B. LES CAPACITÉS FRANÇAISES
Les projets de capture et stockage du CO² se développent principalement autour de « Hub CO² », et sont principalement situés dans des zones industrialo-portuaires fortement émettrices et disposant d'un accès à la mer permettant d'exporter le CO² vers des sites de stockage situés en mer du Nord ou en mer Méditerranée. Ces projets de « Hub CO² » se structurent dans le cadre de projets d'intérêt commun (PIC) ou mutuel (PIM), puisque ces « labélisations » européennes leur permettent de candidater pour l'obtention de subventions européennes.
Les projets en cours : - Projet D'ARTAGNAN : projet dunkerquois rattaché au « super PIC » Nautilus porté par Air Liquide. Sa phase I consiste en un réseau de canalisations en Y de 1,5 Mt/an reliant 2 émetteurs, Eqiom et Lhoist au futur terminal d'export CO² qui sera construit sur l'emprise du terminal LNG de Dunkerque LNG. Les projets « K6 » d'Eqiom à Lumbres et « CalCC » de Lhoist à Réty sont tous deux lauréats du Fonds Innovation du Système d'Echange de Quotas d'Emissions de l'Union Européenne (SEQE-UE) pour leurs projets de capture du CO² (153 M€ et 125 M€ reçus respectivement). D'Artagnan a été sélectionné en 2024 par le fonds européen « Connecting Europe Facilities - Energy » ou CEF-E et recevra une subvention de 161 M€. Démarrage en 2028. En phase II, la capacité espérée est de 4 MtCO²/an avec le raccordement d'autres émetteurs. - Projet EU2NSEA : il s'agit d'un projet de canalisation offshore au départ de Dunkerque vers la Belgique, qui se raccorderait à une canalisation offshore de plus de 1 000 km au départ de Zeebrugge vers un cluster de sites de stockage en Mer du Nord au large des côtes norvégiennes. Le calendrier annoncé permettrait à des émetteurs dunkerquois participant au projet d'exporter 5 Mt par an de CO² dès 2029. Pas de financement européen à ce jour. - Projet ECO²NORMANDY : autre projet rattaché au « super PIC » Nautilus qui vise le développement d'infrastructures partagées pour le transport vers la zone portuaire du Havre de CO² émis par différents émetteurs du bassin de la Seine normande (de Rouen au Havre), puis sa liquéfaction et son stockage temporaire avant chargement sur des bateaux à destination de sites de séquestration géologique en Mer du Nord. D'ici 2030, le hub normand espère atteindre une capacité de 1,2 MtCO² par an, puis le double 3 ans plus tard. Pas de financement européen à ce jour. - Projet CALLISTO : porté par Air Liquide et ENI, il vise la création sur un des terminaux méthaniers de Fos-sur-Mer d'un port d'export de CO² vers des stockages offshores en Mer Adriatique au large de Ravenne. C'est ainsi 1,6 Mtpa de CO² français qui pourraient être transportées par bateau vers le hub d'import de Ravenne à partir de 2027-2028, avec un objectif de plus de 5 Mtpa après 2035. Pas de financement européen à ce jour. - Projet GOCO² : projet de port d'export à Saint-Nazaire rattaché au « super PIC » néerlandais ARAMIS porté par TotalEnergies, Shell, EBN, Gasunie et Vopak. La première phase du projet Aramis sera conçue pour un minimum de 5 Mtpa, avec un potentiel d'extension jusqu'à une capacité totale de 22 Mtpa. Quant au projet GO CO² (pour Grand Ouest CO²), il vise le développement d'infrastructures partagées - canalisations et terminal d'export - pour le transport de CO² émis par différents émetteurs des environs de Nantes. Le calendrier annoncé permettra aux émetteurs participant au projet d'exporter 2,3 Mt par an de CO² dès 2030, avec une progression possible jusqu'à 4 Mt. GOCO² est soutenu par Elengy, Lafarge, GRTgaz, Ciments Calcia, Lhoist et TotalEnergies. Pas de financement européen à ce jour pour la branche française. - Projet PYCASSO (pour information) : Le projet PYCASSO vise à transporter puis stocker dans la région du Piémont pyrénéen du CO² émis dans le Sud-Ouest de la France et dans le Nord de l'Espagne. Il n'est pas concerné par l'amendement du Protocole de Londres puisqu'il s'agit d'un stockage onshore (prévisions de stockage de 1,5 Mtpa à partir de 2030-2031). La pré-sélection par le Fonds Innovation du SEQE-UE du projet « CarboClearTech » porté par Lafarge Ciments à Martres-Tolosane a récemment été annoncé. Le projet devrait donc recevoir une subvention pour la capture du CO² de son site et son stockage au sein du gisement de Lacq-Meillon. |
Si la France développe des projets à moyens et long terme, elle n'est pas en avance par rapport à ses voisins d'Europe du Nord.
En particulier, ces projets concernent le transport du CO² hors de France pour l'exporter vers d'autres États riverains.
La France n'a aucun projet de stockage off-shore, malgré ses 12 territoires ultramarins et l'étendue de sa mer territoriale. En réalité, aucune recherche n'a été effectuée pour trouver des zones possibles de stockage.
Concernant le stockage on shore, la France a deux projets de capacités souveraines de stockages exploitables qui devraient être disponibles à échéance de 2035.
En effet, pour être rentable, ces zones de stockage doivent répondre à plusieurs critères.
En plus des critères pour assurer la pérennité d'un site de stockage géologique sur le long terme, la capacité de stockage du site est un critère important de sélection. Plus le site est capable d'accueillir un grand volume de CO² et plus il sera intéressant d'un point de vue économique (rentabilité des investissements engagés).
En France, les capacités de stockage géologique sont estimées aux alentours de plusieurs giga tonnes de CO². Ainsi le volume des sites de stockages géologiques ne serait a priori pas une contrainte pour la mise en place d'une chaîne CSC.
La répartition de ces zones est très inégale et pas forcément à proximité des sites émetteurs : le potentiel le plus important se trouve dans le bassin parisien avec une capacité de stockage des émissions des sites industriels du Nord de la France, du Grand Est et de la région parisienne via des aquifères salins ou réservoirs déplétés.
Le bassin aquitain serait aussi favorable pour du stockage géologique du CO². Le principal avantage serait la réutilisation des infrastructures existantes des exploitations gazières (canalisations, puits d'injections et anciens réservoirs gaziers bien caractérisés). Un projet pilote sur toute la chaîne CSC a été mis en place par Total sur la zone de Lacq avec succès.
Pour le bassin sud-est, des études de caractérisation sont encore nécessaires pour qualifier les réservoirs potentiels de stockage géologique de CO² et estimer les capacités. Sur la base des connaissances actuelles, il n'y a pas de possibilité de stockage en région AURA.
Pour la région PACA, le projet VASCO10 a réalisé une première recherche d'identification de sites potentiels. Les résultats n'ont pas abouti à l'identification d'un site de stockage avec les capacités requises (de 10 à 20 MtCO² stockées/an)2(*).
Il faut préciser que la France dispose de deux leaders mondiaux en matière de brevets liés aux technologies bas carbone : le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) occupe la première place du classement mondial et l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles, la quatrième place.
* 2 https://librairie.ademe.fr/ged/81/captage-stockage-geologique-CO²_csc_avis-technique_2020.pdf