II. DROITS D'OBTENTEURS ET SEMENCES DE FERME

Un autre domaine d'extension de la protection des droits des obtenteurs a donné lieu, dans notre pays, à un conflit, qui explique le retard pris pour l'inscription de ce texte à l'ordre du jour du Parlement.

En effet, la protection ne couvre plus seulement le matériel de reproduction ou de multiplication végétative, mais également tout acte de reproduction. Elle vise ainsi le produit de la récolte ou les produits fabriqués à partir d'un produit de récolte de la variété protégée. Cette disposition était bien entendu défavorable à l'emploi, par certains agriculteurs, de « semences de ferme ». Ces semences sont obtenues après un tri effectué sur la récolte d'une variété protégée et constituent ainsi, pour ces agriculteurs récoltants, des semences de la même variété mais devenues, de fait, « libres de droit ».

Dès 1997, notre collègue M. Hubert Durand-Chastel exprimait son inquiétude dans les termes suivants : « La pratique des semences de ferme est ancienne et fort répandue. Sa réglementation via le versement d'une redevance par les agriculteurs concernés constituerait une innovation qui ne sera pas bien perçue. »

Les semences de ferme concernent essentiellement les plantes autogames 1 ( * ) , telles que le blé tendre dont le procédé de reproduction est simple. Des difficultés étaient donc prévisibles dans le secteur des autogames, qui comprenait, à cette époque, 400 obtenteurs et producteurs et 27 000 agriculteurs multiplicateurs de semences.

Le conflit opposant les obtenteurs et les utilisateurs de semences de ferme sur la rémunération du droit d'obtenteur a duré plusieurs années. Cet obstacle à la ratification de la convention a été levé par la conclusion d'un accord interprofessionnel, conclu le 26 juin 2001, pour le financement de la recherche variétale par tous les utilisateurs de semences de blé tendre.

Cet accord est un exemple concret de mise en oeuvre de la dérogation aux droits de l'obtenteur, prévue par l'article 15 de la convention de 1991, selon lequel, par dérogation au dispositif général, les agriculteurs sont autorisés à utiliser, à des fins de reproduction ou de multiplication, sur leur propre exploitation, les semences de ferme d'une variété protégée.

Concrètement, l'accord interprofessionnel relatif au blé tendre donne la possibilité aux agriculteurs français de ressemer sur leur propre exploitation une partie de leurs récoltes de variétés protégées de blé tendre, à condition de verser au titulaire du droit une rémunération équitable. La procédure mise en place permet, à partir d'une cotisation volontaire obligatoire sur la récolte de blé, aux obtenteurs de blé diffusant des variétés sur le territoire français, de récupérer des royalties en paiement de leur recherche.

Cet accord, qui est en vigueur depuis 4 ans, fonctionne bien. Il permet aux obtenteurs d'augmenter leurs ressources financières de 20 % sur l'espèce blé tendre. De plus, il est bien admis par les agriculteurs et ne pose pas de problème particulier. Le bilan de l'application de l'accord interprofessionnel relatif au renforcement de l'obtention végétale dans le domaine du blé tendre fait apparaître un versement aux obtenteurs de blé tendre de 5 millions d'euros en moyenne par an, ce qui représente une augmentation de leur chiffre d'affaires en Recherche et Développement d'environ 17 %.

* 1 Autogamie : mode de reproduction par union de gamètes provenant du même individu.

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