estimé préférable de faire figurer en tête des deux articles consacrés aux décisions implicites la consécration législative du principe de droit commun selon lequel le silence gardé par l'administration pendant un certain délai vaut décision implicite de rejet.
Cette règle a été introduite par un décret de 1864 pour les recours gracieux auprès des ministres puis élargie par la loi du 7 juillet 1900. Elle était à l'origine destinée à faire naître, en cas d'inertie de l'administration, la décision préalable nécessaire à tout recours contentieux devant le Conseil d'Etat.
Ce principe fut étendu aux tribunaux administratifs par le décret de 1953 et modulé par la loi du 7 juin 1956. Après l'adoption de la Constitution de 1958, la règle générale a été posée par le décret du 11 janvier 1965 : " Le silence gardé pendant plus de 4 mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet ".
De nombreux textes, soit législatifs, soit réglementaires, (autonomes ou d'application) régissent toutefois les conséquences du silence de l'administration spécifiant, selon les cas, tantôt qu'il vaut rejet, tantôt qu'il entraîne acceptation et fixant le cas échéant des délais particuliers.
A l'occasion de leur application, le Conseil d'Etat s'est prononcé de nombreuses fois, implicitement ou explicitement, en faveur de la régularité de dispositions réglementaires ayant donné au silence gardé par l'administration pendant un certain délai la valeur d'une acceptation (notamment : Epoux Richet, 25 mars 1966, commune de Bozas, 27 février 1970).
Il a cependant qualifié le silence valant rejet de " règle générale relative à l'un des modes de liaison du contentieux devant les juridictions administratives " pour exclure qu'il y fût dérogé par un simple arrêté (Sieur Vilain, 23 avril 1975). Mais il n'a jamais reconnu à cette règle une valeur supra-décrétale et ne l'a jamais étendue sans texte.
A contrario, le Conseil constitutionnel , dans sa décision du 26 juin 1969 (Protection des sites), a érigé en principe général du droit la règle selon laquelle le silence gardé par l'administration vaut rejet. Il a confirmé cette position dans sa décision du 18 janvier 1995 (Vidéo-surveillance) : " Le législateur peut déroger au principe général selon lequel le silence de l'administration pendant un délai déterminé vaut rejet de la demande. ".
Le régime juridique actuel découlant de l'application stricte des décisions " protection des sites " et " vidéo-surveillance " serait donc le suivant :
- " D'après un principe général de notre droit, le silence gardé par l'administration vaut décision de rejet " (protection des sites 1969).
- Dans certaines espèces (protection des sites), seul le législateur peut déroger à ce principe (en inversant les conséquences du silence). En revanche, les modalités d'application (délais, formalités...) qui ne mettent en cause " aucun des principes fondamentaux ni aucune des règles que l'article 34 de la Constitution a placés dans le domaine de la loi " relèvent du pouvoir réglementaire.
- En revanche, dans d'autres espèces (" Vidéo-surveillance "), même le législateur ne peut y déroger (" compte tenu des risques que peut comporter pour la liberté individuelle l'installation de systèmes de vidéo-surveillance "). S'il instaurait dans ce cas un régime d'autorisation tacite, il priverait " de garanties légales les principes constitutionnels ".
D'une manière générale, le Conseil constitutionnel donne aux principes généraux du droit une valeur au moins législative. Ces deux décisions sont considérées par les commentateurs comme s'inscrivant dans cette ligne bien qu'elles semblent laisser ouverte une possibilité pour le règlement d'inverser le principe dans d'autres espèces (en tout état de cause lorsqu'aucune liberté publique ou aucun principe constitutionnel ne serait en jeu).
Les articles 4 et 5 du projet de loi sont la traduction de cet état du droit.
L'article 4 confirme le régime de droit commun actuel : le silence gardé par l'administration pendant un certain délai vaut décision implicite de rejet de la demande. La novation résulte dans la réduction de 4 mois à 2 mois de ce délai, sauf lorsque la complexité ou l'urgence justifie qu'un décret en Conseil d'Etat fixe un délai plus long ou plus court.
L'exception de la décision implicite d'acceptation est réservée par un renvoi à l'article 5.
Pourvu de ce cadre juridique, le domaine des décisions implicites d'acceptation est appelé à s'étendre.
Votre commission vous proposera de supprimer le deuxième alinéa de cet article par un amendement de coordination avec l'insertion de l'article additionnel après l'article premier. Celui-ci ayant défini les " demandes " au sens du présent titre, il n'est plus nécessaire de mentionner spécifiquement à l'article 4 les recours gracieux et hiérarchiques qui sont inclus dans le terme " demande ".
Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 ainsi modifié.
Article
5
Décisions implicites d'acceptation
L'article 5 donne un cadre législatif à l'intervention des décrets en Conseil d'Etat qui prévoiront, par dérogation à la règle de la décision implicite de rejet posée à l'article 4, les cas dans lesquels le silence gardé par l'administration pendant un certain délai vaudra acceptation.
Ici encore le délai de droit commun est réduit à deux mois mais en cas d'urgence ou pour les affaires complexes un délai différent pourra être prévu.
Tenant compte des décisions du Conseil constitutionnel (cf. commentaire de l'article 4 ci-dessus), l'article 5 prévoit toutefois que l'acceptation tacite ne peut être établie par décret lorsque " les engagements internationaux de la France, l'ordre public, la protection des libertés ou la sauvegarde des principes de valeur constitutionnelle s'y opposent ". Il l'exclut également pour les demandes portant sur une dette ou une créance de l'autorité administrative.
En conséquence, dans ces cas et sous le contrôle du Conseil d'Etat, il ne pourra être dérogé à la règle du silence valant rejet par décret. Seule la loi pourrait alors établir un régime d'acceptation tacite, sous le contrôle du Conseil constitutionnel auquel il est arrivé de ne pas admettre un tel régime (décision vidéo-surveillance précitée). Le pouvoir réglementaire demeurerait, en tout état de cause, compétent pour les modalités.
L'article 5 renvoie également au règlement la définition des modalités d'information des tiers en cas de décision implicite d'acceptation. Ces formalités sont essentielles pour la computation des délais de recours des tiers (cf. commentaire de l'article 6).
Votre commission vous proposera à cet article quatre amendements de précision rédactionnelle.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 5 ainsi modifié .
Article
6
Retrait pour illégalité
Cet article, relatif au régime juridique applicable en matière de retrait des décisions implicites d'acceptation illégales, revient sur la jurisprudence Eve du Conseil d'Etat, du 14 novembre 1969.
En vertu de cette jurisprudence, toute possibilité de retrait d'une décision implicite d'acceptation, par l'administration qui en est l'auteur ou par l'autorité hiérarchique, est exclue, même pendant le délai de recours contentieux, dès lors que cette décision n'a pas fait l'objet de mesures d'information. Ainsi, l'absence de publicité à l'égard des tiers a pour conséquence le non-déclenchement du délai de recours, l'administration étant dessaisie dès l'intervention de la décision.
Le Conseil d'Etat a considéré que la solution inverse, permettant le retrait à tout moment, c'est-à-dire l'annulation à tout moment par l'autorité administrative, aurait consacré une insécurité juridique excessive au détriment du destinataire de la décision, incitant en outre l'administration à s'abstenir de répondre expressément pour bénéficier de la possibilité de revenir à toute époque sur sa décision d'acceptation.
L'article 6, dans sa version initiale , autorise le retrait de la décision implicite d'acceptation entachée d'illégalité, pendant le délai de recours contentieux ouvert aux tiers -c'est-à-dire pendant le délai de deux mois à compter de la publication ou, le cas échéant, de l'affichage de la décision- et pendant la durée de l'instance, lorsque des mesures permettant leur information sont prévues par un texte et, quand de telles mesures ne sont pas prévues, pendant le délai de deux mois à compter de l'intervention de la décision. Dans ce dernier cas, l'absence de prévision d'une quelconque mesure d'information laisse supposer que les tiers ne peuvent être concernés, ce qui prive de pertinence la référence au délai de recours contentieux.
En dépit de cette considération, l'Assemblée nationale , lors de l'examen en première lecture, a préféré une rédaction plus synthétique aux termes de laquelle " pendant le délai de recours contentieux " -c'est-à-dire celui ouvert aux tiers puisque par définition la décision implicite d'acceptation est favorable à son destinataire qui n'aura pas intérêt à l'attaquer- " l'autorité administrative peut retirer, pour illégalité, toute décision implicite d'acceptation ".
Ainsi, comme le proposait la rédaction initiale de l'article 6, le dispositif revient sur la jurisprudence Eve : l'administration bénéficie d'un droit de repentir, même dans le cas où la décision implicite d'acceptation n'a pas fait l'objet de mesures d'information.
Toutefois, comme d'ailleurs le projet de loi initial, il laisse subsister, dans les cas où l'administration n'aurait pas satisfait à l'obligation de publication de la décision lorsqu'elle est prévue par les textes , la possibilité pour elle de retirer ladite décision à tout moment. Cette situation, que la jurisprudence Eve consacrant le dessaisissement de l'administration avait pour objet d'éviter afin que l'autorité administrative ne puisse se ménager une possibilité de retrait en s'exonérant des formalités de publicité, est aggravée dans le contexte du projet de loi qui prévoit la multiplication des cas de décisions implicites d'acceptation.
Aussi votre commission, avec la préoccupation de concilier à la fois les impératifs de l'ordre public en permettant le retrait de l'ordonnancement juridique des décisions illégales, la stabilité des décisions pour leurs destinataires et les droits des tiers, vous soumet un amendement tendant à ce que, lorsqu'une décision implicite d'acceptation n'a pas fait l'objet des mesures d'information requises, la possibilité de repentir ouverte à l'administration ne soit pas illimitée dans le temps comme l'est la faculté de recours contentieux offerte aux tiers, mais soit limitée, lorsque l'initiative appartient à l'administration, au délai de deux mois à compter de l'intervention de la décision.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 6 ainsi modifié .
Article
7
Observations de l'intéressé préalables à la
décision
L'article 7, tel que modifié par l'Assemblée nationale, traite de l'obligation de recevoir les observations de l'intéressé -disposition qui figurait à l'article 4 du projet de loi initial.
Modifié seulement formellement par l'Assemblée nationale, cet article reprend une disposition figurant à l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 précité pour en étendre le champ aux autorités administratives au sens du présent titre.
L'obligation de recevoir préalablement à la décision les observations écrites de l'intéressé et, le cas échéant, sur sa demande, ses observations orales est étroitement délimitée :
1) elle ne s'applique qu'aux décisions qui doivent être motivées, ce qui renvoie principalement aux décisions défavorables de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
2) elle ne s'applique pas aux décisions prises en réponse à une demande, pour lesquelles l'intéressé en formulant sa requête est à même de formuler ses observations ;
3) elle ne s'applique pas non plus en cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ou lorsqu'elle pourrait compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ;
4) elle ne s'applique pas lorsqu'une procédure contradictoire particulière est prévue, notamment celle de l'article L. 80D du livre des procédures fiscales.
Cette dernière limitation ne figure pas actuellement dans le décret de 1983 mais est admise par la jurisprudence.
Votre commission vous proposera à cet article deux amendements destinés à en préciser la rédaction.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 7 ainsi modifié .