B. 1,2 MILLIARD D'EUROS D'ÉCONOMIES ATTENDUES SUR LES DISPOSITIFS D'AIDES À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES
1. En 2025, par rapport aux dépenses exécutées en 2024, la baisse des crédits affectés aux aides à l'acquisition de véhicules propres pourrait s'élever à 1,2 milliard d'euros
Les crédits relatifs aux aides « historiques » à l'achat ou à la location de véhicules neufs émettant peu de CO2 (« bonus ») ainsi qu'au retrait de véhicules qui émettent beaucoup de CO2 (prime à la conversion)51(*) sont suivis à l'action 03 « Aides à l'acquisition de véhicules propres ». À ces aides historiques s'est ajouté depuis 2024 le dispositif dit de leasing social qui aura coûté, dès sa première année et en dépit d'un nombre de bénéficiaires limité, 650 millions d'euros (voir infra).
Les crédits proposés en 2025 pour financer les aides à l'acquisition de véhicules propres ont été réduits à 970 millions d'euros, soit une baisse de 530 millions d'euros par rapport aux crédits prévisionnels prévus en LFI pour 2024 (1 500 millions d'euros). Cette baisse sera même en réalité plus accentuée du fait de la surconsommation des crédits relatifs aux aides à l'acquisition de véhicules propres. En effet, en raison du succès inespéré du leasing social et du dynamisme supérieur aux anticipations du bonus, les crédits consommés en 2024 au titre de l'action 03 du programme 174 pourraient, selon les prévisions les plus récentes, atteindre 1 846 millions d'euros, soit 346 millions d'euros de plus que les crédits adoptés en LFI pour 2024. En partant de cette base de référence, la diminution des crédits proposés par le PLF pour 2025 atteindrait 876 millions d'euros, soit une baisse de 47 %.
En outre, dans le cadre de son plan d'économies complémentaires de 5 milliards d'euros, le Gouvernement a annoncé vouloir réduire de 300 millions d'euros supplémentaires les crédits inscrits en 2025 au titre de l'action 03. Cette diminution de crédits pourra être compensée par l'utilisation d'un nouveau levier de financement pour les aides à l'acquisition de véhicules propres : les certificats d'économies d'énergie (CEE).
Au total, la réduction du montant de crédits prévus en 2025 au titre des aides à l'acquisition de véhicules propres par rapport aux dépenses exécutées en 2024 s'élèverait ainsi à 1 176 millions d'euros, soit une baisse de 64 %.
Évolution des crédits (CP)
consacrés aux aides
à l'acquisition de véhicules
propres
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire du rapporteur
2. Des dispositifs de soutien « historiques » qui vont devoir être rendus moins attractifs pour réduire les dépenses publiques qu'ils génèrent
D'après les informations fournies au rapporteur par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), en juillet 2024, la part des voitures neuves qui remplissent les critères d'attribution du bonus s'établissait à 9,3 % tandis qu'au cours des sept premiers mois de l'année, 896 millions d'euros ont été versés pour 192 000 bonus52(*). En 2023, 331 000 bonus avaient été versés53(*) (soit une hausse de 1,5 % en un an) pour un total de 1,4 milliard d'euros, en hausse de 26 % par rapport à 2022.
Au cours des sept premiers mois de l'année 2024, 40 000 primes à la conversion ont été distribuées pour 141 millions d'euros. En 2023, 76 000 primes avaient été attribuées (un chiffre en baisse de 17,4 % par rapport à 2022) pour un montant de 250 millions d'euros.
Nombre de bonus et de primes à la conversion distribués (2018-2023)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Pour que ces dispositifs d'aides ne génèrent pas en 2025 des coûts supérieurs aux crédits prévus en loi de finances initiale, et ce même si le levier des CEE est mobilisé pour les financer, ils devront nécessairement être significativement révisés et rendus moins attractifs. Alors que l'option de la suppression du dispositif de prime à la conversion est souvent évoquée, des hypothèses de ciblage et de baisse du montant du bonus seront vraisemblablement également nécessaires.
Toujours d'après les éléments transmis par la DGEC, au cours des sept premiers mois de l'année 2024, 178 900 voitures électriques neuves ont été immatriculées en France, contre 157 400 sur la même période en 2023. Leur part de marché a ainsi progressé de 1,7 point pour atteindre 16,9 %.
Part de marché des véhicules électriques54(*) (2011-2024)
Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)
Sur cette même période, la part de marché des véhicules hybrides rechargeables a quant à elle décrue de 1 point à 7,8 % pour 82 700 véhicules vendus.
Part de marché des véhicules hybrides rechargeables55(*) (2011-2024)
Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)
Jusqu'en 2023, alors que les trois quarts des voitures électriques vendues en France étaient importés et que la même part de la valeur ajoutée totale des batteries était produite par l'industrie chinoise, en pratique, les aides à l'acquisition de véhicules propres financées par les contribuables français revenaient à subventionner l'industrie automobile chinoise et à mettre en danger notre souveraineté. C'est cet état de fait inacceptable que le rapporteur spécial avait dénoncé à l`occasion de l'examen du PLF pour 2023. Elle avait invité le Gouvernement de l'époque à concevoir un dispositif, sur le modèle notamment des mesures mises en place par les États-Unis à l'été 2022, permettant de prendre en compte l'empreinte carbone des véhicules sur l'ensemble de leur cycle de vie et non les seules émissions générées lors de leur usage. Cette méthode, plus respectueuse des enjeux climatiques devait également permettre de privilégier les véhicules produits en France et en Europe, du fait d'un mix énergétique moins carboné qu'en Chine.
Il aura fallu plusieurs mois pour que le gouvernement de l'époque finisse par reconnaître l'urgence du problème et par se ranger aux arguments et aux solutions préconisées par le rapporteur spécial. Par un décret56(*) et un arrêté57(*) du 19 septembre 2023, il avait ainsi mis en place un dispositif permettant de conditionner l'éligibilité au bonus à l'obtention d'un score environnemental calculé, en plus des émissions à l'usage, au regard de l'empreinte écologique de chacune des étapes qui précèdent la mise en circulation du véhicule. Ce score prend donc notamment en compte les matériaux utilisés pour la production (acier, métaux ferreux, aluminium, etc.), la consommation énergétique lors de l'assemblage, l'empreinte écologique des batteries ou encore le transport des véhicules jusqu'à leur lieu de commercialisation. Pour être éligible, un véhicule doit obtenir un score minimum de 60 sur 80. L'application de cette nouvelle méthodologie a été étendue à la détermination de l'éligibilité des véhicules à la prime à la conversion ainsi qu'au nouveau dispositif de leasing social (voir infra).
Désormais, seules les versions de voitures particulières neuves électriques qui figurent sur la liste publiée par l'arrêté interministériel du 14 décembre 2023 modifié, mise à jour tous les mois par de nouveaux arrêtés58(*), traduisant leur atteinte du score environnemental minimal suite à l'instruction de leur dossier par l'Ademe, peuvent bénéficier des aides financées par les contribuables français. Aujourd'hui, la liste comporte un peu plus de 600 modèles de véhicules.
Cette réforme a eu pour effet de sensiblement réduire la part des véhicules neufs éligibles au bonus. Cette part est ainsi passée de 20,1 % en décembre 2023 à 9,5 % en août 2024. Le premier bilan du dispositif est positif. L'administration comme les acteurs du secteur s'accordent à reconnaître son efficacité. D'après le secrétariat général à la planification écologique (SGPE), cette réforme aurait ainsi permis d'accroître la part de marché des véhicules fabriqués en Europe et de réduire celle des véhicules importés d'Asie dans les immatriculations de voitures particulières neuves en France. Ainsi d'après les informations transmises par la DGEC au rapporteur, du fait de cette réforme, « la part de marché des véhicules électriques assemblés en Asie a diminué de 45,0 % en décembre 2023 à 24,8 % en juin 2024, tandis que celle des véhicules assemblés en Europe a augmenté de 45,0 % en décembre 2023 à 53,8 % en juin 2024 ».
Le rapporteur se félicite des bons résultats de cette réforme qu'elle avait appelée de ses voeux un an avant qu'elle ne soit effectivement mise en oeuvre.
3. Le leasing social : un succès inespéré pour un coût considérable
Mis en place au 1er janvier 2024, le dispositif de leasing social permet à ses bénéficiaires d'accéder à des offres de location59(*) de véhicules électriques extrêmement attractives pour des loyers mensuels situés entre 40 euros et 150 euros, soit pour certains véhicules, des montants très nettement inférieurs à l'objectif de 100 euros par mois qui avait été envisagé à l'origine. En 2025, il a concerné les ménages appartenant aux cinq premiers déciles de revenus dépendant de leurs véhicules personnels pour leur activité professionnelle.
Le dispositif de leasing social a rencontré un succès absolument inespéré, allant très au-delà de toutes les anticipations de l'administration comme des constructeurs. Alors que le dispositif avait été lancé sans limite de temps ni de commandes et que les estimations les plus optimistes tablaient sur 10 000 à 20 000 véhicules commandés sur l'année, pas moins de 50 000 demandes ont affluées dès les premiers jours de janvier. En conséquence, le dispositif a dû être suspendu en catastrophe dès février 2024 pour éviter que son coût atteigne des niveaux trop insoutenables pour le budget de l'État.
Le coût pour l'État de chaque dossier représente en effet 13 000 euros, soit, pour 2025, un montant total de 650 millions d'euros.
Compte-tenu de la baisse des crédits prévues au titre des aides à l'acquisition de véhicules propres en 2025, il ne fait aucun doute que le coût associé au dispositif de leasing social devra être réduit en restreignant de manière sensible le montant du soutien apporté par l'État à chaque dossier et en ciblant davantage les bénéficiaires. Une aide limitée à 6 000 ou 7 000 euros par véhicules aurait par exemple vraisemblablement pu permettre d'atteindre l'objectif d'un loyer de 100 euros pour les véhicules d'entrée de gamme.
* 51 C'est le Fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres, dont la gestion est assurée par l'Agence de services et de paiement, qui est chargé du suivi des dossiers des demandes d'aides et qui assure leur versement.
* 52 Dont 131 000 bonus attribués à des voitures particulières.
* 53 Dont 298 000 bonus attribués à des voitures particulières.
* 54 Dans les ventes annuelles de véhicules neufs.
* 55 Dans les ventes annuelles de véhicules neufs.
* 56 Décret n° 2023-886 du 19 septembre 2023 relatif au conditionnement de l'éligibilité au bonus écologique pour les voitures particulières neuves électriques à l'atteinte d'un score environnemental minimal.
* 57 Arrêté du 19 septembre 2023 relatif à la méthodologie de calcul du score environnemental et à la valeur de score minimale à atteindre pour l'éligibilité au bonus écologique pour les voitures particulières neuves électriques.
* 58 La dernière liste a été complétée par l'arrêté du 7 octobre 2024 modifiant l'arrêté du 14 décembre 2023 fixant la liste des versions de voitures particulières électriques ayant atteint le score environnemental minimal conditionnant l'éligibilité à certaines aides à l'achat ou à la location de véhicules peu polluants.
* 59 Pour une durée minimum de 3 ans.