EXAMEN EN COMMISSION
Mercredi 10 mars 1999
Réunie sous la présidence de
M
.
Alain
Lambert
, président, puis de
M. Roland du Luart
et de
M. Bernard Angels
, vice-présidents, la commission des
finances a procédé à l'examen de la proposition de loi
n° 108 (1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale,
relative au pacte civil de solidarité, sur le rapport pour avis de
M.
Philippe Marini
, rapporteur général
Présentant les lignes directrices de son analyse, le rapporteur
pour avis a déclaré que le pacte civil de solidarité est
non seulement inopportun, mais aussi inutile :
- il entretient une confusion des valeurs, notamment en ce qu'il aboutit
à nier, de facto, la fonction centrale du mariage et son rôle de
fondement de la famille ;
- il conduit à des situations juridiques inacceptables parce qu'il
permet la répudiation du partenaire à chaque instant ;
- il n'est pas porteur d'équité, en particulier sur le plan
fiscal, compte tenu des avantages qu'il apporte aux revenus
élevés et des comportements d'optimisation fiscale qu'il va
entraîner.
Mais c'est dans un esprit de réalisme et en tenant compte des nouvelles
réalités familiales que le rapporteur pour avis a
déclaré s'être efforcé de trouver un juste
équilibre entre les valeurs de liberté et de solidarité,
en étroite liaison avec la commission des lois, pour aménager de
façon ponctuelle mais substantielle, la législation fiscale.
En matière d'impôt sur le revenu, le rapporteur pour avis a
souhaité encourager la manifestation des solidarités liées
à des communautés de vie, sans pour autant créer, comme
l'Assemblée nationale, un instrument d'optimisation fiscale aussi
injuste qu'inefficace ; il a ainsi proposé de substituer à
l'imposition commune, qui doit demeurer un régime réservé
au mariage, un mécanisme d'abattement, d'un montant de
25.000 francs, pour une seule personne vivant sous le toit du
contribuable, tout en étendant le bénéfice du quotient
familial à tous les enfants de ce foyer fiscal élargi, qu'il
s'agisse de ceux du contribuable ou de ceux de la personne ainsi
rattachée.
En matière de droits de mutation, il a souhaité offrir plus de
liberté et de solidarité à nos concitoyens, en
proposant :
- de permettre à toute personne de désigner, par voie de
testament, un seul légataire privilégié pouvant
bénéficier d'un abattement sur sa part successorale ; cet
abattement serait fixé à 250.000 francs ;
- d'assouplir et d'améliorer le régime fiscal des frères
et soeurs cohabitants, qui pourraient bénéficier d'un abattement
successoral de 150.000 francs après un an au moins de vie commune
au moment du décès ;
- d'aménager les contrats d'acquisition en commun, plus connus sous le
nom de " tontines ", car le régime actuel, valable pour la
résidence principale de deux personnes, ne s'applique pas aux biens
d'une valeur supérieure à 500.000 francs. Il deviendrait
possible d'appliquer ce régime à tous les biens immobiliers,
à concurrence de 750.000 francs, la part supérieure à
ce montant étant passible des droits de mutation à titre gratuit.
Enfin,
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis,
a
considéré que s'il devait être tenu compte de ces nouvelles
formes de vie commune, il fallait, d'une façon générale,
renforcer les solidarités privées et, en tout premier lieu,
favoriser la famille. C'est ainsi qu'il a proposé :
- de permettre le rattachement au foyer fiscal des " grands "
enfants (de plus de 20 ans et de moins de 25 ans) à la
recherche d'un emploi, ce qui est une mesure favorable aux familles, car elle
permettra de faire jouer les majorations de quotient familial ;
- d'élever l'abattement dont bénéficient ces enfants
rattachés de 20.370 francs à 25.000 francs -dont il a
rappelé qu'il était, avant la dernière loi de finances, de
30.330 francs- et en soulignant que cette mesure bénéficie
aux ménages de tous niveaux de revenus.
En dernier lieu, le rapporteur pour avis a justifié un amendement
obligeant le Gouvernement à déposer un rapport annuel dressant un
bilan détaillé du coût des mesures induites par le
dispositif de l'Assemblée nationale, en s'étonnant d'ailleurs
qu'on ne dispose à ce jour d'aucun élément de chiffrage
solide .
Un large débat s'est ensuite engagé.
M. Denis Badré
, tout en approuvant l'analyse du rapporteur
pour avis, a rappelé qu'il fallait se montrer extrêmement vigilant
quant à un quelconque bouleversement de l'équilibre actuel du
code civil. A cet égard, il a souhaité que les dispositions
concernant le PACS figurent dans le titre du code civil traitant des biens et
non dans celui traitant des personnes.
M. Thierry Foucaud
a estimé, quant à lui, que
qualifier le dispositif du PACS d'inopportun et d'inutile aboutissait à
écarter tout débat de fond. Il a jugé que le rapporteur
pour avis, en se retranchant derrière des arguments fiscaux et
juridiques, refusait de prendre toute responsabilité dans ce
débat. Il a enfin déclaré que le PACS, malgré ses
imperfections, constituait une avancée sociale incontestable.
M. Bernard Angels
s'est déclaré défavorable
à la démarche du rapporteur pour avis, en rappelant que la
logique du dispositif adopté par l'Assemblée nationale
était celle d'un texte sur le couple et non celle d'un texte sur la
famille. Il a donc indiqué que les commissaires de son groupe ne
prendraient pas part aux votes sur les amendements.
Puis
M. Yann Gaillard
a indiqué que la principale question
à se poser était de savoir quelle image le Sénat allait
donner à l'opinion publique. A cet égard, il a estimé que
les propositions du rapporteur de la commission des lois et celle du rapporteur
pour avis étaient judicieuses, notamment sous l'angle de l'optimisation
fiscale.
Enfin,
M. Alain Lambert, président,
a estimé que le
PACS pouvait être abordé sur deux terrains, l'un philosophique,
l'autre pratique. Il a estimé que le premier terrain ne conduirait
qu'à de vaines conjectures. C'est la raison pour laquelle la commission
des finances a souhaité s'attacher aux dispositifs fiscaux et à
leur coût.
Après que le rapporteur pour avis eut répondu aux intervenants
en soulignant l'importance de la solidarité privée, la commission
a procédé à
l'examen des articles
sur lesquels
M. Philippe Marini, rapporteur général,
a
proposé des amendements.
A
l'article 2
, la commission a adopté un amendement
de M. Philippe Marini tendant à ouvrir aux contribuables la
possibilité de rattacher une personne à faibles ressources et de
bénéficier en conséquence de l'abattement prévu
à l'article 196 B du code général des
impôts. Cet amendement tient compte des observations de caractère
rédactionnel faites par
MM. Michel Charasse et Joël
Bourdin
.
A
l'article additionnel après l'article 2
, la commission a
adopté, sur proposition du rapporteur, un
article additionnel
tendant à permettre à un contribuable de verser une pension
alimentaire à ses collatéraux jusqu'au troisième
degré, n'ayant que de faibles ressources.
Avant l'article 3
, la commission a adopté, sur proposition
du rapporteur pour avis, un amendement répondant à certains
besoins de solidarité entre les générations dans le cadre
de la famille. Cet amendement prévoit, d'une part, le rattachement au
foyer fiscal des " jeunes adultes " à la recherche d'un emploi
au même titre que les étudiants, et, d'autre part, le
relèvement de l'abattement dont ils bénéficient en
application de l'article 196 B, au niveau de 25.000 francs.
A
l'article 3
, la commission a adopté un amendement du
rapporteur instituant un abattement de 250.000 francs pour une seule
personne désignée par testament. Cet amendement tient compte des
observations à caractère rédactionnel
présentées par
M. Michel Charasse
.
Après l'article 3
, la commission a adopté, sur
proposition du rapporteur, un
article additionnel
assouplissant le
régime successoral des frères ou soeurs domiciliés avec le
défunt pendant une période d'un an précédant le
décès. Cet amendement tient compte des observations
présentées par
MM. Yann Gaillard
et
Michel
Charasse.
Après l'article 4
, la commission a adopté, sur
proposition du rapporteur, un
article additionnel
tendant à
assouplir le régime de la tontine applicable à la
résidence principale, en prévoyant que le bien immobilisé
ainsi transmis n'est pas passible, à concurrence de 750.000 francs,
des droits de mutation à titre gratuit.
Enfin, la commission a adopté, sur proposition du rapporteur, un
amendement
après l'article 4
, tendant à créer
un
article additionnel
prévoyant que le Gouvernement
dépose un rapport sur l'application de la loi. Cet amendement tient
compte d'observations de caractère rédactionnel
présentées par
M. Michel Charasse
.
Il a été précisé que ces amendements,
élaborés en étroite liaison avec le rapporteur de la
commission des lois saisie au fond, pourront, le cas échéant,
être transformés en sous-amendements.