D. LA FORTE PROGRESSION DES CRÉDITS CONSACRÉS À LA PROTECTION DE LA NATURE
Pour la
mise en oeuvre des mesures en faveur de la protection de la nature des sites et
des paysages, le ministère a toujours été son propre
opérateur, ce qui explique le poids important des crédits qui y
sont consacrés. Au-delà, la progression importante des
crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999 traduit une
volonté politique forte qui veut dépasser la stricte
préservation d'espaces naturels exceptionnels pour favoriser
l'intégration des préoccupations d'environnement dans toutes les
actions concernant les espaces, qu'ils soient naturels, agricoles ou en partie
urbanisés. Il s'agit de privilégier une approche de
développement durable appliquée à travers des outils
diversifiés mais principalement contractuels.
Dans le projet de loi de finances pour 1999, les crédits augmentent de
19 % au titre des dépenses ordinaires et des crédits de
paiement, pour être fixés à 654 millions de francs
contre 546,7 en 1998 et de 11,3 % pour les autorisations de programme
(364,5 millions de francs en 1999 contre 327,4 millions de francs en
1998).
Les choix budgétaires privilégient trois axes majeurs, qui
sont la création du Fonds de gestion des milieux naturels, le
renforcement du réseau d'espaces naturels protégés et
l'attribution de moyens supplémentaires à l'Ecole nationale
supérieure du paysage.
1. La création du Fonds de gestion des milieux naturels (FGMN)
Pour une
meilleure lisibilité dans l'affectation des crédits
budgétaires, il est institué un Fonds de gestion des milieux
naturels (FGMN) dont l'existence sera confirmée au niveau
législatif par le projet de loi d'orientation pour l'aménagement
et le développement durable du territoire qui devrait être
examiné par le Parlement au cours du premier trimestre 1999.
L'article 23 du projet de loi propose de compléter la loi du
4 février 1995 par un article 38-1 qui institue le FGMN et
dont les fonctions sont ainsi définies :
"
le fonds contribue au financement des projets d'intérêt
collectif concourant à la protection, à la réhabilitation
ou à la gestion des milieux et habitats naturels
"
.
"
Il prend en compte les objectifs fixés par le schéma de
services collectifs des espaces naturels et ruraux
".
Ce schéma de service devrait fixer pour les vingt années
à venir les orientations fondamentales de la gestion des espaces
naturels et ruraux en vue de leur " valorisation économique,
environnementale et sociale ".
Les crédits affectés en 1999 au FGMN s'élèvent
à 164 millions de francs, dont 90 de mesures nouvelles, le solde
provenant d'un redéploiement de crédits existants. L'essentiel
des mesures nouvelles sera affecté à la mise en oeuvre du
réseau Natura 2000.
La mise en oeuvre du réseau Natura 2000 doit déboucher en 1999,
au-delà de la désignation des sites à la Commission
européenne, sur la définition de moyens spécifiques et
d'un cadre juridique adapté à la gestion des sites Natura 2000.
- Soixante six millions de francs seront consacrés
à la définition de ces moyens, qui feront l'objet de documents
d'objectifs. A travers la signature de cahiers des charges, il est prévu
par voie de contractualisation d'indemniser les propriétaires et les
gestionnaires des espaces notamment forestiers situés dans un site
Natura 2000.
Le Gouvernement entend également donner un cadre législatif
à ce dispositif contractuel et un projet de loi est en cours
d'élaboration et soumis à concertation. Par certains aspects, il
rejoint les préoccupation du Sénat qui a adopté en juin
dernier les conclusions de M. Jean-François Le Grand au nom de la
Commission des Affaires économiques sur la proposition de loi
1(
*
)
relative à la mise en oeuvre
du réseau écologique européen, dénommé
Natura 2000. Par ce texte, qui reprend nombre de propositions du groupe de
travail constitué au sein de la Commission des Affaires
économiques en 1997, il est créé un conseil
départemental du patrimoine naturel, qui institutionnalise le
comité départemental de constitution et de suivi du réseau
Natura 2000 en précisant sa composition notamment en ce qui concerne la
représentation des collectivités territoriales.
C'est au sein de ces conseils départementaux dont l'existence et la
composition ne devraient pas dépendre du seul bon vouloir de
l'administration, que doit se dérouler la concertation sur les sites
à proposer et le contenu des documents d'objectifs.
S'agissant de l'indemnisation des propriétaires et gestionnaires des
sites Natura 2000, la proposition de loi prévoit que la mise en oeuvre
des mesures de gestion définies dans les documents d'objectifs se fasse
par voie contractuelle associant l'Etat, les collectivités territoriales
et les différents propriétaires et gestionnaires
concernés. Cette procédure doit permettre de
rémunérer des services rendus à la collectivité ou
de compenser des contraintes acceptées ou des pertes de revenu
résultant de l'inscription d'un site dans le réseau Natura 2000
et permettant ainsi pour la première fois de prendre en compte et
d'indemniser des servitudes environnementales décidées par la
collectivité. Cependant, la limitation du pouvoir du Parlement
s'agissant de l'accroissement des dépenses publiques a fait que cette
disposition a été déclarée irrecevable en
application de l'article 40 de la Constitution.
La Commission des Affaires économiques examinera avec d'autant plus
d'attention
, dans le projet de loi annoncé par le Gouvernement,
les dispositions relatives à ces mesures de compensation.
Votre
rapporteur regrette seulement de n'avoir pas plus de renseignements sur la
répartition des crédits affectés à la gestion des
sites Natura 2000.
- S'agissant des propositions de sites, une première liste a
été transmise fin 1997, qui comprend 543 sites couvrant
901.000 hectares, soit 1,6 % du territoire national. Au mois de
juin 1998, 151 nouvelles propositions ont été
reçues et le total des sites proposés représente
désormais 1.571.000 hectares, soit 2,8 % du territoire.
Au niveau européen, le retard pris par nombre d'Etats membres dans la
fourniture de propositions complètes ou l'insuffisance des informations
scientifiques bloquent la tenue de nouvelles réunions pour les
régions " alpine ",
" méditerranéenne ", " atlantique " et
" continentale ". Ces réunions dites biogéographiques
ont pour objet d'arrêter la liste des habitats naturels et des
espèces d'intérêt communautaire présents dans chacun
des Etats membres et d'évaluer si ces habitats naturels et si ces
espèces sont suffisamment bien représentées dans les
propositions des Etats membres.
La participation de l'Etat à la politique des parcs naturels
régionaux, des conservatoires régionaux d'espaces naturels et des
réserves de la biosphère bénéficie de
6 millions de francs de mesures nouvelles.
S'agissant plus particulièrement des parcs naturels régionaux,
les dotations de fonctionnement augmentent de 18 %, ce qui devrait permettre la
remise à niveau des dotations pour les 36 parcs existants et
permettre en 1999 la création de cinq parcs supplémentaires
: Narbonnais, Causses du Quercy, Guyane, Châtaigneraie et sucs
d'Ardèche, Gâtinais français.
Le renforcement du programme de conservation des espèces animales
sauvages et le réseau des conservatoires botaniques nationaux se traduit
par 8 millions de francs de mesures nouvelles, pour notamment :
- accompagner le retour du loup dans les Alpes françaises et de
poursuivre le renforcement de la population d'ours des Pyrénées
(dépenses ordinaires : 2.000.000 francs, autorisations de
programmes : 1.350.000 francs, crédits de paiements :
675.000 francs) ;
- développer le réseau des conservatoires botaniques
nationaux avec la mise en place de leur fédération nationale,
facteur de synergie et de rayonnement du réseau des conservatoires qui
devrait s'étendre aux Pyrénées en 1999, des études
préalables étant engagées pour la Guadeloupe
(dépenses ordinaires : 1.340.000 francs) ;
- développer des plans d'action pour des espèces
menacées telles que le gypaète barbu, le vison d'Europe, la
loutre ou le grand hamster (dépenses ordinaires : 1.500.000 francs,
autorisations de programmes : 1.330.000 francs, crédits de paiement
: 665.000 francs) ;
- développer des actions de conservation pour les mammifères
marins, les reptiles et amphibiens ainsi que les insectes (autorisations de
programmes : 640.000 francs, crédits de paiement :
320.000 francs) ;
- augmenter la subvention versée par le ministère
chargé de l'environnement au Muséum national d'histoire naturelle
(Institut d'écologie et de gestion de la biodiversité) pour
développer sa capacité d'expertise sur la diversité
biologique (12.000.000 francs) ;
En matière de faune sauvage, cette politique de réintroduction ou
d'encouragement de certaines espèces crée à de multiples
endroits des problèmes de cohabitation avec des activités
humaines telles que le pastoralisme, la pêche et même le tourisme.
Les mesures préventives que privilégie le ministère de
l'aménagement du territoire et de l'environnement s'avèrent
très vite bien insuffisantes. Le cas du grand cormoran en est une bonne
illustration. Si désormais -et après des années de
démarches infructueuses auprès de la Commission
européenne- cet oiseau ne fait plus partie des espèces
menacées nécessitant des mesures de protection
particulière de leur habitat (annexe I de la directive 79/409/CEE
Oiseaux sauvages) et que le prélèvement national autorisé
a été porté à 12 % des effectifs avec une
priorité reconnue sur les zones d'activité économique
menacées, ces mesures restent encore très insuffisantes pour
préserver l'activité économique des piscicultures en eau
libre.
Votre rapporteur pour avis souhaite qu'une réflexion s'engage sur les
solutions efficaces à mettre en oeuvre pour que les politiques de
réintroduction d'espèces en voie de disparition ne mettent pas en
péril l'équilibre financier des activités
économiques locales.
2. Des moyens nouveaux pour le réseau d'espaces naturels protégés.
Il
s'agit des espaces gérés par les établissements publics
placés sous la tutelle du ministère ou dépendant
directement de l'aide de l'Etat pour la mise en oeuvre de leurs actions.
Des moyens supplémentaires sont attribués pour les parcs
nationaux, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et
pour les réserves naturelles.
Le réseau des parcs nationaux bénéficie de moyens en
augmentation -173,4 millions de francs en dépenses ordinaires et
crédits de paiement contre 164 millions de francs en 1998- pour
assurer la mise en place du parc national de la forêt guyanaise et le
fonctionnement des missions d'études pour le projet du parc national
marin de Corse et le projet de création du parc national marin de la mer
d'Iroise. Vingt-trois emplois sont créés dans les parcs,
dont 8 nouveaux pour la Guyane et trois pour le Conservatoire botanique du
parc national des Pyrénées.
Le Conservatoire de l'espace littoral bénéficie d'une mesure
nouvelle de 5,9 millions de francs et les crédits qui lui sont
affectés -dépenses ordinaires et crédits de paiement- sont
portés à 147,35 millions de francs. Ceci permettra la
création de quatre emplois supplémentaires, ce qui devrait aider
le Conservatoire à faire face à l'augmentation très nette
de ses activités et à la diversification de ses
compétences. Par ailleurs, l'augmentation des crédits devrait
permettre au Conservatoire d'élargir son programme d'acquisition,
sachant qu'à l'heure actuelle de très grands domaines sont en
vente et qu'ils sont situés dans des secteurs d'intérêt
primordial, notamment dans le Var ou les Bouches-du-Rhône. On peut
rappeler que depuis sa création, le Conservatoire a acquis un peu plus
de 53.000 hectares d'espaces naturels fragiles ou menacés
répartis sur 396 sites différents et qu'il assure ainsi la
protection de plus de 10 % du linéaire côtier
métropolitain.
Enfin, le réseau des réserves naturelles bénéficie
d'un crédit supplémentaire de 7,5 millions de francs, ce qui
porte la dotation du ministère à 44,24 millions de francs,
pour assurer la gestion des réserves existantes et permettre le
classement éventuel de onze nouvelles réserves.
En 1998, il existe 141 réserves pour une superficie totale de
443.795 hectares.
3. Des moyens supplémentaires pour l'Ecole naturelle supérieure des paysages
L'ambition du Gouvernement est de traiter l'ensemble des
paysages
sans se limiter aux sites exceptionnels. Elle est de plus en plus soutenue par
les responsables des collectivités locales. Il s'agit de mettre en
application effective l'esprit de la loi n° 93-24 du
8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages et
modifiant certaines dispositions législatives en matière
d'enquêtes publiques. Par ailleurs, la qualité des paysages
devient une exigence de la part des Français, qui relient cette
aspiration à celle d'un cadre de vie de meilleure qualité. Compte
tenu de cette évolution, les communes, les départements et les
régions consacrent des moyens accrus à leurs paysages dont la
qualité constitue maintenant l'un des atouts utilisés par la
recherche du développement économique.
Les actions relevant directement des compétences de l'Etat sont de
favoriser les connaissances sur les paysages, par l'établissement de
documents méthodologiques à l'intention des services
déconcentrés, des élus et des professionnels, le
développement de l'Observatoire photographique du paysage, et de
soutenir les actions de formation -initiale et permanente- des professionnels
du paysage.
A partir de 1999, le ministère en charge de l'environnement exercera la
co-tutelle -avec le ministère de l'agriculture- de l'Ecole nationale
supérieure des paysages. Trois millions de francs en mesures
nouvelles sont affectés à cet établissement.