II. LA CONSIGNE VOULUE PAR LE GOUVERNEMENT : UN RECUL ÉCOLOGIQUE
La secrétaire d'État a déclaré devant la commission : « il faut à tout texte de loi son objet transitionnel, son symbole. Pour ce projet, ce sera peut-être la consigne ». Loin des déclarations solennelles, la consigne telle qu'envisagée par le Gouvernement n'est pas l'avancée écologique majeure annoncée.
A. DES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES FLOUES MAIS UNE INTENTION PRÉCISE : L'INSTAURATION D'UNE CONSIGNE POUR RECYCLAGE SUR LES BOUTEILLES EN PLASTIQUE
1. Une communication gouvernementale fondée sur un malentendu
Le Gouvernement entretient une ambiguïté sur la finalité de la consigne , les citoyens se disant généralement favorables à la consigne en pensant à celle pour réemploi (sur le verre). Une confusion est ainsi entretenue dans l'esprit du public, sur la notion de consigne, dont la nature n'est jamais précisée - réemploi ou recyclage ? -, ni les produits qui seraient concernés - bouteilles en plastique ? canettes ? verre ? autres emballages ? piles ? - ni les modalités de mise en oeuvre - dans quelles conditions ? qui paye ? quels points de reprise ? quelle somme consignée ? quelles compensations ? La rédaction retenue dans le projet de loi est suffisamment large et floue pour que chacun puisse y trouver ce qu'il cherche 3 ( * ) .
Or, l'intention du Gouvernement est précise : il s'agit pour l'heure de mettre en place une consigne pour recyclage sur les bouteilles en plastique PET .
2. Un projet loin de faire l'unanimité
La rapporteure a pu constater, au cours de la centaine d'auditions qu'elle a menées, que le projet de consigne pour recyclage des bouteilles en plastique PET rencontrait l'hostilité ou a minima la circonspection de la quasi-totalité des parties prenantes du secteur des déchets : collectivités territoriales en charge du service public de gestion des déchets, opérateurs du recyclage, associations environnementales et de consommateurs, autres secteurs industriels contribuant au financement des déchets ménagers. Les principales associations de protection de l'environnement et de l'économie solidaire engagées en matière d'économie circulaire ont ainsi indiqué dans une prise de position commune : « sur la consigne, les Français plébiscitent le retour du modèle qu'ils ont connu, qui permet le réemploi de l'emballage en verre et donc la réduction de la production de déchets. Nous souhaitons que la loi donne la priorité au réemploi et sommes opposés au modèle visant uniquement le recyclage des bouteilles en plastique et canettes en aluminium, qui nous maintient dans l'ère du tout jetable . » 4 ( * )
D'ailleurs, les seuls éléments communiqués par le ministère à la commission au moment du dépôt du projet de loi ont été l'étude réalisée par le « Collectif Boissons » 5 ( * ) avec le concours de l'éco-organisme Citeo . Il est inédit et surprenant que l'exécutif ait renvoyé, pour juger de l'impact d'une mesure, aux seuls chiffres produits par les industriels concernés.
3. Une concertation des parties prenantes en trompe l'oeil
Étonnamment, cette disposition présentée par le Gouvernement comme la mesure phare du projet de loi ne figure que de manière assez floue et sous forme d'une expérimentation dans la Feuille de route économie circulaire (FREC) d'avril 2018, fruit pourtant de 18 mois de concertation avec l'ensemble des acteurs du secteur .
Le comité de pilotage sur la consigne créé en juin ne s'est quant à lui réuni qu'une seule fois. Le rapport établi à la demande du Gouvernement par son président Jacques Vernier et diffusé jeudi 12 septembre dernier ne lui a pas été soumis formellement ni même présenté .
Le Parlement se voit dessaisi par le caractère très général de la mesure contenue dans le projet de loi . Ce choix conduit à une étude d'impact indigente, qui mélange en permanence les effets de la consigne pour réutilisation, réemploi et recyclage 6 ( * ) . Le rapport de Jacques Vernier n'a été diffusé que très tardivement, moins d'une semaine avant l'examen en commission du texte.
* 3 L'article 8 du projet de loi permet de mettre en place un dispositif de consigne sur certaines catégories de produits consommés par les ménages, en des termes particulièrement vagues : « Il peut être fait obligation aux producteurs ou à leur éco-organisme de mettre en oeuvre sur le territoire un dispositif de consigne pour recyclage, réutilisation ou réemploi des produits consommés ou utilisés par les ménages, lorsqu'ils sont nécessaires pour atteindre les objectifs de collecte fixés par la loi ou le droit de l'Union européenne ».
* 4 « La seule réponse industrielle ne peut suffire à produire les leviers nécessaires pour faire face à la crise écologique » , Le Monde, 17 septembre 2019.
* 5 Le « Collectif Boissons » se présente lui-même comme « une initiative inédite rassemblant les principaux acteurs et parties prenantes du secteur de la boisson ». Il est constitué de représentants d'entreprises et d'organisations professionnelles et rassemble : l'Association des brasseurs de France (ABF), l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA), Boissons énergisantes France (BEF), Boissons rafraîchissantes de France (BRF), la Maison des eaux minérales naturelles (MEMN), la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), la Fédération nationale des boissons (FNB), la Confédération française du commerce de gros et international (CGI), le Syndicat des eaux de source (SES), le Syndicat national du lait de consommation (SYNDILAIT), et l'Union nationale interprofessionnelle des jus de fruits (UNIJUS).
* 6 S'agissant des consommateurs, l'étude d'impact se contente d'affirmer que ce dispositif est « plébiscité par le public » (mais de quelle consigne parle-t-on, puisque la rédaction prévue par le texte ne le précise pas ?) et que « par construction, le montant de la consigne étant restitué au consommateur lors du retour du produit, l'impact financier direct sur les particuliers est en principe nul » . Rien sur le montant des consignes non récupérées dans les pays ayant mis en oeuvre la consigne, rien sur les conséquences sur le geste de tri.