Proposition de loi relative au pacte civil de solidarité
MARINI (Philippe)
AVIS 261 (98-99) - COMMISSION DES FINANCES
Table des matières
- RÉSUMÉ DES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES
- EXPOSÉ GÉNÉRAL
- EXAMEN DES ARTICLES
- AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- ANNEXE
N°
261
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 10 mars 1999
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative au pacte civil de solidarité,
Par M.
Philippe MARINI,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Alain Lambert,
président
; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude
Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet,
vice-présidents
; Jacques-Richard Delong, Marc Massion,
Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Philippe
Marini,
rapporteur général
; Philippe Adnot, Denis
Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin,
Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean
Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard,
Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude
Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne,
Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri
Torre, René Trégouët.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème
législ.)
:
1118
,
1119
,
1120
,
1121
,
1122
,
1138, 1143
et T.A.
207
.
Sénat
:
108
et
258
(1998-1999)
Droit civil. |
RÉSUMÉ DES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES
A l'initiative de M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, la commission des finances a adopté, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi sur le pacte civil de solidarité, en liaison avec la commission des lois, une série d'amendements préconisant des mesures fiscales, de nature à répondre, concrètement, aux nouveaux besoins de solidarité de la société française.
Impôt sur le revenu :
création d'un abattement général de 25.000 F pour
toute personne majeure, à faibles ressources, accueillie au foyer du
contribuable. C'est la reconnaissance du rôle de la
solidarité
privée
;
possibilité de déduction d'une pension alimentaire pour
les collatéraux à faibles ressources (frères, soeurs,
oncles et tantes, nièces et neveux) dans la limite de 25.000 F, afin de
tenir compte, notamment, de l'existence des
fratries
.
Droits de mutation :
octroi d'un
abattement de 250.000 F pour une
(seule)
personne
, indépendamment de tout lien familial. C'est
reconnaître un espace de liberté testamentaire, dans les limites
du code civil ;
assouplissement du régime de la tontine
pour rendre
possible la transmission de la résidences principale sans application,
à concurrence de 750.000 F, du tarif - confiscatoire - des droits de
mutation à titre gratuit.
Fiscalité de la famille
:
prise en compte dans les personnes rattachables au foyer fiscal du
contribuable des
enfants à la recherche d'un emploi
, au
même titre que les enfants étudiants. C'est tenir compte des
difficultés des familles dont les enfants entrent parfois difficilement
dans la vie active ;
relèvement à 25.000 F de l'abattement dont
bénéficient les enfants rattachés au foyer fiscal et
extension de ce régime à tous les enfants âgés de
21à 24 ans. Cette mesure favorable aux revenus faibles et moyens permet
à la famille d'aider les
" jeunes adultes
".
Toutes ces mesures sont inspirées par le souci de la commission des
finances du Sénat de permettre aux Français de manifester leur
aspiration à
plus de solidarité et de liberté en
matière fiscale.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
La
proposition de loi relative au pacte civil de solidarité, adoptée
par l'Assemblée nationale, conduit à s'interroger sur les valeurs
sociales que doit refléter le système fiscal et sur la
façon dont il faut l'adapter à l'évolution des moeurs. Les
temps changent, la famille aussi, même si elle constitue toujours le
cadre par excellence de l'épanouissement des enfants et de la
transmission des valeurs de notre société.
Dans ce contexte, votre rapporteur pour avis a la conviction, comme son
collègue rapporteur de la commission des lois saisie au fond, avec
lequel il a travaillé en étroite collaboration, que le texte qui
vous est soumis, est à la fois inopportun et inutile :
• Il entretient une
grave confusion des valeurs
, notamment en ce
qu'il aboutit à nier,
de facto
, la fonction centrale du mariage
dans la société ;
• Il conduit à des
situations juridiques
confuses
et
parfois
inacceptables,
parce qu'il permet la répudiation du
partenaire à chaque instant ;
• Il n'est
pas
porteur
d'équité
, en
particulier
sur le plan fiscal,
et n'apporte pas d'avantages concrets
pour
toutes
les familles.
Du point de vue de la fiscalité qui fait l'objet de cet avis, il est
évident que la plupart des dispositions du texte transmis par
l'Assemblée Nationale, ne nécessitent - à supposer qu'on
les considère comme légitimes - que de simples
aménagements, substantiels certes mais ponctuels, du code
général des impôts.
Plutôt que de chercher à répondre à des
préoccupations très ciblées, il eût
été bien préférable de les insérer, en
fonction d'une vision cohérente, dans une réforme globale tant de
l'impôt sur le revenu que des droits de mutation. Appelant de ses voeux
une telle remise à plat, votre rapporteur pour avis veut
démontrer, en examinant le volet fiscal de ce texte, que le
présent projet est exagérément coûteux et que les
avantages qu'il apporte sont mal répartis et largement
disproportionnés.
Dans ces conditions, si votre rapporteur pour avis s'est efforcé
d'introduire dans un souci de cohérence avec les dispositifs existants,
des mesures d'encouragement à la solidarité privée, sous
toutes ses formes, il a considéré que ce texte devait être
aussi l'occasion d'améliorer la situation des familles.
I. L'ÉVOLUTION NÉCESSAIRE DE LA FISCALITÉ DE LA FAMILLE
Le droit
et la politique de la famille ont été élaborés
à un moment où le mariage était la seule perspective
véritablement admise pour vivre en couple, où les femmes, en
règle générale, ne travaillaient pas, où le divorce
était l'exception qui confirmait la règle.
Cette situation, associée à un modèle familial dominant, a
laissé la place à un paysage sociologique diversifié,
caractérisé par les liens multiformes, naturellement mouvants,
par lesquels les Français s'efforcent de concilier les valeurs de
liberté et de solidarité.
L'aspiration très forte à la liberté dans la vie
privée ne supprime pas tout attachement aux valeurs familiales
, qui
prennent désormais une dimension plus affective qu'institutionnelle.
La crise économique a, bien souvent, resserré les liens entre
parents et enfants, qui ne coupent le cordon familial que de plus en plus
tardivement. A l'autre bout de la chaîne, l'allongement de la
durée de la vie a suscité la multiplication de gestes de
solidarités entre les générations, qu'il s'agisse de
donations entre vifs ou de prises en charge des personnes âgées.
Le législateur a déjà accompagné, en particulier
sur le plan social, cette révolution silencieuse. Mais il peut aller
plus loin, notamment en matière de législation fiscale.
A. LES NOUVELLES RÉALITÉS FAMILIALES
La
famille reste la cellule de base de la société, mais force est de
constater que cette cellule est à
géométrie
variable
et qu'elle se développe, pour une part, en marge de
l'institution du mariage.
Celle-ci demeure, certes, le modèle de référence, dans la
mesure où il n'est pas contestable qu'elle est le cadre le plus
adapté à l'éducation des enfants et à la
transmission des valeurs nécessaires à la vie en
société.
La famille n'est certes plus cette réalité simple aux contours
bien définis ; qu'on le regrette ou non, elle recouvre des
situations de fait
multiples, dont la société doit tenir
compte, dans l'intérêt, notamment, des enfants.
En quelques décennies, la vie hors-mariage s'est largement
répandue avec la diffusion de la cohabitation à tous les
âges de la vie.
Selon l'INSEE, alors que moins de 3 % des couples français
n'étaient pas mariés dans les années soixante, la
proportion est montée à 6% dans les années quatre-vingt et
à 12 % dans les années quatre-vingt dix.
Pour l'INED,
parmi les personnes de 20-49 ans, une personne sur cinq vit en concubinage.
Dans les années soixante, la cohabitation conduisait rapidement au
mariage ; aujourd'hui, tous les couples, ou presque, commencent leur vie
commune en cohabitant ; une bonne partie d'entre eux prolongent cette
union libre toute leur vie, tout en ayant des enfants.
Parmi les couples formés hors-mariage vers 1980, 51 %
étaient mariés au terme de dix ans, mais 16 % restaient en
union libre, tandis qu'un bon tiers s'était séparé. Dix
ans plus tard, pour les couples formés vers 1990, 30 %
étaient mariés au bout de cinq ans, et 48 % restaient en
union libre.
La diffusion de l'union libre a eu pour conséquence
une explosion des
naissances hors-mariage
, qui sont passées de 6 % du total des
naissances au début des années 60 et 7 % en 1971, à
15,9 % en 1983, 30,1 % en 1990 et
39 % en 1996
, soit un
niveau intermédiaire entre les pays nordiques où ce taux est
proche 50 %, et les pays du sud.
Les enfants " nés hors mariage ", - expression qui tend
à se substituer aux termes d'enfants "illégitimes" ou "naturels"
-
sont majoritaires chez les premières naissances (53 %). On
note, également, que trois enfants sur quatre nés hors mariage,
sont aujourd'hui reconnus par le père dès la naissance, contre un
sur deux en 1980 et, seulement, un sur cinq jusqu'au début des
années 1970.
Corrélativement, le
nombre de mariages
a connu une chute
spectaculaire. De 400.000 par an dans les années 70, il est passé
à un chiffre annuel oscillant entre 250.000 et 280.000 pour atteindre
284.000
en 1997 : un chiffre encore en hausse de 1 %,
après le ressaut de 1996 dû aux nouvelles conditions restrictives
mises à l'octroi de la demi-part supplémentaire aux personnes
célibataires
1(
*
)
.
En 1998, on compte
14,8 millions de couples,
dont
12,4 millions sont
mariés
et environ
2,4 millions sont en union libre
. Parmi les
couples non mariés, 1,1 million ont au moins un enfant, et, parmi
eux, la moitié en a plusieurs.
Les couples mariés restent cinq
fois plus nombreux que les couples non mariés. Il ne faut pas
l'oublier
.
Mais l'institution du mariage évolue ; elle fait désormais
une place importante à deux phénomènes nouveaux : les
mariages "légitimants" et les remariages de couples - 11 % du total
-, dont au moins un des conjoints avait déjà un enfant d'une
précédente union.
En outre, il est important d'attirer l'attention sur certaines récentes
observations de l'INSEE, qui constate que l'accroissement du nombre d'unions -
toujours en 1996 - "a été particulièrement marqué
pour les hommes et femmes, célibataires ou divorcés, de 50
à 54 ans". Il s'agit souvent de personnes vivant ensemble depuis
longtemps, mais "les cohabitants vieillissent et, en cas de décès
du compagnon, le statut de veuf est plus protecteur que celui d'ancien
concubin".
B. UNE APPROCHE DIFFÉRENTE POUR LES MUTATIONS ET LE REVENU
Ainsi,
le lien familial perd-il de son caractère institutionnel pour se faire
plus volontaire, plus affectif. Comme le note la sociologue Irène
Théry, le couple se caractérise par un lien "plus
égalitaire, plus privé, et plus contractuel", qui traduit, selon
elle, une "exigence accrue dans la recherche du bonheur".
Face à ces nouveaux modes de vie, le législateur ne doit pas se
comporter en théoricien ou en doctrinaire, mais en homme de terrain,
soucieux de répondre aux aspirations de ses concitoyens, tout en prenant
en compte un certain nombre de valeurs morales et d'intérêt
général.
A cet égard, votre rapporteur pour avis est convaincu que,
s'il faut
préserver l'institution du mariage et donc lui réserver un statut
fiscal privilégié, il faut, aussi, tenir compte des nouvelles
réalités familiales et adapter notre législation pour
répondre aux besoins matériels et moraux des familles,
indépendamment du statut juridique dans lequel elles ont choisi de
s'épanouir
.
L'arbitrage est différent selon que l'on considère les droits de
succession ou l'impôt sur le revenu.
En matière de droits de mutation à titre gratuit, votre
rapporteur pour avis rejoint son collègue de la commission des lois
saisie au fond, pour estimer que la législation fiscale ne doit pas
faire obstacle à la
liberté de tester.
Aux côtés de la famille traditionnelle, dont les
intérêts sont légitimement protégés par le
code civil,
il existe des affinités électives, dont la loi
fiscale ne doit pas étouffer les manifestations par des
prélèvements dissuasifs.
Avec l'élévation de niveau de vie, de plus en plus de
Français disposent d'un patrimoine qu'ils ont constitué,
eux-mêmes, par leur épargne ; ils comprennent de moins en
moins qu'on leur interdise,
de facto
, d'en faire
bénéficier leur famille et, d'une façon
générale, les personnes qui leur sont proches.
Disposer d'un patrimoine est un élément de
sécurité dans la vie quotidienne
,
dont nos concitoyens
sont conscients, et dont ils
entendent, de plus en plus souvent, pouvoir
faire bénéficier leurs proches, sans que la fiscalité
vienne affecter leur liberté de choix
.
Liberté et sécurité sont deux aspirations auxquelles ne
répond pas le régime actuel des droits de mutation.
Il faudrait, avant tout, réformer un barème qui, au
delà d'une nécessaire solidarité, apparaît largement
confiscatoire
. Mais ce débat, de nature en grande partie
économique, sort largement du cadre de la discussion de la
présente proposition de loi.
En revanche, votre rapporteur pour avis a considéré comme son
collègue de la commission des lois, que ce texte pouvait être
l'occasion d'aménager
un espace de liberté testamentaire,
faisant une place aux affinités choisies indépendamment des liens
du sang ou des alliances
. Il ne s'agit pas de privilégier telle ou
telle relation, actuellement non légalement protégée, mais
de permettre à chacun de disposer, dans les limites du code civil, d'une
part de son patrimoine au profit d'une personne qu'il entend favoriser pour des
raisons personnelles.
Le problème de l'aménagement de l'impôt sur le revenu ne se
pose pas dans les mêmes termes. L'assimilation du couple lié par
un pacte civil de solidarité au couple marié est
présentée comme un signe de reconnaissance essentiel, alors
même que les avantages résultant de l'imposition commune ne
concernent qu'une fraction limitée de la population des couples non
mariés.
En fait,
sans intérêt pour les revenus modestes, le statut
fiscal des couples mariés est rendu particulièrement favorable
par le système du quotient familial et du quotient conjugal,
qui lui
est associé.
Ce quotient conjugal n'est aussi avantageux que par ce qu'il joue sur un
barème très progressif et un système de décote.
Celui-ci, fait pour atténuer les effets de la progressivité, a
pour effet de rendre le mariage peu intéressant pour les bas revenus,
lorsque les deux membres du couple travaillent et qu'ils n'ont pas ou peu
d'enfants.
Encore une fois, le problème n'est pas indépendant du contexte
général.
La réforme d'ensemble entreprise par le
gouvernement de M. Alain Juppé
et interrompue par le
présent gouvernement,
qui prévoyait la suppression de la
décote et l'allégement du barème, aurait eu pour
conséquence de rendre le mariage fiscalement plus attractif pour les bas
revenus
.
II. LE PACS : LE COÛT DE LA CONFUSION DES VALEURS
En créant avec le pacte civil de solidarité ce que beaucoup ont qualifié de " mariage bis ", le texte voté par l'Assemblée est-il acceptable ? Le doute n'est pas permis : non seulement cette proposition introduit une grave confusion dans le système de valeurs reconnu par une large majorité de nos concitoyens, mais, en outre, elle conduit à des charges prohibitives pour les finances publiques.
A. DROITS DE MUTATION : UNE COMPLEXITÉ INUTILE
Les
mesures adoptées par l'Assemblée Nationale sont volontiers
présentées comme des mesures de justice, en ce qu'elles
tireraient, pour les concubins, les conséquences de leur vie commune.
Mais, au delà des bonnes intentions qui les animent, les promoteurs de
ce nouveau dispositif aboutissent
à rendre plus complexe encore la
fiscalité des mutations
: en surajoutant un régime
particulier pour les signataires d'un pacte civil de solidarité, on
croit régler un problème, alors que l'on ne fait que rendre le
système, plus difficile à gérer et encore moins
cohérent.
Plutôt que de retoucher, ponctuellement, les abattements dont
bénéficie telle ou telle catégorie de
bénéficiaires comme on vient de le faire lors de la
dernière loi de finances ou comme nous le propose ici l'Assemblée
Nationale, plutôt que de rajouter un barème spécifique,
on aurait mieux fait de se poser le problème général de
nos droits de mutation, notoirement trop élevés, et
perçus, de plus en plus,
au delà d'un légitime souci
d'égalisation des chances et de justice sociale
, comme une entrave
à la volonté de disposer librement de ses biens.
En l'occurrence, la proposition tend à créer un régime
particulier ouvert aux partenaires liés par un pacte de
solidarité depuis au moins deux ans, consistant à
prévoir :
• un taux de 40 % pour les donations inférieures
à 100.000 F et de 50 % au delà, à comparer avec les
60 % applicables actuellement aux donations entre concubins au delà
de l'abattement général de 10.000 F, alors que par le jeu des
abattements, aucun droit n'est perçu à ce niveau lorsqu'il s'agit
de transmissions entre époux ou en ligne directe ;
• un abattement spécifique de 300.000 F pour les droits de
succession, porté à 375.000 F à compter de l'an 2000,
sensiblement et inférieur à celui applicable depuis la
dernière loi de finances entre époux, soit 400.000F et 500.000 F
à compter de l'an 2000.
On note le contraste entre la prudence des aménagements prévus
en matière de donation - il s'agit d'un geste, manifestement symbolique,
sans doute à la fois coûteux pour l'État et frustrant pour
les intéressés, compte tenu du caractère encore
élevé des taux - et l'audace relative de l'abattement
élevé fixé en matière de succession.
Votre commission comprend tout à fait que l'on distingue nettement
les mutations entre vifs, des mutations par décès. Mais
fallait-il placer le concubin au niveau de l'enfant et même au-dessus
à partir de l'an 2000 ? Cela semble, pour le moins, contestable...
Une réflexion générale est indispensable pour assurer
la cohérence d'un système que le présent texte tend
à rendre encore plus opaque.
B. IMPÔT SUR LE REVENU : UNE INCITATION À L'OPTIMISATION FISCALE ?
L'octroi
du bénéfice de l'imposition commune aux couples ayant
contracté un pacte civil de solidarité, alimente une
" confusion symbolique "
et constitue une
incitation
à l'optimisation fiscale
.
Pour un grand nombre de nos concitoyens, le projet est une négation de
la famille traditionnelle, puisque le pacte civil de solidarité donne -
à l'issue d'un délai de latence, il est vrai - dans le domaine du
droit fiscal des avantages équivalents à ceux du mariage ;
on se contentera, à tout le moins, d'y voir un coupable mélange
des genres.
En premier lieu, - mais cette dérive résulte des contradictions
du projet initial - la solidarité floue s'étend désormais
aux fratries, puisque
des régimes équivalents sont
accordés à des couples qui ne prennent pas des engagements de
même nature et, en particulier, n'acceptent pas les mêmes
contraintes
.
En l'occurrence, la liberté a un coût. Les financiers le savent
dans un autre domaine. Les couples mariés supportent des obligations
réciproques de toutes sortes, qui, notamment, ont pour
conséquence de rendre onéreuse la " sortie " du
système. On peut, dans cette condition, considérer comme
relativement faible, le risque de voir des couples se former pour des raisons
fiscales.
En fait, la situation se présente de façon fort différente
pour
les personnes passant un pacte de solidarité,
puisqu'elles
pourront sortir sans formalités lourdes
et, en
principe, sans risque réel de voir mise en jeu leur
responsabilité. La répudiation facile étant ainsi admise,
on peut craindre, même si l'exigence d'une relation durable
préalable atténue le risque ou du moins le diffère, que le
pacte civil de solidarité ne permette à certains contribuables
d'avoir un comportement d'optimisation fiscale et ne produise un
effet
d'aubaine
pour nombre de contribuables, parmi les plus fortunés.
Le risque est d'autant plus important que le quotient conjugal, que suppose
implicitement
le quotient familial, profite essentiellement aux couples
formés de personnes aux revenus déséquilibrés et
élevés, ayant peu ou pas d'enfants
. La lecture du rapport de
la commission des lois de l'Assemblée Nationale est édifiante.
L'économie d'impôt (revenus de 1997, législation de 1998)
va de 1 F pour deux revenus imposables de 100.000 F sans aucune
charge de famille, à 17.257 F pour deux revenus imposables, d'un
montant de 300 000 F et de 45.000 F sans aucune charge de famille, en
passant par 9.217 F dans le cas d'une famille avec un seul revenu
imposable de 150.000 F et deux enfants à charge.
Certes, ces observations valent tout aussi bien pour les couples mariés,
mais, outre le fait que les couples de complaisance ont, pour les raisons
susmentionnées, beaucoup de chances d'être plus rares, il faut
rappeler que
l'octroi du quotient conjugal aux couples mariés se
justifie,
non seulement par une communauté de vie, mais encore, et
surtout,
par la perspective d'enfants
. Le quotient conjugal anticipe sur
le quotient familial en prévoyant une sorte de présomption
favorable au couple marié de fonder une famille. Or cette
présomption n'existe pas, s'agissant des signataires d'un pacte civil de
solidarité, dont on sait qu'il peut recouvrir des liens de toute nature
allant du concubinage à la simple cohabitation pour convenances
personnelles.
Le résultat est simple. Sachant que le quotient familial n'a que peu
d'intérêt pour les couples dont les revenus sont peu
élevés et sensiblement égaux, et que de nombreux couples
sont biactifs,
le système ne va intéresser que les
contribuables aux revenus importants, sans comporter d'avantages pour les
concubins aux revenus modestes
.
Bref, c'est un système qui va surtout profiter aux plus riches sans
enfants
,
c'est à dire, précisément, à ceux
qui n'ont pas besoin d'être aidés !
En définitive, le pacte civil de solidarité, loin d'être la
mesure de justice présentée par ses promoteurs, risque de
n'être que l'occasion d'effets d'aubaine pour quelques personnes
avisées, sans apporter de solutions pour de nombreux couples qui,
n'acceptant aucun formalisme, resteront en état de
concubinage.
C. LE CHIFFRAGE INTROUVABLE
Avant de
décider, il conviendrait que la représentation nationale sache
combien tout cela va coûter. Aussi étonnant que cela puisse
paraître, on cherche en vain dans les débats à
l'Assemblée Nationale une estimation d'origine gouvernementale.
Ce
flou budgétaire
a d'abord deux conséquences. Il laisse
se répandre des rumeurs - toutes se fonderaient sur les estimations des
services du ministère des finances - qui, selon les voix non
autorisées qui les rapportent, estimeraient le
coût du Pacs
à 4, 6 voire 8 milliards de francs
; il ne facilite pas le
débat dans la mesure où il devient
impossible de comparer, du
point de vue de leurs conséquences pour les finances publiques, des
dispositifs alternatifs
à ceux proposés par la proposition de
loi adoptée par l'Assemblée Nationale.
Peut-on débattre de mesures fiscales dont on n'est pas
véritablement capable de mesurer les effets et pour lesquelles il est
difficile d'appliquer les règles de recevabilité
financière ?
De toute façon,
il n'est pas normal que le Parlement soit
amené à légiférer en matière
financière sur fond de rumeurs
.
Il a le droit de disposer d'une
étude d'impact qui, à défaut de prévisions
précises
- on comprend volontiers que s'agissant de matières
touchant à la vie privée, on ne puisse avoir de certitudes -
doit établir des hypothèses, envisager des fourchettes de
coût.
C'est à la fois le bon sens et la lettre de l'ordonnance
organique
2(
*
)
.
Ce travail de chiffrage est un exercice délicat mais non moins
nécessaire ; il ne peut s'improviser. A cet égard, votre
rapporteur pour avis voudrait avancer les réflexions suivantes. Bien
qu'ils ne soient pas unanimes, les experts démographes consultés
et dont les avis figurent en annexe, ont fait savoir que si l'on se fonde sur
les expériences étrangères - principalement, Danemark,
Suède, Norvège et Pays-Bas -
on pouvait s'attendre à ce
que le nombre d'union légalisées sous le nouveau statut reste
modeste car la plupart des concubins préféreront rester en union
libre
:
• le droit de la sécurité sociale reconnaît
très largement le concubinage, ce qui laisse à penser que les
aménagements proposés n'auront qu'une incidence très
modeste sur le nombre de couples qui devraient choisir le nouveau
régime ;
• l'imposition commune est un avantage qui n'intéressera que
les couples aisés et aux revenus
déséquilibrés : sauf pour les couples ne pouvant
jusque là avoir accès au mariage, on se trouvera dans une
situation dont
le coût risque d'être considérable, sinon
globalement du moins par foyer fiscal
;
• en revanche, on a toutes les raisons de s'attendre à ce
que seule la réforme des droits de mutation exerce un véritable
effet d'attraction, concentré sur les couples ayant déjà
une longue vie commune ; il en résulte le paradoxe suivant : c'est
précisément l'aspect - au demeurant peu contestable - le plus
facile à mettre en oeuvre sans avoir recours au pacte civil de
solidarité qui conduirait un certain nombre des couples à sortir
de l'union libre pour conclure un pacte civil de solidarité.
La procédure parlementaire donne le temps au Gouvernement de
présenter pour la deuxième lecture à l'Assemblée
Nationale et au Sénat, après consultation des experts,
sociologues, démographes, statisticiens, des perspectives raisonnables
permettant d'apprécier les effets du dispositif et
de quantifier la
demande potentielle pour le nouveau statut proposé
dans le texte de
l'Assemblée nationale
3(
*
)
.
III. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION : PLUS DE LIBERTÉ ET DE SOLIDARITÉS PRIVÉES
Votre
commission des finances, partageant l'analyse de la commission des lois saisie
au fond, veut montrer que, dans le domaine de la fiscalité qui est le
sien,
l'essentiel des effets attendus du pacte civil de solidarité,
peut être obtenu au moyen de simples aménagements du code
général des impôts
.
Il n'est nul besoin d'introduire un nouveau statut aux contours et aux effets
mal définis - qualifié par certains d'objet juridique non
identifié - d'autant plus inutile qu'il ne saurait répondre aux
besoins du plus grand nombre des familles.
A. PRÉSERVER UN ESPACE DE LIBERTÉ TESTAMENTAIRE
Sur les
quelque 2,4 millions de couples non mariés, beaucoup sont durables et
méritent que l'on tienne compte de cette durée pour le calcul des
droits de mutation.
En accord avec la commission des Lois, votre commission des finances a
considéré que
s'il était tout à fait
légitime de permettre à quelqu'un de favoriser la personne
avec laquelle il vit, il n'y a pas de raisons pour lesquelles ce régime
de faveur serait réservé aux personnes ayant contracté un
pacte civil de solidarité.
Plus généralement, on ne voit pas pourquoi on ne pourrait pas
trouver le moyen pour chacun de manifester une solidarité
indépendante des liens du sang et des alliances, et de
privilégier une personne librement choisie.
De ce point de vue, il était
prudent de limiter ce régime de
faveur aux successions et de refuser tout avantage en matière de
donation
.
Le système proposé par l'Assemblée,
coûteux pour l'État, reste sans doute encore trop cher pour les
intéressés
.
En revanche, en matière de succession, il devient cohérent de
créer un statut privilégié, en étendant
l'abattement élevé, prévu pour les signataires d'un pacte
civil de solidarité, à une personne - et une seule - choisie
librement par le testateur.
Le montant proposé pour cet abattement a été
fixé à 250 000 F. Il a été jugé suffisant,
à la fois, pour des raisons de principe, par comparaison avec celui de
300 000 F, dont bénéficient les enfants, et, pour des raisons
budgétaires, dans la mesure où il a paru normal que le nombre
plus élevé de bénéficiaires soit, en partie au
moins compensé par une diminution du montant de l'avantage fiscal
proposé par le texte en discussion.
Par ailleurs, pour assurer la cohérence du dispositif, il est
proposé, à titre accessoire,
d'assouplir le régime
fiscal des successions des frères ou soeurs vivant sous le toit du
contribuable
: le niveau de l'abattement serait relevé de
100.000 à 150.000 F, tandis que la durée de cohabitation
préalable serait réduite de 5 à 1 an.
Enfin, le
régime de la tontine
serait aménagé pour
permettre une plus large utilisation de ce mode d'acquisition en commun, qui
constitue, pour les personnes vivant ensemble, le moyen
d'assurer leur
sécurité immobilière réciproque
.
A l'heure actuelle, le régime favorable qui permet à deux
acquéreurs de laisser la
propriété de leur
résidence principale
commune
au dernier survivant sans avoir
à payer des droits de mutation à titre gratuit - en fait
confiscatoires - , ne vaut que si le bien immobilier est d'une valeur
inférieure à 500.000 F.
Or, un tel montant n'est pas adapté à la réalité du
marché immobilier. C'est la raison pour laquelle votre commission des
Finances envisage de porter ce montant à
750 000 F
par la
mise à jour du chiffre adopté en 1980, et surtout, d'en faire non
pas un seuil absolu mais une
franchise,
ce qui est de nature à
rendre la formule utilisable dans les villes et en particulier à Paris
où les prix de l'immobilier sont particulièrement
élevés.
B. FAVORISER LA PRISE EN CHARGE DES PROCHES
Plutôt que de conférer aux proches sur des bases
juridiquement complexes et bien souvent confuses, le même statut fiscal
que les couples mariés, votre commission a, suivant la commission des
lois, préféré favoriser, dans une
logique
d'entraide
, la prise en charge d'une personne proche, indépendamment
de tout lien familial.
Le système est plus large
, puisqu'
il couvre tous les couples
de fait, alors qu'un bon nombre d'entre eux ne voudront s'embarrasser d'aucune
formalité et ne recourront donc pas au pacte civil de
solidarité
.
Il incite à accueillir tout proche, dès lors qu'il est sans
ressources et donc à la charge effective du contribuable, en lui offrant
la possibilité, en le rattachant à son foyer fiscal,
de
bénéficier immédiatement l'abattement
de l'article 196
B. Cet abattement est actuellement fixé à 20 370 F, mais votre
commission des finances propose de porter à
25 000 F.
Ce proche privilégié, concubin, parent ou autre, ouvre droit
à un avantage fiscal égal à celui d'un enfant
rattaché - qui, actuellement, doit être marié ou ayant
lui-même des enfants à charge.
Bien que cela ne soit pas sans doute nécessaire, il a été
décidé, en vue d'afficher clairement le caractère social
de l'objectif recherché, de
limiter la population
considérée aux personnes à faibles ressources,
définie par un double critère :
soit le fait d'avoir été, au cours de l'année
considérée,
l'ayant droit du contribuable pour l'ouverture du
droit à prestations en nature de l'assurance maladie,
ce qui
suppose, dans tous les cas de figure, que la personne se trouve à la "
charge effective totale et permanente
" du contribuable, selon la
formule de l'article L.161-14 du code la sécurité sociale, car
les intéressés ne comprendraient pas que ce statut de cohabitant
privilégié leur soit reconnu par la sécurité
sociale et pas par l'administration fiscale ,
soit le fait d'avoir vécu au cours de l'année
considérée
sous le toit du contribuable et d'avoir des revenus
annuels inférieurs
à un montant
de référence
égal à celui qui ouvre droit
au Revenu minimum
d'insertion
(2502 F par mois pour une personne isolée depuis
1999). Il est apparu nécessaire de compléter le premier
critère dans la mesure où des personnes, effectivement
complètement dépendantes du contribuable, comme certains
chômeurs en fin de droits, peuvent, bien qu'elles soient sans ressources,
continuer à avoir des droits propres en matière de prestations
d'assurance-maladie.
Le système est plus rigoureux
, car
le gain en impôt est
plafonné
, dans le système proposé par la commission
des finances à 13 500 F. Ce plafonnement intervient à un niveau
de revenu de l'ordre, pour un salarié, de 400 000 F de revenus bruts
annuels.
Dans le cas d'un couple sans enfants formé d'un contribuable ayant 300
000 F de revenu imposable et d'une personne sans ressources, le contribuable,
qui paye actuellement 100 043 F d'impôt, paierait - après trois
ans - 64 127 F avec deux parts, soit un gain de 35 916 F ; dans le
système proposé par la commission des finances, il paierait 87
659 F, ce qui laisserait néanmoins un gain de 12 384 F, ce qui est loin
d'être négligeable. Il s'agit de cas " limites ", mais
dont la survenance est tout à fait probable.
|
Situation d'un couple avec un seul revenu sans enfant |
|
|
|
|
|
Revenu brut fiscal |
Revenu net fiscal |
Impôts situation actuelle
|
Impôts proposition
Assemblée Nationale
|
Avantage imposition commune (B-A) |
Impôts proposition commission
des finances du Sénat
|
Avantage
|
125 000 |
90 000 |
11 929 |
3 969 |
-7 960 |
5 929 |
-6 000 |
138 889 |
100 000 |
15 195 |
5 019 |
-10 176 |
8 329 |
-6 866 |
208 333 |
150 000 |
32 063 |
16 657 |
-15 406 |
23 445 |
-8 618 |
277 778 |
200 000 |
53 563 |
30 391 |
-23 172 |
42 813 |
-10 750 |
416 667 |
300 000 |
100 043 |
64 127 |
-35 916 |
87 659 |
-12 384 |
555 556 |
400 000 |
154 043 |
107 127 |
-46 916 |
140543 |
-13 500 |
694 444 |
500 000 |
208 043 |
151 319 |
-56 724 |
194 543 |
-13 500 |
Le
tableau ci-dessus montre que l'avantage proposé dans le système
préconisé par votre commission des finances reste, jusqu'à
100 000 F de revenu imposable, inférieur certes, mais du même
ordre de grandeur que celui de l'imposition commune ; pour des niveaux de
revenus plus élevés, de l'ordre de 150 à 200 000 F de
revenu imposable, l'avantage fiscal se situe aux alentours de la moitié
de celui apporté par l'imposition commune, tout en restant
substantiel : 8 618 F pour 150 000 F de revenu imposable, 10 750 F pour
200 000 F de revenu imposable, soit, en terme de revenus mensuels bruts pour un
contribuable salarié, respectivement 17 360 F et 23 150 F.
Ainsi, le rattachement proposé par la commission des finances, ouvert
à tous et accessible à tous, sera donc motivé par des
considérations de solidarité et n'incitera pas les contribuables
les plus aisés à des comportements d'optimisation fiscale.
Enfin, il faut souligner que
les enfants de la personne rattachée
seraient considérés comme des enfants à charge pour
l'application du quotient familial
.
C. RENFORCER CORRÉLATIVEMENT L'AIDE AUX FAMILLES
Les
aménagements proposés en matière d'impôt sur le
revenu devraient dégager de substantielles économies. Il est
proposé de les réaffecter aux besoins des familles
.
Parmi les multiples mesures qui pourraient être envisagées, votre
commission des Finances en propose deux, qui répondent aux besoins
concrets de toutes les familles, quel que soit leur statut :
•
l'inclusion des enfants de plus de 20 ans et de moins de 25 ans
à la recherche d'un emploi parmi les personnes rattachables au foyer
fiscal au même titre que les étudiants
;
•
le relèvement à 25.000 F de l'abattement
dont
bénéficient actuellement les contribuables pour leurs enfants
mariés,
et son extension à tous les jeunes à la charge
de leurs parents ayant plus de 20 ans et moins de 25 ans
.
Dans un contexte marqué par l'importance du chômage des
jeunes
, et par la tendance fréquente à reculer le moment de
l'entrée dans la vie active
, il était paradoxal de n'accepter
le rattachement au foyer fiscal du contribuable que des étudiants et non
des jeunes à la recherche d'un emploi.
L'abaissement du plafond de l'avantage fiscal lié à la demi-part de quotient familial
Avant la
dernière loi de finances, l'abattement de l'article 196 B était
de 30.330 F .
Pour les raisons que l'on connaît, le Gouvernement a dû revenir sur
la mise sous conditions de ressources des allocations familiales. Mais il n'a
accepté de rétablir l'universalité de ces prestations
qu'en abaissant, en contrepartie, le plafond de l'avantage en impôt
résultant du quotient familial, désormais plafonné
à 11.000 F. Il s'agissait de récupérer 3,9 milliards de
francs.
Corrélativement, il a été décidé de
diminuer le plafond de l'abattement de 30.330 F à 20.370 F, par
application d'une simple règle de trois pour s'assurer que même au
taux marginal d'imposition de 54 %, le bénéfice de l'abattement
ne donne pas en définitive un gain en impôt supérieur
à 11.000 F.
On n'a pas suffisamment insisté sur certains effets pervers de ce
nouveau plafond, qui, lorsque l'on considère l'abattement, concerne
beaucoup plus de familles et pas seulement celles aux revenus
élevés. D'abord, Il faut remarquer qu'au niveau de 20.370 F, on
est désormais nettement en dessous, avec 1.600 F mensuels, du niveau du
RMI mais aussi à peine au-dessus du seuil retenu (17 780 F) pour les
frais en nature. Ensuite et surtout, on diminue de façon soudaine,
l'aide apportée aux parents souhaitant aider leurs enfants mariés
ou ayant eux-mêmes des enfants.
RÉGIME FISCAL DES ENFANTS MAJEURS
Les
enfants âgés de plus de 18 ans sont, en principe, imposables sous
leur propre responsabilité. Toutefois, ils ont la possibilité de
demander d'être rattachés au foyer fiscal de leurs parents,
lorsqu'ils sont âgés de moins de 21 ans ou de moins de 25 ans
s'ils poursuivent leurs études ou effectuent leur service militaire.
A cette possibilité de rattachement au foyer fiscal, s'ajoute le droit
de déduire une pension alimentaire.
1. Le rattachement
L'avantage fiscal accordé aux bénéficiaires du
rattachement se traduit, pour les enfants célibataires, par l'octroi
d'une demi-part du quotient familial ou, pour les enfants mariés ou
ayant eux-mêmes des enfants à charge, par un abattement sur le
revenu imposable. Pour l'imposition des revenus de 1998, le montant de cet
abattement est de 20 370 F par personne prise en charge.
Le parent, qui accepte le rattachement, peut considérer l'enfant comme
à charge pour l'application du quotient familial. Il doit inclure, dans
son revenu imposable, le revenu éventuellement perçu par la
personne rattachée.
2. Les pensions alimentaires
Les pensions alimentaires allouées, en espèces ou en nature, en
exécution d'une obligation alimentaire résultant des articles 205
à 211 du code civil, sont déductibles du revenu imposable du
débiteur, dans la mesure où, conformément à
l'article 208 du code civil, le montant de la pension correspond aux besoins de
celui qui la perçoit et à la fortune de celui qui la doit. Sur
ces bases, les pensions alimentaires versées à un enfant majeur
dans le besoin sont déductibles dans la limite de 20 370 F, soit un
montant égal à l'abattement mentionné ci-dessus.
Le contribuable doit pouvoir justifier que les versements ont été
bien effectués, étant entendu que l'administration admet que,
lorsque l'enfant majeur vit sous le toit du contribuable, celui-ci peut
déduire sans avoir à fournir aucune justification, des
dépenses de nourriture et d'hébergement pour un montant
forfaitaire correspondant à l'évaluation des avantages en nature
retenue en matière de sécurité sociale soit 17 840 F pour
1998.
En tout état de cause, le contribuable ne peut bénéficier
à la fois du rattachement et de la possibilité de déduire
une pension alimentaire.
Ainsi, les parents d'enfants majeurs à la recherche d'un emploi
peuvent :
- jusqu'à 21 ans, choisir entre le rattachement au foyer fiscal et la
déduction de la pension alimentaire dans la limite de 20 370 F ;
- à partir de 21 ans (et que ce soit avant ou après 25 ans)
déduire dans la même limite une pension alimentaire.
Certes, dans le régime actuel, il est toujours possible de
verser une
pension alimentaire à un enfant en difficulté
[ cf.
l'encadré sur le régime fiscal des enfants majeurs]; mais, outre
le fait que cette possibilité aux contours mal définis
est
source de discussions, voire de contentieux, avec l'administration fiscale
,
il faut noter que la possibilité de rattachement permet de
conserver
le bénéfice des demi-parts supplémentaires
accordées aux familles nombreuses
.
La proposition de votre commission des finances revient à apporter une
réponse fondée sur la famille à la question essentielle de
l'aide que l'État doit accorder à l'insertion de ce qu'il est
convenu d'appeler
" les jeunes adultes ".
Au moment où les enfants mettent de plus en plus de temps à
prendre leur envol économique en trouvant un " vrai " travail,
l'intervention de l'État peut prendre la forme, soit d'une aide directe
aux enfants, soit d'une aide accrue aux familles.
Même s'il y a un risque de retard dans la coupure du cordon familial, le
choix de votre commission est clair :
si l'on ne veut pas substituer
à la dépendance des jeunes vis-à-vis de leur famille une
dépendance abstraite vis-à-vis de l'État de nature
à entretenir et installer, de façon précoce, une
mentalité d'assisté, l'aide à la jeunesse doit très
largement passer par les familles
. Tel est le sens des mesures fiscales
simples que votre commission des finances vous propose d'adopter.
*
* *
En
conclusion
, votre commission des finances voudrait souligner que l'on
peut, sans a priori idéologique,
adapter, avec réalisme, notre
fiscalité à la nouvelle donne de la famille
.
C'est faire preuve de réalisme, en effet, que
de prendre en compte
des situations de fait
, caractérisées par des cohabitations
plus ou moins durables, et la multiplication des familles recomposées.
C'est faire preuve de réalisme, encore, que de chercher à
préserver le statut fiscal privilégié du mariage
, qui,
par la stabilité qu'il apporte, reste le cadre le plus approprié
à l'éducation des enfants et à la transmission des valeurs.
C'est faire preuve de réalisme, enfin, que d'offrir aux Français
les moyens de manifester - et de concilier - leurs
aspirations à plus
de liberté et de solidarité privées
, pour le plus
grand profit de la collectivité.
Les amendements que vous propose votre commission des finances,
répondent à ces préoccupations par des
mesures
simples
, fondées sur des
principes clairs
:
•
Respect de la vie privée
, d'abord, avec un souci de non
ingérence dans les affaires intérieures des ménages, d'une
part,
•
affirmation du droit des citoyens à disposer
, dans le
respect du code civil,
d'une fraction de leurs biens pour en faire profiter
une personne de leur choix
, d'autre part.;
•
encouragement à toutes les formes de solidarité,
ensuite, avec la possibilité de rattachement au foyer fiscal d'une
personne sans ressources, indépendamment de tout lien de parenté,
• et une meilleure prise en compte, sur le plan fiscal, de
l'aide que
les parents apportent aux jeunes générations
.
Dès lors que l'on sort du cadre du mariage, il est bien difficile de
tracer des frontières dans les différentes formes de
communautés de vie. Les débats auxquels ont donné lieu les
fratries sont là pour en témoigner.
Il est donc artificiel de
vouloir séparer le couple des autres types de solidarité et, en
tout premier lieu, de la famille.
La société a besoin de solidarité. Mais cette
solidarité est l'affaire de tous et pas seulement de l'État
.
L'intérêt général est d'encourager, en la
matière, l'initiative privée. Puissent ces quelques mesures
fiscales contribuer à rendre la France plus solidaire.
EXAMEN DES ARTICLES
ARTICLE 2
Possibilité pour un
contribuable
de rattacher à son foyer fiscal une personne à faibles ressources
Commentaire
: Au présent article qui, dans sa
rédaction issue de l'Assemblée nationale, tend à accorder
aux signataires d'un pacte civil de solidarité, le
bénéfice de l'imposition commune jusqu'à présent
réservée aux couples mariés par l'article 6 du code
général des impôts, il est proposé de prévoir
une possibilité pour un contribuable de rattacher à son foyer
fiscal une personne disposant de ressources inférieures au RMI.
Le présent article modifie l'article 6 du code
général des impôts en vue de soumettre les
" partenaires " d'un pacte civil de solidarité, liés
depuis plus de trois ans, à une imposition commune.
Le paragraphe I détermine les modalités de début de
l'imposition commune, le paragraphe II en précise les modalités
de cessation en fonction des causes de rupture du pacte ; le paragraphe
III prévoit l'application aux partenaires des règles
générales liées à l'imposition commune en
matière d'impôt direct.
Il vous est proposé de substituer à ce dispositif un nouveau
texte tendant à mettre en place un autre système, qui, sans
inciter à l'optimisation fiscale, facilite la prise en charge d'un
proche sans ressources.
I - LE DISPOSITIF INITIAL
Le texte adopté par l'Assemblée Nationale à cet article
tend à adapter le régime fiscal des couples mariés aux
signataires d'un pacte civil de solidarité.
On note que le passage à l'imposition commune aurait lieu lors des
changements d'année civile, ce qui a été fait pour
simplifier la situation des partenaires et de l'administration.
En ce qui concerne la fin de l'imposition commune, trois cas de figure ont
été distingués :
• En cas de mariage, il est prévu le maintien de
l'imposition commune, par opposition à la situation actuelle, dans
laquelle les mariés doivent faire deux déclarations
séparées, à laquelle s'ajoute une déclaration
commune à compter de la date de la cérémonie ;
• lorsque le pacte est rompu sur déclaration, qu'elle soit
commune ou unilatérale, le retour à l'imposition
séparée est immédiat et vaut pour l'année
entière ;
• en cas de décès, le texte de la proposition
prévoit que l'impôt relatif à l'année du
décès est dû en totalité par le partenaire survivant.
Le paragraphe III tend à compléter l'assimilation, par
des renvois généraux, la situation des partenaires d'un pacte
civil de solidarité à celle des époux, tant du point de
vue des procédures que du régime fiscal applicable.
On peut rappeler que, dans certains cas, le couple soumis à une
imposition commune se retrouve dans une situation plus favorable :
• bénéfice des plafonds plus élevés
pour le calcul de diverses réductions d'impôt comme les
dépenses de grosses réparations ou les souscriptions en
numéraire au capital de sociétés non cotées ;
• en matière de bénéfices industriels et
commerciaux ainsi que des bénéfices non commerciaux, le
partenaire pourrait déduire du bénéfice imposable les
primes ou cotisations dues au nom du conjoint collaborateur non
rémunéré au titre de régimes facultatifs de
protection sociale ;
• en matière de bénéfices agricoles, un
dispositif analogue permettrait la déduction intégrale des
cotisations dues au nom du conjoint du chef d'exploitation.
A l'inverse, certaines règles vont se trouver moins
avantageuses :
• c'est le cas du seuil d'imposition pour les plus-values sur
valeurs mobilières qui reste fixé à 50.000 F ;
• il en est de même d'autres avantages fiscaux comme la
souscription au capital des sociétés nouvelles ou l'acquisition
de parts de copropriété de navires neufs.
Plusieurs régimes ne devraient pas être affectés par le
changement de statut, comme les frais de garde de jeunes enfants, l'emploi d'un
salarié à domicile ou les frais de scolarisation des enfants
à charge.
De même, le régime des époux en matière de taxe
d'habitation est très largement étendu au concubin, dès
lors que leur cohabitation revêt une certaine stabilité.
Indépendamment de la question des avantages relatifs de l'imposition
commune et des impositions séparées, votre commission des
finances a considéré que l'octroi aux signataires d'un pacte
civil de solidarité du bénéfice de l'imposition commune
aboutit à
dénaturer le sens du quotient familial
.
Les avantages qu'il implique pour un couple et, en particulier,
l'imposition commune, ne se justifient en effet qu'en raison des contraintes du
mariage et dans la perspective de l'éducation des enfants
.
Cette question de principe se double d'un risque de détournement de
procédure : la réduction d'impôt résultant du
passage à l'imposition commune sera très importante pour les
célibataires aux revenus élevés et, donc, la tentation
sera forte de passer des
pactes de complaisance
.
Le tableau ci-contre montre, pour trois situations de famille, les gains
résultant de l'imposition commune, dont on voit qu'ils se situent entre
10% et 12% du revenu brut imposable pour culminer à près de 62
000F.
II - LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION
Pour éviter de mettre en place un
outil
particulièrement
efficace
d'optimisation fiscale
, tout en répondant à
l'aspiration légitime de certains de voir reconnaître sur le plan
fiscal, une solidarité de fait, il est proposé, par votre
commission des finances, de permettre à un contribuable de rattacher
à son foyer fiscal la personne dépendante disposant de faibles
ressources avec laquelle il vit.
Ce rattachement permet au contribuable de bénéficier de
l'abattement de l'article 196 B du code des impôts pour les enfants
mariés ou ayant des enfants à charge - et constituant par
ailleurs la limite de déduction des pensions alimentaires pour les
enfants majeurs . Cet
abattement
que la dernière loi de finances
a porté de 30 330 F à 20 370 F, serait
porté
à
25.000 F
par un autre amendement de la commission des
finances.
Bien qu'il ne soit sans doute pas vraiment nécessaire de restreindre, a
priori, les possibilités de rattachement
4(
*
)
, sauf à vouloir afficher la logique sociale du
dispositif, il est apparu que la meilleure façon de définir la
personne dépendante disposant de faibles ressources était de
prévoir deux critères :
soit le fait d'avoir été, au cours de l'année
considérée,
l'ayant droit du contribuable pour l'ouverture du
droit à prestations en nature de l'assurance maladie,
ce qui suppose
dans tous les cas de figure que la personne se trouve à la "
charge
effective totale et permanente
" du contribuable, selon la formule de
l'article L.161-14 du code la sécurité sociale [modifié
par l'article 4 bis nouveau du texte transmis par l'Assemblée
Nationale], car les intéressés ne comprendraient pas que ce
statut de cohabitant privilégié leur soit reconnu par la
sécurité sociale et pas par l'administration fiscale ,
soit le fait d'avoir vécu, au cours de l'année
considérée,
sous le toit du contribuable et d'avoir des
revenus annuels inférieurs
à un montant
de
référence
égal à celui qui ouvre droit
au
Revenu minimum garanti
(2502 F par mois pour une personne
isolée depuis 1999). Il est apparu nécessaire de compléter
le premier critère dans la mesure où des personnes, effectivement
complètement dépendantes du contribuable, comme certains
chômeurs en fin de droits, peuvent, bien qu'elles soient sans ressources,
continuer à avoir des droits propres en matière de prestations
maladies.
On remarque, en outre, qu'un dispositif de type pacte civil de
solidarité est d'autant moins nécessaire que dans cette logique
de solidarité, les enfants de la personne ainsi rattachée,
donnent droit au quotient familial. Telle est la portée du paragraphe II
du présent amendement.
Avis de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet
article dans la rédaction qu'elle vous propose.
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 2
Déductibilité des pensions versées et des
avantages en nature consentis au collatéraux
Commentaire : Cet article additionnel a pour objet de
permettre aux
contribuables de déduire les sommes versées ou les avantages en
nature consentis à des collatéraux - jusqu'au troisième
degré - à faibles ressources.
Actuellement aucune déduction n'est possible pour les pensions
versées à des collatéraux (frères, soeurs, oncles,
tantes, nièces, neveux).
Seule existe une possibilité pour le contribuable de déduire de
son revenu global les avantages en nature consentis à des personnes
âgées de plus de 75 ans vivant sous son toit, dès lors que
leur revenu imposable n'excède pas le plafond de ressources fixé
pour l'octroi des allocations supplémentaires versées par le
Fonds de solidarité vieillesse et le Fonds spécial
invalidité. Le montant déductible est de 17 840F.
Il est proposé de créer, sur ce même modèle,
à l'article 156 du code des impôts un régime favorable pour
les collatéraux sans ressources, en permettant au contribuable de
déduire une pension alimentaire d'un montant égal à celui
fixé au 196 B - 20 370 F actuellement, 25 000 F si le Sénat suit
sa Commission des Finances - sans conditions d'âge ni de domicile.
Avis de la commission : votre commission vous demande d'adopter
l'article additionnel qu'elle vous propose.
ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE
3
Élévation du montant et
aménagement
du régime de l'abattement accordé pour certaines personnes
rattachées au foyer fiscal : enfants majeurs et personne à
faibles ressources
Commentaire : Cet article additionnel a deux objets :
permettre le rattachement au foyer fiscal des enfants de plus de vingt
ans et de moins de vingt-cinq ans à la recherche d'un emploi ;
relever à 25.000 francs l'abattement pour les personnes
rattachées, prévu en application de l'article 196 B du code
général des impôts, et extension de cet abattement à
tous les enfants rattachés de plus de vingt ans et de moins de 25 ans.
La mesure a pour conséquence d'augmenter l'avantage fiscal consenti
à la personne à faibles ressources, rattachée en
application de l'article 2.
La
substitution à l'imposition commune des " partenaires " d'un
pacte de solidarité d'un système d'abattement devrait
dégager de substantielles économies qu'il est proposé
d'affecter aux besoins des familles.
Votre commission des finances propose deux mesures qui répondent aux
besoins concrets de toutes les familles, quel que soit leur statut, et qui,
parce qu'elles concernent le régime des personnes rattachées au
foyer fiscal instauré à l'article 2 ci-dessus, s'intègrent
parfaitement dans le présent texte:
•
l'inclusion des enfants de plus de vingt ans et de moins de
vingt-cinq ans à la recherche d'un emploi parmi les personnes
rattachables au foyer fiscal
;
•
le relèvement à 25.000 F de l'abattement
dont
bénéficient actuellement les contribuables pour leurs enfants
mariés,
et son extension à tous les jeunes à la charge
de leurs parents ayant de 21 à 24 ans inclus
.
D'une part, dans un contexte marqué par l'importance du chômage
des jeunes, il n'était pas normal de ne pas accepter le rattachement au
foyer fiscal du contribuable des jeunes à la recherche d'un emploi, au
même titre que les enfants étudiants.
Certes, dans le régime actuel,
il est toujours possible de verser une
pension alimentaire à un enfant en difficulté
; mais
outre le fait que cette possibilité aux contours plus mal définis
est source de contestations multiples avec l'administration fiscale, il faut
noter que la possibilité de rattachement permet de
conserver le
bénéfice des demi-parts supplémentaires accordées
aux familles nombreuses
.
D'autre part, il vous est proposé, dans le même esprit,
d'élever l'abattement dont bénéficient actuellement les
seuls enfants mariés ou ayant eux-mêmes des enfants en application
de l'article 196 B du code des impôts, ainsi que d'en étendre le
bénéfice à tous les enfants à charge de 21 à
24 ans inclus.
La généralisation de l'abattement à tous les enfants de
plus de 20 ans et de moins de 25 ans qui dépendent de leurs parents,
qu'ils soient ou non mariés
5(
*
)
ou aient
ou non eux-mêmes des enfants, est logique dans le monde actuel où
l'esprit d'indépendance des jeunes n'a d'égal que leur
état de dépendance économique.
La situation justifie que soit séparé,
l'avantage
accordé aux plus de 20 ans
( et moins de 25 ans)
et celui
résultant du quotient familial
. Cette déconnexion s'analyse
comme une sorte de
majoration par âge des effets de l'avantage
fiscal
, suivant un principe analogue à ce qui existe
déjà en matière d'allocation familiale.
Cette mesure doit être replacée dans son contexte. Avant la
dernière loi de finances, l'abattement de l'article 196 B était
de 30.330 F
. Pour les raisons que l'on connaît, le Gouvernement a
dû revenir sur la mise sous conditions de ressources des allocations
familiales. Mais il n'a accepté de rétablir l'universalité
de ces prestations qu'en abaissant, en contrepartie, le plafond de l'avantage
en impôt résultant du quotient familial, désormais
plafonné à 11.000 F.
Corrélativement, il a été décidé de diminuer
le plafond de l'abattement de 30.330 F à 20.370 F, par application d'un
simple règle de trois pour s'assurer que, même au taux marginal
d'imposition de 54 %, le bénéfice de l'abattement ne donne pas,
en définitive, un gain en impôt supérieur à
11.000 F
6(
*
)
Le relèvement à 25 000 F du montant ne doit pas être
interprété comme la volonté de revenir sur une
décision politique d'alourdir la fiscalité des revenus
élevés mais plutôt comme la volonté de
répondre aux besoins des familles.
Il est important de souligner qu'il s'agit là d'une mesure de politique
familiale, qui est susceptible de
profiter à tous les foyers
imposables et pas seulement à ceux touchés par le plafonnement
décidé par la dernière loi de finances, comme permet de le
constater le tableau ci-contre
.
Dans le cas d'un contribuable salarié, ayant 100 000 F de revenu
imposable et près de 139 000 F de revenu brut, un abattement de 25 000 F
procure une diminution d'impôt - par référence, à
ce qu'il paierait avec une seule part - de 3561 F, à comparer au 1370 F
résultant du quotient. On note que les gains engendrés par le
système du quotient, ne deviennent supérieurs à ceux de
l'abattement que pour 300 000 francs de revenu imposable et près de 412
000 F de revenus salariaux bruts. Le rapport s'inverse, logiquement, à
compter de 500 000 F de revenu imposable, du fait du plafonnement de l'avantage
attaché à la demi-part de quotient.
Le gage est simplement formel dans la mesure où ces les mesures sont
pour une large part financées par les économies
dégagées à l'article par la suppression de l'imposition
commune.
Avis de la commission : votre commission vous demande d'adopter
l'article additionnel qu'elle vous propose.
ARTICLE 3
Abattement spécifique en
faveur
d'une personne désignée par voie de testament
Commentaire
: Au présent article, qui tend
à
instituer en faveur des signataires d'un pacte civil de solidarité un
régime de droits de mutation spécifique comportant un
allégement du barème en matière de mutation et un
abattement élevé, il est proposé de substituer un nouveau
dispositif, prévoyant la possibilité pour une personne de
désigner un légataire - et un seul - pouvant
bénéficier d'un abattement de 250 000 F.
Dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée Nationale, cet
article tend à créer un régime particulier de droits de
mutation applicable aux transmissions de patrimoine entre les
" partenaires " liés par un pacte civil de solidarité.
Votre commission des finances a considéré à la suite de
la Commission des Lois, il n'y avait pas lieu de créer un régime
spécifique, et, en particulier, de toucher aux règles actuelles,
lorsqu'il s'agit de mutations entre vifs .
A défaut d'une réforme d'ensemble qui simplifierait les
régimes et allégerait les barèmes, elle a estimé
que ce texte pouvait être l'occasion de
faire
, dans notre
législation successorale,
une place aux affinités choisies
indépendamment des liens du sang ou des alliances.
Il vous est donc proposé, sans toucher au barème, de
créer un abattement particulier dans la limite duquel il sera possible
de faire à une personne de son choix un legs en franchise d'impôt.
Le montant de cet abattement a été fixé à 250.000F.
Il n'est pas cumulable avec d'autres abattements.
Le montant de 250.000 francs a été placé à ce
niveau pour les raisons suivantes :
Il a semblé, d'abord, qu'il était cohérent que le
montant de l'abattement relatif à ce
legs électif
soit,
pour des raisons de principe, inférieur à celui accordé
aux enfants, qui se monte actuellement à 300.000 francs ;
en second lieu, il a paru souhaitable d'en revenir au montant de
250.000 francs qui se trouvait dans le texte de la proposition dans la
mesure où l'on étend sensiblement le nombre de
bénéficiaires. Sans doute cette possibilité de
désignation d'une personne privilégiée va-t-elle pour une
large part concerner les concubins et donc des personnes susceptibles de signer
un pacte de solidarité.
Mais il faut admettre - et c'est d'ailleurs l'objet même de l'amendement
-, que cela permettra aussi de favoriser d'autres personnes, comme les petits
enfants ou les collatéraux, voire des personnes sans lien de
parenté avec le défunt. Aussi, la commission a-t-elle
préféré, pour rester à un niveau de pertes de
recettes proche de celui résultant du texte transmis par
l'Assemblée Nationale, ne prévoir qu'un abattement de 250 000 F.
Avis de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet
article dans la rédaction qu'elle vous propose.
ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE
3
Amélioration du régime successoral des
frères et soeurs isolés domiciliés avec le
défunt
Commentaire : Cet article additionnel a pour objet, par
cohérence avec le dispositif libéral adopté à
l'article 3, d'améliorer le régime successoral dont
bénéficient les frères et soeurs isolés,
domiciliés avec le défunt, en portant à 150 000 F
l'abattement dont ils bénéficient, et en assouplissant les
conditions d'octroi de cet abattement qui ne suppose plus qu'une seule
année de cohabitation avant le décès.
Les frères et soeurs bénéficient, en application de
l'article 788 du code des impôts d'un abattement spécial de 100
000 F, dès lors qu'ils sont célibataires veufs divorcés ou
séparés de corps et à la double condition qu'ils soient au
moment de l'ouverture de la succession :
• âgés de plus de cinquante ans ou atteint d'une
infirmité les mettant dans l'impossibilité de subvenir à
leurs besoins ;
• constamment domicilié avec le défunt pendant les cinq
années précédant le décès.
A partir du moment où l'on crée un régime de faveur pour
une personne sans lien de parenté, il paraissait peu cohérent de
conserver un régime aussi restrictif, alors même que les
débats à l'Assemblée Nationale ont démontré
la nécessité de prendre en compte les solidarités entre
les fratries.
Aussi, vous est-il proposé, par cet article additionnel, de relever
à 150.000 F le montant de l'abattement - qui n'avait pas
été modifié depuis 1984 - et d'assouplir les conditions
d'accès à cet abattement en ne conservant qu'une exigence de
domiciliation commune pendant l'année précédant le
décès.
Avis de la commission : votre commission vous demande d'adopter
l'article additionnel qu'elle vous propose.
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 4
Assouplissement du régime de la
" tontine "
Commentaire : Cet article additionnel a pour objet
d'aménager le régime des contrats d'acquisition en commun, avec
clause dite de " tontine ", pour rendre possible la transmission de
la résidence principale sans application, à concurrence de
750.000 F, du tarif des droits de mutation à titre gratuit.
L'article 754 A du code général des impôts, qui
régit les contrats d'acquisition en commun - familièrement
qualifiés de " tontine " -, prévoit que les biens
concernés sont, au point de vue fiscal réputés transmis
à titre gratuit et donc soumis, à défaut de liens de
parenté, au tarif le plus élevé - 60% - et à
l'abattement le plus faible - 10 000F -.
Mais le deuxième alinéa de cet article dispose que, lorsque les
immeubles ont une valeur inférieure à 500 000F au moment du
premier décès, et qu'ils sont affectés à
l'habitation principale commune à deux acquéreurs, la part
transmise au survivant est passible, non des droits de mutation à titre
gratuit, mais des seuls droits de vente d'immeubles.
Or le seuil de 500 000 F n'étant plus en rapport avec les
réalités du marché immobilier, notamment en région
parisienne, il a d'abord paru logique d'en relever ce montant, qui n'a pas
été modifié depuis 1980.
Ensuite, considérant que ce système constituait en dépit
de sa rigidité, un bon moyen pour deux personnes vivant sous le
même toit d'assurer leur sécurité immobilière
réciproque, votre commission vous propose, comme la commission des lois
saisie au fond, de transformer ce seuil en franchise, ce qui permettrait de
faire fonctionner ce régime pour des biens d'une valeur
élevée mais simplement dans la limite d'un montant
déterminé. Votre commission a estimé que, compte tenu de
la souplesse ainsi donnée à ce type de contrat, il était
suffisant de porter le niveau au-dessus duquel s'appliquent les droits de
mutations à titre gratuit à 750.000 F.
Aucune indication n'a pu être fournie sur l`importance des
opérations immobilières effectuées dans le cadre de
" tontines ". En dépit du faible nombre de cas, votre
commission a considéré qu'il s'agissait là d'un dispositif
intéressant permettant à des personnes qui cohabitent, d'assurer
leur sécurité réciproque sur le plan immobilier.
Avis de la commission : votre commission vous demande d'adopter
l'article additionnel qu'elle vous propose.
ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 4
Suivi de
l'application de la loi
Commentaire : Cet article additionnel a pour objet de
permettre au Parlement d'être informé sur l'application des
dispositions prévues par le présent texte, et, notamment,
d'être éclairé sur le coût et la répartition
par bénéficiaires des avantages fiscaux qu'il procure.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, on cherche en vain dans
les débats à l'Assemblée Nationale une estimation
d'origine gouvernementale.
Il n'est pas normal que le Parlement soit amené à
légiférer en matière financière sur fond de
rumeurs. Il a le droit de disposer d'une étude d'impact qui, à
défaut de prévisions précises - on comprend volontiers
que, s'agissant de matières touchant à la vie privée, on
ne puisse avoir de certitudes - doit établir des hypothèses,
envisager des fourchettes de coût.
A défaut d'obtenir
ex ante
un tel chiffrage, il est indispensable
que le Parlement organise son information
ex post
. Telle est la raison
pour laquelle il vous est proposé d'adopter un amendement exigeant du
Gouvernement la fourniture d'un bilan détaillé et exhaustif du
coût des différentes mesures prévues par la présente
proposition de loi.
Il est prévu que ce rapport figure en annexe de la loi de finances.
Compte tenu du temps nécessaire pour que le dispositif se mette en
place, ce rapport n'est exigé qu'à compter de la loi de finances
pour 2002, mais il convenait de prendre date pour que le système de
collecte de renseignements se mette en place dès maintenant.
Avis de la commission : votre commission vous demande d'adopter
l'article additionnel qu'elle vous propose.
AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION
ARTICLE 2
Rédiger ainsi cet article :
I.- A la fin du premier alinéa de l'article 6 du code
général des impôts, les mots : " et 196 A bis " sont
remplacés par les mots : " ,196 A bis et 196 A ter".
Il.- L'article 196 du code général des impôts est
complété par un 3° ainsi rédigé :
"
3
° Les enfants à charge de la personne
mentionnée à l'article 196 A ter ".
III.- Après l'article 196 A bis du code général des
impôts, il est inséré un article 196 A ter ainsi
rédigé :
" Art. 196 A ter .-
Tout contribuable peut considérer comme
étant à sa charge une personne majeure :
" qui est son ayant droit en application de l'article L. 161-14 du code de
la sécurité sociale, à compter du 1
er
janvier
de l'année qui suit la reconnaissance de cette qualité,
" ou qui vit effectivement sous son toit, à condition que ses
revenus perçus dans l'année soient inférieurs à un
montant égal au cumul sur douze mois du revenu minimum d'insertion
fixé pour une personne isolée en application de l'article 3 de la
loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988.
" Le contribuable qui accepte le rattachement à son foyer fiscal de la
personne susmentionnée, bénéficie d'un abattement sur son
revenu global net dont le montant est égal à celui
mentionné à l'article 196 B. "
ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 2
Après l'article 2, insérer un article additionnel
ainsi rédigé :
I.- Après le paragraphe 2° ter du II de l'article 156 du code
général des impôts, il est rétabli un paragraphe
3° ainsi rédigé :
"
3
°
Sommes versées ou avantages en
nature consentis à un parent collatéral jusqu'au troisième
degré, célibataire, veuf, divorcé ou séparé
de corps, dont les revenus perçus dans l'année ne
dépassent pas un montant égal au cumul sur douze mois du revenu
minimum d'insertion fixé pour une personne isolée en application
de l'article 3 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988. La
déduction opérée par le contribuable ne peut
excéder le montant mentionné à l'article 196 B.".
II.- La perte de recettes résultant des dispositions du paragraphe I est
compensée à due concurrence par une majoration des droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts.
ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE 3
Avant
l'article 3, insérer un article additionnel ainsi
rédigé :
I - Le début du premier alinéa du 3 de l'article 6 du code
général des impôts est ainsi rédigé :
" Toute personne majeure âgée de moins de vingt-et-un ans,
ou de moins de vingt-cinq ans lorsqu'elle poursuit ses études ou est
demandeur d'emploi, ainsi que, quel que soit son âge... " (le reste
sans changement)
II - L'article 196 B du code général des impôts
est ainsi rédigé :
" Article 196 B. Le contribuable qui accepte le rattachement des
personnes désignées au 3 de l'article 6, bénéficie
d'un abattement de 25.000 francs sur son revenu global net par personne
ainsi prise en charge. "
III.- La perte de recettes résultant des dispositions des paragraphes I
et II est compensée à due concurrence par une majoration des
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général
des impôts.
ARTICLE 3
Rédiger ainsi cet article :
I.- Avant l'article 788 du code général des impôts, il est
inséré un article 787 A bis ainsi rédigé :
"
Art.787 A bis
.- Pour la perception des droits de mutation
par décès, il est effectué un abattement de 250.000 F sur
la part revenant à un légataire, personne physique,
désigné par le testateur, lorsque ce légataire ne
bénéficie pas d'un abattement en application de l'article 779-I.
Cet abattement ne peut bénéficier qu'à un seul
légataire. Il n'est cumulable, pour le bénéficiaire du
legs, avec aucun autre abattement ".
II.- La perte de recettes résultant des dispositions du paragraphe I est
compensée à due concurrence par une majoration des droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts.
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 3
Après l'article 3, insérer un article additionnel
ainsi rédigé :
I.- Le paragraphe I de l'article 788 du code général des
impôts est ainsi rédigé :
"
I.-
Pour la perception des droits de mutation par
décès, il est effectué un abattement de
150 000 F sur la part de chaque frère ou soeur,
célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps,
constamment domicilié avec le défunt pendant l'année
précédant le décès. La preuve de la cohabitation
est apportée dans des conditions définies par décret en
Conseil d'État. ".
II.- La perte de recettes résultant des dispositions du paragraphe I est
compensée à due concurrence par une majoration des droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts.
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 4
Après l'article 4, insérer un article additionnel
ainsi rédigé :
I.- La fin du second alinéa de l'article 754 A du code
général des impôts est ainsi rédigée :
" ...acquéreurs pour la part de sa valeur inférieure
à 750.000 francs. "
II.- La perte de recettes résultant des dispositions du paragraphe I est
compensée à due concurrence par une majoration des droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts.
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 4
Après l'article 4, insérer un article additionnel
ainsi rédigé :
Le gouvernement dépose chaque année, en annexe de la loi de
finances, un rapport sur l'application de la présente loi.
Ce rapport indique, notamment, le coût et le nombre de
bénéficiaires des mesures fiscales, ainsi que, en matière
d'impôt sur le revenu, la répartition des avantages qui en
résultent, par niveaux de revenus.
Le présent article entre en vigueur à compter de la loi de
finances pour 2002.
EXAMEN EN COMMISSION
Mercredi 10 mars 1999
Réunie sous la présidence de
M
.
Alain
Lambert
, président, puis de
M. Roland du Luart
et de
M. Bernard Angels
, vice-présidents, la commission des
finances a procédé à l'examen de la proposition de loi
n° 108 (1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale,
relative au pacte civil de solidarité, sur le rapport pour avis de
M.
Philippe Marini
, rapporteur général
Présentant les lignes directrices de son analyse, le rapporteur
pour avis a déclaré que le pacte civil de solidarité est
non seulement inopportun, mais aussi inutile :
- il entretient une confusion des valeurs, notamment en ce qu'il aboutit
à nier, de facto, la fonction centrale du mariage et son rôle de
fondement de la famille ;
- il conduit à des situations juridiques inacceptables parce qu'il
permet la répudiation du partenaire à chaque instant ;
- il n'est pas porteur d'équité, en particulier sur le plan
fiscal, compte tenu des avantages qu'il apporte aux revenus
élevés et des comportements d'optimisation fiscale qu'il va
entraîner.
Mais c'est dans un esprit de réalisme et en tenant compte des nouvelles
réalités familiales que le rapporteur pour avis a
déclaré s'être efforcé de trouver un juste
équilibre entre les valeurs de liberté et de solidarité,
en étroite liaison avec la commission des lois, pour aménager de
façon ponctuelle mais substantielle, la législation fiscale.
En matière d'impôt sur le revenu, le rapporteur pour avis a
souhaité encourager la manifestation des solidarités liées
à des communautés de vie, sans pour autant créer, comme
l'Assemblée nationale, un instrument d'optimisation fiscale aussi
injuste qu'inefficace ; il a ainsi proposé de substituer à
l'imposition commune, qui doit demeurer un régime réservé
au mariage, un mécanisme d'abattement, d'un montant de
25.000 francs, pour une seule personne vivant sous le toit du
contribuable, tout en étendant le bénéfice du quotient
familial à tous les enfants de ce foyer fiscal élargi, qu'il
s'agisse de ceux du contribuable ou de ceux de la personne ainsi
rattachée.
En matière de droits de mutation, il a souhaité offrir plus de
liberté et de solidarité à nos concitoyens, en
proposant :
- de permettre à toute personne de désigner, par voie de
testament, un seul légataire privilégié pouvant
bénéficier d'un abattement sur sa part successorale ; cet
abattement serait fixé à 250.000 francs ;
- d'assouplir et d'améliorer le régime fiscal des frères
et soeurs cohabitants, qui pourraient bénéficier d'un abattement
successoral de 150.000 francs après un an au moins de vie commune
au moment du décès ;
- d'aménager les contrats d'acquisition en commun, plus connus sous le
nom de " tontines ", car le régime actuel, valable pour la
résidence principale de deux personnes, ne s'applique pas aux biens
d'une valeur supérieure à 500.000 francs. Il deviendrait
possible d'appliquer ce régime à tous les biens immobiliers,
à concurrence de 750.000 francs, la part supérieure à
ce montant étant passible des droits de mutation à titre gratuit.
Enfin,
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis,
a
considéré que s'il devait être tenu compte de ces nouvelles
formes de vie commune, il fallait, d'une façon générale,
renforcer les solidarités privées et, en tout premier lieu,
favoriser la famille. C'est ainsi qu'il a proposé :
- de permettre le rattachement au foyer fiscal des " grands "
enfants (de plus de 20 ans et de moins de 25 ans) à la
recherche d'un emploi, ce qui est une mesure favorable aux familles, car elle
permettra de faire jouer les majorations de quotient familial ;
- d'élever l'abattement dont bénéficient ces enfants
rattachés de 20.370 francs à 25.000 francs -dont il a
rappelé qu'il était, avant la dernière loi de finances, de
30.330 francs- et en soulignant que cette mesure bénéficie
aux ménages de tous niveaux de revenus.
En dernier lieu, le rapporteur pour avis a justifié un amendement
obligeant le Gouvernement à déposer un rapport annuel dressant un
bilan détaillé du coût des mesures induites par le
dispositif de l'Assemblée nationale, en s'étonnant d'ailleurs
qu'on ne dispose à ce jour d'aucun élément de chiffrage
solide .
Un large débat s'est ensuite engagé.
M. Denis Badré
, tout en approuvant l'analyse du rapporteur
pour avis, a rappelé qu'il fallait se montrer extrêmement vigilant
quant à un quelconque bouleversement de l'équilibre actuel du
code civil. A cet égard, il a souhaité que les dispositions
concernant le PACS figurent dans le titre du code civil traitant des biens et
non dans celui traitant des personnes.
M. Thierry Foucaud
a estimé, quant à lui, que
qualifier le dispositif du PACS d'inopportun et d'inutile aboutissait à
écarter tout débat de fond. Il a jugé que le rapporteur
pour avis, en se retranchant derrière des arguments fiscaux et
juridiques, refusait de prendre toute responsabilité dans ce
débat. Il a enfin déclaré que le PACS, malgré ses
imperfections, constituait une avancée sociale incontestable.
M. Bernard Angels
s'est déclaré défavorable
à la démarche du rapporteur pour avis, en rappelant que la
logique du dispositif adopté par l'Assemblée nationale
était celle d'un texte sur le couple et non celle d'un texte sur la
famille. Il a donc indiqué que les commissaires de son groupe ne
prendraient pas part aux votes sur les amendements.
Puis
M. Yann Gaillard
a indiqué que la principale question
à se poser était de savoir quelle image le Sénat allait
donner à l'opinion publique. A cet égard, il a estimé que
les propositions du rapporteur de la commission des lois et celle du rapporteur
pour avis étaient judicieuses, notamment sous l'angle de l'optimisation
fiscale.
Enfin,
M. Alain Lambert, président,
a estimé que le
PACS pouvait être abordé sur deux terrains, l'un philosophique,
l'autre pratique. Il a estimé que le premier terrain ne conduirait
qu'à de vaines conjectures. C'est la raison pour laquelle la commission
des finances a souhaité s'attacher aux dispositifs fiscaux et à
leur coût.
Après que le rapporteur pour avis eut répondu aux intervenants
en soulignant l'importance de la solidarité privée, la commission
a procédé à
l'examen des articles
sur lesquels
M. Philippe Marini, rapporteur général,
a
proposé des amendements.
A
l'article 2
, la commission a adopté un amendement
de M. Philippe Marini tendant à ouvrir aux contribuables la
possibilité de rattacher une personne à faibles ressources et de
bénéficier en conséquence de l'abattement prévu
à l'article 196 B du code général des
impôts. Cet amendement tient compte des observations de caractère
rédactionnel faites par
MM. Michel Charasse et Joël
Bourdin
.
A
l'article additionnel après l'article 2
, la commission a
adopté, sur proposition du rapporteur, un
article additionnel
tendant à permettre à un contribuable de verser une pension
alimentaire à ses collatéraux jusqu'au troisième
degré, n'ayant que de faibles ressources.
Avant l'article 3
, la commission a adopté, sur proposition
du rapporteur pour avis, un amendement répondant à certains
besoins de solidarité entre les générations dans le cadre
de la famille. Cet amendement prévoit, d'une part, le rattachement au
foyer fiscal des " jeunes adultes " à la recherche d'un emploi
au même titre que les étudiants, et, d'autre part, le
relèvement de l'abattement dont ils bénéficient en
application de l'article 196 B, au niveau de 25.000 francs.
A
l'article 3
, la commission a adopté un amendement du
rapporteur instituant un abattement de 250.000 francs pour une seule
personne désignée par testament. Cet amendement tient compte des
observations à caractère rédactionnel
présentées par
M. Michel Charasse
.
Après l'article 3
, la commission a adopté, sur
proposition du rapporteur, un
article additionnel
assouplissant le
régime successoral des frères ou soeurs domiciliés avec le
défunt pendant une période d'un an précédant le
décès. Cet amendement tient compte des observations
présentées par
MM. Yann Gaillard
et
Michel
Charasse.
Après l'article 4
, la commission a adopté, sur
proposition du rapporteur, un
article additionnel
tendant à
assouplir le régime de la tontine applicable à la
résidence principale, en prévoyant que le bien immobilisé
ainsi transmis n'est pas passible, à concurrence de 750.000 francs,
des droits de mutation à titre gratuit.
Enfin, la commission a adopté, sur proposition du rapporteur, un
amendement
après l'article 4
, tendant à créer
un
article additionnel
prévoyant que le Gouvernement
dépose un rapport sur l'application de la loi. Cet amendement tient
compte d'observations de caractère rédactionnel
présentées par
M. Michel Charasse
.
Il a été précisé que ces amendements,
élaborés en étroite liaison avec le rapporteur de la
commission des lois saisie au fond, pourront, le cas échéant,
être transformés en sous-amendements.
ANNEXE
Cette
annexe statistique regroupe les réponses écrites à deux
consultations du rapporteur pour avis.
Ces documents, qui constituent des réflexions exploratoires que leurs
auteurs ont transmises à la commission des finances du Sénat, non
sans précautions, n'engagent en aucune façon l'Institut national
d'études démographiques.
La comparaison des deux contributions montre que, bien que leurs analyses ne
soient pas contradictoires, des spécialistes peuvent apprécier de
façon différente l'attrait pour les couples non mariés
d'un statut de type pacte civil de solidarité.
1. QUELLE DEMANDE POTENTIELLE POUR LE PACS ?
(H. Léridon, Septembre 1998)
I -
LES COUPLES HETEROSEXUELS
A. EVALUATION DE LEUR NOMBRE
Lors de la dernière enquête-emploi de l'INSEE disponible (mars
1977), 2,24 millions d'hommes et 2,25 millions de femmes se sont
déclarés vivant en couple sans être mariés
(ensemble). La dernière enquête de l'INED sur les situations
familiales, réalisée en 1994, donnait environ 2,3 millions
de cohabitants de chaque sexe, pour les moins de 50 ans ; or,
l'enquête emploi de la même année ne comptait que
1,9 million de cohabitants, tous âges confondus (les cohabitants de
plus de 50 ans étant peu nombreux : 100 à 150.000). Si l'on
peut trouver quelques raisons d'une surestimation dans l'enquête INED,
une sous estimation dans l'Enquête emploi de 1994 est plus probable,
compte tenu du contexte d'enquête très différent. Il est
possible que les déclarations se soient améliorées dans
les enquêtes suivantes, et que l'estimation de 1997 soit plus proche de
la réalité : on peut donc penser que le nombre actuel de
couples cohabitant hors mariage est, au moins, de l'ordre de 2,3 à
2,5 millions.
A noter que près de la moitié de ces couples ont
déjà au moins un enfant.
B. LA DEMANDE POTENTIELLE DE PACS
Elle est très difficile à évaluer, surtout sans
connaître le contenu définitif du contrat qui sera proposé.
Si les formalités d'entrée et de sortie s'avèrent
très simples, et si les avantages matériels sont néanmoins
substantiels, la demande pourrait être très forte. Dans
l'enquête INED de 1994, 38 des couples non mariés ont dit avoir
fait une déclaration en mairie ou chez un notaire (les
déclarations devant notaire étant très
minoritaires : 3 %). Il est possible que certains de ces
enquêtés aient considéré que telle ou telle
démarche en mairie (par exemple pour une reconnaissance d'enfant) valait
" déclaration de concubinage ", sans qu'un document ait
vraiment été produit dans ce sens. En tout cas, il est
significatif que plus du tiers des concubins aient répondu positivement
à la question posée à ce sujet. Si donc la souscription
d'un PACS s'avérait presque aussi simple que la déclaration
actuelle en mairie, elle pourrait attirer une part importante de l'ensemble des
concubins, au moins un tiers ou la moitié.
En flux, la demande pourrait alors être considérable, puisque la
très grande majorité des unions se constituent d'abord hors
mariage, quel que soit leur devenir ultérieur. Plus de 300.000 couples
se constituent ainsi chaque année ; 80 % de ces unions sont
encore en cours ( sans mariage) un an plus tard, et 60 % deux ans plus
tard. L'hypothèse qu'entre un tiers et la moitié des unions donne
lieu à un PACS n'est donc pas déraisonnable, ce qui conduirait
à 100-150.000 demandes par an.
Inversement, si la souscription et la résiliation d'un PACS
s'avéraient, en pratique, presque aussi " compliquées "
que dans le cas du mariage, il pourrait n'intéresser que la fraction des
concubins à la fois désireux d'une certaine forme
" d'institutionnalisation " et rebelles au mariage, fraction qui
pourrait ne pas dépasser 5 à 10 %. La demande serait alors 5
fois plus faible que dans l'hypothèse précédente (20
à 30.000 par an).
II - LES COUPLES HOMOSEXUELS
A. EVALUATION DE LEUR NOMBRE
Les estimations sont, ici, bien plus difficiles. La source principale semble
devoir être l'Enquête sur les Comportements Sexuels en France
(ACSF), réalisée en 1992, auprès de 20.000 hommes et
femmes de 18 à 70 ans. Mais la question concernant le sexe des
partenaires n'était posée qu'à un sous-échantillon,
comprenant 2.642 hommes et 2.178 femmes. Globalement, 0,3 % des hommes
interrogés se sont déclarés vivant en couple avec un
partenaire de même sexe : l'estimation est fragile, le nombre de
personnes ainsi repérées dans l'enquête n'étant que
de 21. Pour les femmes, on n'a compté que 3 réponses dans le
même sens.
Sur cette base, on compterait environ 60.000 hommes vivant en couple homosexuel
en France, soit 30.000 couples, l'intervalle de confiance (au sens statistique)
ce cette estimation étant assez large.
B. LA DEMANDE POTENTIELLE DE PACS
Comme pour les couples hétérosexuels, l'estimation de la demande
potentielle de PACS est difficile. D'une part, on l'a dit, le nombre de couples
homosexuels est mal connu. D'autre part, l'enquête ACSF a montré
que si une proportion non négligeable d'hommes ont déclaré
avoir eu une expérience homosexuelle, la proportion de ceux qui sont
engagés exclusivement dans des relations homosexuelles est nettement
plus faible, et encore plus si l'on ne prend en compte que des relations
stables pouvant entrer dans la définition de " couples ". D'un
autre côté, à la différence des
hétérosexuels, le PACS serait la seule possibilité pour
les homosexuels de faire reconnaître leur union, ce qui devrait le rendre
beaucoup plus attractif. Signalons que la législation du mariage
homosexuel au Danemark a suscité, dans les trois années
suivantes, un millier de demandes ; à l'échelle de la
population française, cela représenterait environ 10.000 demandes
de PACS de la part de couples homosexuels déjà existants (soit un
tiers des couples existants).
Comme il ne se forme sans doute que quelques milliers de couples homosexuels
chaque année, le flux annuel de demandes de PACS ne devrait pas
être très important, en tout cas comparativement aux demandes de
couples hétérosexuels.
2. COMBIEN DE PACS ?
(P. Festy, février 1999)
Avec le
PACS, les concubins vont bénéficier d'une nouvelle option dans le
choix de leur statut. Il ne devrait pourtant pas en résulter de
modifications des attitudes à l'égard du mariage. En règle
générale, le droit de la famille s'adapte à
l'évolution des moeurs plutôt qu'il ne la provoque.
Les premiers signes d'une désaffection à l'égard du
mariage datent de la fin des années 1960. On a vu, presque
simultanément, diminuer le nombre de cérémonies, augmenter
le nombre de divorces et augmenter aussi le nombre d'enfants naissant de
parents non mariés. C'est un renversement par rapport aux deux
décennies antérieures, où les gens s'étaient
mariés comme jamais auparavant ; certes, de nombreuses jeunes
femmes étaient enceintes le jour de leurs noces, témoignant de
relations sexuelles prémaritales, mais la
" régularisation " tirait les parents de l'embarras et
attestait de la puissance du mariage.
Dans ces années d'après-guerre, l'économie avait d'abord
besoin de foyers stables, où les hommes trouvaient le soutien domestique
qui leur permettait de se consacrer pleinement à leur emploi. La
croissance ne se démentant pas, l'offre de travail professionnel aux
immigrés, puis aux femmes mariées, rencontra les aspirations
correspondantes des intéressés. Après celles dont les
enfants étaient grands, ce furent les mères d'enfants de plus en
plus jeunes.
Revenu d'appoint et marché de dupes pour toutes celles qui cumulent vie
professionnelle et charge du foyer ? Ou plein salaire et moyen
d'autonomie ? De toute façon, ce fut en tremblement majeur, une
modification radicale des rapports sociaux entre hommes et femmes. La
protection que le mariage offrait à la femme n'est plus apparue aussi
nécessaire.
Dans le même temps, le recul de la mortalité aux âges
adultes et avancés (autre nouveauté de l'après-seconde
guerre mondiale) plaçait le mariage dans une nouvelle perspective, celle
d'une vie commune de très longue durée. Le divorce ne marquait
plus la fin de la vie conjugale mais ouvrait une séquence, vers une
" polygamie successive ".
Des phénomènes économiques, sociaux et
démographiques fondamentaux ont donc provoqué l'évolution
contemporaine du mariage. De nombreuses modifications du droit de la famille
ont permis à celui-ci de s'adapter. Par exemple, des réformes du
droit du divorce ont accompagné l'augmentation du nombre de ruptures. En
particulier, l'éventail des procédures possibles s'est
élargi en 1976, au-delà du divorce classique sanctionnant la
faute d'un des conjoints.
Mais le nombre de divorces a davantage augmenté en Suisse qu'en France
de 1970 à nos jours, - sous réserve d'un biais possible
lié à l'importance de l'immigration -, sans que la
législation suisse, adaptée du code civil napoléonien, ait
été transformée, au contraire de la loi française.
Plus récemment, l'amendement de Courson, qui a modifié le
régime fiscal des parents non mariés et qui a rendu l'union libre
moins attractive économiquement, n'a entraîné qu'un nombre
très restreint de mariages tardifs. La grande majorité des
conjoints, qui avaient choisi d'élever leurs enfants hors du mariage,
n'ont pas remis en cause leur décision sous l'effet d'une
législation nouvelle.
On aurait donc tort de penser que l'introduction d'une nouvelle forme
légale d'union, le PACS, pourrait affecter l'évolution du
mariage, et en particulier affaiblir celui-ci. Le choix entre mariage et
non-mariage reflète le jeu de forces profondes que le PACS ne modifiera
guère.
Il en va bien sûr très différemment pour les couples
homosexuels, qui trouveront dans le PACS un statut qu'aucune loi ne leur
offrait jusqu'à présent. Mais ils sont 30.000 contre
2.500.000 couples hétérosexuels non mariés.
L'expérience des pays étrangers
Les
trois pays scandinaves ont adopté, à quelques années
d'intervalle, des textes législatifs reconnaissant les unions
homosexuelles dans des termes voisins : le Danemark en mai 1989, la
Norvège en août 1993 et la Suède en août 1994. Ces
unions ont reçu un statut proche du mariage qui exclut toutefois la
cérémonie religieuse et la charge d'enfants (pas d'adoption, pas
d'insémination, pas de garde conjointe après divorce).
Dans les trois pays, un enregistrement statistique a accompagné la
reconnaissance administrative. Une mesure du flux annuel des nouveaux
" partenariats " est ainsi possible. De nombreux traits sont communs
aux trois pays :
- les unions sont majoritairement masculines (à deux tiers contre un
tiers d'unions féminines) ;
- les toutes premières années, les flux s'amenuisent avant de se
stabiliser. Des situations anciennes ont d'abord été
régularisées, mais un régime de croisière semble
avoir été atteint en moins de 4 ans au Danemark, moins de 2 ans
en Norvège et peut-être en Suède ;
- la perte du conjoint frappe beaucoup plus lourdement les hommes que les
femmes, sous l'effet du sida. Cette mortalité est sensiblement plus
forte que celle des mariés. En revanche, il semble que la
fréquences des ruptures d'union ne diffère guère de celle
des divorces pour les mariés.
Si on ramenait les résultats observés dans chaque pays à
une population de même taille, par exemple 60 millions d'habitants,
le flux annuel de nouvelles unions homosexuelles se stabiliserait autour de
2.200 à 4.000 personnes (1.100 à 2.000 unions par an),
dans un pays de la taille de la France, après avoir été
sensiblement plus élevé les toutes premières années.
Aux Pays-Bas, depuis le 1
er
janvier 1998, toutes les
municipalités peuvent enregistrer, dans le cadre d'une
législation unique, les unions homosexuelles et
hétérosexuelles. Dans les huit premiers mois de l'année,
on aurait dénombré 1.300 des premières et
2.100 des secondes.
Le nombre des unions hétérosexuelles est à comparer au
nombre global des cohabitations qu'on estime à 600.000, soit quatre fois
moins qu'en France pour un pays quatre fois moins peuplé. En
année pleine, on pourrait observer environ 3.000 unions
hétérosexuelles aux Pays-Bas et 12.000 dans un pays de la
taille de la France. A titre de comparaison, on estime à environ 20.000
le nombre de cohabitations qui auraient donné lieu à mariage
chaque année en France, suite à la réduction de certains
de leurs avantages fiscaux (amendement de Courson).
Au total, si on en croit les expériences étrangères, le
nombre d'unions légalisées chaque année reste modeste pour
les couples homosexuels car ceux-ci sont peu nombreux, et pour les
hétérosexuels dont l'immense majorité se maintient
en-dehors de la nouvelle loi.
Il est cependant essentiel que soit prévu un enregistrement rigoureux de
ces unions, à double titre, civil et statistique. Au plan civil,
rappelons que les registres de l'église catholique ont été
institués il y a quatre siècles pour éviter la polygamie.
Par exemple, un veuf n'était autorisé à se remarier qu'en
prouvant la mort de son ancienne épouse, ce dont pouvait attester
l'enregistrement de sa sépulture. Aujourd'hui, une union légale,
mariage ou autre, ne peut être conclue que par celui qui peut prouver
qu'il n'est pas déjà " engagé ", sous une forme
ou sous une autre. La preuve la plus satisfaisante est celle donnée par
les mentions marginales des actes d'état civil. Il est en outre
précieux d'utiliser cette base pour une mesure statistique du
phénomène permettant de saisir sa fréquence et celle des
ruptures ultérieures.
A l'exemple des pays étrangers, la loi française ne pourrait pas
se passer d'un enregistrement du PACS à l'état civil. Il serait
par ailleurs curieux qu'une loi donnée comme une adaptation du doit aux
moeurs ne se dote pas des moyens nécessaires permettant de mesurer la
portée de son application.
1
Sur les 25.000 mariages
supplémentaires enregistrés en 1996, 21.000 "légitimaient"
en effet un ou plusieurs enfants. Ce type d'union a surtout été
le fait des Parisiens et des cadres, dont les mariages légitimant au
moins un enfant ont augmenté cette année là de
respectivement 45% et 65%. Chez les couples d'ouvriers,
"généralement non imposables", "cette hausse n'a pas atteint
20%", selon l'INSEE
2
Le quatrième alinéa de l'article premier de
l'ordonnance organique n°59-2 du 2 janvier 1959 dispose que :
" Lorsque des dispositions d'ordre législatif ou
réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun
projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun
décret ne peut être signé, tant que ces charges n'ont pas
été prévues, évaluées et autorisées
dans les conditions fixées par la présente ordonnance.
3
Pour simplifier, selon les indications statistiques fournies en
annexe par des démographes et en particulier, en considérant que
l'on compte aux environs de 2,4 millions de couples non mariés, on
pourrait distinguer dans la demande potentielle :
• la demande qui résulte de la volonté de
bénéficier des mesures prévues en matière de droits
de mutation, sans doute la plus importante en nombre ; il ne semblerait
pas déraisonnable de considérer qu'un couple sur cinq de plus de
50 ans, soit aux alentours de 25 000 couples choisissent un tel statut. Mais le
coût reste très difficile à supputer même si l'on
doit souligner que le coût par succession peut être relativement
important. Compte tenu du niveau actuel de l'abattement - 10 000 F - et du
niveau souhaité par l'Assemblée Nationale, 300 000 F, l'on
constate que la perte de droits pourrait souvent dépasser 100.000 F.
Faute d'information sur la mortalité, les patrimoines et surtout les
effets de la réserve, qui vient restreindre la liberté du
testataire, il est difficile d'avancer un chiffre ;
• L'autre fraction de la demande liée aux avantages en
matière d'impôt sur le revenu dus à l'imposition commune,
est sans doute encore plus difficile à estimer. On peut penser que le
coût de cette imposition commune résultera - après
l'écoulement du délai de latence - de l'addition du gain, a
priori de faible montant, de ceux qui choisiront de passer un pacte civil de
solidarité pour les droits de mutation, et de celui, sans doute
très substantiel, de ceux, sans doute beaucoup moins nombreux, qui
rechercheront le nouveau statut pour bénéficier du quotient
conjugal. Un relativement petit nombre de foyers aux revenus
déséquilibrés va y trouver de grands avantages, compris
dans le cas extrême d'un " partenaire " dépourvu de
revenus, entre 10 et 12% du revenu imposable [ cf. tableau page 16].
4
Il y a toutes les raisons de penser que le rattachement ne sera
pas demandé quand les ressources de la personne excèdent le
montant de l'abattement.
5
Surtout dans la perspective du présent texte, il est
paradoxal de restreindre le bénéfice de l'abattement aux enfants
mariés ; dans celle de la commission des finances, il devient
normal d'ouvrir cette perpective à tous les jeunes qui dépendent
de leurs parents, étant entendu que , compte tenu de la prise en compte
des revenus propres des personnes rattachées, la facilité mise en
place n'est intéressante que pour les contribuables ayant des enfants
sans ressources.
6
Il faut remarquer qu'au niveau de 20.370 F, on est
désormais nettement en dessous du niveau du RMI mais aussi à
peine au-dessus du seuil retenu (17 840 F) pour l'évaluation des
avantages en nature.