B. LEVER LES OBSTACLES À LA FUSION DE L'IRSN ET DE L'ASN

La date de fusion entre l'ASN et l'IRSN, prévue pour le 1er janvier 2025, fait l'objet de débats. Le directeur de l'IRSN en particulier, entendu en audition par le rapporteur spécial, a souligné que le processus de fusion était particulièrement complexe, et les délais pour la réaliser extrêmement courts.

L'une des difficultés est que l'ASN est un établissement public d'administration (EPA), tandis que l'IRSN est un établissement public industriel et commercial (EPIC), ce qui signifie que les agents de l'ASN relèvent du droit public, tandis que ceux de l'Institut ont un statut de droit privé.

Or, le logiciel de pilotage des dépenses de l'Etat, Chorus, n'est pas adapté pour prendre en charge des agents de droit privé. D'après l'IRSN, « Outre la gestion du personnel et des accords négociés, la gestion de la paie des salariés sous contrat de droit privé (provenant de l'IRSN), le traitement de la TVA incompatibles avec les fonctionnalités actuelles de Chorus, l'intégralité des processus de dépenses et ressources est concerné. »65(*)

L'IRSN signale plus généralement des retards dans la publication des décrets d'application de la loi de fusion, qui pourraient poser des difficultés techniques. À la date du 31 octobre 2024, aucun des décrets prévus, sauf celui relatif à la représentation du personnel, n'a été adressé au Conseil d'Etat. L'IRSN alerte en particulier sur la nécessité que soit pris le plus rapidement possible le décret relatif au transfert des biens, droits et obligations (décret « BDO »).

L'application de la loi n°2024-450 du 21 mai 2024 relative à l'organisation
de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection

Certaines dispositions dites « autoportantes » ont vocation à s'appliquer au 1er janvier 2025 sans requérir de décrets d'applications :

- la substitution de l'ASNR à l'ASN et l'IRSN ;

- les attributions générales de l'ASNR, notamment en matière de régulation et de recherche.

D'autres dispositions de la loi renvoient explicitement à des décrets d'application. Ils doivent déterminer les modalités :

- du transfert des biens, droits et obligations de l'IRSN à l'État et au CEA ;

- de l'exercice par l'ASNR des missions pouvant donner lieu à des rémunérations pour services rendus ;

- du transfert des personnels des activités concernant la dosimétrie et la DEND de l'IRSN au CEA et au ministère des armées ;

- des modalités d'application des dispositions transitoires relatives notamment à la représentation du personnel de l'ASNR.

Enfin, certaines dispositions de la loi ne renvoient pas explicitement à des décrets ultérieurs, mais leur application effective nécessite néanmoins l'adoption de textes règlementaires complémentaires, à l'instar de celles relatives à la valorisation des résultats des programmes de recherche.

Source : commission des finances, d'après les réponses de l'IRSN au questionnaire du rapporteur spécial

Ces difficultés sont réelles, mais repousser la date de fusion de l'IRSN et de l'ASN n'est pas une option viable. Le processus est déjà largement engagé, et revenir sur la date choisie signifierait devoir refaire l'ensemble de la maquette budgétaire de la nouvelle autorité. En outre, le maintien des deux entités pendant plusieurs mois pourrait entraîner des surcoûts.

Par ailleurs, ce n'est pas la première fois qu'un EPIC est fusionné avec un EPA. L'Agence de services et de paiement (ASP) a ainsi été créée en 2009 sous la forme d'établissement public à caractère administratif par la réunion du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA), qui était un EPA, et de l'Agence unique de paiement (AUP), qui était un EPIC. À l'inverse, l'IRSN elle-même est née de la fusion entre un EPA (l'Office de protection contre les rayonnements ionisants) et un EPIC (l'Institut de protection et de sûreté nucléaire). Les difficultés techniques relatives à une telle fusion ne sont donc ni insurmontables ni inédits.

Il convient en revanche de s'assurer que l'ASNR dispose de l'ensemble des moyens nécessaires pour l'accomplissement de ses missions. La nouvelle autorité est mise en place dans un contexte de relance de l'industrie du nucléaire, qui doit permettre à la France de garantir sa souveraineté énergétique sur le long terme. Il est donc essentiel que l'autorité régulatrice puisse, dès la première année de sa création, accompagner les nouveaux projets.

Or, les représentants de l'ASN ont souligné devant le rapporteur qu'il manquait 19,4 millions d'euros dans le budget de la nouvelle autorité pour qu'elle puisse accomplir l'ensemble de ces missions, et ce chiffre a également été confirmé par la direction générale de la prévention des risques.

Toutefois, le montant mentionné ci-dessus repose sur l'hypothèse d'un assujettissement total de l'ASNR à la TVA - c'est-à-dire que l'ASNR, comme l'ASN, ne se verrait pas déduire la TVA de ses acquisitions, et ne collecterait pas la TVA. Cette hypothèse n'est pas confirmée à ce stade. Il est donc possible que l'ASNR bénéficie du régime plus favorable de TVA de l'IRSN, ce qui apporterait environ 20 millions d'euros de recettes à l'AAI, et permettrait de combler les 19,4 millions d'euros manquants.

Un rescrit sur cette question a donc été demandé à l'administration fiscale, et celui-ci devrait être transmis fin novembre selon les dernières informations du rapporteur spécial. Selon les conclusions de ce rescrit, il sera alors nécessaire ou non de modifier le budget de l'ASNR.

Enfin, la construction budgétaire des crédits de titre 2 a été bâtie sur l'hypothèse d'une exonération totale de l'ASNR de la taxe sur les salaires payée par l'IRSN (2,7 millions d'euros). Or, les travaux réalisés dans le cadre de la demande d'un rescrit fiscal à la DGFiP laissent entendre que cette exonération ne pourrait être que partielle. La réponse sera apportée par le rescrit fiscal, qui est attendu début décembre 2024.


* 65 Réponses de l'IRSN au questionnaire du rapporteur.

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