II. LE CONTEXTE BUDGÉTAIRE N'AUTORISE PAS À NÉGLIGER LA FRANCOPHONIE MULTILATÉRALE
Le fonds multilatéral unique (FMU) a été institué en 1989 afin de recueillir les contributions des États et gouvernements membres de la Francophonie destinées à financer la programmation de l'OIF et des quatre opérateurs de la Francophonie (AUF, AIMF, Université Senghor d'Alexandrie et TV5-Afrique). L'Assemblée parlementaire de la Francophonie a, elle, le statut d'assemblée consultative de la Francophonie.
En 2009, le nombre de contributeurs au FMU s'est élevé à 9. La France demeure, de loin, le premier contributeur au budget des opérateurs. La situation était la suivante en 2009 :
En € |
OIF |
AUF |
AIMF |
TV5-Afrique |
Université Senghor |
Total |
(chiffres arrondis) |
||||||
Versements des États |
29 893 533 |
32 647 883 |
2 369 553 |
345 454 |
2 055 180 |
67 311 614 |
Versements de la France* |
18 482 596 |
29 447 547 |
1 814 794 |
0 |
1 646 236 |
51 691 173 |
Part de la France % |
62,83 % |
90,20 % |
76,59 % |
0 % |
80,10 % |
76,79 % |
* Y compris la contribution du ministère de l'éducation nationale et les crédits supplémentaires.
Source : Ministère des affaires étrangères et européennes.
On note, ainsi, une réduction globale de l'effort budgétaire consenti de la part de tous les bailleurs, à l'exception de Monaco.
A. L'ORGANISATION INTERNATIONALE DE LA FRANCOPHONIE : SUR LA VOIE DE LA MATURITÉ ?
1. Une programmation plus opérationnelle
Votre rapporteur pour avis tient à saluer les efforts considérables mis en oeuvre par le secrétaire général de l'OIF, M. Abdou Diouf, et son administrateur, M. Clément Duhaime, dans le sens d'une programmation plus opérationnelle, dynamique, sincère et transparente .
Le ministère des affaires étrangères estime, en effet, que les principaux objectifs impartis par les bailleurs de fonds à l'OIF ont été atteints :
- la part des charges de gestion a régulièrement diminué (jusqu'à un rythme de - 2,7 % par an en 2007 et 2008) au bénéfice des dépenses de programmes qui ont pu progresser, ainsi, de 12 millions d'euros en quatre ans (soit une croissance de 40 %) ;
- le ratio des dépenses de fonctionnement par rapport aux dépenses de programmation est passé de 45 %/55 % en début de période quadriennale, à 37 %/63 % à la fin de 2009. Cet équilibre a vocation à encore s'améliorer dès lors que les charges d'exécution de la programmation seront intégrées aux dépenses de programme (aujourd'hui encore, certains frais de déplacement dans le cadre de l'exécution d'une mission d'observation électorale sont comptabilisés en dépenses de fonctionnement) ;
- la consommation des crédits a parallèlement progressé de six points ;
- le financement a évolué à la suite d'efforts systématiques afin de :
• réduire les arriérés (en
2009, 4 % des contributions obligatoires n'ont toutefois toujours pas
été versées, le sommet de Montreux devait être
l'occasion de rappeler à l'ordre les pays concernés) ;
• accroître le recours aux contributions
extérieures, en provenance, par exemple, d'organismes et de programmes
extérieurs tels que l'Organisation mondiale du commerce ou le programme
des Nations unies pour le développement, ou encore de pays non membres
de l'OIF tels que le Japon. À titre d'exemple, près de 30 %
du budget de l'Institut de l'énergie et de l'environnement pour la
Francophonie à Québec est couvert par ces nouvelles sources de
financement, ainsi que des activités plus classiques tels que des
centres de lecture ou notre espace IFADEM (initiative francophone pour la
formation à distance des maîtres) au Bénin (ce projet
bénéficie des soutiens conjugués de l'OIF, de l'AUF et de
la direction générale de la mondialisation du ministère
des affaires étrangères).
La Cour des comptes, commissaire aux comptes de l'OIF, a dressé un bilan positif de la mise en oeuvre de ses recommandations (18 sur 22). L'entrée en vigueur de la comptabilité analytique en 2011 et l'achèvement des dispositifs de contrôle interne devraient compléter les réformes en cours dans le sens d'une transparence et d'une sincérité accrues des dépenses.
Alors que, dans le cadre de la précédente programmation quadriennale, l'OIF gérait plus de 50 projets par an, le sommet de Montreux a ramené ce chiffre à 39. Il s'agit en particulier de mettre un terme aux projets susceptibles de faire double emploi avec ce que font déjà les États membres dans un cadre bilatéral. En outre, l'achèvement de la réforme de la comptabilité devrait permettre de mieux flécher l'utilisation des contributions consenties par les bailleurs de fonds.
En ce qui concerne le contenu des programmes mis en oeuvre aussi bien par les opérateurs de la Francophonie que par le ministère des affaires étrangères dans un cadre bilatéral, votre rapporteur pour avis souligne l'ardente nécessité d'en finir avec une politique francophone de substitution qui se limiterait à fournir aux pays en développement et de la zone de solidarité prioritaire des assistants techniques pour combler leurs besoins de compétences. C'est clairement la formation des locaux qu'il faut privilégier, en mettant l'accent sur l'éducation et l'enseignement supérieur, dans la logique d'un développement durable .
Le dernier sommet de la Francophonie, qui s'est déroulé à Montreux du 22 au 24 octobre 2010, a été un succès indéniable. Il a dessiné des perspectives optimistes et stimulantes en termes de rayonnement de la communauté francophone sur la scène internationale. Votre rapporteur pour avis relève, ainsi, deux principaux progrès actés par les chefs d'État et de gouvernement :
- plus personne ne conteste désormais la vocation politique de l'OIF , actée lors du sommet de Hanoï de 1997, au sein du système multilatéral. La communauté des pays francophones intervient désormais régulièrement et avec un succès jamais démenti dans les grands débats internationaux. À titre d'exemple, le sommet de la Francophonie de Québec en 2008 a été la première réunion internationale à appeler de ses voeux l'organisation d'une conférence de chefs d'État et de gouvernement sur la régulation financière internationale ;
- les réunions de travail au cours des deux derniers sommets de la Francophonie ont fait l'objet de moins de formalisme et les dialogues directs entre chefs d'État et de gouvernement se sont multipliés, avec de véritables séances de travail constructives. Le côté artificiel et excessivement formel des sommets de la Francophonie semble désormais appartenir au passé. C'est ainsi que la communauté francophone, qui représente près d'un tiers des pays membres des Nations unies, s'impose comme une force proactive et de propositions en amont de réunions internationales stratégiques comme le G20.
La nouvelle programmation quadriennale pour la période 2010-2013 de l'OIF est fondée sur un mandat politique clair qui lui a été donné lors du Sommet de Québec de 2008. Elle se base sur une démarche stratégique fondée sur des objectifs et une évaluation des résultats.
Elle s'articule autour des quatre missions fixées par le cadre stratégique décennal de l'OIF, à savoir :
• la mission A « Langue
française, diversité culturelle et
linguistique » :
- 56,4 millions d'euros (soit 14,1 millions d'euros annuels), trois axes (langue française, diversité culturelle, culture numérique) et 11 projets ;
- proportion de la programmation totale : 38 % ;
• la mission B « Paix,
démocratie, droits de l'homme » :
- 40 millions d'euros (soit 10 millions d'euros annuels), trois axes (gouvernance, droit et justice, consolidation de la paix), 11 projets ;
- proportion de la programmation totale : 27 % ;
• la mission C « Soutien
à l'éducation, la formation, l'enseignement supérieur et
la recherche » :
- 25 millions d'euros (6,25 millions d'euros annuels), trois axes (éducation de base, langue française en contexte plurilingue, formation professionnelle), 6 projets ;
- proportion dans la programmation totale : 16,9 % ;
• la mission D
« Coopération au service du développement durable et
solidarité » :
- 18,3 millions d'euros (4,6 millions d'euros annuels), deux axes (stratégies nationales de développement durable, préparation des PED/PMA à la régulation multilatérale), 10 projets ;
- proportion de la programmation totale : 12,4 %.
S'y ajoutent des programmes transversaux portant sur la jeunesse et l'égalité homme-femme.
2. Une baisse inquiétante du budget de l'OIF en 2010 par rapport à 2009
Le budget de l'OIF pour 2010 s'établit à près de 75,9 millions d'euros. Ses recettes se décomposent de la façon suivante :
- contributions statutaires des États et gouvernements membres : 35,9 millions d'euros (47 %) ;
- contributions volontaires des États et gouvernements membres : 32 millions d'euros (42 %) ;
- financements externes : 2,5 millions d'euros (3,3 %) ;
- recettes diverses : un million d'euros (1,3 %) ;
- prélèvement sur fonds de réserve et reports : 4, 5 millions d'euros (6 %).
Ses dépenses, égales aux recettes, se sont réparties comme suit :
- fonctionnement : 32,1 millions d'euros (42,25 %) ;
- programmation : 43,8 millions d'euros (57,75 %).
Ce budget prévisionnel initial pour 2010 est en baisse de près de 15 % par rapport à celui de 2009, qui s'élève à 88,7 millions d'euros.
3. La lente érosion de nos contributions volontaires à l'OIF
Dans le cadre du plan de relance de la Francophonie, annoncé en 2002 à Beyrouth par M. Jacques Chirac, alors Président de la République, la contribution de la France au financement des institutions et opérateurs de la Francophonie a connu une augmentation sensible pour atteindre un pic en 2004 à 57,5 millions d'euros (hors contribution statutaire de la France à l'OIF). Néanmoins, notre participation volontaire tend à diminuer depuis cette date : le total de nos contributions volontaires s'est établi, en 2010, à 51,2 millions d'euros, soit une diminution de près de 11 % par rapport au niveau enregistré en 2004 .
SOMMES VERSÉES PAR LE MINISTÈRE DES
AFFAIRES ÉTRANGÈRES
AUX OPÉRATEURS DE LA FRANCOPHONIE
ENTRE 2002 ET 2010
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
|
AIF/OIF |
14 900 000 |
20 233 500 |
22 195 000 |
22 195 000 |
19 766 646 |
19 822 548 |
19 628 622 |
18 007 718 |
17 790 238 |
AUF |
18 700 000 |
28 266 500 |
31 058 708 |
30 625 000 |
29 259 411 |
29 147 183 |
27 868 415 |
27 008 363 |
29 447 547 |
AIMF |
1 329 183 |
1 429 183 |
1 929 183 |
1 929 183 |
1 842 985 |
1 832 723 |
1 814 794 |
1 818 794 |
1 872 144 |
Univ. Senghor |
1 750 000 |
1 750 000 |
2 183 708 |
1 750 000 |
1 671 966 |
1 662 500 |
1 646 236 |
1 646 236 |
1 646 236 |
Confemen |
/ |
/ |
180 000 |
180 000 |
171 974 |
171 000 |
169 327 |
169 327 |
280 000 |
APF |
130 000 |
130 000 |
130 000 |
130 000 |
130 000 |
||||
Total |
36 679 183 |
51 679 183 |
57 546 599 |
54 633 683 |
52 842 982 |
52 756 954 |
51 527 394 |
48 776 438 |
51 166 165 |
Source : Ministère des affaires étrangères et européennes.
Les nouvelles réductions de nos contributions au financement de la francophonie multilatérale, annoncées dans le projet de loi de finances pour 2011, de près de plus de 8 % si l'on ne tient pas compte de la dépense incompressible que constitue le loyer de la Maison de la Francophonie, inquiètent sérieusement votre commission. Dès lors, celle-ci a adopté un amendement tendant à rétablir ces contributions à un montant à peu près équivalent à celui voté en loi de finances pour 2010.
Compte tenu du contexte international, il est fort probable que la plupart de nos partenaires au sein de l'OIF rencontrent les mêmes difficultés lors de l'établissement de leurs budgets nationaux respectifs. Il n'est pas certain que la Grèce et la Roumanie soient en mesure de verser l'intégralité de leurs contributions. La Belgique, la Suisse et le Canada pourraient également revoir à la baisse le montant de leurs contributions.