III. LA CRÉATION D'UN NOUVEAU PROGRAMME PORTANT LES MISSIONS DE LA NOUVELLE AUTORITÉ DE SÛRETÉ ET DE RADIOPROTECTION

A. UN BUDGET CONSTRUIT À PARTIR DE CEUX DE L'ASN ET DE L'IRSN

La fusion de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a été annoncée le 8 février 2023, et elle a été consacrée par la loi n° 2024-450 du 21 mai 2024 relative à l'organisation de la gouvernance sûreté et de la radioprotection. La loi prévoit ainsi la création d'une nouvelle autorité administrative indépendante (AAI), l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) au 1er janvier 2025.

L'autorité de sûreté nucléaire et
l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

Autorité de sûreté nucléaire

L'autorité de sûreté nucléaire (ASN) est une autorité administrative indépendante, financé à titre principal par le programme 181 « Prévention des risques », qui assure le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Jusqu'au projet de loi de finances pour 2025, l'action 9 « Contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection » du programme 181 portait les effectifs et les crédits de personnel de l'ASN ainsi que les dépenses de fonctionnement, d'investissement et d'intervention engagées au titre de la réalisation des cinq missions fondamentales de l'ASN : la réglementation, la délivrance des décisions individuelles, le contrôle, l'information du public et l'assistance au Gouvernement en cas de situation d'urgence.

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) est un établissement public à caractère industriel et commercial, rattaché à la mission « Recherche et enseignement supérieur » avant le PLF pour 2025, qui exerce une mission de service publique d'expertise relative à la sûreté nucléaire et à la protection des personnes et de l'environnement contre les rayonnements ionisants. Elle joue également un rôle dans la protection des installations et des transports contre les actes de malveillance.

La loi n°2024-450 du 21 mai 2024 relative à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection prévoit une fusion de l'IRSN avec l'ASN pour créer l'autorité de radioprotection et de sûreté nucléaire (ASNR) au 1er janvier 2025.

Source : commission des finances

Les missions de l'ASNR seront les suivantes :

- le contrôle de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et des activités nucléaires comportant un risque d'exposition des personnes aux rayonnements ionisants ;

- une mission générale d'expertise, de recherche et de formation dans les domaines du nucléaire et de la radioprotection ;

- participer à l'information du public, et contribuer aux travaux et à l'information du Parlement.

Le programme 235 est doté pour 2025 de 360,5 millions d'euros en AE et de 365,2 millions d'euros en CP, et il est découpé en deux actions, « Personnels oeuvrant pour la politique en matière de sûreté nucléaire et radioprotection (action 01) et « sûreté nucléaire et radioprotection » (action 02).

Crédits du programme 235 entre en 2025

(en millions d'euros)

Programme 235 - Sûreté nucléaire et radioprotection

PLF pour 2025

AE

CP

Action 01 - Personnels oeuvrant pour la politique en matière de sûreté nucléaire et radioprotection

226,5

226,5

Action 02 - Sûreté nucléaire et radioprotection

134,0

138,7

Total

360,5

365,2

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le budget de la nouvelle autorité a été déterminé à partir de celui de l'ASN et de l'ASNR.

La loi de finances initiale pour 2024 a ouvert 75,2 millions d'euros de CP pour l'ASN. D'autres charges relatives au fonctionnement de l'ASN sont intégrées dans les programmes supports des ministères économiques et financiers (programme 218), du ministère de la transition écologique (programme 217), et du secrétariat général du Gouvernement (programme 354).

La subvention pour charges de service public (SCSP) de l'IRSN pour 2024, imputée sur le programme 190 de la mission « Recherche et enseignement supérieur », est de 182,6 millions d'euros. L'Institut bénéficie également d'une taxe affectée, la contribution de sûreté nucléaire et de radioprotection (CSRN), assise sur les installations nucléaires de base et plafonnée à 61,1 millions d'euros60(*).

La disparition de l'IRSN en tant qu'entité propre pose d'ailleurs la question de l'avenir de cette contribution. L'article 5 du présent projet de loi de finances proposer ainsi de fusionner la CSRN avec la taxe sur les installations de base, et il a été décidé de ne pas affecter cette nouvelle imposition à l'ASNR.

La première raison est que l'ASNR ne dispose pas de la personnalité morale, et la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 réserve la possibilité de percevoir une taxe affectée aux entités bénéficiant de la personnalité morale. En tout état de cause, il n'aurait en effet pas été « sain » de financer le régulateur du nucléaire par une taxe assise sur les activités de l'industrie nucléaire. Le risque aurait été qu'une telle affectation alimente les critiques relatives à l'indépendance de l'ASNR. Le financement de l'IRSN par la CSRN a ainsi été entièrement remplacé par des crédits budgétaires.

Structuration du financement de l'ASN et de l'IRSN en 2024

Source : commission des finances

Au total, les crédits ouverts en 2024 pour l'ASN et l'IRSN - en incluant la CSRN - sont d'environ 325 millions d'euros. Il faut néanmoins préciser que toutes les activités de l'IRSN ne sont pas transférées à l'ASNR : les activités de la direction de l'expertise nucléaire de défense sont transférées au ministère des Armées et des Anciens combattants, et une partie des activités de dosimétrie est confiée au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (mission « Recherche et enseignement supérieur »).

Après retraitement des périmètres, l'ASN et l'IRSN bénéficient ainsi de 303,4 millions d'euros en 2024, soit 61,8 millions d'euros de moins que ce qui est inscrit pour l'ASNR sur le programme 235.

Ce décalage s'explique de plusieurs manières :

- il y a tout d'abord des coûts relatifs à la revalorisation de certaines catégories de personnels. La loi n° 2024-450 du 21 mai 2024 relative à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection prévoit 15 millions d'euros de revalorisation salariale pour les salariés de l'IRSN et 2,2 millions d'euros pour ceux de l'ASN ;

- 2,5 millions d'euros de compensation au titre de la « marge dosimétrie » et de l'écart entre la rebudgétisation de la CRSN à son plafond et son rendement en 2024 ;

- 42,1 millions d'euros de mesures nouvelles, qui ont en partie vocation à supporter les surcoûts liés au processus de fusion. D'après l'administration, « ces moyens ont vocation à permettre à l'ASNR de supporter les coûts conjoncturels liés à la mise en oeuvre de la réforme et de se renforcer sur les enjeux de poursuite d'exploitation du parc nucléaire existant, d'adaptation au changement climatique ainsi que sur les enjeux d'innovation dans les réacteurs nucléaires innovants (SMR - small modular reactors). »

Les principaux investissements en 2025 concerneront, tout d'abord, l'adaptation du centre technique de crise à la nouvelle organisation issue de la fusion. La fusion présente en effet un avantage certain en matière de réactivité lors des situations de crise, mais elle suppose une refonte importante des systèmes existants61(*).

En matière de recherche, les investissements porteront sur le développement d'une installation permettant l'étude des phénomènes physiques mis en oeuvre dans certains systèmes passifs, dont l'utilisation est envisagée dans les petits réacteurs modulaires (SMR), le maintien en condition opérationnelle des plateformes dédiées à l'incendie et aux systèmes de confinement et enfin sur des plateaux techniques dédiés à la recherche en radioprotection.

Une partie de ces mesures nouvelles auront également vocation à compenser la sous-budgétisation de l'IRSN en 2024. En effet, la dotation budgétaire de l'IRSN avait été volontairement sous-calculée de 20,1 millions d'euros sur l'année 2024, afin de consommer les réserves de l'établissement en fin d'année. La trésorerie résiduelle est prévue pour rejoindre le budget général de l'État.

Plus généralement, une augmentation des moyens relatifs à la régulation et à l'expertise du nucléaire était attendue dans le contexte d'une relance du secteur. À cet égard, la dégradation du budget de l'IRSN était une source de préoccupation importante, relevée par la Cour des comptes en 2021 ainsi que par Jean-François Rapin, dans le rapport de contrôle qu'il a consacré à l'Institut62(*). Sans la fusion, il était prévu que le solde du fonds de roulement de l'IRSN atteigne -5,6 millions d'euros en 2025.

Il est possible que la rationalisation des activités puisse permettre des économies dans les prochaines années, mais celles-ci ne sont pas garanties, sachant que la fusion n'a pas été effectuée pour des raisons budgétaires63(*).

Comparaison entre les financements publics de l'ASN et à l'IRSN
en 2024 et les crédits ouverts en 2025 pour l'ASNR

Source : commission des finances

S'agissant des emplois, 2027 ETPT sont demandés pour l'ASNR en 2025. Là aussi, ce plafond d'emploi a été déterminé à partir de l'ASN et de l'IRSN.

En effet, le plafond d'emploi de l'ASN en 2024 est de 470 ETPT, tandis que celui de l'IRSN est de 1654 ETPT. À la somme des deux, il faut d'abord retrancher les transferts vers la direction de l'expertise nucléaire de défense (- 131 ETPT), le commissariat de l'énergie atomique (- 38 ETPT) et le service du contrôle budgétaire et comptable ministériel du ministère de l'écologie (- 1 ETPT). On doit également compter l'effet des schémas d'emplois 2024 et 2025 (+ 9 ETPT) et l'inclusion des doctorants dans le plafond d'emplois (63 ETPT)64(*).

Détermination du plafond d'emploi de l'ASNR

(en ETPT)

Note : DEND : direction de l'expertise nucléaire de défense ; CEA : Commissariat de l'énergie atomique ; CBCBM : contrôle budgétaire et comptable ministériel.

Source : commission des finances


* 60 Le programme 212, « soutien de la politique de défense » porte également une subvention à l'IRSN d'un montant de 4,4 millions d'euros pour 2024.

* 61 Le Gouvernement a avancé cet argument lors de son audition publique à l'OPECST, le 16 février 2023 : « le dispositif actuel de gestion de crise souffre actuellement de la dualité du système de sûreté nucléaire français, qui conduit à avoir, pour les autorités publiques, deux entités comme interlocutrices sur le même sujet, et disposant chacune d'une cellule de crise ».

* 62 Cour des comptes, « L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN », 26 octobre 2021. La Cour des comptes pouvait ainsi écrire : « Si l'Institut a équilibré son budget au cours de la période contrôlée du fait de l'absence de dotations aux amortissements, il enregistre des déficits comptables récurrents, ce qui signifie que l'Institut ne constitue ou ne reconstitue pas les réserves financières nécessaires au renouvellement de ses matériels, aménagements et plateformes techniques. »

* 63 Jean-François Rapin, rapport d'information fait au nom de la commission des finances, « Relance du nucléaire : adapter les moyens de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) », 24 mai 2023 : « Les acteurs entendus par le rapporteur spécial sont tous allés dans le sens de l'absence de gains d'efficience attendus de la fusion. La direction du budget a mis en avant ses « espoirs tout à fait mesurés sur des pistes de rationalisation » émergeant de la nouvelle organisation. »

* 64 Les doctorants sont comptés hors plafond dans un EPIC, mais ils sont comptés dans le plafond dans un EPA.

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