B. LES OPÉRATEURS DE L'EAU ET DE LA BIODIVERSITÉ
1. La progression des financements des agences de l'eau dans le cadre du 12ème programme d'intervention est en suspens en 2025
Les six agences de l'eau sont des établissements publics de l'État à caractère administratif. Elles mettent en oeuvre, à l'échelle des grands bassins hydrographiques, des politiques nationales qui s'inscrivent notamment dans un objectif d'atteinte du bon état des eaux.
La loi de finances pour 2020 a transféré aux agences de l'eau le recouvrement des redevances cynégétiques, jusqu'alors perçues auprès des titulaires du permis de chasser par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Il s'agissait de diversifier les redevances des agences de l'eau et d'élargir ces ressources à des contributions dans le champ des atteintes à la biodiversité, dans la perspective de conforter le rôle des agences comme opérateurs principaux du financement des politiques de l'eau et de la biodiversité. La loi de finances pour 2021 a ensuite intégré dans le plafond de redevances affectées aux agences de l'eau la part de redevances pour pollutions diffuses reversée à l'OFB. Le plafond de redevances affectées - dit « plafond mordant » - a ainsi atteint 2,197 milliards d'euros.
Montant pluriannuel des dépenses du
11e programme d'intervention
des agences de
l'eau
(en millions d'euros)
Domaine 0 : Dépenses propres des agences de l'eau |
1 086 |
Domaine 1 : Actions de connaissance, de planification et de gouvernance |
966 |
Domaine 2 : Mesures générales de gestion de l'eau |
4 265 |
Domaine 3 : Mesures générales de gestion de l'eau et de la biodiversité |
5 364 |
Primes versées pour la réalisation d'actions ou de travaux d'intérêts communs au bassin ou au groupement de bassins7(*) |
914 |
Total |
12 595 |
Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial
Le 11e programme pluriannuel d'intervention des agences de l'eau 2019-2024, adopté à l'automne 2018, a fait l'objet d'une révision de ses dépenses par un arrêté du 24 juin 2022. Le plafond pluriannuel des autorisations d'engagement des agences de l'eau sur les cinq ans est désormais fixé à 12,595 milliards d'euros, hors contributions aux autres opérateurs de l'eau et de la biodiversité, et hors plan de relance.
L'année 2025 sera ainsi la première année de mise en oeuvre du 12ème programme d'intervention des agences de l'eau. Il était prévu que ce programme bénéficie de 475 millions d'euros supplémentaires par an par rapport au 11ème, ce qui représente un surplus de financement de 25 %. Toutefois, la mise en oeuvre de la réforme n'est pas encore complète.
Le plafond de recettes des agences de l'eau a été relevé de 150 millions d'euros en 2024, et elles ont également bénéficié de la suppression de la prime de performance épuratoire, pour un montant également de 150 millions d'euros. La réforme des redevances de l'eau, prévue à l'article 101 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, prévoit en effet le remplacement de la redevance pour la modernisation des réseaux de collecte par deux redevances incitatives, la redevance pour la performance des réseaux d'eau potable et la redevance pour la performance en matière d'assainissement.
Il est prévu que les 175 millions d'euros restants soient apportés par un relèvement du plafond à compter de 2026. Le nouveau relèvement du plafond devait initialement être mis en place pour 2025, mais il a été décalé à l'année suivante, en raison notamment de l'opposition des représentants des agriculteurs à une hausse de la redevance pour pollution diffuse.
Trajectoire du plafond mordant entre 2023 et 2026
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
2. Les moyens de l'Office français de la biodiversité peuvent être rationalisés
a) Une hausse de 15 millions de la subvention à l'Office français de la biodiversité
L'année 2024 a constitué la cinquième année d'existence de l'Office français de la biodiversité (OFB), qui fusionne l'Agence française de la biodiversité (AFB) et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Les missions confiées au nouvel établissement ont pour objectif général la surveillance, la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité terrestre, aquatique et marine, ainsi que la gestion équilibrée et durable de l'eau.
En 2024, l'établissement prévoit un financement global de 625,2 millions d'euros, réparti comme illustré dans le graphique ci-dessous. En 2023, le financement global s'élevait à 580,7 millions d'euros.
Recettes de l'OFB en 2024
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat
Les contributions des agences de l'eau restent le principal moyen de financement de l'OFB (397,8 millions d'euros), ces contributions intégrant la somme des anciennes contributions à l'AFB et à l'ONCFS, augmentées de 14,9 millions d'euros par rapport à l'année précédente.
La subvention pour charges de service public de l'OFB sera quant à elle de 117,7 millions d'euros en 2025, en hausse de 15 millions d'euros par rapport à l'année précédente, du fait de la reconduction des 10 millions alloués en gestion 2024 pour le financement des actions relatives à la SNB, de 4,9 millions d'euros de compensation par l'État du surcoût de la protection complémentaire pour les agents de l'OFB et des parcs nationaux, et enfin de la hausse des cotisations au CAS pensions.
Évolution de la subvention du programme 113 à l'OFB depuis sa création
(en millions d'euros)
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
Évolution 2024/2025 |
|
AE |
41,4 |
51,2 |
53,2 |
78,8 |
102,7 |
117,7 |
+ 14,6 % |
CP |
41,5 |
51,3 |
53,2 |
79,0 |
102,7 |
117,7 |
+ 14,6 % |
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
On peut également relever que l'OFB bénéficiera de ressources d'un montant de 6 millions d'euros au titre du « Loto de la biodiversité ». Ce jeu de grattage a été rendu possible par l'article 115 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, qui prévoit l'affectation à l'office du montant du prélèvement issu du produit brut de ce jeu.
La création de ce dispositif laisse pour le moins circonspect. La mise en oeuvre d'un « loto » pour financer une politique aussi importante que la biodiversité donne l'impression, même si les montants sont faibles, que l'État se défausse de ses politiques publiques. De plus, les jeux de hasard et d'argent posent de véritables problèmes d'addiction, et associer la protection de la biodiversité, qui est une cause populaire chez les jeunes, à un tel jeu n'est pas responsable. Le rapporteur général et le rapporteur spécial avaient tous deux déposé un amendement de suppression de la mesure, adopté par le Sénat.
b) Des économies peuvent être réalisées sur certains postes de dépense de l'OFB
Le budget initial de l'OFB pour 2023, rectifié en cours d'année, comprend un total de dépenses de 580,1 millions d'euros en crédits de paiement, dont 50,8 % de dépenses d'intervention.
Répartition des dépenses de l'OFB de 2021 à 2024
Exécution en 2021 (CP) |
Exécution en 2022 (CP) |
Exécution en 2023 |
Exécution en 2024 (CP) Budget rectificatif n° 1 |
|||||
Millions d'euros |
% |
Millions d'euros |
% |
Millions d'euros |
% |
Millions d'euros |
% |
|
Appui à la mise en oeuvre des politiques de l'eau et de la biodiversité |
165,6 |
36,0 % |
186,6 |
37,9 % |
181 |
35,4 % |
192,8 |
30,4 % |
Gestion des espaces naturels et des espèces |
12,4 |
2,7 % |
27,7 |
5,6 % |
25,2 |
5 % |
39,9 |
6,3 % |
Police de l'environnement et police sanitaire |
4,4 |
1,0 % |
88,3 |
17,9 % |
89,4 |
17,5 % |
3,4 |
0,5 % |
Formation et mobilisation des citoyens et des parties prenantes |
13,8 |
3,0 % |
30,7 |
6,2 % |
32,9 |
6,4 % |
43,6 |
6,87 % |
Connaissance et expertise |
37,1 |
8,1 % |
79,6 |
16,2 % |
93 |
18,2 % |
51,4 |
8,1 % |
Personnel, soutien et management |
226,7 |
49,3 % |
79,8 |
16,2 % |
89,3 |
17,4 % |
302,7 |
47,7 % |
Total |
460 |
100,0 % |
492,7 |
100,0 % |
510,8 |
100,0 % |
634,06 |
100,0 % |
Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial
S'agissant des moyens humains, l'opérateur connaît une augmentation de son plafond d'emploi de 48 ETPT pour atteindre 2 775 ETPT en 2024. En 2025, il est prévu que le schéma d'emplois de l'OFB soit nul.
Emplois sous plafond de l'OFB
(en ETPT)
LFI 2020 |
LFI 2021 |
LFI 2022 |
LFI 2023 |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
|
Emplois sous plafond |
2 659 |
2 638 |
2 643 |
2 727 |
2 775 |
2 775 |
Source : commission des finances
Certaines des dépenses de l'OFB soulèvent des interrogations. Ainsi en est-il des atlas de la biodiversité communale (ABC) qui constituent un dispositif déjà pris en charge par le fonds vert. Dès lors, l'ajout d'un supplément de subvention à l'OFB ne semble pas nécessaire.
Pour mémoire, les atlas de la biodiversité communale désignent un programme d'inventaire des milieux et des espèces présentes sur les territoires, qui doit servir d'outil d'information et d'aide à la décision pour les collectivités. Les ABC passent par la production de cartographie d'enjeux de biodiversité, ainsi que par la production de publications relatives à leur mise en oeuvre.
Il ne s'agit pas de supprimer cette politique, qui présente un intérêt pour les communes, mais de rationaliser son fonctionnement, en évitant la multiplication des bureaux d'études et en priorisant les mesures qui ont un effet réel sur la protection de la biodiversité.
Près de 7 % des dépenses de l'Office, hors frais de personnel, sont consacrées à la mission « Formation et mobilisation des citoyens et des parties prenantes ». Le rapporteur spécial n'a pas réussi à identifier les actions réalisées au regard des plus de 45 millions d'euros de dépenses.
En outre, les dépenses de communication de l'OFB, d'un montant de 7 millions d'euros en exécution pour l'année 2023, paraissent également trop élevées au regard des besoins de l'opérateur. En cette période de contrainte budgétaire, il est impératif de réaliser des économies sur les dépenses dont l'importance est secondaire.
Au regard de tous ces éléments, le rapporteur spécial présentera un amendement visant à réduire le montant de la subvention du programme 113 à l'Office français de la biodiversité.
* 7 Article L. 213-9-2 du code de l'environnement. Ces actions ou travaux d'intérêts communs doivent contribuer à la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, des milieux aquatiques, du milieu marin et de la biodiversité.