II. PROGRAMME 174 « ÉNERGIE, CLIMAT ET APRÈS-MINES » : DES CRÉDITS AFFECTÉS PAR LES CONTRAINTES BUDGÉTAIRES

Le coeur du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » est constitué d'aides versées aux ménages pour alléger leurs charges de consommation énergétique (le chèque énergie) et pour soutenir la conversion écologique du parc de véhicules (les aides à l'acquisition de véhicules propres).

D'autres dépenses portées par ce programme concernent notamment :

- l'accompagnement de l'après-mines, centré sur la gestion des garanties sociales et la reconversion économique des bassins miniers ;

- les activités permettant la promotion de la lutte contre l'effet de serre et le changement climatique ainsi que l'amélioration de la qualité de l'air.

En 2025, une évolution de périmètre très substantielle42(*) affecte le programme. Il s'agit du transfert des crédits relatifs au dispositif « MaPrim'Renov » vers le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat »43(*) rattaché à la mission « Cohésion des territoires ».

Par ailleurs, les crédits proposés en 2025 sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » s'élèvent à 2,4 milliards d'euros en AE et 2,1 milliards d'euros en CP, soit, à périmètre constant, des diminutions respectives de 38,5 % et 26,4 %.

Cette baisse significative des crédits inscrits sur le programme 174 a trois principales origines :

- une diminution de 530 millions d'euros des crédits devant financer les aides à l'acquisition de véhicules propres ;

- une baisse de 180 millions d'euros des crédits de paiement dévolus au chèque énergie en lien avec la réforme de ce dispositif ;

- la non reconduction de l'aide ciblée portant sur la consommation de carburants des actifs ayant besoin de leur véhicule pour se rendre sur leur lieu de travail44(*).

Crédits prévus au titre du programme 174 « Énergie, climat et après-mines »
en 2025 (CP)

(en millions d'euros)

 

2023

(Exécution)

2024

(LFI)

2025

(PLF)

Variation

2024-2025

01- Politique de l'énergie

130,7

182,7

181,2

- 0,8 %

02- Accompagnement transition énergétique45(*)

1 313,0

1 391,0

615,0

- 55,8 %

03- Aides à l'acquisition de véhicules propres

1 697,6

1 501,0

970,5

- 35,3 %

04- Gestion économique et sociale de l'après-mines

267,5

270,2

256,7

- 5,0 %

05- Lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l'air

53,5

63,7

78,5

+ 23,2 %

06- Soutien

20,6

1,4

6,2

+ 342,9 %

Total programme

3 482,8

2 863,2

2 108,0

- 26,4 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Il est à noter que l'augmentation des crédits prévus au titre de l'action 06 « Soutien » s'explique par l'imputation sur cette action des coûts de la campagne de communication « Sobriété énergétique » qui étaient auparavant financés par redéploiement de crédits.

Enfin, dans le cadre de sa volonté de réaliser 5 milliards d'euros d'économies de dépenses supplémentaires par rapport à sa copie initiale, le Gouvernement a par ailleurs annoncé vouloir réduire de 300 millions d'euros supplémentaires les crédits alloués aux dispositifs d'aide à l'acquisition de véhicules propres. Une partie de ces aides pourrait désormais être financée via le mécanisme des certificats d'économies d'énergie (CEE).

A. UNE RÉFORME INCONTOURNABLE DES MODALITÉS D'ATTRIBUTION DU CHÈQUE ÉNERGIE QUI VA CEPENDANT EN RÉDUIRE LE NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES

1. En 2024, les conditions d'attribution du chèque énergie ont été très profondément perturbées par la fin de la taxe d'habitation sur les résidences principales

Le chèque énergie est un titre spécial de paiement conçu pour aider les ménages les plus modestes à payer leurs factures d'énergie46(*). Il permet aux ménages bénéficiaires de régler leur facture d'énergie, quel que soit leur moyen de chauffage. L'aide moyenne est d'environ 150 euros, avec un montant par chèque qui varie entre 48 et 277 euros. Ce montant était jusqu'à aujourd'hui calculé en fonction du revenu fiscal de référence et de la situation familiale du bénéficiaire (évaluée en fonction du nombre d'unités de consommation47(*)). Le dispositif concerne les ménages qui se situent en-dessous du deuxième décile de revenus, soit 20 % des ménages français

Jusqu'en 2023, le critère de la composition familiale du ménage était apprécié à partir de la base de données afférente à la taxe d'habitation (« base TH ») tenue et mise à jour par la direction générale des finances publiques (DGFiP).

Barème du chèque énergie 2024

 

RFR/UC<5 700€

5 700€<RFR/UC<6 800€

6 800€<RFR/UC<7 850€

7 850€<RFR/UC<11 000€

1 UC

194 €

146 €

98 €

48 €

1 <UC<2

240 €

176 €

113 €

63 €

2 UC ou + 

277 €

202 €

126 €

76 €

Source : réponses de la DGEC au questionnaire budgétaire

La distribution par montants du nombre de chèques émis au titre de la compagne 2024 est présentée dans le graphique ci-après.

Distribution par montants des chèques énergie émis au titre de la campagne 2024

(en nombre de chèques)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGEC au questionnaire budgétaire

Au titre de la campagne 2024, environ 5,5 millions de ménages doivent bénéficier du dispositif de chèque énergie. Depuis 2022, le nombre de ménages bénéficiaires s'est ainsi érodé d'environ 300 000.

Compte tenu de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales au 1er janvier 2023, la liste des bénéficiaires du chèque énergie pour 2024 n'a pas pu être établie selon les critères habituels. Aussi, le Gouvernement de l'époque avait-il décidé de reconduire à l'identique la liste des bénéficiaires du chèque énergie au titre de l'année 2023. Cette situation a engendré de nombreuses réclamations et la dénonciation de situations d'injustices dans la mesure où certains ménages qui n'étaient pas éligibles en 2023 auraient dû avoir droit au bénéfice du chèque énergie en 2024 en raison de l'évolution de leur situation entre 2021 et 2022.

Aussi, en complément, un guichet de demande a-t-il été mis en place afin de permettre aux ménages qui sont éligibles au chèque énergie au titre de leur situation en 2022 (revenus et composition du ménage), mais ne l'étaient pas au titre de leur situation en 2021 ou dont la situation a changé depuis 2021, de réclamer l'attribution du chèque énergie auquel ils ont droit. Cette situation concerne par exemple les jeunes primo-déclarants qui entrent dans la vie active, les ménages qui ont connu une baisse de revenus entre 2021 et 2022 ou les ménages qui ont connu une naissance en 2022. Ouvert le 4 juillet dernier, ce guichet doit rester accessible jusqu'au 31 décembre 2024.

D'après les éléments figurant dans le projet annuel de performances du programme 174, un million de ménages pourraient être concernés par ce système déclaratif. Le taux de recours de ce chèque énergie « quérable » est estimé à seulement 40 % par l'administration. Il pourrait ainsi représenter 60 millions d'euros48(*).

Dans ces conditions, à date, le montant des chèques émis pour la campagne 2024 s'élève à 821 millions d'euros contre 834 millions d'euros en 2023 et 863 millions d'euros en 202249(*), soit une érosion d'environ 5 % en deux ans.

2. Rendue indispensable, la réforme du mode d'attribution du chèque énergie va se traduire en pratique par une baisse du nombre des ménages qui en seront effectivement bénéficiaires

Pour tenir compte des conséquences induites par la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, l'article 60 du présent PLF (dont le commentaire figure infra) prévoit une révision des critères du chèque énergie ainsi que de ses modalités d'attribution. Si les modalités techniques de leur prise en compte et de leur collecte par l'administration seront amenées à évoluer, de manière générale, les conditions pour apprécier l'éligibilité et le montant du chèque énergie doivent cependant rester les mêmes, à savoir les revenus d'un ménage et sa composition.

En raison de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, il n'est plus possible d'apprécier le critère de la composition du ménage à partir de la base de données afférente à la taxe d'habitation (« base TH ») qui était tenue et mise à jour par la DGFiP. Le critère de la composition familiale serait ainsi désormais apprécié au travers de la composition du foyer fiscal elle-même prise en compte dans le revenu fiscal de référence des avis d'impôt sur le revenu. L'unité de référence ne serait ainsi plus le ménage et sa composition qui pouvaient être identifiés au moyen de la « base TH » mais le foyer fiscal au sens de l'impôt sur le revenu.

En outre, pour éviter que deux chèques soient envoyés pour les ménages qui vivent ensemble mais déclarent leurs revenus séparément, il est nécessaire de croiser les données correspondant au foyer fiscal extraites des déclarations d'impôt sur le revenu avec l'information relative à l'occupation d'un logement. Cette dernière information serait appréciée à partir du numéro de point de livraison du compteur d'électricité.

Aussi, désormais, l'attribution du chèque énergie reposerait-elle sur les paramètres fiscaux du ménage, c'est-à-dire sur la notion de foyer fiscal, et sur le croisement entre le numéro de compteur et le numéro fiscal du titulaire du contrat de fourniture d'électricité. Ce croisement doit assurer qu'un seul chèque soit envoyé par logement.

Cette révision se traduira malheureusement par une baisse de l'efficacité du dispositif liée à la fin de l'automatisation universelle de son attribution. En effet, le dispositif deviendra partiellement « quérable », c'est-à-dire qu'une partie des foyers éligibles devront faire la démarche de se manifester pour réclamer leur droit. L'expérience de 2024 le démontre, sur cette part « quérable », il est à craindre un phénomène de non recours particulièrement important.

Aussi, contrairement à la situation qui prévalait jusqu'en 2023 du fait de l'automatisation universelle des envois de chèque, certains foyers éligibles ne bénéficieront-ils pas du dispositif. Le nombre de ménages effectivement bénéficiaires du chèque énergie va ainsi sans aucun doute diminuer.

S'il confirme ce phénomène, le projet annuel de performances pour 2025 du programme 174 témoigne cependant d'un certain optimisme, probablement excessif, en indiquant que la réforme du chèque énergie « pourrait conduire à une réduction transitoire du nombre des bénéficiaires la première année de mise en oeuvre ».

Pour l'année 2025, seuls 615 millions d'euros de crédits de paiement sont inscrits sur le programme 174 au titre du chèque énergie, soit une baisse de 180 millions d'euros par rapport aux montants prévus en 2024. En revanche, les autorisations d'engagement prévues pour cette même année 2025 au titre du dispositif restent stables à 900 millions d'euros. Cela signifie que l'administration considère que l'ensemble des nouveaux bénéficiaires non connus de l'ASP se manifesteront et que la réforme ne se traduirait que par un retard dans l'attribution des chèques considérés et dans leur utilisation qui interviendrait pour une part plus importante en année N + 1, c'est-à-dire en 2026 s'agissant de la campagne 2025. Cette hypothèse apparaît cependant irréaliste. Il ne fait pas de doute que la quérabilité partielle du dispositif engendrera une part de non recours et que certains foyers éligibles ne réclameront pas leur chèque.

En outre, le rapporteur observe qu'aujourd'hui, compte-tenu du calibrage du critère de revenus, certains ménages qui se situent sous le seuil de pauvreté (60 % du revenu médian) ne sont pas éligibles au chèque énergie. Dans le futur, elle estime qu'il serait juste de paramétrer le dispositif de façon à s'assurer que tous les ménages situés sous le seuil de pauvreté bénéficient effectivement de ce dispositif de soutien. Toutefois, par esprit de responsabilité et compte-tenu de l'impératif de redresser à court terme l'état préoccupant de nos finances publiques, le rapporteur convient que cette évolution nécessaire ne pourra pas être mise en oeuvre dès 2025.

3. Des frais de gestion de 35 millions d'euros qui interpellent

Le rapporteur ne cache pas son étonnement quant à l'ampleur des frais de gestion du dispositif de chèque énergie. En 2025, ces frais sont évalués à 35 millions d'euros, soit plus de 4 % du coût total. Dans le cadre de la mise en oeuvre de la réforme du mode d'attribution du chèque énergie50(*), ces frais devraient augmenter de 4 millions d'euros (+ 13 %) par rapport à 2024. Aussi, depuis la généralisation du dispositif, ces frais auront été presque multipliés par deux.

Si la hausse très importante de ces frais constatée en 2022 et 2023 s'explique par les nombreux chèques exceptionnels qui ont été mis en place pour accompagner les consommateurs dans le cadre de la crise des prix de l'énergie, il semble qu'une sorte « d'effet cliquet » se soit produit dans la mesure où les coûts n'ont pas retrouvé en 2024 leur niveau antérieur à la crise.

Évolution des frais de gestion constatés (2019-2023) et prévisionnels (2024 et 2025)
du dispositif de chèque énergie

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les projets et rapports annuels de performance de la mission « Écologie, développement et mobilité durables »

La DGEC a souligné au rapporteur que l'ampleur de ces frais de gestion est principalement liée à l'assistance téléphonique auprès des usagers, à l'impression et à l'envoi de 5,5 millions de chèques sur du papier sécurisé onéreux ou encore aux dépenses relatives aux systèmes informatiques permettant de gérer les interfaces entre l'Agence de services et de paiement (ASP) et les fournisseurs d'énergie, en particulier entre le moment où les chèques ont été utilisés par leurs bénéficiaires et où l'ASP verse la compensation financière correspondante au fournisseur.

Avec notamment la création d'une plateforme de demande électronique, les besoins liés au nouveau système d'attribution doivent se traduire par une augmentation supplémentaire de ces frais que le rapporteur espère non pérenne. Elle suivra avec attention les évolutions de ces dépenses au cours des années à venir.


* 42 1 milliard d'euros d'AE et 1,4 milliard d'euros de CP en 2025.

* 43 Géré par la Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature.

* 44 435 millions d'euros de crédits avaient été ouverts au titre de ce dispositif dans le cadre de la LFI pour 2024.

* 45 À périmètre constant, c'est-à-dire en retraitant les crédits alloués au dispositif MaPrimeRenov en LFI pour 2024.

* 46 Il a été instauré par l'article 201 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte pour remplacer les tarifs sociaux de l'énergie. Après une phase d'expérimentation il a été généralisé en 2018.

* 47 La première personne du ménage compte pour 1 UC, la deuxième pour 0,5 UC et les suivantes pour 0,3UC.

* 48 42 millions d'euros pourraient être dépensés en 2024 et 18 millions d'euros en 2025 selon une hypothèse d'utilisation de 70 % de ces chèques dès 2024.

* 49 Hors chèques énergie exceptionnels.

* 50 Notamment en lien avec la création de la nouvelle plateforme électronique permettant aux bénéficiaires potentiels de se faire connaître.

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