N° 258
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 janvier 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées (1)
sur le projet de loi autorisant la ratification de
la résolution LP.3(4) portant
amendement de l'article 6 du
Protocole de Londres de
1996 à la Convention de 1972 sur la
prévention de la
pollution des mers
résultant de l'immersion de
déchets
et autres
matières (procédure
accélérée),
Par M. Philippe FOLLIOT,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Jean-Baptiste Lemoyne, Claude Malhuret, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury, Jean-Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; MM. Étienne Blanc, Gilbert Bouchet, Mme Valérie Boyer, M. Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Joël Guerriau, Ludovic Haye, Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mmes Gisèle Jourda, Mireille Jouve, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi, Ronan Le Gleut, Didier Marie, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot, MM. Stéphane Ravier, Jean-Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie.
Voir les numéros :
Sénat : |
715 (2023-2024) et 259 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
L' amendement à l'article 6 du Protocole de Londres de 1996, porté par le projet de loi, qui date déjà de 2009, est important à plusieurs titres.
D'abord parce qu'il traite d'un sujet environnemental relatif à la protection des océans, soit de 70% de la surface du globe.
Ensuite, parce qu'il fait partie des outils à notre disposition pour atteindre l'objectif de décarbonation.
Enfin, car il pose de véritables questions liées à la souveraineté nationale en matière d'enfouissement de notre CO² résiduel, puisque la France ne dispose pas à ce jour de zones de stockage opérationnelles.
La protection des océans est devenue un enjeu international avec l'adoption de la Convention de Londres relative à l'immersion de déchets en mer de 1972. Elle interdit l'immersion de certaines matières dangereuses et subordonne l'immersion des autres matières sous réserve de la délivrance préalable d'un permis.
Le Protocole de 1996 inverse la logique : seule est autorisée l'immersion des déchets et matières énumérés dans une annexe.
Cette annexe a été complétée en 2006 en ajoutant à la liste les flux de CO² provenant des processus de captage du CO².
Le présent amendement a pour objet d'autoriser l'exportation de CO² vers des États riverains afin de procéder à son stockage off-shore.
I. LA PROTECTION DES OCÉANS, UNE PRISE EN COMPTE INTERNATIONALE
A. L'ACCORD DE LONDRES
La Conférence intergouvernementale sur la Convention relative à l'immersion de déchets en mer, qui s'est réunie à Londres en novembre 1972 sur l'invitation du Royaume-Uni, a adopté cet instrument, généralement connu sous le nom de Convention de Londres.
La Convention de Londres, l'une des premières conventions internationales pour la protection du milieu marin contre les activités humaines, est entrée en vigueur le 30 août 1975.
Elle est administrée par l'Organisation maritime internationale (OMI) depuis 1977.
La Convention de Londres contribue au contrôle et à la prévention de la pollution des mers à l'échelle internationale, en interdisant l'immersion de certaines matières dangereuses. De plus, l'immersion d'un certain nombre d'autres matières énumérées est subordonnée à la délivrance préalable d'un permis spécifique tandis que l'immersion de tous les autres déchets est subordonnée à la délivrance préalable d'un permis général.
« L'immersion » est définie comme signifiant l'élimination délibérée dans la mer de déchets ou autres matières à partir de navires, aéronefs, plates-formes ou autres ouvrages artificiels, ainsi que le sabordage en mer de ces navires ou plates-formes. Les annexes énumèrent les déchets dont l'immersion est interdite et ceux pour lesquels un permis spécifique d'immersion est requis.
Des amendements adoptés en 1993 (entrés en vigueur en 1994) interdisaient l'immersion en mer de déchets faiblement radioactifs. De plus, ils prévoyaient l'élimination progressive de l'immersion de déchets industriels avant le 31 décembre 1995 et l'interdiction d'incinérer en mer des déchets industriels.
B. LE PROTOCOLE DE LONDRES
Ce protocole, conclu en 1996 est destiné à moderniser et à remplacer la Convention de 1972, lorsque toutes les parties à la Convention de Londres auront ratifié le Protocole.
Il adopte une approche plus stricte et plus préventive : alors que la Convention liste en annexe les déchets dont l'immersion est interdite ou règlementée, en vertu du Protocole, toute immersion est interdite, et ce sont les déchets dont l'immersion est autorisée (au titre de laquelle un permis d'immersion est néanmoins requis) qui sont listés en annexe.
Il est entré en vigueur le 24 mars 2006 et il y a actuellement 55 Parties contractantes, dont la France.
Depuis l'entrée en vigueur du Protocole, différents amendements ont été adoptés, mais ne sont pas tous entrés en vigueur ou ratifiés par toutes les Parties, et des travaux sont menés visant à augmenter le nombre d'adhésions aux amendements restés en suspens.
La loi du 16 octobre 2003 autorisant l'adhésion de la France au protocole de 1996 à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion des déchets est parue dans le Journal officiel de la République française après que le Sénat et l'Assemblée Nationale ont autorisé le Gouvernement français à ratifier le Protocole en 2003.
Le 16 décembre 2005, lors de la 27ème réunion des parties contractantes à la Convention de Londres, la délégation française a informé la réunion que son pays, contractant au Protocole de Londres depuis février 2004, avait adapté sa législation nationale en conséquence en 2005 et mettait déjà en oeuvre les dispositions du Protocole avant son entrée en vigueur.
Le Protocole de Londres est entré en vigueur le 24 mars 2006. Il était conditionné par son approbation par 26 États, dont 15 devaient également être Parties à la convention de 1972 et pour lesquels le protocole se substituerait à la Convention.
II. LA CAPTURE ET LE STOCKAGE DU CO² (CSC) : UNE TECHNOLOGIE NÉCESSAIRE POUR ATTEINDRE LA NEUTRALITÉ CARBONE
A. UNE TECHNOLOGIE QUI A FAIT SES PREUVES
La capture du CO² sur un site industriel vise à extraire le CO² issu du processus industriel et à le concentrer. Plusieurs technologies de capture existent et leur choix dépend de la nature et de la concentration en CO² de la source, ainsi que de la possibilité de valoriser de la chaleur de récupération, dite chaleur fatale disponible sur le site.
Les principales technologies regroupent le captage aux amines (solvants), l'oxycombustion (permettant de concentrer le CO² avant son captage) ou encore le captage cryogénique (séparation du CO² à basse température).
Les technologies de captage présentent des cas d'usage et des degrés de maturité différents. La capture aux amines constitue aujourd'hui la solution la plus largement déployée. La capture du CO² est déjà déployée au sein de nombreuses industries, et en particulier la production d'ammoniaque, le raffinage, et le traitement des gaz issus de l'exploitation de gaz fossiles.
Le transport du CO² consiste à acheminer le CO² capté vers des lieux de stockage ou d'utilisation, situés en mer ou sur terre, par canalisations ou bateaux, ou, dans le cas de volumes plus réduits, en trains, barges, camions etc.
La logistique du CO² des sites émetteurs vers les lieux de stockage ou d'utilisation nécessite le déploiement d'infrastructures de transport et de conditionnement (canalisation, terminal de liquéfaction...) similaires à celles utilisées pour le transport de gaz ou du pétrole.
S'agissant du stockage, à terre ou en mer, le CO² est injecté grâce à un puits dans les couches géologiques marines, soit sous forme dense à plus de 800 m de profondeur à compter des fonds marins, soit sous forme dissout dans les saumures (eaux salines) contenues dans le sous-sol marin. Une fois injecté dans le réservoir, le CO² reste piégé par une couche étanche au CO² dite de couverture (généralement argileuse).
Le CSC a été initialement développé dans les années 70 pour l'exploitation pétrolière. Cette technologie est ensuite apparue prometteuse pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dès le début des politiques climatiques européenne dans les années 2000, avec une Directive CSC 2009/31 indiquant dans son considérant 5 « Selon les premières estimations réalisées pour évaluer l'impact de la directive, et mentionnées dans l'analyse d'impact effectuée par la Commission, 7 millions de tonnes de CO² pourraient être stockées en 2020 et jusqu'à 160 millions de tonnes en 2030, en partant d'une hypothèse de 20 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020 et pour autant que le CSC bénéficie d'un soutien du secteur privé ainsi qu'au niveau national et communautaire et s'avère être une technologie sûre d'un point de vue environnemental. ». Cette technologie a notamment été perçue comme pertinente pour réduire certaines émissions « difficiles à réduire » (émissions de procédé dans l'industrie comme le ciment notamment).
A ce jour, plusieurs projets avancent en Europe.
Aux Pays-Bas, TotalEnergies, Shell Pays-Bas, EBN et Gasunie s'associent pour développer le projet Aramis qui permettra le développement conjoint d'une nouvelle infrastructure de transport de CO² pour son stockage off-shore dans les eaux territoriales néerlandaises. Le démarrage des opérations est prévu en 2026.
Au début de l'année 2023, au Danemark, TotalEnergies a obtenu deux permis pour le stockage de CO² en mer du Nord portant sur une surface de 2 118 km², à environ 250 km de la côte occidentale du Danemark
TotalEnergies a également obtenu deux permis pour explorer le potentiel de stockage de CO² dans les eaux danoises de la mer du Nord. Ces permis portent sur une surface de 2 118 kilomètres carrés à environ 250 kilomètres de la côte occidentale du Danemark.
Ils couvrent une zone comportant les champs gaziers de Harald, actuellement opérés par TotalEnergies et pour lesquels la compagnie évalue déjà le potentiel de stockage de CO² dans le cadre du projet Bifrost, ainsi qu'un aquifère salin susceptible d'augmenter les volumes stockés et d'apporter ainsi une solution compétitive sur le marché.
En Norvège, TotalEnergies et ses partenaires Equinor et Shell annoncent l'achèvement des installations de réception et de stockage du CO² de la Joint-Venture Northern Lights. Ces installations comportent un terminal de réception des cargaisons de CO², un pipeline sous-marin de 100 km permettant de transporter le CO² vers le site de stockage offshore et des installations sous-marines d'injection destinées à assurer le stockage sécurisé et permanent du CO² dans un réservoir situé à 2 600 mètres sous le fond marin.
Northern Lights est maintenant prête à recevoir et stocker de manière permanente le CO² émis par les industriels européens. Le début des opérations est prévu pour 2025. C'est le premier projet au monde de transport et de séquestration de CO² ouvert aux industriels, détenu à parts égales par TotalEnergies, Equinor et Shell. Opérationnelles depuis septembre 2024, les installations de la première phase du projet permettent de stocker jusqu'à 1,5 million de tonnes de CO² par an.
Toutefois, comme l'indique un article du journal Le Monde du 7 janvier 20251(*), « la coentreprise Northern Lights, financée par Shell, TotalEnergies et Equinor, a inauguré, en septembre 2024, ses douze réservoirs, à Oygarden, sur la côte sud-ouest du pays. Mais, pour l'heure, les industriels censés procéder au captage du CO2 ne se pressent pas ». C'est la question du modèle économique qui se pose.
B. LES CAPACITÉS FRANÇAISES
Les projets de capture et stockage du CO² se développent principalement autour de « Hub CO² », et sont principalement situés dans des zones industrialo-portuaires fortement émettrices et disposant d'un accès à la mer permettant d'exporter le CO² vers des sites de stockage situés en mer du Nord ou en mer Méditerranée. Ces projets de « Hub CO² » se structurent dans le cadre de projets d'intérêt commun (PIC) ou mutuel (PIM), puisque ces « labélisations » européennes leur permettent de candidater pour l'obtention de subventions européennes.
Les projets en cours : - Projet D'ARTAGNAN : projet dunkerquois rattaché au « super PIC » Nautilus porté par Air Liquide. Sa phase I consiste en un réseau de canalisations en Y de 1,5 Mt/an reliant 2 émetteurs, Eqiom et Lhoist au futur terminal d'export CO² qui sera construit sur l'emprise du terminal LNG de Dunkerque LNG. Les projets « K6 » d'Eqiom à Lumbres et « CalCC » de Lhoist à Réty sont tous deux lauréats du Fonds Innovation du Système d'Echange de Quotas d'Emissions de l'Union Européenne (SEQE-UE) pour leurs projets de capture du CO² (153 M€ et 125 M€ reçus respectivement). D'Artagnan a été sélectionné en 2024 par le fonds européen « Connecting Europe Facilities - Energy » ou CEF-E et recevra une subvention de 161 M€. Démarrage en 2028. En phase II, la capacité espérée est de 4 MtCO²/an avec le raccordement d'autres émetteurs. - Projet EU2NSEA : il s'agit d'un projet de canalisation offshore au départ de Dunkerque vers la Belgique, qui se raccorderait à une canalisation offshore de plus de 1 000 km au départ de Zeebrugge vers un cluster de sites de stockage en Mer du Nord au large des côtes norvégiennes. Le calendrier annoncé permettrait à des émetteurs dunkerquois participant au projet d'exporter 5 Mt par an de CO² dès 2029. Pas de financement européen à ce jour. - Projet ECO²NORMANDY : autre projet rattaché au « super PIC » Nautilus qui vise le développement d'infrastructures partagées pour le transport vers la zone portuaire du Havre de CO² émis par différents émetteurs du bassin de la Seine normande (de Rouen au Havre), puis sa liquéfaction et son stockage temporaire avant chargement sur des bateaux à destination de sites de séquestration géologique en Mer du Nord. D'ici 2030, le hub normand espère atteindre une capacité de 1,2 MtCO² par an, puis le double 3 ans plus tard. Pas de financement européen à ce jour. - Projet CALLISTO : porté par Air Liquide et ENI, il vise la création sur un des terminaux méthaniers de Fos-sur-Mer d'un port d'export de CO² vers des stockages offshores en Mer Adriatique au large de Ravenne. C'est ainsi 1,6 Mtpa de CO² français qui pourraient être transportées par bateau vers le hub d'import de Ravenne à partir de 2027-2028, avec un objectif de plus de 5 Mtpa après 2035. Pas de financement européen à ce jour. - Projet GOCO² : projet de port d'export à Saint-Nazaire rattaché au « super PIC » néerlandais ARAMIS porté par TotalEnergies, Shell, EBN, Gasunie et Vopak. La première phase du projet Aramis sera conçue pour un minimum de 5 Mtpa, avec un potentiel d'extension jusqu'à une capacité totale de 22 Mtpa. Quant au projet GO CO² (pour Grand Ouest CO²), il vise le développement d'infrastructures partagées - canalisations et terminal d'export - pour le transport de CO² émis par différents émetteurs des environs de Nantes. Le calendrier annoncé permettra aux émetteurs participant au projet d'exporter 2,3 Mt par an de CO² dès 2030, avec une progression possible jusqu'à 4 Mt. GOCO² est soutenu par Elengy, Lafarge, GRTgaz, Ciments Calcia, Lhoist et TotalEnergies. Pas de financement européen à ce jour pour la branche française. - Projet PYCASSO (pour information) : Le projet PYCASSO vise à transporter puis stocker dans la région du Piémont pyrénéen du CO² émis dans le Sud-Ouest de la France et dans le Nord de l'Espagne. Il n'est pas concerné par l'amendement du Protocole de Londres puisqu'il s'agit d'un stockage onshore (prévisions de stockage de 1,5 Mtpa à partir de 2030-2031). La pré-sélection par le Fonds Innovation du SEQE-UE du projet « CarboClearTech » porté par Lafarge Ciments à Martres-Tolosane a récemment été annoncé. Le projet devrait donc recevoir une subvention pour la capture du CO² de son site et son stockage au sein du gisement de Lacq-Meillon. |
Si la France développe des projets à moyens et long terme, elle n'est pas en avance par rapport à ses voisins d'Europe du Nord.
En particulier, ces projets concernent le transport du CO² hors de France pour l'exporter vers d'autres États riverains.
La France n'a aucun projet de stockage off-shore, malgré ses 12 territoires ultramarins et l'étendue de sa mer territoriale. En réalité, aucune recherche n'a été effectuée pour trouver des zones possibles de stockage.
Concernant le stockage on shore, la France a deux projets de capacités souveraines de stockages exploitables qui devraient être disponibles à échéance de 2035.
En effet, pour être rentable, ces zones de stockage doivent répondre à plusieurs critères.
En plus des critères pour assurer la pérennité d'un site de stockage géologique sur le long terme, la capacité de stockage du site est un critère important de sélection. Plus le site est capable d'accueillir un grand volume de CO² et plus il sera intéressant d'un point de vue économique (rentabilité des investissements engagés).
En France, les capacités de stockage géologique sont estimées aux alentours de plusieurs giga tonnes de CO². Ainsi le volume des sites de stockages géologiques ne serait a priori pas une contrainte pour la mise en place d'une chaîne CSC.
La répartition de ces zones est très inégale et pas forcément à proximité des sites émetteurs : le potentiel le plus important se trouve dans le bassin parisien avec une capacité de stockage des émissions des sites industriels du Nord de la France, du Grand Est et de la région parisienne via des aquifères salins ou réservoirs déplétés.
Le bassin aquitain serait aussi favorable pour du stockage géologique du CO². Le principal avantage serait la réutilisation des infrastructures existantes des exploitations gazières (canalisations, puits d'injections et anciens réservoirs gaziers bien caractérisés). Un projet pilote sur toute la chaîne CSC a été mis en place par Total sur la zone de Lacq avec succès.
Pour le bassin sud-est, des études de caractérisation sont encore nécessaires pour qualifier les réservoirs potentiels de stockage géologique de CO² et estimer les capacités. Sur la base des connaissances actuelles, il n'y a pas de possibilité de stockage en région AURA.
Pour la région PACA, le projet VASCO10 a réalisé une première recherche d'identification de sites potentiels. Les résultats n'ont pas abouti à l'identification d'un site de stockage avec les capacités requises (de 10 à 20 MtCO² stockées/an)2(*).
Il faut préciser que la France dispose de deux leaders mondiaux en matière de brevets liés aux technologies bas carbone : le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) occupe la première place du classement mondial et l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles, la quatrième place.
C. UN MARCHÉ ÉCONOMIQUEMENT VIABLE ?
L'engouement de la fin des années 2000 ne s'est pas matérialisé par des projets concrets dans les années 2010 principalement à cause de la baisse du prix du quota dans le Système d'Échange de Quotas d'Émissions (autour de 5 euros pendant plusieurs années) qui a très fortement dégradé leur rentabilité.
L'intérêt et le développement autour des projets CSC a repris à la fin des années 2010 avec la hausse du prix du carbone et les perspectives de renforcement de l'ambition climatique (neutralité carbone en 2050 inscrite en 2019, paquet Fit for 55 par la suite).
Le prix du quota atteint en novembre 2024 environ 65 €/tCO². Le prix futur du marché est soumis à de nombreuses incertitudes, mais la plupart des analystes prévoient un prix situé autour de 100-110€ à horizon 2025 et de 120-150€ à horizon 2030. Ces niveaux de prix correspondant aux enjeux de décarbonation profonde du système électrique européen et à l'accélération de la décarbonation de l'industrie.
La hausse du prix du carbone a contribué à diminuer les émissions des secteurs du marché carbone au niveau européen de façon significative : 47 % de baisse d'émissions de CO² entre 2023 et 2005. Ces résultats montrent l'efficacité d'un prix du carbone élevé pour décarboner les secteurs industriels européens.
CONCLUSION
Après un examen attentif des dispositions de cet accord, la commission a adopté le projet de loi n° 715 (2023-2024) autorisant la ratification de la résolution LP.3(4) portant amendement de l'article 6 du Protocole de Londres de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et autres matières.
Pour la France, l'adoption de cet amendement permettra d'exporter son CO² résiduel vers des zones de stockage de ses voisins européens.
Dans sa stratégie nationale sur le CCUS publiée en juillet 20243(*), la France s'est fixée des objectifs de captage sans définir précisément les exutoires qui sont susceptibles d'évoluer dans les prochaines décennies : 4 à 8 Mt en 2030, et 30 à 50 Mt en 2050. À ce jour, il n'est pas identifié de capacités souveraines de stockages exploitables, ceci faisant l'objet d'études techniques. À court voire moyen terme, il sera donc indispensable d'exporter la très grande majorité du CO² qui sera capté en France et qui ne sera pas utilisé pour la production d'e-fuels ou d'e-méthanol par exemple.
La France envisage d'exporter son CO² vers les pays disposant des premières capacités de stockage d'ici 2028-2032 : Norvège, Danemark, Pays-Bas et Italie. La Grèce ou l'Allemagne pourraient être des solutions moyen-terme. Le Royaume-Uni, qui dispose de très importantes capacités, pourrait être une solution si des accords sont trouvés entre l'UE et ce pays en termes de reconnaissance des réductions d'émissions associées dans le Système d'Echange de Quotas d'Emissions de l'UE.
Pour conclure, le recours au CCUS sera indispensable pour que la France atteigne les objectifs qu'elle s'est fixés.
La déclinaison française du paquet européen se traduit en ordre de grandeur par un objectif de -50% brut à horizon 2030 (légèrement inférieur au chiffre européen car les émissions historiques de la France sont plutôt plus basses que ses voisins avec son mix électrique largement décarboné), point de passage de la Stratégie Nationale Bas Carbone en construction.
L'examen en séance publique aura lieu le mercredi 12 février 2025, selon la procédure d'examen simplifié, ce à quoi la Conférence des présidents, de même que votre rapporteur, a souscrit.
ANNEXES
EXAMEN EN COMMISSION
M. Philippe Folliot, rapporteur. - Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification de la résolution LP.3(4) portant amendement de l'article 6 du Protocole de Londres de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et autres matières.
Cet amendement, qui date déjà de 2009, est important à plusieurs titres.
D'abord parce qu'il traite d'un sujet environnemental relatif à la protection des océans, soit de 70% de la surface du globe.
Ensuite, parce qu'il fait partie des outils à notre disposition pour atteindre l'objectif de décarbonation.
Enfin, car il pose de véritables questions liées à la souveraineté nationale en matière d'enfouissement de notre CO² résiduel, puisque la France ne dispose pas à ce jour de zones de stockage opérationnelles.
La Convention de Londres relative à l'immersion de déchets en mer de 1972 est l'une des premières conventions internationales en matière d'environnement. Elle est entrée en vigueur en 1975 et est administrée par l'OMI depuis 1977.
La Convention de Londres interdit l'immersion de certaines matières dangereuses et subordonne l'immersion des autres matières à la délivrance préalable d'un permis.
En 1996, les parties ont adopté un Protocole à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets (connu sous le nom de Protocole de Londres), qui a été ratifié par la France en 2006 et entré en vigueur la même année.
Le Protocole est destiné à remplacer la Convention de 1972. Au lieu de préciser les matières qui ne peuvent pas être immergées, il interdit l'immersion de tous les déchets, à l'exception de ceux dont l'immersion est autorisée et qui figurent sur la « contre-liste », dans une annexe du Protocole.
Il souligne l' « approche de précaution », et dispose également que « le pollueur devrait, en principe, assumer le coût de la pollution ».
Le Protocole de 1996 inverse la logique : seule est autorisée l'immersion des déchets et matières énumérés dans une annexe.
L'annexe a été complétée en 2006 en ajoutant à la liste les flux de CO² provenant des processus de captage du CO².
En effet, la capture du CO² est apparue comme une solution pour réduire les émissions vers la fin des années 2010.
Les accords de Paris de 2015 adoptés lors de la Cop 21 prévoit la limitation des émissions de gaz à effet de serre.
Au niveau national, la stratégie bas carbone fixe une trajectoire de réduction des émissions, avec un objectif d'une diminution de 35% en 2030 et de 80% d'ici 2050 par rapport à 2015.
L'Union européenne a également adopté en 2019 un objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050.
Il est alors apparu que pour atteindre cet objectif ambitieux, la capture du CO² serait utile pour traiter du CO² dit « résiduel ».
Le CO² résiduel est celui que l'on ne peut pas supprimer de la chaîne de production, notamment dans les industries cimentière et chimique et pour l'acier.
Il est dès lors possible de capter le CO² émis, de le liquéfier afin de rendre son transport possible, puis, de l'enfouir dans diverses zones géologiques favorables (anciens réservoirs d'hydrocarbures, aquifères salins) qui peuvent se trouver sur terre ou en mer.
Les techniques existent et ont montré leur efficacité. Certains États sont plus en avance que d'autres.
Bien que la France soit excellente en matière de recherche puisque le CEA est leader sur les brevets liés aux technologies bas-carbone et l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles au 4ème rang mondial, aucune étude à ce jour n'a été lancée pour rechercher en France des zones off-shore destinées au stockage de CO².
En revanche, deux zones ont été repérés pour l'enfouissement du CO² : l'un dans le bassin parisien et l'autre dans le bassin aquitain.
En Europe, les plus avancés en matière de stockage, sont la Norvège, le Danemark, le Royaume-Uni, l'Islande et dans une moindre mesure l'Italie et la Grèce.
Le développement de cette technologie est subordonné à sa viabilité économique. En effet, les investissements nécessaires sont importants. Les industriels doivent être suffisamment incités pour y mettre les fonds nécessaires. En particulier, le marché du carbone fixe le prix du quota à environ 65 euros la tonne. C'est insuffisant. On estime qu'il devrait être porté à 120 euros d'ici 2030.
Il faudrait aussi que l'État accompagne le développement de ces projets, notamment dans le cadre du plan France 2030.
En effet, pour être intéressante, la zone de stockage doit disposer d'une capacité suffisante et se trouver à proximité des sources d'émission afin de limiter les coûts liés au transport.
À ce jour, la France n'a d'autre solution que d'exporter son CO² liquéfié vers d'autres États riverains, en particulier en mer du Nord (Danemark, Norvège et Pays-Bas).
C'est tout l'intérêt de cet amendement qui permet justement d'exporter le CO² vers d'autres pays disposant de capacités de séquestration géologique sous-marine.
Il n'entrera en vigueur que lorsque les deux tiers des Parties, soit 38 États, l'auront ratifié. Or, à ce jour, seuls 12 États l'ont fait. Il est donc urgent que la France autorise l'approbation de cet amendement, avant que se déroule la 3ème Conférence des Nations unies sur l'Océan à Nice, en juin prochain.
La France pourra alors donner l'exemple. De plus, la ratification de cet amendement permettra de faire avancer la recherche et de sécuriser les accords bilatéraux qu'elle pourra alors conclure.
Pour mener à bien ce rapport, j'ai eu plusieurs auditions : des représentants de l'Ademe, l'Ambassadrice de France auprès de l'OMI, le Gican, le Ministère de la Transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, le Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, le Cluster maritime et enfin l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles.
Mes chers collègues, compte tenu de ces éléments, je vous propose d'approuver ce texte, qui, vous l'aurez compris, constitue le préalable à l'exportation d'une partie du CO² émis sur notre territoire.
Son examen en séance publique au Sénat devrait se tenir dans les semaines à venir.
Mme Michelle Gréaume. - La commission du développement durable a-t-elle été saisie de ce texte ? le sujet est très technique. Connait-on les chantiers en cours ? Comment les entreprises prendront-elles en charge ces nouveaux coûts ? Quelles aides incitatives peuvent être mises en place ?
M. Philippe Folliot, rapporteur. - La commission du développement durable ne s'est pas saisie pour avis de cette convention.
Au travers des très nombreuses auditions que j'ai menées, j'ai essayé de rentrer dans le détail de ces techniques que je ne maîtrisais pas du tout. C'était très intéressant. J'ai pu constater l'excellence de la recherche française en matière de captation de CO².
Quant au modèle économique, il reste à trouver. La difficulté est liée au prix du quota qui est insuffisant pour équilibrer ce modèle économique. Le risque est que les industriels aient plus intérêt à payer des taxes que de réaliser les investissements nécessaires.
En tout état de cause, capter le carbone c'est une chose, mais il faut aussi avoir la capacité de le stocker, si possible sur le sol national et de manière sûre. Si la France est très compétente sur le procédé de liquéfaction à la source, il faut ensuite le transporter.
Je me suis demandé si les méthaniers nous livre du gaz naturel ne pourraient pas repartir chargés de CO², mais ce n'est pas possible en raison de conditions de transport très différentes. Par contre, la France dispose d'industriels capables de construire es navires pouvant transporter du CO².
M. Jérôme Darras. - Je voulais porter à la connaissance de mes collègues qu'il y a dans mon département deux entreprises qui ont un projet commun de captation de carbone et de transfert au port de Dunkerque pour être immergé au large de la Norvège.
Le rapport est adopté à l'unanimité.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Pour l'Ademe :
Mme Sylvie PADILLA, responsable du Service Décarbonation Industrie et Hydrogène, Direction Entreprises et Transitions Industrielles
Mme Solène BOUVIER, chargée de mission CCS
Pour le GICAN
M. Jean-Marie DUMON, Délégué général adjoint du Groupement des Industries de Construction et Activités Navales
Mme Claudie BENOIT, responsable des affaires techniques, environnement et sécurité
Pour la représentation permanente auprès de l'OMI
Mme Marie de CARNE-TRECESSON, Ambassadrice
Pour le Ministère de la Transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques :
- M. Fabrice CANDIA, chef du bureau des ressources énergétiques du sous-sol (BRESS), Direction générale de l'Energie et du Climat
- Mme Carol PAQUIER, cheffe de projet Filière Capture et Stockage du Carbone au sein du bureau des ressources énergétiques du sous-sol (BRESS), Direction générale de l'Energie et du Climat
- Mme Marine PLASSIER, chargée de mission Décarbonation de l'Industrie au sein du Bureau des Marchés du Carbone (BMC), Direction générale de l'Energie et du Climat
- M. Frédéric BRANGER, chef du bureau des marchés du carbone (BMC), Direction générale de l'Energie et du Climat
- Mme Alexane LOVAT, chargée de mission pollution et fonds marins, Direction de l'Eau et de la Biodiversité, Direction générale de l'Aménagement, logement et Nature.
Pour le Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères :
- M. Yannis DEKKICHE, conseiller juridique, sous-direction du droit de la mer, du droit fluvial et des pôles, Direction des affaires juridiques
- M. Pierre DOUSSET, conseiller juridique à la Mission des Accords et Traités, Direction des affaires juridiques
Pour l'IFP Energies nouvelles
M. Pierre-Franck CHEVET, Président - Directeur Général
Pour le Cluster maritime :
Mme Nathalie MERCIER-PERRIN, Présidente exécutive du Cluster Maritime Français
M. Pierre LEONIDAS, responsable des relations institutionnelles, affaires juridiques et réglementaires
* 1 https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/01/07/en-norvege-un-site-de-stockage-attend-son-carbone-desesperement_6485271_3234.html
* 2 https://librairie.ademe.fr/ged/81/captage-stockage-geologique-CO²_csc_avis-technique_2020.pdf
* 3file:///G:/RAPPORTS%20PJL%20ET%20PPL/RAPPORTS%202025/1-%20Amendement%20protocole%20de%20Londres%20(CM)/1-Documents%20de%20travail/%C3%89tat%20des%20lieux%20et%20perspectives%20CCUS_0.pdf