B. UNE COOPÉRATION MUSÉALE EXEMPLAIRE ENTRE LA FRANCE ET LA CÔTE D'IVOIRE
Ce délai juridique contraste avec la célérité des opérations muséales préparatoires au retour du tambour sur le sol ivoirien, dont les conditions matérielles et méthodologiques apparaissent réunies.
1. Au musée du quai Branly-Jacques Chirac, l'achèvement du protocole de restauration
Sur le territoire français, ces opérations ont été mises en oeuvre dès 2022 par le musée du quai Branly-Jacques Chirac. Après un premier échange avec la ministre de la culture ivoirienne en mai 2022, un protocole de conservation et de restauration, rendu nécessaire par les conditions de stockage du tambour par l'administration coloniale française, a été défini en partenariat scientifique entre le musée du quai Branly-Jacques Chirac, le MCCI et la communauté atchan. Le musée a ensuite accueilli en novembre 2022 une cérémonie de désacralisation préalable à la mise en oeuvre de ce traitement, qui a été achevé le 27 décembre 2022.
2. En Côte d'Ivoire, d'importants investissements opérationnels et financiers de l'AFD et d'Expertise France
Sur le territoire ivoirien, une coopération muséale de grande ampleur visant à adapter les infrastructures du MCCI d'Abidjan à la conservation et à l'exposition du tambour a été engagée en octobre 2023, et devrait s'achever à l'été 2025.
D'un montant de 4,35 millions d'euros, ce projet associe, sous le pilotage du MCCI, l'agence française de développement (AFD), Expertise France et des entreprises françaises d'ingénierie culturelle. L'appui opérationnel et financier apporté par la France mobilise des crédits du contrat de désendettement et de développement (C2D)2(*) passé en 2021 avec la Côte d'Ivoire.
Les opérations programmées comportent plusieurs volets :
un important volet de conservation préventive, qui se traduit à la fois dans la conception du bâtiment et dans les modalités retenues pour la présentation du tambour au public ;
un travail sur la scénographie de l'exposition, élaborée en lien avec la communauté atchan ;
la communauté atchan est également associée à la mise en récit de l'histoire du tambour, construite avec l'appui d'une commission scientifique, dans l'ambition d'aboutir à une histoire partagée entre la France et la Côte d'Ivoire ;
le volet de médiation repose notamment sur la numérisation 3D des pièces du musée, à laquelle les équipes du MCCI ont été formées, et qui permet également de sécuriser les collections et de favoriser la recherche scientifique. La version numérisée de Djidji Ayôkwê a été diffusée lors de la cérémonie d'ouverture de la dernière coupe d'Afrique des nations (CAN).
Ces quatre axes sont complétés par un projet global de valorisation du patrimoine ivoirien, qui permettra d'inscrire la dynamique ainsi initiée dans la durée. Celui-ci comprend notamment la rédaction d'un livre blanc visant à structurer la politique muséale ivoirienne, le développement de partenariats institutionnels, notamment avec l'école du Louvre, ainsi que des opérations de formation et de professionnalisation des conservateurs à l'échelle régionale.
Les méthodes ainsi mises en oeuvre correspondent largement aux préconisations formulées par la commission dans son rapport de 2020 sur les restitutions d'oeuvres d'art3(*), qui a notamment recommandé le développement d'une expertise scientifique préalable à toute opération de restitution, la formation des professionnels des musées dans les pays demandeurs, la mise en place de partenariats en matière de conservation et de restauration, la numérisation des collections occidentales et le développement d'interactions entre acteurs muséaux et universitaires sur les recherches de provenance, en y associant l'école du Louvre.
Le rapporteur souligne l'exemplarité du projet muséal ivoirien suscité par la perspective du retour du tambour, qui associe une forte dynamique de coopération à la construction d'un récit historique partagé, sur la base d'une solide expertise scientifique. Cette démarche, qui correspond aux préconisations de la commission dans ses travaux de contrôle, permet une réappropriation de son patrimoine par la Côte d'Ivoire en même temps qu'une analyse de son passé colonial par la France.
* 2 Cet outil contractuel permet de convertir la dette des pays pauvres très endettés en programmes de développement dont la mise en oeuvre et le suivi sont confiés à l'AFD.
* 3 Le retour des biens culturels aux pays d'origine : un défi pour le projet universel des musées français, rapport d'information n° 239 (2020-2021), déposé le 16 décembre 2020 par Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la mission, et MM. Max Brisson et Pierre Ouzoulias, rapporteurs.