IV. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L'ÉLECTRIFICATION RURALE (FACÉ) »

A. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE FACÉ PERMET LE FINANCEMENT « PÉRÉQUÉ » D'AIDES À L'ÉLECTRIFICATION RURALE

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACÉ) retrace les aides versées aux autorités organisatrices de la distribution d'électricité - AODÉ (communes, établissements publics de coopération intercommunale, syndicats d'électrification) pour le financement des travaux d'électrification en zone rurale dont elles assurent la maîtrise d'ouvrage66(*).

Le CAS FACÉ permet de verser des aides aux AODÉ afin de financer :

- des travaux d'électrification rurale67(*) ;

- des opérations de maîtrise de la demande d'électricité ;

- des opérations de production d'électricité par des énergies renouvelables68(*) ;

- des installations de production de proximité dans les zones non interconnectées (ZNI)69(*).

Ces aides sont réparties par département sous forme de dotations affectées à l'électrification rurale, selon des critères précisés par voie d'arrêté, par le ministre chargé de l'énergie et après avis du conseil du FACÉ. Cette répartition se fonde sur les évaluations des besoins en travaux d'électrification rurale par département réalisées tous les deux ans. Une fois les dotations réparties par département, elles sont versées aux AODÉ sur la base des projets de travaux présentés.

Le regroupement des AODÉ, et donc de la maîtrise d'ouvrage, au niveau départemental, a été encouragé par le législateur70(*). Les modalités de versement des aides du FACÉ incluent depuis 2013 un dispositif financier d'incitation au regroupement à l'échelle départementale71(*).

Le financement du CAS FACÉ repose aujourd'hui sur des contributions dues par les gestionnaires de réseaux de distribution72(*) et assises sur le nombre de kilowattheures (kWh) distribués à partir des ouvrages exploités en basse tension l'année précédant celle du versement de la contribution.

D'après la direction de la législation fiscale (DLF), la contribution qui sert à financer le CAS Facé présente une grande fragilité juridique au regard du droit de l'Union européenne et un risque de contentieux élevé pour un enjeu financier qui pourrait dépasser le milliard d'euros.

Cette contribution est en effet assise sur des quantités d'électricité et entre ainsi dans le champ du cadre européen harmonisé de taxation de l'énergie. Or, le droit de l'Union européenne n'admet l'institution de taxes indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise que pour des « fins spécifiques ». À ce titre, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a explicitement jugé, dans le contentieux sur l'ex-contribution au service public de l'électricité (CSPE), que « les finalités de cohésion territoriale et sociale poursuivies (...), à savoir la mise en oeuvre d'une péréquation tarifaire géographique, [sont des] finalités normalement financées par le budget de l'État, qui ne permettent pas de considérer que la taxe [en cause] poursuivait une finalité spécifique »73(*).

Au surplus, le cadre européen harmonisé ne permet pas de procéder à des modulations infranationales du tarif de l'accise sur l'électricité. Ce principe a été rappelé dans un arrêt de la CJUE en date du 30 mai 2024 (C743/22), dans lequel la Cour précise que : « la directive s'oppose à une législation nationale qui autorise des régions ou des communautés autonomes à fixer des taux d'accise différents pour un même produit et une même utilisation en fonction du territoire où le produit est consommé ». Or en l'espèce, l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales prévoit une différenciation du taux de la contribution qui alimente le CAS Facé en fonction de la taille des communes.

Aussi, afin de sécuriser le mode de financement des aides à l'électrification rurale, l'article 7 du présent projet de loi de finances prévoit-il de substituer à la contribution existante l'affectation d'une fraction de l'accise sur l'électricité pour un montant de recettes identique.


* 66 La création du CAS par l'article 7 de la loi n° 2011-1978 de finances rectificative pour 2011 du 28 décembre 2011 a conduit à budgétiser des aides auparavant directement prises en charge par le Fonds d'amortissement des charges d'électrification géré par Électricité de France (EDF), qui avait été mis en place dès 1936 par l'article 108 de la loi de finances du 31 décembre 1936, confirmé par l'article 38 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz. Elle a nécessité la reprise par les services de l'État de la gestion de ces aides avec la création d'une mission chargée du financement de l'électrification rurale, placée sous l'autorité du directeur général de l'énergie et du climat.

* 67 C'est à dire des travaux de premier établissement, d'extension, de renforcement et de perfectionnement des ouvrages de distribution.

* 68 Si ces opérations permettent d'éviter des extensions ou des renforcements de réseaux.

* 69 Lorsque ces opérations permettent d'éviter des extensions ou des renforcements de réseaux.

* 70 La loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie prévoit que le préfet engage une procédure de création d'un syndicat de communes ou d'un syndicat mixte à l'échelle environnementale lorsque la maîtrise d'ouvrage n'est exercée ni par le département, ni par un groupement couvrant le territoire départemental, ni par un groupement de collectivités territoriales dont la population est au moins égale à un million d'habitants.

* 71 Article 16 de l'arrêté du 27 mars 2013 pris en application du décret n° 2013-46 du 14 janvier 2013 relatif aux aides pour l'électrification rurale. Ces minorations ne peuvent représenter plus de 25 % des droits à subvention des AODE concernées.

* 72 C'est à dire principalement Enedis (ex ERDF) et les autres entreprises locales de distribution (ELD).

* 73 25 juillet 2018, affaire C-103/17, Messer c/ France, point 43.

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