PJL loi de finances pour 1999
BIZET (Jean)
AVIS 68 (98-99), Tome XVIII - COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES
Table des matières
- INTRODUCTION
-
PREMIÈRE PARTIE -
LES PRINCIPALES ORIENTATIONS BUDGÉTAIRES EN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT- I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS
-
II. LES PRIORITÉS FORTES EN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT
- A. DES CRÉDITS FORTEMENT AUGMENTÉS POUR L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE, LA CONNAISSANCE DE L'ENVIRONNEMENT ET LA COOPÉRATION INTERNATIONALE
- B. LE RENFORCEMENT DES MOYENS CONSACRÉS À LA PROTECTION DE L'EAU À TRAVERS LA MISE EN PLACE D'UN NOUVEAU FONDS DE CONCOURS À LA CHARGE DES AGENCES DE L'EAU
- C. LES CRÉDITS CONSACRÉS À LA PRÉVENTION DES POLLUTIONS PROGRESSENT PRINCIPALEMENT DU FAIT DE L'INSTAURATION DE LA TAXE GÉNÉRALE SUR LES ACTIVITÉS POLLUANTES (TGAP)
- D. LA FORTE PROGRESSION DES CRÉDITS CONSACRÉS À LA PROTECTION DE LA NATURE
- E. LE RENFORCEMENT DES MOYENS CONSACRÉS À LA RECHERCHE
-
DEUXIÈME PARTIE -
LES INCERTITUDES LIÉES À L'INSTAURATION DE LA TAXE GÉNÉRALE SUR LES ACTIVITÉS POLLUANTES- I. LE DISPOSITIF DE LA TAXE GÉNÉRALE SUR LES ACTIVITÉS POLLUANTES (TGAP)
- II. LES INCERTITUDES GRAVES QUI PÈSENT SUR L'IMPACT DE LA TGAP ET SUR SON CONTENU FUTUR
- EXAMEN EN COMMISSION
N° 68
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME XVII
ENVIRONNEMENT
Par M. Jean BIZET,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Jean François-Poncet,
président
; Philippe François, Jean Huchon,
Jean-François Le Grand, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Marc Pastor, Pierre
Lefebvre,
vice-présidents
; Georges Berchet, Jean-Paul Emorine,
Léon Fatous, Louis Moinard,
secrétaires
; Louis
Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM.
Bernard Barraux, Michel Bécot, Jacques Bellanger, Jean Besson, Jean
Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye,
Gérard César, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Roland
Courtaud, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Marcel
Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Xavier Dugoin, Bernard
Dussaut
,
Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Alain
Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Serge Godard,
Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis,
MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Joly, Alain
Journet, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Edmond Lauret, Gérard
Le Cam, André Lejeune, Guy Lemaire, Kléber Malécot, Louis
Mercier, Bernard Murat, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron,
Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Ladislas Poniatowski, Paul Raoult,
Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Jean-Jacques
Robert, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette
Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, Henri Weber.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1078
,
1111
à
1116
et T.A.
193
.
Sénat
:
65
et
66
(annexe n°
5
)
(1998-1999).
Lois de finances. |
INTRODUCTION
Le
projet de loi de finances pour 1999 traduit deux orientations majeures en ce
qui concerne la protection de l'environnement.
D'un strict point de vue budgétaire et à périmètre
constant, les crédits augmentent de 15,6%, soit une progression plus de
sept fois supérieure à la progression moyenne des dépenses
de l'Etat. Elle prend en compte le développement continu des
responsabilités incombant à ce ministère du fait de
l'accroissement des normes européennes en ce domaine, des aspirations
croissantes de nos concitoyens, et plus généralement de la prise
de conscience de la nécessité d'un développement
économique plus respectueux de cet environnement.
D'administration de mission, le ministère de l'environnement est peu
à peu devenu une administration de gestion et il est certainement
heureux que les crédits de fonctionnement soient définis en
conséquence.
Faut-il pour autant considérer que la gestion de l'environnement
constitue désormais une activité régalienne de l'Etat au
même titre que la justice ou les affaires étrangères? On
peut en douter. N'y-a-t-il pas derrière cette affirmation, un risque de
dérive des dépenses publiques à travers notamment des
créations de postes importantes pour constituer, à tous les
niveaux administratifs un corps de fonctionnaires de l'environnement? Plus
généralement, n'y-a-t-il pas à craindre une
recentralisation progressive des procédures de gestion et de
décision, alors même qu'il est admis par tous que pour être
efficiente, la prise en compte de l'environnement doit être
gérée au plus près des réalités de terrain,
par les acteurs économiques eux-mêmes.
La seconde innovation majeure de la loi de finances pour 1999 en matière
d'environnement, réside dans la mise en place de la taxe
générale sur les activités polluantes, qui inaugure une
nouvelle étape en matière de fiscalité écologique.
Rompant avec le principe des taxes fiscales ou parafiscales affectées
à la lutte contre telle ou telle forme de pollution, la TGAP entend
faire une stricte application du principe " pollueur-payeur " pour
orienter les comportements des acteurs économiques dans le sens d'une
plus grande protection de l'environnement.
Cette orientation majeure mérite d'être analysée de
manière approfondie, car elle constitue un pari risqué sur
l'avenir. Elle ne doit pas en effet se traduire par une aggravation des
prélèvements publics ni par une remise en cause des sommes
affectées jusque là à la lutte contre la pollution, alors
même que les besoins en ce domaine sont considérables et ne feront
que s'accroître dans un futur proche.
PREMIÈRE PARTIE -
LES PRINCIPALES ORIENTATIONS
BUDGÉTAIRES EN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT
I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS
PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES
CRÉDITS PAR
AGRÉGAT
(dépenses ordinaires - crédits de paiement - autorisations de
programme)
(millions de francs)
|
DO + CP |
AP |
||||
|
LF 98 |
PLF 99 |
% |
LF 98 |
PLF 99 |
% |
Administration générale |
574,6 |
644,6 |
12,8 |
23,00 |
49,68 |
116 |
Connaissance de l'environnement et coopération internationale |
82,7 |
110,6 |
33,74 |
18,40 |
27,48 |
49,35 |
Protection de l'eau et des milieux aquatiques |
229,8 |
265 |
15,32 |
192,68 |
204,20 |
5,96 |
Prévention des pollutions et des risques |
386,6 |
2 192,3 |
467,07 |
168,35 |
1 827,60 |
985,61 |
- hors conséquences de la TGAP |
|
757,3 |
95,89 |
|
|
|
- hors conséquences de la TGAP et MEER (*) |
|
424,3 |
9,75 |
192,6 |
204,2 |
6 |
Protection de la nature sites et paysages |
536,3 |
654,5 |
22,04 |
327,43 |
364,53 |
11,33 |
Recherche |
75,5 |
80,7 |
6,89 |
70,00 |
66,00 |
-5,71 |
TOTAL |
1 885,5 |
3 947,7 |
109,37 |
799,87 |
2 539,50 |
297,49 |
Total hors conséquence de la TGAP |
1 885,5 |
2 512,7 |
33,26 |
|
|
|
Total hors conséquence de la TGAP et MEER (*) |
1 885,5 |
2 179,7 |
15,60 |
|
|
|
(*) MEER
: Dotation pour la maîtrise de l'énergie et le
développement.
Source
: Ministère de l'aménagement du territoire et de
l'environnement
Dans le projet de loi de finances pour 1999, les crédits demandés
au titre de l'environnement s'établissent à 3,95 milliards
de francs (dépenses ordinaires et crédits de paiements), soit une
progression d'environnement 110 % par rapport à 1998. Les
autorisations de programme enregistrent une hausse de 217,49 % pour
s'établir à 2,53 milliards de francs.
Cette très forte progression résulte de trois paramètres
qu'il convient de rappeler ici :
-
à périmètre constant
, le budget de
l'environnement augmente de
15,60 %
, ce qui traduit la
volonté du Gouvernement d'en faire un ministère de plein
exercice ;
-
une dotation nouvelle de 500 millions de francs, dont
333 millions
versés par le ministère en charge de
l'environnement, est affectée à l'Agence de l'environnement et de
la maîtrise de l'énergie (ADEME) pour relancer la politique
menée en matière de maîtrise de l'énergie et de
développement des énergies renouvelables. En tenant compte de
cette dotation le budget augmente de
33 %
;
- enfin, le ministère bénéficie à hauteur de
1,43 milliard de francs
d'une dotation nouvelle, qui est la
conséquence budgétaire de la mise en place de la
taxe
générale sur les activités polluantes
(TGAP) et de la
suppression par voie de conséquence des taxes affectées
directement à l'ADEME.
Compte tenu de ce troisième paramètre, les crédits
consacrés à l'environnement dans le projet de loi de finances
pour 1999 progressent de 110 %.
Avec 3,94 milliards de francs, ils
représentent désormais 0,3 % du budget civil de l'Etat au
lieu de 0,14 % depuis 1991
.
Cette progression traduit la volonté du Premier ministre de faire de
l'environnement une véritable priorité gouvernementale et de
donner des moyens suffisants au ministère en charge de l'environnement.
En effet, conçu à l'origine sur le modèle d'une
administration de mission, force est de reconnaître que le champ
d'actions et de compétences du ministère s'est
considérablement développé depuis 25 ans.
Il s'agit désormais d'un ministère de gestion, qui négocie
des directives de plus en plus nombreuses en matière d'environnement,
prépare les lois et les règlements, veille à leur
exécution, exerce des missions de police et de contrôle, met en
oeuvre des politiques de prévention et de réparation des
pollutions et dommages commis en ce domaine, mais en aucun cas l'environnement
ne doit être considéré comme une activité
régalienne relevant de la compétence exclusive de l'Etat.
Compte tenu de ces nouveaux moyens, trois grandes priorités se
dessinent dans le projet de loi de finances pour 1999 :
- un accroissement important des effectifs du ministère et des
moyens des services ainsi que le renforcement des effectifs des
établissements publics sous tutelle ;
- le développement des moyens de communication et de soutien aux
associations ainsi que le renforcement de la présence de la France dans
les négociations communautaires et internationales ;
- le renforcement des politiques menées dans les domaines de la
gestion des espaces naturels, des milieux aquatiques et de prévention
des risques naturels.
II. LES PRIORITÉS FORTES EN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT
A. DES CRÉDITS FORTEMENT AUGMENTÉS POUR L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE, LA CONNAISSANCE DE L'ENVIRONNEMENT ET LA COOPÉRATION INTERNATIONALE
1. L'accroissement des moyens de l'administration générale
Globalement, les moyens budgétaires pour
l'administration
générale augmentent de 12 % en 1999 pour s'établir
à 644,6 millions de francs.
Le renforcement des effectifs programmé pour 1999 se fait par
création nette d'emplois.
Depuis cinq ans, les effectifs du ministère avaient peu
progressé, soit par création d'emplois, soit le plus souvent par
transfert. Ainsi, en 1997, le ministère de l'environnement avait
bénéficié du transfert de 27 emplois du
ministère de l'équipement provenant de la direction de
l'architecture et de l'urbanisme. En 1998, le ministère a
enregistré la création de 34 emplois, notamment pour
renforcer l'inspection des installations classées industrielles et
accélérer la procédure d'élaboration des plans
risques, le programme d'annonce des crues et renforcer la police de l'eau.
Le projet de loi de finances pour 1999 s'inscrit en rupture par rapport aux
années précédentes en décidant la
création de 140 emplois
.
L'accroissement des effectifs et les mesures d'équilibrage de certains
corps représentent 29,8 millions en mesures nouvelles et les
créations de postes se répartissent ainsi :
*
Quatre-vingt neuf emplois dans les directions
régionales de l'environnement, pour renforcer la police de l'eau, la
gestion de l'eau, la mise en oeuvre des plans risques, l'assainissement, la
protection et la gestion de la nature, des sites et des paysages,
l'évaluation des infrastructures ;
*
Vingt-deux emplois pour renforcer l'inspection des
installations classées industrielles. On peut rappeler que les effectifs
budgétaires des installations classées industrielles
dépendant des directions régionales de l'industrie de la
recherche et de l'environnement s'élevaient en 1998 à
753 postes, et que la Cour des Comptes en avait souligné
l'insuffisance notoire. Pour y remédier, un plan pluriannuel de
renforcement de ces services a été mis en place, et c'est
à ce titre que sont prévus les 22 postes pour 1999, ce qui
portera les effectifs dépendants du ministère de l'environnement
à 775.
A ces postes, il convient d'ajouter les services vétérinaires,
avec 195 agents qui se consacrent à l'inspection des installations
classées agricoles et agro-alimentaires. Ces agents sont
rémunérés sur les postes budgétaires du
ministère de l'agriculture, mais seulement 21 emplois d'inspecteurs
sont comptabilisés en tant que tels.
En définitive, 796 emplois seront affectés en 1999 à
l'inspection des installations classées, ce qui reste sans doute encore
faible au regard des 63.000 installations classées soumises
à autorisation.
*
Vingt-neuf emplois en administration centrale afin de renforcer
les fonctions de gestion du ministère : budgétaire,
fiscalité, communautaire, tutelle des établissements publics,
affaires statutaires, gestion des ressources humaines.
En revanche, la création de deux emplois d'inspecteurs
généraux des monuments historiques, des sites et des paysages a
été gagée par la suppression de trois emplois de
contractuels. Le bilan global des créations-suppressions
s'établit donc à + 139 emplois.
Votre rapporteur pour avis admet que l'accroissement et la diversification des
tâches incombant au ministère en charge de l'environnement suppose
un renforcement de ses moyens, notamment en personnel.
Il s'inquiète
néanmoins du poids que représentent les dépenses
d'administration générale -autant que les crédits
consacrés à la protection de la nature et des paysages- et
regrette que l'augmentation des postes ne se fasse pas par redéploiement
ou transfert.
Cette pratique aurait été plus conforme
à la nécessaire maîtrise des dépenses publiques,
permettant d'éviter d'accroître la masse des emplois publics, et
les risques de surenchère entre services déconcentrés
appartenant à des administrations distinctes et souvent concurrentes.
L'ÉVOLUTION DES EFFECTIFS BUDGÉTAIRES DU MINISTÈRE DE L'ENVIRONNEMENT EST LA SUIVANTE DEPUIS 1994
|
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 (prévision) |
|
|
Administration centrale |
522 |
515 |
506 |
497 |
503 |
532 |
Effectifs totaux |
DRIRE (*) |
732 |
736 |
743 |
743 |
753 |
775 |
|
DIREN (**) |
1 076 |
1 100 |
1 102 |
1 138 |
1 156 |
1 245 |
|
TOTAL |
2 330 |
2 351 |
2 351 |
2 378 |
2 412 |
2 552 |
Créations d'emplois par rapport à l'année précédente |
10 |
21 |
0 |
0 |
34 |
139 |
|
Transferts d'emplois par rapport à l'année précédente |
0 |
0 |
0 |
27 |
0 |
0 |
(*)
DRIRE : Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de
l'environnement
(**) DIREN : Direction régionale de l'environnement.
Les dotations en moyens de fonctionnement et en équipements immobiliers
progressent de 11,2 % pour accompagner la création des
140 emplois prévue en 1999. A cela s'ajoute une progression des
frais généraux liée à l'action internationale du
ministère, une augmentation des dépenses informatiques pour la
mise en place d'outils de gestion pour les DIREN et la diffusion d'information
sur Internet, ainsi qu'une majoration de 60 % des crédits
affectés à l'information.
2. La très forte progression des crédits consacrés à la connaissance de l'environnement et à la coopération internationale
La
nécessaire maîtrise des dépenses budgétaires avait
conduit à plafonner en 1996 et 1997 les crédits consacrés
à la connaissance de l'environnement et à la coopération
internationale.
Déjà en 1998, les ressources prévues en ce domaine avaient
fortement progressé (+8,97 % en crédits de paiement et
+37,31 % en autorisations de programmes) et pour l'essentiel ceci
résultait de la très forte augmentation des subventions aux
associations dont le montant total passait de 22,7 à 25,8 millions
de francs.
Le projet de loi de finances pour 1999 poursuit -voire même accentue-
cette politique puisque les crédits consacrés à la
communication et à l'information augmentent de 33,8 % pour atteindre
110,6 millions de francs en moyens de paiement et 27,4 millions de
francs en autorisations de programme. Les crédits d'intervention au
service des affaires internationales seront notamment renforcés afin de
mieux répondre aux engagements internationaux de la France.
Les moyens disponibles en faveur des associations progressent encore
fortement, pour être fixés à 34 millions de francs,
permettant ainsi de subventionner plus de 300 associations aux niveaux
central et déconcentré sur un total de 1.500 associations
agréées au titre de l'environnement. On peut rappeler qu'il
s'agit, en principe, d'aider les associations d'environnement à vocation
nationale à réaliser des actions de protection de l'environnement
et d'aider les associations régionales, par des crédits
délégués aux directions régionales de
l'environnement, à participer aux actions du ministère de
l'environnement sur les trois programmes suivants : vie associative
régionale, journées de l'environnement et chantiers de jeunes.
S'agissant de la forte progression des crédits destinés aux
associations, votre rapporteur pour avis déplore le manque de
lisibilité du document budgétaire sur les critères
d'éligibilité aux subventions et regrette d'avoir reçu
tardivement la liste des associations ayant bénéficié de
subventions en 1997 et 1998.
Il suggère également que l'octroi
de subventions prenne effectivement en compte la participation des associations
à des opérations de sensibilisation ou d'information sur
l'environnement afin d'écarter celles qui n'ont comme seule raison
sociale que l'obstruction systématique et par tout moyen, y compris la
désinformation, à l'encontre de chaque projet
d'aménagement ou de développement local
.
S'il faut se réjouir que le ministère de l'environnement soit
parvenu aujourd'hui à un âge adulte, ce qui lui confère des
missions de gestion importantes,
il faut souhaiter que les associations de
protection de l'environnement parviennent également à ce stade de
maturité
.
En outre, pour appuyer la définition de nouvelles filières et de
nouveaux métiers dans le domaine de l'environnement -notamment à
travers les emplois jeunes- les effectifs des établissements publics
placés sous la tutelle du ministère de l'environnement vont
sensiblement progresser.
Le projet de budget pour 1999 prévoit la création de :
- 225 postes créés dans les agences de l'eau pour
susciter l'émergence de projets locaux dont l'objectif est la
création de 8.000 emplois-jeunes dans le domaine de l'eau ;
- 100 postes créés à l'ADEME, dans le cadre de
la relance de la politique de maîtrise de l'énergie et du
développement des énergies renouvelables ;
- 28 emplois au Conseil supérieur de la pêche ;
- 23 emplois dans les Parcs nationaux ;
- 19 emplois à l'Institut national de l'environnement
industriel et des risques (INERIS) ;
- 9 emplois à l'Institut français de l'environnement
(IFEN);
- 4 emplois pour le Conservatoire du littoral et des rivages
lacustres ;
- 4 emplois pour la Museum national d'histoire naturelle.
Une fois encore, on ne peut que déplorer que ces emplois soient obtenus
par création nette, ce qui accroît le niveau des emplois publics,
notamment pour les agences de l'eau.
S'agissant des emplois jeunes, au 31 juillet 1998, 4.122 jeunes
bénéficiaient de ce dispositif dans le secteur de l'environnement
et fin 1998, ils pourraient être entre 8.000 et 10.000 à
être embauchés sur ces postes.
Ces emplois concernent notamment quatre filières professionnelles :
les conseillers ou animateurs environnement (32 % des emplois), les agents
d'entretien des espaces naturels (23 %), les animateurs de
développement local (16 %) et les agents de traitement des
pollutions (8 %).
Deux programmes, qui concernent deux importants gisements d'emplois dans le
secteur de l'environnement, sont en cours de lancement. D'une part, le
20 mai 1998, les agences de l'eau ont été
autorisées à recruter, durant les années 1998 et
1999, 225 chargés d'affaires ou chargés de mission ayant
pour fonction de susciter des " nouveaux emplois/nouveaux services "
utilisant le dispositif emplois-jeunes. Le gisement estimé est de
8.000 emplois-jeunes. En outre, les agences fourniront un
complément de financement aux porteurs de projets. D'autre part, la mise
en place de la nouvelle fiscalité écologique permettra le
recrutement d'emplois-jeunes dans les délégations
régionales de l'ADEME, en vue d'assurer des prestations de
détection, d'aide à l'émergence et de suivi de projets
dans le domaine des déchets, de la maîtrise de l'énergie et
de l'habitat durable. Il existe, en particulier, des besoins d'organisation
dans la filière déchets, notamment des fonctions de conseil et de
coordination auprès des collectivités locales et de
sensibilisation auprès des populations.
A propos de ce dispositif,
votre rapporteur pour avis s'interroge sur la
pérennité effective de ces emplois au-delà de cinq ans et
sur le risque d'une augmentation massive des emplois publics si le secteur
privé ne prend pas le relais
!
Dans l'immédiat, il
attire également l'attention sur quelques effets de substitution
constatés encore localement, qui faussent le jeu de la
concurrence.
B. LE RENFORCEMENT DES MOYENS CONSACRÉS À LA PROTECTION DE L'EAU À TRAVERS LA MISE EN PLACE D'UN NOUVEAU FONDS DE CONCOURS À LA CHARGE DES AGENCES DE L'EAU
Les orientations du projet de loi de finances pour 1999 traduisent en matière financière, une partie des mesures énoncées dans la communication faite par Mme Dominique Voynet au conseil des ministres du 20 mai 1998 sur la réforme des instruments d'intervention publique dans le domaine de l'eau. Etaient ainsi annoncées l'extension du principe " pollueur-payeur " à la prévention des inondations ainsi que la participation financière des agences de l'eau au renforcement de la police des eaux.
1. La politique des fonds de concours au secours du budget de l'Etat
Par
rapport à la loi de finances pour 1998, les crédits
consacrés à la politique de l'eau augmentent de 14 % pour
atteindre 265 millions de francs et les autorisations de programme
s'élèvent à 204,2 millions de francs soit une hausse
de 6 %.
Mais il faut rappeler que ces dotations sont complétées, depuis
1997 par un fonds de concours des agences de l'eau fixé à
110 millions de francs, pour abonder les dotations budgétaires en
gestion. Prévu pour toute la durée du VIIe programme,
c'est-à-dire jusqu'en 2001, il doit permettre de mobiliser
550 millions de francs sur cinq ans pour la participation au financement
des travaux de restauration des rivières et d'aménagement des
zones nouvelles d'expansion des crues.
Mais ce dispositif pourrait ne pas aller jusqu'à son terme si une
nouvelle redevance pour modification de régime des eaux était
mise en place. Elle serait perçue ou reversée -selon les
modalités d'application de la TGAP- aux agences de l'eau qui, en contre
partie, financeraient chacune pour leur bassin ce programme de restauration des
rivières et des zones d'expansion des crues.
Pour 1998, la répartition des contributions et des dotations des agences
de l'eau sur le fonds de concours est la suivante :
|
Répartition proposée pour 1998 |
Contribution du bassin |
Dotation 1997 |
Adour Garonne |
19 500 000 |
9 020 000 |
17 945 471 |
Artois Picardie |
4 250 000 |
8 140 000 |
5 420 000 |
Loire Bretagne |
32 000 000 |
15 290 000 |
28 276 444 |
Rhin Meuse |
11 250 000 |
10 230 000 |
9 729 650 |
RMC |
28 000 000 |
24 750 000 |
33 616 035 |
Seine Normandie |
15 000 000 |
42 570 000 |
15 012 400 |
TOTAL PAR ACTION |
110 000 000 |
110 000 000 |
110 000 000 |
Le
projet de loi de finances pour 1999 instaure un second fonds de concours
à la charge des agences de l'eau. Il s'agit pour elles de contribuer par
des moyens supplémentaires au financement de la police de l'eau
exercée par l'Etat, de la collecte et de l'exploitation des
données sur l'eau effectuées par l'Etat, de la police de l'eau et
des milieux aquatiques exercées par les gardes-pêches. Le montant
de cette contribution est fixée à 140 millions de francs.
L'avenir de ce fonds dépend des conditions de mise en oeuvre et
d'extension de la taxe générale sur les activités
polluantes(TGAP).
A l'évidence, l'instauration de ce fonds de concours constitue une
atteinte supplémentaire au principe fondamental d'autonomie de gestion
des organismes de bassin
. Par ce procédé et en
méconnaissance totale du principe de décentralisation, l'Etat
récupère pour financer des activités régaliennes,
comme la police de l'eau, une partie du produit des redevances par lesquelles
les collectivités territoriales et les acteurs socio-économiques
cotisent à la protection, à la remise en état et
l'aménagement de leur propre bassin.
Comme en 1996, lors de l'instauration du premier fonds de concours pour le
financement d'opérations d'entretien de cours d'eau et restauration de
zones d'expansion des crues, votre Commission des affaires économiques
ne peut que se déclarer très hostile à la mise en place
d'un tel dispositif. D'autant plus qu'il ne fait malheureusement qu'anticiper
sur les intentions du Gouvernement s'agissant de l'intégration future
des redevances des agences dans l'assiette de la taxe générale
sur les activités polluantes.
2. Les actions menées au titre de la politique de l'eau
La
majeure partie des dotations budgétaires est consacrée à
la mise en oeuvre des plans gouvernementaux décidés les 4 et
24 janvier 1994, à savoir le plan Loire et le plan
décennal de restauration des rivières arrêtés dans
le cadre du programme pluriannuel de prévention des risques naturels.
En 1997 et 1998, ce sont respectivement 200 millions de francs et
203 millions de francs qui auront été consacrés
à la mise en oeuvre de ces programmes. Dans le projet de budget pour
1999, il est prévu d'y consacrer à nouveau 214 millions de
francs de crédits budgétaires. Si on y ajoute 110 millions
de francs en provenance du fonds de concours de agences de l'eau, ainsi que
22 millions de francs de crédits transférés des
budgets de l'agriculture et de l'équipement, la mise en oeuvre du plan
Loire et du programme pluriannuel de prévention des inondations
bénéficiera en 1999 de 346 millions de francs.
A la fin 1998, le plan Loire grandeur nature arrive à mi-parcours.
Plusieurs propositions sont actuellement soumises à concertation, afin
de relancer le programme dans le cadre de la préparation des prochains
contrats de plan, mais certains acteurs économiques locaux s'interrogent
sur la volonté réelle du ministère en charge de
l'environnement de vouloir réaliser des travaux d'aménagement
pourtant indispensables pour régulariser le cours du fleuve.
La réalisation du plan Loire était évaluée en 1994
à 1,8 milliards de francs de travaux, que l'Etat s'était
engagé à financer à hauteur de 700 millions de
francs. Compte tenu de l'urgence des travaux de mise en sécurité,
une part importante des investissements a été
réalisée entre 1994 et 1997, permettant notamment la
réalisation d'aménagements de la Loire à Brives Charensac.
Sur la période 1994-1998, l'Etat aura ainsi engagé
597,3 millions de francs. En 1999, il est prévu de financer
principalement des travaux de restauration et d'entretien du lit de la Loire
(16 millions de francs) et d'accélérer, avec le concours des
régions et départements concernés, le programme de
renforcement des levées (20 millions de francs).
Le programme décennal de prévention des risques naturels
décidé en janvier 1994, concerne l'ensemble des bassins, et
une partie de ses actions est intégrée dans le plan Loire. Son
coût global a été estimé à 11 milliards
de francs, et il a pour objectif d'améliorer la gestion des zones
inondables et de renforcer les systèmes d'annonces des crues. Mais la
majeure partie des crédits est destinée à un programme
décennal de restauration et d'entretien des cours d'eau
(10,2 milliards de francs).
L'amélioration des systèmes d'annonce des crues a
bénéficié de 192,8 millions de francs de
crédits engagés par l'Etat entre 1994 et 1998, notamment par le
financement de cinq nouveaux radars météorologiques plus
particulièrement installés dans le Sud-Est de la France, ainsi
que pour la modernisation des réseaux de surveillance des crues. Dans le
projet de loi de finances pour 1999, 40 millions de francs dont
2 millions de francs de mesures nouvelles sont prévus.
Des mesures nouvelles sont également inscrites pour financer les
études préalables à l'élaboration des
schémas d'aménagement et de gestion des eaux dans les
départements d'outre-mer, les études préalables à
la restauration du caractère maritime du Mont-Saint-Michel, et enfin
pour lancer le second plan de reconquête de l'étang de Berre.
S'agissant du programme décennal de restauration des cours d'eau,
l'intervention du ministère de l'environnement porte sur les cours d'eau
non navigables et pour l'essentiel sur l'entretien du lit de la Loire. En ce
qui concerne les cours d'eau domaniaux -7.500 kilomètres de cours
d'eau-, l'Etat n'est tenu qu'au maintien des capacités naturelles
d'écoulement du lit. En ce qui concerne les cours d'eau non domaniaux,
qui totalisent 270.000 kilomètres, leur entretien est la
chargé intégrale des propriétaires riverains.
Mais compte tenu des difficultés que ces derniers éprouvent
à remplir cette obligation, ont été mis en place depuis
1981, des contrats de rivière. Dans ce cadre juridique, se trouve
réuni l'ensemble des acteurs concernés par la gestion d'un
patrimoine commun, à travers les participations financières des
collectivités territoriales, de l'agence de l'eau concernée, de
l'Etat et des professionnels. En 1998, avec la signature de 64 contrats de
rivière et de six contrats de baie, la participation de l'Etat
s'élève à 248 millions de francs.
Les subventions apportées par le ministère sont des subventions
d'investissements qui s'inscrivent pour la plupart d'entre elles dans les
contrats de plan conclus entre l'Etat et les régions.
C. LES CRÉDITS CONSACRÉS À LA PRÉVENTION DES POLLUTIONS PROGRESSENT PRINCIPALEMENT DU FAIT DE L'INSTAURATION DE LA TAXE GÉNÉRALE SUR LES ACTIVITÉS POLLUANTES (TGAP)
La mise
en place de la TGAP entraîne l'inscription de 2,19 milliards de
francs de crédits soit une progression de 467 % et de
1,82 milliards de francs au titre des autorisations de programme.
Mais à périmètre constant, les crédits progressent
de 9,75 % pour être fixés à 424,3 millions de
francs et les autorisations de programme s'élèvent à
204,2 millions de francs.
Les crédits consacrés à la prévention des
pollutions et des risques étaient principalement consacrés
à la prévention des risques naturels et industriels ainsi qu'au
financement des mesures d'application de la loi sur l'air. Compte tenu de la
création de la TGAP, ces crédits vont financer également
les moyens d'intervention de l'ADEME, puisqu'une subvention budgétaire
remplace désormais le produit des taxes directement affectées
jusqu'à présent à l'Agence.
1. La prévention des risques naturels
La loi
du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de
l'environnement a prévu plusieurs dispositions portant sur les risques
naturels.
Les mesures de sauvegarde des populations menacées par certains risques
naturels majeurs
Un fonds de prévention des risques majeurs alimenté à
partir de la surprime " catastrophes naturelles " des contrats
d'assurance a été institué après le vote de la loi
de 1995 et il représente environ 125 millions de francs par an.
Sur ce fonds, sont financées des opérations d'expropriations
-trois opérations ont été menées depuis 1995- et
une vingtaine de dossiers sont en cours d'instruction ainsi que des travaux de
prévention de certains risques naturels majeurs en application de
l'article 38 de la loi de finances rectificative pour 1997 du
29 décembre 1997.
Deux sites sont concernés par ces nouvelles dispositions.
Au 1er août 1998, 173,4 millions de francs avaient
été versés par le fonds de prévention des risques
majeurs depuis sa mise en place en 1995.
Les plans de prévention des risques naturels prévisibles
institués par la loi du 2 février 1995 doivent
simplifier l'ancien dispositif réglementaire.
Les PPR remplacent les plans d'exposition aux risques (PER), les
périmètres de risques délimités en application de
l'article R.111-3 du code de l'urbanisme, les plans de surfaces
submersibles (PSS) et les plans de zones sensibles aux incendies de forêt
(PZSIF). Leur réalisation est totalement déconcentrée sous
l'autorité du préfet de département.
Les moyens financiers consacrés à la prise en compte des risques
naturels ont été portés de 20 millions de francs en
1993, à 35 millions de francs en 1997, à 42 millions de
francs en 1998 et à 67 millions de francs dans le projet de loi de
finances pour 1999 (dont 45 millions de francs de crédits
déconcentrés et 22 millions de francs de crédits non
déconcentrés). Ils devraient notamment permettre de
réaliser 2.000 plans de prévention de risques avant l'an
2000.
Au 15 juillet 1998, 1831 PPR, anciens PER et
périmètres de risques délimités en application de
l'article R 111-3 du code de l'urbanisme, approuvés,
étaient recensés, auxquels il convient ajouter environ
2.000 PSS qui valent également PPR. Près de
1.800 autres documents sont en cours d'élaboration
Documents |
Approuvés |
En cours |
PER (2 ) |
396 |
182 |
R 111-3 (2 ) |
1 065 |
34 |
PZSIF (2 ) |
0 |
17 |
PPR ( 1 ) |
370 |
1 550 |
TOTAL |
1 831 |
1 783 |
(1) PPR plan de prévention des risques
(2) Documents antérieurs ou en cours valant PPR :
PER : plan d'exposition aux risques
R 111-3 l: périmètre de risques (article R 111-3 du code de
l'urbanisme)
PZSIF : plan de zone sensibles aux incendies de forêt
En un peu plus de deux ans et demi, depuis octobre 1995, (publication du
décret relatif aux PPR), 1.310 PPR ont été prescrits
et 370 documents approuvés. Il y a donc une relance significative
de la réalisation des PPR, notamment de leur prescription, qui devrait
se poursuivre en 1999.
2. La prévention des risques industriels
En
matière de prévention des risques industriels et technologiques,
6 millions de francs sont inscrits en mesures nouvelles, qui serviront
notamment au financement des études et expertises imposées par
l'application de la directive européenne 96/82/CEE du 9
décembre 1996 dite SEVESO2 et qui abrogera la directive 82/501/CEE
le 4 février 1999. La réglementation devra
également être adaptée en ce qui concerne la
sécurité de certaines installations potentiellement dangereuses,
notamment les stockages de liquides inflammables, les gaz combustibles
liquéfiés et les gaz toxiques sous pression.
Les points forts de la directive SEVESO 2 sont :
- la réalisation par l'exploitant d'un rapport de
sécurité plus élaboré ;
- la prise en compte des effets " domino " ;
- le renforcement de l'information du public ;
- la nécessité d'une maîtrise de l'urbanisation ;
- la réalisation de plans d'urgence plus détaillée.
Une étude, réalisée par l'INERIS, à la demande du
ministère de l'environnement, montre que le nombre
d'établissements qui seraient visés en France par la prochaine
directive " risques majeurs " est de l'ordre de 500. Une
enquête a été diligentée auprès des
préfectures pour recenser ces établissements.
De plus, l'Institut national de l'environnement industriel et des
risques, créé en 1990 bénéficie de moyens
financiers accrus. En 1998, l'INERIS a restructuré son activité
en pôles thématiques en privilégiant plus
particulièrement les risques liés aux explosions de gaz et
poussières, les effets de la pollution de l'atmosphère et des
sols sur la santé et les risques liés aux séquelles de
l'exploitation du sous-sol.
Dans le projet de loi de finances, les dotations à l'INERIS sont en
augmentation pour être fixées à 119,36 millions de francs
(dont 13,75 millions au titre du budget civil de la recherche et du
développement -BCRD-) contre 97,1 millions en 1998. Les
autorisations de programme progressent également très
sensiblement pour s'établir à 33,9 millions de francs (dont
9 millions au titre du BCRD), contre 10 millions de francs en 1998.
S'agissant de la politique du ministère en matière de
réhabilitation des sites et sols pollués, une circulaire,
datée du 31 mars 1998 a demandé aux préfets
d'indiquer les actions effectuées ou prévues à court terme
sur les 896 sites recensés dans la mise à jour de
l'inventaire des sites pollués effectuée en septembre 1997.
Depuis son instauration par la loi du 2 février 1995, le
produit de la taxe sur l'élimination des déchets industriels
spéciaux est affecté à la réhabilitation des sites
pollués " orphelins ". En 1997 et 1998, les montants
collectés au titre de cette taxe ont été respectivement de
90,7 et 93,2 millions de francs. Dans le projet de loi de finances pour
1999, en contrepartie de la suppression de cette taxe et de l'institution de la
TGAP, est prévue une dotation de 107 millions de francs pour la
prise en charge de ces sites.
3. La mise en oeuvre de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie
Bilan de l'extension de la surveillance de la qualité de l'air sur le
territoire national
La loi prévoit la surveillance de toutes les agglomérations de
plus de 100.000 habitants à partir du 1er janvier 1998 et
la surveillance de l'ensemble du territoire à partir du
1er janvier 2000. De plus, la directive communautaire du
27 septembre 1996 concernant l'évaluation et la gestion de la
qualité de l'air ambiant prévoit la surveillance à terme
de 13 polluants ou familles de polluants.
Sur ces bases, un programme d'équipement des associations de
surveillance de la qualité de l'air a été
élaboré. Des crédits ont été
délégués à l'Agence de l'environnement et de la
maîtrise de l'énergie (ADEME), coordonnateur technique de la
surveillance de la qualité de l'air.
Du fait de la durée des études préalables à
l'implantation des capteurs et du temps nécessaire à la
constitution d'associations rassemblant l'Etat, les collectivités
territoriales, les industriels et les associations de protection de
l'environnement, certaines agglomérations de plus de
100.000 habitants n'étaient pas surveillées à la date
du 1er janvier 1998, mais la plupart devraient l'être au
1er janvier 1999 (Angers, Annecy, Avignon, Le Mans, Lorient,
Maubeuge, Nîmes, Perpignan et Troyes). Le retard risque d'être plus
important pour Valence, Fort de France (Martinique), Pointe-à-Pitre
(Guadeloupe) et Saint-Denis de la Réunion.
Il faut en revanche déplorer le retard pris dans l'élaboration
des plans de déplacements urbains, dont la loi impose la
réalisation pour les agglomérations de plus de
100.000 habitants avant le 1er janvier 1999.
Il semble bien qu'en dépit de réflexions engagées par les
autorités organisatrices de transport, aucune des
58 agglomérations concernées n'aura élaboré
son plan à la fin de l'année 1998.
Mesures d'urgence en cas de pics de pollution
Dès le mois de janvier 1997, des premières mesures d'urgence
étaient prises en application de l'article 12 de la loi du
30 décembre 1996 (itinéraire de contournement de Lyon
pour les poids lourds notamment).
L'arrêté interpréfectoral instituant la circulation
alternée en cas d'épisode de pollution atmosphérique en
Ile-de-France a été signé le 11 avril 1997.
D'autres arrêtés similaires ont ensuite été
signés dans d'autres régions (Colmar, Strasbourg, Lyon, Mulhouse,
...).
Pour la première fois en France, la circulation alternée a
été mise en oeuvre en Ile-de-France le 1er octobre 1997.
De plus, le décret n° 98-704 du 17 août 1998
relatif à la pastille verte a été publié au Journal
Officiel du 18 août 1998 et 9 millions de pastilles ont
été envoyées aux propriétaires des véhicules
intéressés. Pour les nouvelles immatriculations, la distribution
de la pastille verte se fera en préfecture.
Les encouragements réglementaires ou fiscaux sur les carburants de
substitution et les véhicules propres.
- Le décret n° 98-701 d'application de
l'article 24-III de la loi du 30 décembre 1996 imposant
aux gestionnaires de flottes publiques l'achat d'un minimum de véhicules
propres lors du renouvellement de leur parc a été publié
au Journal Officiel du 18 août 1998.
En revanche, aucun décret n'est encore paru pour rendre applicable la
disposition issue d'un amendement sénatorial et codifiée à
l'article L.8-C du code de la route. Ce texte prévoit que d'ici le
1er janvier 1999, à l'intérieur des
agglomérations de plus de 100.000 habitants, les véhicules
de transport public en commun de voyageurs pourront utiliser un carburant dont
le taux minimum d'oxygène a été relevé. Les
véhicules concernés par cette mesure sont des bus fonctionnant
aujourd'hui essentiellement avec une motorisation diesel. Or, si les essais
conduits depuis plusieurs mois, voire plusieurs années dans certains
cas, sur plusieurs flottes, ont confirmé que les émissions d'un
véhicule consommant un gazole additionné d'au moins 30 %
d'ester de colza, ou de tournesol, sont nettement réduites pour les
particules, le monoxyde de carbone et les hydrocarbures et sensiblement
équivalentes, en milieu urbain, pour les oxydes d'azote, les
émissions d'aldéhydes doivent encore faire l'objet
d'investigations.
- Le décret du 20 juillet 1998 modifie le décret
du 9 mai 1995 en triplant l'aide accordée par l'Etat pour
l'acquisition d'un véhicule électrique commandé à
partir du 1er septembre 1998 et facturé au plus tard le
31 décembre 1999.
Cette aide est donc portée à 15.000 francs mais le nombre de
véhicules aidés sur la période est plafonné
à 3.000.
- Le projet de loi de finances pour 1999 comprend, par ailleurs, plusieurs
mesures d'incitation pour les carburants de substitution et les
véhicules propres d'incitation.
L'amortissement exceptionnel sur douze mois, réservé
jusqu'à présent aux véhicules neufs fonctionnant
exclusivement
à l'électricité, au gaz naturel ou au
gaz de pétrole liquéfié et aux accumulateurs
nécessaires à ces véhicules électriques est
étendu aux véhicules neufs fonctionnant en
bicarburation
et aux accumulateurs nécessaires aux
véhicules hybrides
.
Cette extension concerne également les matériels installés
a posteriori sur les véhicules pour leur permettre d'utiliser en
bicarburation le gaz de pétrole liquéfié, ainsi que les
stations de ravitaillement.
Fin 1998, les statistiques montrent les bonnes performances du GPL avec
1.100 stations-service, 130.000 véhicules et
150.000 tonnes de GPL vendus par an. Les prévisions sont de
500.000 véhicules en l'an 2000 et 2.000 stations
équipées en l'an 2002.
Enfin, le Gouvernement amorce un rattrapage au niveau de la TIPP entre le
gazole et l'essence.
Considérant que le différentiel de taxation entre le gazole et
l'essence sans plomb est injustifié sur le plan économique,
écologique et de la santé, il a été
décidé d'augmenter chaque année la TIPP sur le gazole de
sept centimes par litre pendant sept ans, afin de réduire cet
écart et de l'aligner sur l'écart moyen communautaire. Cette
hausse progressive est censée permettre aux consommateurs et aux
constructeurs automobiles de s'adapter au rééquilibrage de la
fiscalité des différents cargurants.
Par ailleurs, le Gouvernement a souhaité ne pas pénaliser le
secteur des transports routiers vis-à-vis de ses concurrents
européens, en accompagnant cette disposition de mesures en leur faveur.
Engagements budgétaires pour 1999 au titre de la loi sur l'air
Il est proposé d'affecter 395,35 millions de francs à la
lutte contre la pollution de l'air et à la mise en oeuvre de la loi sur
l'air qui se répartissent ainsi :
- 50 millions de francs d'aide au fonctionnement des associations de
gestion des réseaux de surveillance de la qualité de l'air et de
la banque de données sur la qualité de l'air (chapitre 44-10,
articles 80 et 90) ;
- 11 millions de francs pour la mise en place des outils de
planification prévus par la loi, à savoir les plans
régionaux pour la qualité de l'air, les plans de protection de
l'atmosphère et les plans de déplacements urbains (chapitre
34-10 - article 40) ;
- 109,6 millions de francs pour l'équipement des
réseaux de surveillance de la qualité de l'air, par
l'intermédiaire de l'ADEME (chapitre 67-30 - article 70 ;
- 60 millions de francs d'études et travaux divers dans le domaine
de la pollution de l'air (chapitre 57-20 - article 50) ;
- 159 millions de francs pour la prévention et le traitement
de la pollution (par l'intermédiaire de l'ADEME) (chapitre 67-30 -
article 60).
4. Les nouvelles orientations de l'ADEME à travers la " rebudgétisation " de ses crédits
La création de la TGAP met fin au dispositif des ressources affectées dont bénéficiait jusqu'à présent l'ADEME. En effet, en 1999, la TGAP regroupera l'ensemble des taxes que l'agence percevait directement, à savoir la taxe sur les déchets ménagers et assimilés, la taxe sur les déchets industriels spéciaux, la taxe sur les nuisances aéroportuaires, la taxe sur la pollution de l'air et la taxe sur les huiles usagées. En contrepartie, l'ADEME recevra une subvention de 1,435 milliard pour compenser la suppression des taxes affectées.
COMPARAISON ENTRE LE PRODUIT DES TAXES FISCALES ET PARAFISCALES AFFECTÉES EN 1998 ET LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES PRÉVUS EN 1999 POUR L'ADEME
(en millions de francs)
|
Produit taxes 1998 * |
Dotations budgétaires 1999 |
Energie |
|
293 |
Déchets ménagers |
974,60 |
811 |
Dépollution sols |
97,62 |
107 |
Ramassage des huiles |
118,99 |
118,50 |
Isolation acoustique près des aérodromes |
66,51 |
84,50 |
Lutte contre la pollution atmosphérique et surveillance de la qualité de l'air |
185 |
269,50 |
TOTAL |
1 442,72 |
1 683,50 |
*
Estimation au 1er novembre 1998 (prises en charge et produits
financiers)
Source
: ADEME
Le remplacement d'un mécanisme de taxes affectées par le principe
de dotations budgétaires donne toute faculté au Gouvernement pour
peser sur les politiques menées par l'ADEME.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 1999, le Gouvernement
privilégie deux grands axes, à savoir la
réorientation de la politique des déchets ménagers et la
relance de la politique française de maîtrise de
l'énergie.
a) Une réorientation de la politique des déchets
On
peut rappeler que la loi du 13 juillet 1992 relative à
l'élimination des déchets fixe un cadre général en
transposant en droit français la directive communautaire
n° 91-156 du 18 mars 1991 relative aux déchets.
Elle institue plusieurs mesures et mécanismes pour permettre notamment :
- la limitation à compter du 1er juillet 2002 du stockage
aux seuls déchets ultimes, et la valorisation de 75 % des
emballages ménagers ;
- la mise en place de plans d'élimination des déchets ;
- la création d'une taxe sur le stockage des déchets pour
améliorer les conditions de gestion des déchets. Le taux de la
taxe était de 40 francs en 1998.
Outre le retard pris dans l'élaboration des plans d'élimination
des déchets, l'analyse de leur contenu indique, d'après une
étude réalisée par l'ADEME en 1997, que le recours
à l'incinération a été, semble-t-il, largement
surestimé, qu'à l'inverse la mise en décharge était
sous-estimée et qu'enfin les filières de recyclage et de
compostage n'étaient pas assez privilégiées.
Au 31 juillet 1998, 81 plans avaient été
adoptés par arrêté préfectoral,
10 étaient approuvés par la commission d'élaboration
et 8 étaient en cours d'élaboration.
En conséquence, la circulaire du 28 avril 1998 modifie et
précise les objectifs qui doivent apparaître dans les plans
d'élimination des déchets. Cette circulaire pose un objectif
national de valorisation matière d'au moins la moitié des
déchets collectés au titre du service public d'élimination
des déchets ménagers et assimilés. Elle décrit
également les moyens permettant aux préfets de décliner
cet objectif national.
Ainsi, à l'horizon 2005-2007, il faudra parvenir à une stagnation
globale de la capacité d'incinération, par ailleurs
modernisée, et à une diminution des tonnages mis en
décharge au profit d'un accroissement de la récupération
de matériaux et du traitement biologique.
Pour répondre aux nouveaux objectifs ainsi définis le traitement
des déchets pourrait s'organiser ainsi :
- 30 % de déchets en collecte séparative, avec des
filières de tri en vue d'une récupération des
matériaux ;
- 20 % des déchets (fermentescibles) traités par
compostage ;
- 50 % des déchets dirigés vers l'incinération ou la
mise en décharge.
Les nouvelles orientations de la politique des déchets favorisant la
réduction à la source et la valorisation ont fait l'objet d'une
communication au conseil des ministres du 26 août 1998. La
circulaire du 28 avril 1998 se trouve ainsi complété
par un programme d'actions pour développer les actions de
prévention, infléchir l'évolution de la production de
déchets, développer la valorisation et intégrer
l'environnement dans la politique fiscale, et enfin renforcer la transparence
par un meilleur suivi et une meilleure information du public. Parmi toutes les
mesures annoncées dans le cadre de ce plan d'action, on retiendra plus
précisément :
Une réorganisation de la collecte sélective est envisagée,
notamment par une modification des barèmes d'Eco-emballages et Adelphe,
afin que le " barème amont " versé par les
conditionneurs incitent plus à la réduction des emballages et que
le montant de l'aide versée aux collectivités locales tienne
compte du coût de la collecte sélective, pour encourager cette
filière.
Le projet de loi de finances pour 1999 propose d'appliquer le taux
minoré de TVA aux opérations de collecte sélective, de tri
et de valorisation matière.
Le Gouvernement entend également rééquilibrer
progressivement les échelles des coûts de différentes
filières de traitement des déchets. Ainsi, dans le projet de loi
de finances, le taux des taxes sur l'incinération et la mise en
décharge des déchets ménagers et industriels est
augmenté de 50 % dans le cadre de la TGAP. De plus le Gouvernement
souhaite engager une réflexion sur l'utilisation du FCTVA (Fonds de
compensation de la TVA) qui privilégie les investissements des
collectivités locales en matière de collecte séparative,
tri et valorisation matière.
Enfin, pour favoriser une meilleure mobilisation du Fonds de modernisation de
la gestion des déchets (FMGD), le conseil d'administration de l'ADEME a
adopté le 7 janvier 1998 de nouveaux taux d'aides qui
favorisent notamment la valorisation, avec effet rétroactif au
1er janvier 1997. Désormais, les investissements de collecte
séparative, de tri, de transfert ainsi que les déchetteries
peuvent être aidés à hauteur de 50 % de leur
montant ; de même, le taux d'aide aux unités de compostage et
de méthanisation des déchets organiques passent de 20 à
50 % si les déchets sont triés à la source.
Votre rapporteur pour avis prend acte de ces nouvelles orientations, dont il
approuve les grandes lignes.
Il souhaite néanmoins attirer
l'attention des pouvoirs publics sur la nécessité de ne pas
modifier trop souvent les objectifs fixés en ce qui concerne le
traitement des déchets.
Certes les orientations doivent pouvoir
évoluer, mais il ne faut pas oublier que les investissements
réalisés pour répondre à ces objectifs sont
très lourds financièrement ;
il est important de
préserver une certaine stabilité des normes
réglementaires
et de ne pas remettre en cause sans cesse les
objectifs,
au risque sinon, d'aggraver la situation des finances locales
.
Enfin, s'agissant de l'accent mis sur la filière du compostage, il faut
souligner que seul le compost provenant de déchets
végétaux peut être réutilisé, notamment par
la profession agricole. En revanche, peu de débouchés s'offrent
aux autres types de compost, et la question se pose de leur devenir.
b) La relance d'une politique de maîtrise de l'énergie et de développement des énergies renouvelables.
Conformément aux engagements du Premier ministre,
annoncés en janvier 1998, une dotation de 500 millions de
francs sera attribuée à l'ADEME en 1999, à hauteur de
333 millions de francs en provenance du budget de l'environnement et de
167 millions de francs en provenance du budget de l'industrie.
Au titre de la maîtrise de l'énergie, la priorité ira
au renforcement de la réglementation thermique dans l'habitat et le
secteur tertiaire. L'accent sera mis aussi sur la maîtrise de la demande
d'électricité, tant en ce qui concerne la diffusion de lampes de
basse consommation pour l'éclairage que l'amélioration des
équipements électroménagers.
Le développement des énergies renouvelables est le second
axe de cette stratégie. L'ADEME va d'abord renforcer son soutien
à la filière bois-énergie. Deux nouveaux programmes ont
été initiés en 1998 : le premier est destiné
à la valorisation énergétique des déchets de la
filière bois et des résidus de l'exploitation forestière,
qu'un taux de TVA réduit devrait conforter au même titre que le
tri sélectif des déchets ménagers ; le second vise
à encourager les gestionnaires de décharges d'ordures
ménagères et de stations d'épuration à se doter
d'installations de combustion propres à valoriser sous forme de chaleur
ou d'électricité le gaz naturel (méthane) issu de la
fermentation de ces matières, sans compromettre pour autant
l'utilisation des boues des stations d'épuration à des fins
agricoles, là où leur composition le permet.
La dotation de l'ADEME devrait également permettre
d'accélérer le programme Eole 2005, conduit par EDF en liaison
avec l'Agence, et porter le potentiel du parc à
500 mégawatts à l'horizon 2005. Une nouvelle tranche de
100 mégawatts a été lancée, dont 25 seront
réservés à la Corse et aux départements
d'outre-mer, régions non reliées au réseau alimenté
par l'énergie nucléaire et où les coûts de
production d'électricité sont très
élevés.
D. LA FORTE PROGRESSION DES CRÉDITS CONSACRÉS À LA PROTECTION DE LA NATURE
Pour la
mise en oeuvre des mesures en faveur de la protection de la nature des sites et
des paysages, le ministère a toujours été son propre
opérateur, ce qui explique le poids important des crédits qui y
sont consacrés. Au-delà, la progression importante des
crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999 traduit une
volonté politique forte qui veut dépasser la stricte
préservation d'espaces naturels exceptionnels pour favoriser
l'intégration des préoccupations d'environnement dans toutes les
actions concernant les espaces, qu'ils soient naturels, agricoles ou en partie
urbanisés. Il s'agit de privilégier une approche de
développement durable appliquée à travers des outils
diversifiés mais principalement contractuels.
Dans le projet de loi de finances pour 1999, les crédits augmentent de
19 % au titre des dépenses ordinaires et des crédits de
paiement, pour être fixés à 654 millions de francs
contre 546,7 en 1998 et de 11,3 % pour les autorisations de programme
(364,5 millions de francs en 1999 contre 327,4 millions de francs en
1998).
Les choix budgétaires privilégient trois axes majeurs, qui
sont la création du Fonds de gestion des milieux naturels, le
renforcement du réseau d'espaces naturels protégés et
l'attribution de moyens supplémentaires à l'Ecole nationale
supérieure du paysage.
1. La création du Fonds de gestion des milieux naturels (FGMN)
Pour une
meilleure lisibilité dans l'affectation des crédits
budgétaires, il est institué un Fonds de gestion des milieux
naturels (FGMN) dont l'existence sera confirmée au niveau
législatif par le projet de loi d'orientation pour l'aménagement
et le développement durable du territoire qui devrait être
examiné par le Parlement au cours du premier trimestre 1999.
L'article 23 du projet de loi propose de compléter la loi du
4 février 1995 par un article 38-1 qui institue le FGMN et
dont les fonctions sont ainsi définies :
"
le fonds contribue au financement des projets d'intérêt
collectif concourant à la protection, à la réhabilitation
ou à la gestion des milieux et habitats naturels
"
.
"
Il prend en compte les objectifs fixés par le schéma de
services collectifs des espaces naturels et ruraux
".
Ce schéma de service devrait fixer pour les vingt années
à venir les orientations fondamentales de la gestion des espaces
naturels et ruraux en vue de leur " valorisation économique,
environnementale et sociale ".
Les crédits affectés en 1999 au FGMN s'élèvent
à 164 millions de francs, dont 90 de mesures nouvelles, le solde
provenant d'un redéploiement de crédits existants. L'essentiel
des mesures nouvelles sera affecté à la mise en oeuvre du
réseau Natura 2000.
La mise en oeuvre du réseau Natura 2000 doit déboucher en 1999,
au-delà de la désignation des sites à la Commission
européenne, sur la définition de moyens spécifiques et
d'un cadre juridique adapté à la gestion des sites Natura 2000.
- Soixante six millions de francs seront consacrés
à la définition de ces moyens, qui feront l'objet de documents
d'objectifs. A travers la signature de cahiers des charges, il est prévu
par voie de contractualisation d'indemniser les propriétaires et les
gestionnaires des espaces notamment forestiers situés dans un site
Natura 2000.
Le Gouvernement entend également donner un cadre législatif
à ce dispositif contractuel et un projet de loi est en cours
d'élaboration et soumis à concertation. Par certains aspects, il
rejoint les préoccupation du Sénat qui a adopté en juin
dernier les conclusions de M. Jean-François Le Grand au nom de la
Commission des Affaires économiques sur la proposition de loi
1(
*
)
relative à la mise en oeuvre du réseau
écologique européen, dénommé Natura 2000. Par ce
texte, qui reprend nombre de propositions du groupe de travail constitué
au sein de la Commission des Affaires économiques en 1997, il est
créé un conseil départemental du patrimoine naturel, qui
institutionnalise le comité départemental de constitution et de
suivi du réseau Natura 2000 en précisant sa composition notamment
en ce qui concerne la représentation des collectivités
territoriales.
C'est au sein de ces conseils départementaux dont l'existence et la
composition ne devraient pas dépendre du seul bon vouloir de
l'administration, que doit se dérouler la concertation sur les sites
à proposer et le contenu des documents d'objectifs.
S'agissant de l'indemnisation des propriétaires et gestionnaires des
sites Natura 2000, la proposition de loi prévoit que la mise en oeuvre
des mesures de gestion définies dans les documents d'objectifs se fasse
par voie contractuelle associant l'Etat, les collectivités territoriales
et les différents propriétaires et gestionnaires
concernés. Cette procédure doit permettre de
rémunérer des services rendus à la collectivité ou
de compenser des contraintes acceptées ou des pertes de revenu
résultant de l'inscription d'un site dans le réseau Natura 2000
et permettant ainsi pour la première fois de prendre en compte et
d'indemniser des servitudes environnementales décidées par la
collectivité. Cependant, la limitation du pouvoir du Parlement
s'agissant de l'accroissement des dépenses publiques a fait que cette
disposition a été déclarée irrecevable en
application de l'article 40 de la Constitution.
La Commission des Affaires économiques examinera avec d'autant plus
d'attention
, dans le projet de loi annoncé par le Gouvernement,
les dispositions relatives à ces mesures de compensation.
Votre
rapporteur regrette seulement de n'avoir pas plus de renseignements sur la
répartition des crédits affectés à la gestion des
sites Natura 2000.
- S'agissant des propositions de sites, une première liste a
été transmise fin 1997, qui comprend 543 sites couvrant
901.000 hectares, soit 1,6 % du territoire national. Au mois de
juin 1998, 151 nouvelles propositions ont été
reçues et le total des sites proposés représente
désormais 1.571.000 hectares, soit 2,8 % du territoire.
Au niveau européen, le retard pris par nombre d'Etats membres dans la
fourniture de propositions complètes ou l'insuffisance des informations
scientifiques bloquent la tenue de nouvelles réunions pour les
régions " alpine ",
" méditerranéenne ", " atlantique " et
" continentale ". Ces réunions dites biogéographiques
ont pour objet d'arrêter la liste des habitats naturels et des
espèces d'intérêt communautaire présents dans chacun
des Etats membres et d'évaluer si ces habitats naturels et si ces
espèces sont suffisamment bien représentées dans les
propositions des Etats membres.
La participation de l'Etat à la politique des parcs naturels
régionaux, des conservatoires régionaux d'espaces naturels et des
réserves de la biosphère bénéficie de
6 millions de francs de mesures nouvelles.
S'agissant plus particulièrement des parcs naturels régionaux,
les dotations de fonctionnement augmentent de 18 %, ce qui devrait permettre la
remise à niveau des dotations pour les 36 parcs existants et
permettre en 1999 la création de cinq parcs supplémentaires
: Narbonnais, Causses du Quercy, Guyane, Châtaigneraie et sucs
d'Ardèche, Gâtinais français.
Le renforcement du programme de conservation des espèces animales
sauvages et le réseau des conservatoires botaniques nationaux se traduit
par 8 millions de francs de mesures nouvelles, pour notamment :
- accompagner le retour du loup dans les Alpes françaises et de
poursuivre le renforcement de la population d'ours des Pyrénées
(dépenses ordinaires : 2.000.000 francs, autorisations de
programmes : 1.350.000 francs, crédits de paiements :
675.000 francs) ;
- développer le réseau des conservatoires botaniques
nationaux avec la mise en place de leur fédération nationale,
facteur de synergie et de rayonnement du réseau des conservatoires qui
devrait s'étendre aux Pyrénées en 1999, des études
préalables étant engagées pour la Guadeloupe
(dépenses ordinaires : 1.340.000 francs) ;
- développer des plans d'action pour des espèces
menacées telles que le gypaète barbu, le vison d'Europe, la
loutre ou le grand hamster (dépenses ordinaires : 1.500.000 francs,
autorisations de programmes : 1.330.000 francs, crédits de paiement
: 665.000 francs) ;
- développer des actions de conservation pour les mammifères
marins, les reptiles et amphibiens ainsi que les insectes (autorisations de
programmes : 640.000 francs, crédits de paiement :
320.000 francs) ;
- augmenter la subvention versée par le ministère
chargé de l'environnement au Muséum national d'histoire naturelle
(Institut d'écologie et de gestion de la biodiversité) pour
développer sa capacité d'expertise sur la diversité
biologique (12.000.000 francs) ;
En matière de faune sauvage, cette politique de réintroduction ou
d'encouragement de certaines espèces crée à de multiples
endroits des problèmes de cohabitation avec des activités
humaines telles que le pastoralisme, la pêche et même le tourisme.
Les mesures préventives que privilégie le ministère de
l'aménagement du territoire et de l'environnement s'avèrent
très vite bien insuffisantes. Le cas du grand cormoran en est une bonne
illustration. Si désormais -et après des années de
démarches infructueuses auprès de la Commission
européenne- cet oiseau ne fait plus partie des espèces
menacées nécessitant des mesures de protection
particulière de leur habitat (annexe I de la directive 79/409/CEE
Oiseaux sauvages) et que le prélèvement national autorisé
a été porté à 12 % des effectifs avec une
priorité reconnue sur les zones d'activité économique
menacées, ces mesures restent encore très insuffisantes pour
préserver l'activité économique des piscicultures en eau
libre.
Votre rapporteur pour avis souhaite qu'une réflexion s'engage sur les
solutions efficaces à mettre en oeuvre pour que les politiques de
réintroduction d'espèces en voie de disparition ne mettent pas en
péril l'équilibre financier des activités
économiques locales.
2. Des moyens nouveaux pour le réseau d'espaces naturels protégés.
Il
s'agit des espaces gérés par les établissements publics
placés sous la tutelle du ministère ou dépendant
directement de l'aide de l'Etat pour la mise en oeuvre de leurs actions.
Des moyens supplémentaires sont attribués pour les parcs
nationaux, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et
pour les réserves naturelles.
Le réseau des parcs nationaux bénéficie de moyens en
augmentation -173,4 millions de francs en dépenses ordinaires et
crédits de paiement contre 164 millions de francs en 1998- pour
assurer la mise en place du parc national de la forêt guyanaise et le
fonctionnement des missions d'études pour le projet du parc national
marin de Corse et le projet de création du parc national marin de la mer
d'Iroise. Vingt-trois emplois sont créés dans les parcs,
dont 8 nouveaux pour la Guyane et trois pour le Conservatoire botanique du
parc national des Pyrénées.
Le Conservatoire de l'espace littoral bénéficie d'une mesure
nouvelle de 5,9 millions de francs et les crédits qui lui sont
affectés -dépenses ordinaires et crédits de paiement- sont
portés à 147,35 millions de francs. Ceci permettra la
création de quatre emplois supplémentaires, ce qui devrait aider
le Conservatoire à faire face à l'augmentation très nette
de ses activités et à la diversification de ses
compétences. Par ailleurs, l'augmentation des crédits devrait
permettre au Conservatoire d'élargir son programme d'acquisition,
sachant qu'à l'heure actuelle de très grands domaines sont en
vente et qu'ils sont situés dans des secteurs d'intérêt
primordial, notamment dans le Var ou les Bouches-du-Rhône. On peut
rappeler que depuis sa création, le Conservatoire a acquis un peu plus
de 53.000 hectares d'espaces naturels fragiles ou menacés
répartis sur 396 sites différents et qu'il assure ainsi la
protection de plus de 10 % du linéaire côtier
métropolitain.
Enfin, le réseau des réserves naturelles bénéficie
d'un crédit supplémentaire de 7,5 millions de francs, ce qui
porte la dotation du ministère à 44,24 millions de francs,
pour assurer la gestion des réserves existantes et permettre le
classement éventuel de onze nouvelles réserves.
En 1998, il existe 141 réserves pour une superficie totale de
443.795 hectares.
3. Des moyens supplémentaires pour l'Ecole naturelle supérieure des paysages
L'ambition du Gouvernement est de traiter l'ensemble des
paysages
sans se limiter aux sites exceptionnels. Elle est de plus en plus soutenue par
les responsables des collectivités locales. Il s'agit de mettre en
application effective l'esprit de la loi n° 93-24 du
8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages et
modifiant certaines dispositions législatives en matière
d'enquêtes publiques. Par ailleurs, la qualité des paysages
devient une exigence de la part des Français, qui relient cette
aspiration à celle d'un cadre de vie de meilleure qualité. Compte
tenu de cette évolution, les communes, les départements et les
régions consacrent des moyens accrus à leurs paysages dont la
qualité constitue maintenant l'un des atouts utilisés par la
recherche du développement économique.
Les actions relevant directement des compétences de l'Etat sont de
favoriser les connaissances sur les paysages, par l'établissement de
documents méthodologiques à l'intention des services
déconcentrés, des élus et des professionnels, le
développement de l'Observatoire photographique du paysage, et de
soutenir les actions de formation -initiale et permanente- des professionnels
du paysage.
A partir de 1999, le ministère en charge de l'environnement exercera la
co-tutelle -avec le ministère de l'agriculture- de l'Ecole nationale
supérieure des paysages. Trois millions de francs en mesures
nouvelles sont affectés à cet établissement.
E. LE RENFORCEMENT DES MOYENS CONSACRÉS À LA RECHERCHE
Depuis
le sommet de Rio en 1992, les conventions internationales mettent en avant le
principe de précaution comme fondement des politiques de
l'environnement. Cette démarche exige un effort de recherche important
visant à une meilleure prise en compte de la veille scientifique dans la
politique du ministère de l'aménagement du territoire et de
l'environnement.
La politique de recherche s'effectue au travers des programmes de recherche
finalisée, répartis en trois domaines d'intervention -milieux et
écologie, risques et santé, économie et
société- et en huit priorités : prévenir la
pollution atmosphérique, gérer les ressources en eau et en sols,
préserver et gérer la biodiversité et le patrimoine
naturel, évaluer les effets de substances sur les
écosystèmes et maîtriser les risques, protéger la
santé humaine, maîtriser l'environnement urbain, développer
la métrologie et l'instrumentation, mobiliser les sciences
économiques et sociales.
Cette activité de recherche fait l'objet de contrats passés avec
des organismes de recherche publics et avec le secteur privé.
Ainsi, deux programmes de recherche ont été lancés en
1998, intitulés " Environnement et santé " et
" PRIMEQUAL, orienté vers la recherche et les impacts de la
qualité de l'air.
Par ailleurs, une veille scientifique sur les principales évolutions
dans le champ de la recherche en environnement a été mise en
place, dont les résultats sont diffusés chaque mois sur le site
Internet du ministère.
Enfin, la Commission des comptes et de l'Economie de l'Environnement,
créée par le décret du 21 juillet 1998, a pour
mission d'assurer l'analyse des données économiques
décrivant les activités concourant à la protection et
à la mise en valeur de l'environnement, les impacts des
différents secteurs économiques sur l'environnement et les
ressources et patrimoine naturels. La commission devrait publier un premier
rapport début 1999.
Dans le projet de loi de finances pour 1999, le budget de la recherche est en
augmentation de 6,9 % par rapport à 1998 pour s'établir
à 80,7 millions de francs en dépenses ordinaires et
crédits de paiement et 66 millions de francs en autorisation de
programme. Il s'agit de financer l'ensemble des moyens relevant du budget civil
de la recherche et du développement, consacrés aux
activités scientifiques et à la recherche concernant les trois
domaines d'intervention énoncés ci-dessus.
La hausse des crédits de paiement permettra une consolidation de cette
action, articulée autour des huit priorités citées
précédemment.
Une dotation complémentaire est attribuée à l'INERIS en
dépenses ordinaires correspondant à la création de deux
emplois de chercheurs.
DEUXIÈME PARTIE -
LES INCERTITUDES
LIÉES À L'INSTAURATION DE LA TAXE GÉNÉRALE SUR LES
ACTIVITÉS POLLUANTES
I. LE DISPOSITIF DE LA TAXE GÉNÉRALE SUR LES ACTIVITÉS POLLUANTES (TGAP)
Le projet de loi de finances pour 1999 traduit la volonté du Gouvernement de s'engager dans la voie d'une fiscalité plus écologique. Ceci s'inscrit dans les objectifs du développement durable, qui cherche à concilier les aspirations économiques et sociale et la préservation de l'environnement. Cette démarche s'appuie également sur les conclusions du Sommet de Kyoto sur la préservation du climat, qui ont montré que le développement économique devait intégrer les perturbations qu'il cause à la planète et recommandent que les politiques environnementales aient plus systématiquement recours à des instruments économiques.
A. LES FONDEMENTS THÉORIQUES DE LA TAXE GÉNÉRALE SUR LES ACTIVITÉS POLLUANTES
1. Les principes environnementaux qui justifient un recours aux instruments économiques
L'article 1-I de la loi n° 95-10 du
2 février 1995 relative au renforcement de la protection de
l'environnement énonce plusieurs principes dont :
- l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire
les besoins de développement des générations
présentes sans compromettre la capacité des
générations futures à répondre aux leurs " ;
- le principe " pollueur-payeur ", selon lequel les frais
résultant des mesures de prévention, de réduction de la
pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par
le pollueur.
Ces principes justifient une intervention économique, notamment par le
biais de la fiscalité.
Le principe pollueur-payeur a une double fonction :
- la couverture comptable des coûts, à savoir les frais
résultant des mesures de prévention, de réduction de la
pollution et de lutte contre celle-ci ;
- un signal-prix envoyé au pollueur, c'est-à-dire que
l'intégralité des frais doivent être supportés par
le pollueur.
Il justifie ainsi l'intégration des effets externes, notamment par le
biais de taxes sur les pollutions.
L'efficacité du signal-prix doit se mesurer à différentes
échelles de temps : efficience statique et efficience dynamique. Par
exemple, si les déplacements motorisés urbains assumaient la
totalité de leurs coûts, le signal-prix pourrait avoir un effet
immédiat (éventuellement limité à court terme) en
réduisant la circulation routière ; il pourrait aussi,
après adaptation, susciter des modifications de comportements dans
certaines niches, comme celle des déplacements courts qui pourraient
devenir attractifs par d'autres modes (marche, vélo...), voire à
plus long terme des modifications dans la répartition spatiale des
activités.
Le développement durable suppose la tarification progressive de l'usage
de ressources non renouvelables
Conformément à l'objectif de développement durable, il
faut éviter des ruptures et des crises coûteuses aux
générations futures. Ceci justifie une tarification progressive
de l'usage de ressources naturelles non renouvelables pour infléchir
progressivement les comportements en ce sens.
D'un point de vue économique, il s'agit ici d'anticiper sur la
règle dite de Hotelling qui prévoit, sous des hypothèses
économiques standard, l'augmentation (au taux d'actualisation) du prix
d'une ressource rare au fur et à mesure de sa diminution. En effet,
cette règle n'est pas toujours prise spontanément en compte par
les marchés en raison de leurs imperfections.
2. Le mécanisme de la taxe générale sur les activités générales polluantes
Le
projet de TGAP constitue un élément parmi d'autres de la
fiscalité écologique qui comprend, selon la définition
donnée par l'OCDE, les impôts, taxes, et redevances dont
l'assiette est constituée par un polluant, ou plus
généralement par un produit ou un service qui
détériore l'environnement ou qui se traduit par un
prélèvement sur des ressources naturelles renouvelables ou non
renouvelables.
Elle se différencie néanmoins très nettement des taxes
environnementales existantes, comme les redevances sur l'eau ou les taxes sur
les déchets. Celles-ci sont prélevées et affectées
pour financer des travaux préventifs ou de réparation ; elles
seront donc calculée proportionnellement au montant de ces travaux.
A l'inverse, le calcul de la TGAP est totalement déconnecté du
coût de la prévention ou des réparations des atteintes
à l'environnement, et il s'agit d'une taxe incitative.
Son objectif principal est de lancer un signal-prix fort (comme les taxes sur
le tabac par exemple) et pour cela son niveau peut être plusieurs fois
supérieur à celui d'une taxe affectée. Son utilisation
n'est pas affectée à un usage précis puisque c'est un
impôt qui participe au financement public général.
L'idée de neutralité budgétaire avancée pour
justifier de la création de cette taxe, sous entend qu'elle sera en
théorie compensée par une baisse équivalente des autres
prélèvements.
Cette réforme
fiscale d'envergure fait application de la
théorie du double-dividende, pour promouvoir simultanément une
croissance plus riche en emplois et plus soutenable sur le plan environnemental
par une modification des prix relatifs du travail et des ressources
environnementales à travers une réforme fiscale fondée sur
deux volets :
* la mise en place d'une fiscalité environnementale pour intégrer
les effets externes environnementaux ;
* l'allégement du volet fiscal pesant sur le travail grâce aux
recettes engendrées par les écotaxes pour promouvoir une
croissance plus riche en emplois.
Les partisans de la TGAP soulignent que la thèse du double dividende ne
constitue pas seulement une approche théorique, puisque dans les
années récentes, un certain nombre de pays de l'OCDE ont
utilisé les revenus engendrés par les écotaxes pour
réduire le volet fiscal sur le travail. C'est notamment le cas au
Danemark, aux Pays-Bas, en Suède et au Royaume-Uni.
Ainsi, en France, la TGAP doit constituer le cadre naturel d'accueil de la
future écotaxe européenne (taxe
" carbone-énergie "). Cette taxe aura pour fonction, d'une
part, de dissuader les comportements émetteurs de carbone et de
renforcer la maîtrise de l'énergie, -c'est le premier dividende-
et, d'autre part, de procurer des ressources affectées au budget
général qui, à prélèvements globaux
constants, permettront d'abaisser les prélèvements pesant sur le
travail, et c'est le deuxième dividende.
Ce deuxième dividende ne pourra exister que si la déconnexion
entre le montant de la ressource procurée par la taxe et les
financements nécessaires pour réparer les dommages
occasionnés à l'environnement est effective. C'est pourquoi, le
produit de la TGAP est affecté au budget de l'Etat. Mais, naturellement,
les organismes jusqu'alors financés par la fiscalité
affectée devront continuer à travailler, à se
développer et à mettre en oeuvre de nouvelles politiques. Aussi,
ces organismes bénéficieront de dotations, versées
essentiellement par le ministère chargé de l'environnement, et
à hauteur du montant nécessaire au financement de ces politiques.
Le montant de ces dotations devrait bénéficier d'une garantie
pluri-annuelle.
B. LE MÉCANISME DE LA TGAP DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1999
1. La TGAP se substitue aux taxes affectées perçues par l'ADEME
La TGAP
est une taxe générale, comportant différentes accises sur
des activités polluantes. En tant que taxe générale, elle
a une vocation, à terme, à s'appliquer à l'ensemble des
activités polluantes.
La TGAP, telle qu'elle est prévue par l'article 30 du projet de loi
de finances, regroupe l'ensemble des taxes perçues jusqu'alors
directement par l'ADEME, qui sont au nombre de cinq :
- la taxe sur les déchets ménagers et assimilés
créée par la loi du 13 juillet 1992 et acquittée
par les exploitants de décharges ;
- la taxe sur les déchets industriels spéciaux
créée par la loi du 2 février 1995 relative au
renforcement de la protection de l'environnement et acquittée par les
exploitants des installations de traitement ou de stockage de déchets
industriels spéciaux ;
- la taxe d'atténuation des nuisances sonores aéroportuaires
créée par la loi du 31 décembre 1992 relative
à la lutte contre le bruit et acquittée par les compagnies
aériennes utilisant les aérodromes concernés ;
- la taxe sur la pollution atmosphérique créée en 1985 et
acquittée par les exploitants d'installations émettant certains
rejets dans l'atmosphère ;
- la taxe sur les huiles de base créée en 1986 et
acquittée par les personnes mettant sur le marché des huiles
neuves ou régénérées.
2. Le produit de la TGAP est supérieur à celui des cinq taxes existantes
Le
produit de la taxe est évalué à 1,936 milliard de
francs et il est supérieur à celui des cinq taxes auxquelles elle
se substitue en raison de majorations décidées sur certaines de
ses composantes.
- Le taux appliqué aux lubrifiants et aux huiles usagés
passe de 150 à 200 francs par tonne.
- Conformément à l'article 103 de la loi de finances
pour 1998, qui prévoyait le doublement sur deux ans du tarif de la taxe
d'atténuation des nuisances sonores, le taux de la taxe passe de
51 francs à 68 francs.
- Enfin, la très forte augmentation du taux appliqué aux
déchets ménagers mis en décharge explique, pour une large
part, la progression du produit de la TGAP. Ce taux est majoré de
50 %, tant pour les déchets ménagers et assimilés que
pour les déchets industriels spéciaux ; pour les uns, le tarif de
la taxe passe de 40 francs à 60 francs par tonne de
déchets stockés ; pour les autres, il est porté de 80
à 120 francs par tonne.
Quant au montant minimal annuel de la taxe qui avait été
abaissé de 5.000 francs à 2.000 francs par loi du
2 février 1995 relative au renforcement de la protection de
l'environnement, il est désormais fixé à 3.000 francs.
A travers ces majorations, la TGAP dégagera une ressource
supplémentaire de 613,1 millions de francs, soit une augmentation
de 46,3%.
En se substituant aux cinq taxes affectées aujourd'hui à l'ADEME,
la TGAP introduit une rupture profonde dans le mode de financement de l'ADEME
qui est totalement rebudgétisé. La globalisation des ressources
de l'agence introduit des éléments de souplesse dans la gestion
en mettant fin aux cloisonnement entre les différentes sources de
financement et en supprimant ainsi des reports de crédits trop
importants d'une année sur l'autre, faute de consommation. Mais il ne
donne aucune assurance quant à la pérennité de ses
crédits d'investissements.
II. LES INCERTITUDES GRAVES QUI PÈSENT SUR L'IMPACT DE LA TGAP ET SUR SON CONTENU FUTUR
A. L'IMPACT DE LA TGAP EST MAL MAÎTRISÉ
1. Le risque réel d'un accroissement des prélèvements publics
Dès la première année de mise en oeuvre de la TGAP,
celle-ci se traduit par un alourdissement de la fiscalité à
travers l'augmentation de la taxe sur les déchets et sur les huiles
usagées.
Aucune statistique disponible ne permet d'affirmer que l'application du taux
réduit de TVA sur la collecte sélective, le tri et la
valorisation-matière compense intégralement cette augmentation de
la taxe déchets.
Plus généralement,
on rappellera que la mise en oeuvre du
double dividende implique au nom du premier dividende, une fiscalité
écologique lourde pour avoir un effet réellement dissuasif
.
Cet alourdissement de la fiscalité n'a aucun effet redistributif et en
se traduisant par une hausse des prix à la production
, il va
entraîner une hausse des prix à la consommation
et donc une
baisse du pouvoir d'achat.
De plus, si les salariés s'efforcent de maintenir leur pouvoir d'achat,
en obtenant des augmentations de salaire, la mise en place de la taxe
environnementale
entraînera un accroissement du coût du
travail,
qui pourrait peser sur l'emploi. Ceci viendra en tout état
de cause
annuler les effets espérés du second dividende,
à savoir la baisse des charges sociales sur le travail.
2. Les conséquences négatives pour la protection de l'environnement
La
déconnexion imposée
par l'instauration de la TGAP entre le
produit de la taxe et le montant des travaux de prévention ou de
réparation nécessités pour la protection de
l'environnement
suscite de légitimes inquiétudes.
En échange de la " désaffectation " des taxes
écologiques, le Gouvernement s'engage à promouvoir une
programmation pluriannuelle des travaux, mais les précédents en
ce domaine
font émettre les plus grands doutes sur la
pérennité des engagements de l'Etat même contractuels.
- Ainsi, entre 1982 et 1986, l'Etat a augmenté la taxe
intérieure sur les produits pétroliers de douze centimes pour
rembourser des emprunts qui avaient alimenté le fonds spécial de
grands travaux. Il s'agissait alors de relancer la politique
d'équipement de l'Etat. Ces douze centimes, une fois les emprunts
remboursés, n'avaient plus d'objet. Mais la taxe n'a pas diminué
et les budgets du ministère de l'équipement n'ont pas
bénéficié d'une ressource supplémentaire. Les douze
centimes ont été maintenus et sont allés alimenter le
budget général, c'est-à-dire à 90 % des
dépenses de fonctionnement.
- L'expérience des contrats de plan Etat-région incite tout
autant à la méfiance. Ces contrats, et notamment leur volet
routier, avaient en théorie une durée de vie de cinq ans.
Unilatéralement, l'Etat a décidé, en 1996, que les
contrats 1994-1998, seraient prolongés d'un an, devenant les contrats
1994-1999. Or, à la lecture du projet de loi de finances, on constate
qu'à la fin 1999, l'Etat n'aura rempli que 80 % des engagements
financiers qu'il avait pris six ans plus tôt.
Si le montant des dotations budgétaires inscrit sur des programmes de
réparation ou de prévention en matière d'environnement
diminue, le coût des investissements à réaliser en sera
alourdi d'autant et sera répercuté à terme sur le prix du
produit final, ce qui pèsera d'autant sur le pouvoir d'achat des
consommateurs.
Bien plus, on peut craindre que des investissements de lutte contre la
pollution ne soient plus réalisés, ce qui est de toute
évidence préjudiciable à la qualité de
l'environnement.
Enfin, l'instauration de la TGAP met fin à un système qui avait
le grand mérite d'associer directement les acteurs économiques,
dont les industriels, aux choix effectués en matière d'aide aux
investissements réalisés par les pollueurs en vue de
réduire leurs émissions.
L'instauration de la TGAP modifie ainsi profondément, voire supprime les
compétences du fonds de modernisation de la gestion des déchets
et du fonds de gestion des déchets industriels.
Votre rapporteur est très hostile à la remise en cause de
cette approche partenariale de la protection de l'environnement qui
réunissait collectivités locales, associations de protection de
l'environnement, industriels et administration.
3. Des effets mal mesurés sur la compétitivité des entreprises
La TGAP
a pour fonction première d'adresser un signal-prix fort à
l'intention des agents économiques, qu'ils soient d'ailleurs producteurs
ou simples consommateurs. Si on s'intéresse aux effets de
l'écotaxe mixte assise sur le carbone et sur l'énergie qu'il est
envisagé d'instituer au niveau communautaire, il faut souligner tout
d'abord que ce dispositif n'a plus beaucoup de liens avec la lutte contre
l'effet de serre puisque l'énergie nucléaire sera taxée
alors même qu'elle ne rejette pas de CO
2
. Force est de
constater que l'écotaxe sera instituée pour prélever de
façon soi-disant " indolore " des masses financières
considérables.
Par ailleurs, si cette écotaxe augmente le prix des combustibles, ceci
aura pour effet d'augmenter le prix des produits qui consomment beaucoup
d'énergie et
incitera les entreprises qui les produisent à se
délocaliser vers des pays moins développés et surtout
" moins regardants " en ce qui concerne la protection de
l'environnement.
Mais il est avéré que ces pays consomment beaucoup plus
d'énergie que les pays développés par unité
produite. Les délocalisations induites par l'instauration de la taxe
pourraient entraîner ainsi une augmentation du chômage au sein de
l'Union européenne, une augmentation de l'énergie
consommée dans les pays moins développés et donc
globalement -à l'échelle de la planète- plus de carbone
rejeté et une aggravation de l'effet de serre.
La question de la compétitivité des entreprises est centrale
s'agissant de la mise en oeuvre de l'écotaxe, et force est de constater
que les pays qui ont expérimenté ce type de taxe prennent leurs
précautions.
Ainsi, la Suède a exempté l'industrie de
75 % de la taxe sur le carbone (et une exemption totale de la taxe sur
l'énergie). Au Danemark, un rabais de 50 % de la taxe sur le
CO
2
a été accordé à l'industrie sur la
période 1993-1995.
B. LES EFFETS NÉGATIFS DE L'INTÉGRATION DES REDEVANCES DES AGENCES DE L'EAU DANS L'ASSIETTE DE LA TGAP
1. Rappel chronologique
Dans un
communiqué de presse en date du 22 juillet 1998 sur le projet
de loi de finances pour 1999, Mme Dominique Voynet et
M. Dominique Strauss-Kahn annonçaient la création de la
TGAP. Ce communiqué, de façon lapidaire, annonçait que la
TGAP avait "
vocation à intégrer les redevances relatives
à la pollution de l'eau en l'an 2000
", en ajoutant
cependant "
après concertation avec les acteurs
concernés
".
Cette affirmation brutale, même si le mot " concertation "
était prononcé, s'inscrit en totale contradiction avec la
communication du ministre en charge de l'environnement sur la politique de
l'eau faite au Conseil des ministres du 20 mai dernier
et sur la base
de laquelle des premières réunions de concertation
sérieuses et approfondies avaient commencé avec pour
thème :
- mieux associer le Parlement à la redéfinition de la
politique de l'eau ;
- améliorer la transparence du secteur de l'eau et de
l'assainissement et renforcer le caractère démocratique du
système des agences de l'eau ;
- élargir et mieux appliquer le principe général
" pollueur-payeur " ;
- accroître l'efficacité de l'action publique dans le domaine
de l'eau.
Ces grandes orientations avaient fait l'objet d'un accueil plutôt
favorable et les groupes de travail avaient intégré les
associations d'élus qui s'étaient déclarés
prêts à accompagner la réforme des instruments
d'intervention publique relatifs à l'eau, à
réfléchir sur les redevances et sur leur évolution en
termes de péréquation, tout en rappelant leur attachement au
principe d'autonomie et de décentralisation des décisions.
Bien plus, cette annonce bouleverse et remet en cause les fondements
mêmes de l'organisation de la politique de l'eau.
2. La politique de l'eau à travers le dispositif des agences de bassin
La loi
de 1964, confirmée par celle de 1992, a mis en place, à partir de
1968, un système venant compléter l'action réglementaire
de l'Etat dans le domaine de l'eau par une planification active et des
financements complémentaires fondés sur le bassin hydrographique.
On peut en résumer comme suit les principes :
- une gestion décentralisée des ressources en eau en
quantité et qualité établie à travers six bassins
hydrographiques ;
- une programmation pluriannuelle des investissements nécessaires
à partir d'une planification tripartite revue tous les cinq ans par des
Comités de bassin et des agences de bassin, réunissant des
responsables de l'Etat, des élus des départements et des
régions ainsi que les usagers ;
- des ressources financières autonomes collectées et
gérées par les organismes de bassin pesant sur les
prélèvements d'eau, la pollution déversée et la
modification du régime des eaux, destinés à aider au
financement des ouvrages d'intérêt commun au bassin.
L'autonomie des organismes de bassin a été organisée par
les pouvoirs publics, qui ont fixé le cadre, découpé la
France en six bassins, arrêté le mode de désignation ou
d'élection des membres des Comités de bassin et des Conseils
d'administration des agences et défini les assiettes de redevances.
L'Etat nomme enfin le président et le directeur des agences de l'eau et
doit donner son approbation aux programmes pluriannuels de cinq ans pour qu'ils
soient opérationnels, ainsi qu'aux redevances dont les taux sont
votés par le Comité de bassin pour chaque programme. Les taux qui
définissent les recettes des organismes de bassin sont fixés par
le Comité sur proposition de l'agence, de façon à
équilibrer les financements en subventions et prêts qu'ils
apportent au programme de cinq ans.
Ce dispositif se trouve en quelque sorte consacré au niveau
communautaire, puisque le projet de directive-cadre sur l'eau se fonde sur
trois principes essentiels qui sont : la référence au bassin
hydrographique, la participation des usagers et du public, et la mise en oeuvre
du principe " pollueur-payeur ".
Sans être exempt de critiques et donc susceptible d'évolution et
d'aménagements, le dispositif des agences de l'eau a néanmoins
fonctionné avec succès, en permettant une forte réduction
des pollutions industrielles déversées, l'organisation et le
financement d'opérations concertées, et la préparation des
schémas directeurs d'aménagement et de gestion de l'eau prescrits
par la loi de 1992. Il faut certes convenir de résultats plus
mitigés, s'agissant de l'épuration des rejets domestiques ou de
l'amélioration trop lente des milieux naturels en raison notamment de
l'insuffisante -ou de la tardive- prise en compte des pollutions d'origine
agricole et de la non prise en compte de la pollution fluviale. Mais les
chiffres sont là pour témoigner de l'ampleur des investissements
réalisés au cours des derniers programmes des agences de bassin :
40 milliards de francs d'investissement au cours du Ve programme,
80 milliards de francs prévus et finalement 90 milliards de
francs réalisés au cours du VIe programme et
105 milliards de francs d'investissement programmé pour le
VIIe programme.
Il faut
souligner également l'effet de levier
considérable
lié aux interventions des agences de l'eau : dans le cas de l'industrie,
ces aides ont représenté globalement 25 % du montant
total des investissements
, qui sont souvent allés très
au-delà des exigences réglementaires en vigueur. Il est donc faux
d'affirmer que les entreprises récupéraient d'une main ce
qu'elles donnaient de l'autre : elles ont investi pour dépolluer sans
être subventionnées à 100 %.
3. Une remise en cause inacceptable du dispositif des agences de l'eau par l'instauration de la TGAP
L'impossibilité d'établir une taxe forfaitaire sur une assiette
simplifiée.
Comme le rappellent les acteurs économiques concernés, la
perception des redevances est nécessairement assise sur un
système complexe.
En effet, les assujettis aux redevances de pollution ne paient -en fait- qu'une
" redevance nette " qui est la différence entre une redevance
brute (liée à chaque activité polluante ou à une
mesure réelle de la pollution) diminuée d'une " prime
d'épuration " représentative de l'effort
réalisé par l'assujetti pour dépolluer.
La détermination de cette redevance nette (redevance pollution moins
prime) nécessite des calculs particulièrement difficiles qui
varient avec la situation de chaque redevable et il a fallu des années,
au début de la mise en place des agences entre 1967 et 1970, pour mettre
au point les méthodes actuellement utilisées, qui ont
été formalisées par un arrêté de 1975.
Parmi les problèmes les plus complexes, il y a celui des entreprises
exerçant des activités multiples, des modalités
d'appréciation des performances des dispositifs d'épuration,
ainsi que celui des dispositions particulières à
l'épandage ou d'une façon plus spécifique à la
destination finale des boues.
Si l'on ajoute à l'ensemble de ces paramètres -complexes mais
relativement maîtrisables- la possibilité de recourir à des
mesures directes, nécessitant des analyses de laboratoire, il est
quasiment impossible d'harmoniser un tel système avec celui d'une taxe
" générale ".
En optant pour une taxe forfaitaire générale, on va à
l'encontre du principe " pollueur/payeur " puisque -finalement- les
entreprises paieraient tout autant qu'elles aient ou non réalisé
des efforts importants pour dépolluer.
On les décourage de
plus, d'accepter des surcoûts importants s'ajoutant à celui de la
taxe.
L'impossibilité d'accepter un taux dissuasif unique sur le prix de
l'eau.
Si la TGAP doit générer un double dividende,
-c'est-à-dire, tout en dissuadant les pratiques polluantes, procurer des
ressources permettant de réduire les prélèvements pesant
sur l'emploi-, une part très importante de la TGAP sera affectée
à cette compensation. En conséquence, soit la part restante
consacrée à la lutte contre la pollution sera fortement
diminuée, soit le taux de la TGAP sera très élevé
pour rester dissuasif et viendra grever lourdement le prix de l'eau.
La très forte augmentation des taxes vis-à-vis de la redevance et
la non-redistribution des produits aux pollueurs, va avoir un double effet :
-
accroître les coûts des produits industriels ou
agricoles
par leur impact direct et par le remplacement d'aides
versées sous forme de subvention par des emprunts plus coûteux.
L'effet sera identique sur le prix de l'eau
;
- peser donc sur les citoyens par le prix des produits achetés ou
par le prix de l'eau. A court terme, cette TGAP pourrait devenir une " TVA
bis ", et
les maires auraient à répondre de cette
aggravation du prix de l'eau, alors qu'ils n'en seront pas responsables.
Ces effets pourront-ils être totalement effacés, directement, par
l'affectation des produits des taxes à la réduction des
impôts ou indirectement par le bénéfice résultant
par exemple de la création de nouveaux emplois ?
On peut enfin craindre que le nouveau système ait un coût de
gestion important s'agissant de la perception des taxes et de leur
redistribution partielle dans des circuits de lutte contre la pollution.
L'incertitude sur la validité des aides dans le système de la
TGAP
A l'heure actuelle, les aides qui sont attribuées par les agences sur
des opérations de dépollution, d'amélioration du milieu
naturel ou de mobilisation de ressources supplémentaires ne sont pas
contrôlées par la Commission européenne, car le dispositif
qui les attribue est mutualiste. Le régime actuel est donc
dérogatoire, mais lorsque ces aides -déconnectées du
montant des taxes versées par les acteurs économiques-
transiteront par le budget de l'Etat, elles seront, selon toute vraisemblance,
soumises aux règles de plafonnement européen.
Ainsi, s'agissant du domaine de l'eau, caractérisé par son
extrême complexité, il apparaît que l'instauration de la
taxe générale serait une erreur grave, car elle fait peser trop
d'incertitudes sur l'avenir d'un dispositif qui a fait ses preuve
jusqu'à présent.
Au nom du " principe de précaution " qu'on se doit
d'appliquer pour la protection de l'environnement, votre rapporteur pour avis
refuse l'instauration de la TGAP dans le domaine de l'eau
; il opte
pour l'amélioration du système des agences, à travers
l'intervention du Parlement qui devrait pouvoir se prononcer sur les programmes
quinquennaux des agences, la mise en oeuvre d'actions d'intérêt
commun, et l'amélioration de la connaissance des milieux naturels.
*
* *
La commission, sur les propositions de son rapporteur pour avis, a alors émis -les commissaires des groupes communiste républicain et citoyen et socialiste s'abstenant - un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'environnement inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999 .
EXAMEN EN COMMISSION
Après la présentation par M. Jean Bizet,
rapporteur
pour avis, des crédits consacrés à l'environnement dans le
projet de loi de finances pour 1999, un large débat s'est
instauré.
M. Jean-Pierre Raffarin, président, est intervenu pour souligner les
graves menaces pesant sur les agences de l'eau du fait de l'instauration de la
TGAP, qui remet en cause leur gestion décentralisée
organisée en partenariat avec les collectivités locales et les
acteurs économiques.
M. Marcel-Pierre Cleach, après s'être déclaré
d'accord avec les conclusions du rapporteur pour avis et avoir
dénoncé le défaut de transparence dans le mode de
fonctionnement des associations -dont les actions menées localement
entraînent parfois des retards lourds de conséquences sur les
projets d'infrastructures-, s'est également vivement opposé
à l'instauration d'un fonds de concours supplémentaire à
la charge des agences de l'eau pour participer au financement de la police de
l'eau.
Il a dénoncé le risque de recentralisation du mode de gestion des
crédits de l'environnement induit par l'instauration de la TGAP, et a
regretté que les ressources affectées jusqu'alors à la
protection de l'environnement aillent désormais alimenter le budget de
l'Etat.
M. Gérard Cornu a dénoncé les effets pervers qu'aurait la
TGAP sur le dispositif des agences de l'eau, alors même qu'une bonne
gestion de cette ressource supposait plus de décentralisation, comme en
témoignaient les expériences positives menées par l'Agence
Seine-Normandie sur la protection de la nappe phréatique de la Beauce.
Il a jugé qu'en matière d'environnement, il fallait soutenir
l'action des élus locaux et leur donner les moyens financiers de faire
face aux obligations très lourdes résultant de la mise en oeuvre
des directives communautaires. Evoquant le problème de l'épandage
des boues résiduaires des stations d'épuration, qui reste une
solution moins coûteuse que l'incinération, mais à laquelle
les industries agro-alimentaires sont désormais très hostiles, il
a souhaité que le ministère de l'environnement engage des actions
de concertation entre les différentes parties prenantes pour
définir une solution acceptable par tous et supportable pour les
finances locales.
M. Jean Huchon
s'est déclaré préoccupé par
l'état d'esprit de certains défenseurs de l'environnement, qu'ils
soient au ministère ou dans les associations, qui refusaient de
travailler dans un esprit de concertation avec les élus locaux et les
acteurs du développement économique local, notamment en ce qui
concerne la désignation et la gestion des zones Natura 2000. Il
s'est déclaré très opposé à l'instauration
de la TGAP, qui remet en cause un processus de gestion
décentralisée de l'environnement.
M. Pierre André
a jugé que le projet de budget du
ministère de l'environnement ne résolvait pas deux
problèmes essentiels pour les collectivités locales, à
savoir la gestion des ordures ménagères et l'assainissement, qui
représentent des investissements très lourds, notamment pour les
communes rurales. Il a fait valoir que les mesures fiscales favorisant le tri
sélectif ne réglaient rien et qu'une véritable politique
des déchets devait définir ce qu'on entendait par
" déchet ultime ", redonner sa place à
l'incinération et résoudre le problème des boues
résiduaires des stations d'épuration. Il a enfin fait remarquer
qu'en 2002, le coût de mise en décharge contrôlée
serait quasiment équivalent à celui du traitement par
incinération.
Mme Anne Heinis a déclaré partager l'ensemble des opinions
émises contre le budget de l'environnement et s'est
étonnée de ce que l'on choisisse de renforcer les contrôles
avant même d'avoir donné aux responsables politiques et
économiques les moyens financiers nécessaires pour mettre en
oeuvre les obligations résultant des directives européennes en
matière d'eau, d'assainissement et de traitement des ordures
ménagères. Elle a considéré que le principe de
déconnexion entre la taxe et la réparation des atteintes à
l'environnement qui fondait la TGAP était très critiquable et
qu'en définitive cela permettrait à l'Etat de
récupérer les fonds gérés par les agences de l'eau.
S'agissant du rôle des associations, elle a jugé que certaines se
livraient à une politique systématique de désinformation,
largement relayée par les médias, ce qui était
profondément traumatisant, tant pour l'opinion publique que pour les
élus locaux, soucieux de l'intérêt général.
M. Gérard Le Cam a considéré que le budget de
l'environnement comportait des avancées positives mais s'est
déclaré très hostile à l'instauration de la TGAP,
qui portait atteinte à l'autonomie des agences. Il a condamné les
pratiques de certaines associations de protection de l'environnement qui, sur
des fonds publics, achetaient des plans d'eau ou des forêts pour les
soustraire ultérieurement à la pratique de la pêche et de
la chasse. Il a déclaré qu'en conséquence, le groupe
communiste, républicain et citoyen s'abstiendrait sur le vote de ce
budget.
M. Jean-Pierre Raffarin, président, est alors intervenu pour
déplorer qu'en certaines occasions on puisse avoir le sentiment d'une
confusion entre les objectifs défendus par les services du
ministère de l'environnement et ceux défendus par les
associations de protection de l'environnement, ce qui nuisait à la
crédibilité de ce ministère, qui en toute occasion devait
défendre l'intérêt général.
M. Rodolphe Désiré a fait part de ses hésitations sur le
contenu du budget de l'environnement, mais il a jugé qu'en
matière de développement économique local, l'action
systématique, tant des associations que parfois des administrations
locales au nom d'une doctrine écologique intransigeante, empêchait
dans certains cas la réalisation de tout projet, que ce soit dans le
secteur du tourisme ou en matière agricole. Il a évoqué
l'impossibilité d'installer en Martinique une usine de fabrication de
produits pour le bétail, ce qui freinait le développement de
l'élevage. Il a déclaré en conséquence s'abstenir
sur le vote du budget de l'environnement.
En réponse aux différents orateurs, M. Jean Bizet, rapporteur
pour avis, a salué l'unanimité des opinions émises et
souligné qu'en définitive la TGAP constituait une variable
d'ajustement pour permettre à l'Etat d'équilibrer son budget. Il
a rappelé que selon les chiffres transmis, la future écotaxe sur
le carbone et l'énergie pouvait rapporter entre 15 et 25 milliards
de francs.
Il a appelé l'attention sur le fait que dans le nouveau dispositif, les
subventions versées par l'Etat pour protéger l'environnement
seraient soumises à la règle du plafonnement communautaire. Il
s'est inquiété de l'accroissement du nombre de fonctionnaires du
ministère de l'environnement décidé pour 1999, alors
même que la France occupe déjà le deuxième rang
mondial s'agissant du poids de la fonction publique. En ce qui concerne le
traitement des ordures ménagères par incinération, il a
indiqué que le ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement avait fixé la norme d'émission de dioxyne
à 0,1 nanogramme/m3 de fumée, mais il a jugé que le
discrédit jeté sur cette filière favorisait a contrario
des multinationales qui, grâce à la maîtrise de surfaces
foncières importantes, allaient pouvoir développer les centres
d'enfouissement technique.
Il a soutenu personnellement que la solution de l'incinération
était la moins mauvaise possible, en faisant valoir que le tri
sélectif ou le compostage ne pouvaient concerner qu'une infime part des
ordures ménagères. Il a suggéré que soit
organisée dans le cadre de la commission une journée d'auditions
sur le traitement des déchets, étant donné l'enjeu que
cela représente pour les collectivités locales. Après
avoir émis des doutes sur la réalité économique du
deuxième dividende, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a jugé
que " trop de taxe écologique allait tuer la protection de
l'environnement ".
M. Jean-Pierre Raffarin, président, a fait valoir que la notion de
" double-dividende " lui paraissait peu pertinente, puisque
l'obtention du premier dividende -dissuader les pollueurs- empêchait
l'obtention du second, à savoir affecter les surplus de fiscalité
écologique à la baisse des prélèvements sociaux sur
le travail.
La commission, sur les propositions de son rapporteur pour avis, a alors
émis -les commissaires des groupes communiste républicain et
citoyen et socialiste s'abstenant-
un avis défavorable à
l'adoption des crédits de l'environnement inscrits dans le projet de loi
de finances pour 1999
.
1 Proposition de loi déposée par M. Jean-François Le Grand, Mme Janine Bardou, MM. Michel Doublet, Michel Souplet, Louis Minetti et Paul Raoult relative à la mise en oeuvre du réseau écologique européen dénommé Natura 2000.