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Par M.
Jacques OUDIN
au nom de la commission des finances - Sommaire
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4. Les crédits inscrits pour 2002 au budget des Affaires étrangères : l'absence d'une vraie réponse française
En 2002, le budget des Affaires étrangères le montre clairement : notre action extérieure ne figure manifestement plus au rang des priorités gouvernementales. Et au sein même du budget des Affaires étrangères, la coopération et l'aide au développement sont de plus en plus sacrifiées. Au total, l'aide au développement française, et l'image de la France dans le monde, souffriront doublement de cette situation.
Certes, les événements du 11 septembre, et les analyses auxquelles ils ont pu donner lieu, sont intervenus après les arbitrages budgétaires. Mais on ne saurait sérieusement les qualifier d' « accident conjoncturel ». La France affiche en outre, aux plus hauts niveaux de l'État, depuis longtemps, et quotidiennement depuis les tristes événements de New York et de Washington, un discours constant sur la nécessité de renforcer « la lutte contre la pauvreté » et l'aide au développement.
Les chiffres sont éloquents, pour ne pas dire consternants : concours financiers et aide budgétaire : évolution nulle ;aide alimentaire : évolution nulle ; aide humanitaire et aide d'urgence : évolution nulle ; aide aux sorties de crise : évolution nulle ; contributions à des dépenses internationales, hors recherche : évolution nulle ; coopération militaire : - 5,6% ; coopération technique et au développement : - 20 %.
D'une manière générale, la part dévolue aux actions de coopération dans les dépenses de fonctionnement comme dans les dépenses d'intervention du ministère régresse. Cette évolution est particulièrement sensible pour les moyens d'intervention, dont la part dédiée à la coopération et à l'aide au développement passe de 52,2 % du total en 2001 à 49,4 % en 2002.
La légère progression des moyens de fonctionnement du ministère enregistrée en 2002 ne bénéficie pas aux actions de coopération et d'aide au développement, à l'exception singulière du HCCI (Haut Conseil de la Coopération Internationale) dont l'utilité et la pertinence sont loin d'être démontrées, et qui hérite pourtant de sept emplois nouveaux.
Les moyens d'intervention affectés aux actions de coopération et de développement, qui représentent désormais à peine plus de 20 % du total du budget du ministère, sont amputés de 171 millions de francs (26,1 millions d'euros).
Lorsque la DGCID doit effectuer des arbitrages de programmation au sein d'une enveloppe en réduction, elle privilégie systématiquement l'Europe centrale et orientale et le Proche et Moyen-Orient et diminue cruellement les crédits africains ; elle majore les moyens de la coopération culturelle et artistique et de l'audiovisuel - qui ne nourrissent pas les affamés 1 ( * ) - en amputant ceux de la coopération économique et institutionnelle. Lorsqu'il faut geler, puis annuler des crédits en fin d'exécution budgétaire, pour régler les rémunérations des effectifs à l'étranger et les contributions obligatoires de la France, ce sont les chapitres de la coopération au développement et de la coopération militaire qui passent à la « casserole ».
Une telle évolution confirme les craintes exprimées l'an dernier. Au terme de la réforme du dispositif français d'aide au développement, l'ancien ministère de la coopération, les moyens dont il disposait, son champ d'intervention privilégié, se sont totalement dissous au sein du ministère des affaires étrangères.
De fait, en 2002, les priorités du ministère - qui ne sont pas toutes contestables - sont les suivantes : le réseau des établissements culturels, le personnel du ministère, les français de l'étranger, les étudiants étrangers, le traitement des demandes d'asile, l'audiovisuel extérieur... et les Balkans.
A ce rythme, il n'est pas sûr que la France puisse durablement tenir le discours qui lui vaut encore tant de considération, au moins dans les enceintes internationales. Sa réputation est en jeu, car elle risque de n'être bientôt plus prise au sérieux.
D'autant que la grande réforme de l'aide publique française s'est arrêtée à celle de son seul dispositif administratif - d'une lourdeur effrayante - sans déboucher aucunement, bien au contraire, sur la définition claire d'une nouvelle et crédible politique française du développement. Les querelles, nombreuses, furent essentiellement « de boutique », et jamais de doctrine. Et la tutelle en est aujourd'hui réduite à laisser à un opérateur, certes « pivot », -l'Agence française de développement- le soin de « jouer un rôle moteur dans l'élaboration de conceptions nouvelles et cohérentes en matière de développement »...
* 1 Danton a dit en son temps : « Après la faim, l'éducation est le premier besoin du Peuple ».