B. L'ENTRÉE DANS UNE NOUVELLE ÈRE DE SOBRIÉTÉ FONCIÈRE

Les articles 191 et suivants de la loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience » constituent un jalon décisif pour la prise en compte juridique de la complexité des sols et actent un changement de paradigme législatif en matière de sobriété foncière.

Le législateur a décidé de rompre avec une vision exclusivement surfacique des sols, en ne les envisageant plus seulement à travers un prisme foncier, mais également en prenant en compte ses fonctions. À cette fin, un article L. 101-2-1 est introduit dans le code de l'urbanisme, qui dispose que « l'artificialisation est définie comme l'altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d'un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage. »

Cette définition, figurant parmi les premiers articles du code de l'urbanisme qui régit notamment l'usage et l'occupation des sols, participe à la prise en compte d'une approche volumique et fonctionnaliste du sol, alors que la vision était jusqu'à présent surfacique et statique.

Partant des constats que le rythme global de l'artificialisation des sols croît plus vite que celui de la démographie et que la lutte contre l'étalement urbain ne produit pas les effets escomptés, le législateur a fixé un double objectif programmatique de réduction des consommations foncières : la réduction de moitié du rythme de l'artificialisation des sols d'ici à 2031 par rapport à la décennie précédant la promulgation de la loi « Climat et résilience » et un objectif national d'absence de toute artificialisation nette des sols en 2050. C'est ce dernier qui a donné naissance à l'acronyme « ZAN », non voulu par le législateur, signifiant « zéro artificialisation nette ».

Partant d'un principe de gestion économe de l'espace devant inspirer les politiques publiques d'aménagement et d'urbanisme, nous sommes désormais entrés dans une ère de sobriété foncière prescriptive, avec des objectifs contraignants fixés dans les documents de planification et d'urbanisme, mis en oeuvre à travers une territorialisation de la trajectoire par les régions et les autres collectivités territoriales.

Ce cadre normatif novateur a naturellement généré des inquiétudes et des contestations, alors même que l'objectif de sobriété foncière est largement partagé. Plusieurs raisons peuvent justifier ces craintes : ce nouveau corpus de règles de droit n'a pas été préparé avec les élus locaux et, de ce fait, est vécu comme une démarche descendante s'imposant aux territoires, d'application immédiate, sans considération des efforts passés, sans outil juridique pour accompagner sa mise en oeuvre et à cadre fiscal constant, alors que la fiscalité locale est affectée d'un biais artificialisant.

Le législateur a souhaité promouvoir les réflexions locales en faveur de modèles d'aménagement durable et cohérent avec les besoins des territoires. Il existe d'impérieuses raisons scientifiques en faveur de la frugalité foncière et la préservation des sols peut être vue comme une assurance contre de nombreux risques climatiques.

Mais aucune stratégie nationale préparant l'avenir de nos territoires ne saurait être atteinte sans le concours et l'appui des élus locaux.

Aujourd'hui, nous avons moins que jamais le droit à l'erreur : nous devons renforcer la trajectoire vers la sobriété foncière, car il s'agit d'une condition sine qua non de la réussite de la transition écologique.

C'est précisément ce à quoi s'attache la présente proposition de loi.

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