C. LA MOBILISATION DE RESSOURCES ADDITIONNELLES
1. Unitaid et la facilité pour la vaccination
En application de l'article 22 de la loi n° 2005-1720, la loi de finances rectificative pour 2005 instaurant une contribution de solidarité sur les billets d'avion, le décret n° 2006-1139 du 12 septembre 2006 précise les modalités de gestion du fonds de solidarité pour le développement et, dans son article 1 er , l'affectation des recettes de la majorati on de la taxe d'aviation civile. Pour 2007, le produit de cette majoration devrait être de 200 millions d'euros destinés à Unitaid et, pour 10 %, à la facilité pour la vaccination.
2. Le développement des partenariats publics-privés
Le Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID) 2006 a notamment lancé le Groupement d'intérêt public GIP « Alliance pour le développement », composé de l'Etat, de l'Agence française de développement, de l'Institut Pasteur ainsi que des sociétés Sanofi-Aventis et Veolia-environnement. Il a pour mission de mener des actions de développement dans le domaine de la santé, de l'assainissement et de l'accès à l'eau. Le Groupement d'intérêt public porte, à ce jour, trois projets : au Niger, au Viêt-Nam et à Madagascar. Le périmètre géographique et ses secteurs d'intervention pourront être élargis dans les années à venir.
D. UNE ORGANISATION DONT LA RÉFORME SE POURSUIT
1. L'Agence française de développement, opérateur-pivot
La réforme de 1998 avait consacré l'AFD comme opérateur pivot de l'aide française, mais cet aspect de la réforme s'est déroulé en plusieurs étapes. Le CICID de 2004 lui a confié une entière responsabilité dans les secteurs économiques et sociaux, tandis que celui de 2005 décidait du transfert à l'Agence des projets relevant de ces secteurs. 47 projets ont ainsi été transférés en 2005 et 8 en 2006.
Les relations entre l'Agence française de développement et ses ministères de tutelle (Finances, Affaires étrangères et Outre-mer) ont été formalisées par une convention cadre reprenant les différents modes d'intervention de l'Agence et contractualisées par un contrat d'objectifs sur la période 2006-2008. Les dix objectifs du contrat portent sur les priorités géographiques et sectorielles (Afrique sub-saharienne, PMA), la coordination avec d'autres acteurs (Organisation de solidarité internationale (OSI), collectivités territoriales, autres bailleurs), l'intégration de l'assistance technique comme composante des projets et la contribution à la production intellectuelle française sur les questions de développement.
L'extension du mandat de l'Agence aux « biens publics mondiaux » coïncide avec l'élargissement de sa zone d'intervention.
L'assistance technique, associée aux projets de l'AFD, est soumise à des règles spécifiques. Elle relève de la maîtrise d'ouvrage des projets, c'est à dire du bénéficiaire.
L'AFD s'est engagée sur un volume global d'assistance technique française résidentielle de 320 postes à l'échéance de 2008. A cet effet, une clause d'origine s'applique au recrutement des assistants techniques, dont 80 % doivent être de nationalité française. Pour l'assistance technique financée sur subventions du ministère des Affaires étrangères, le GIP « France Coopération internationale » recrute et gère les agents publics en position de détachement et les met à disposition des bénéficiaires.
Comme en 2006, les crédits destinés au financement de l'assistance technique sont inclus dans les dotations de l'aide-projet.
2. L'adaptation du ministère des Affaires étrangères
Le ministère des Affaires étrangères a poursuivi son adaptation à la nouvelle architecture de l'aide française. Une direction des politiques du développement a été créée qui regroupe la direction du développement et de la coopération technique et le bureau de la stratégie et des affaires multilatérales. Le service des moyens et du réseau comprend désormais une sous-direction de la coordination géographique
Le ministre délégué à la Coopération, désigné comme chef de file, préside la Conférence d'orientation stratégique et de programmation, chargée notamment d'arrêter les documents cadres de partenariat.
Le ministère des Affaires étrangères généralise la signature de conventions d'objectifs et de moyens avec ses opérateurs, y compris avec ceux dont il partage la tutelle avec d'autres ministères. Des conventions ont été signées avec l'AFD, l'Association française des volontaires du progrès (AFVP), les relations avec les autres opérateurs, notamment France coopération internationale (FCI) et CulturesFrance, devant être contractualisées en 2007.
Il conserve une compétence directe dans les secteurs de la « gouvernance », de la francophonie, de la coopération culturelle, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Votre rapporteur observe que le ministère des Affaires étrangères a conservé les secteurs d'intervention qui lui étaient propres avant la réforme de la coopération et que la « greffe » des secteurs économiques et sociaux n'aura été que de courte durée.
3. Une priorité à l'Afrique subsaharienne
153 Etats, dont le revenu national brut est inférieur à 10 065 dollars par habitant, sont éligibles à l'aide publique au développement selon l'OCDE.
La Zone de solidarité prioritaire définie par notre pays comprend 54 pays auxquels s'ajoute, à titre provisoire, l'Afghanistan.
Les Etats d'Afrique sub-saharienne sont les destinataires de 53 % de l'aide bilatérale française. Suivent le Moyen-orient (11 %), l'Afrique du Nord (10 %), l'Asie centrale, du Sud et de l'Est (7 %), l'Europe (4 %), l'Amérique (3 %) et l'Océanie (2 %).
La priorité africaine de la politique française a été réaffirmée par le dernier CICID, qui a décidé de mobiliser un milliard d'euros sur 3 ans au profit du développement du secteur privé mais, de facto, la zone de solidarité prioritaire, dont votre rapporteur avait souligné qu'elle était trop large pour être véritablement prioritaire, n'est plus l'unique destinataire des fonds des deux principaux outils de l'aide bilatérale française, le fonds de solidarité prioritaire et l'Agence française de développement. La ZSP comprend, à titre provisoire, l'Afghanistan, tandis que des projets FSP ont été financés dans les Balkans.
En décembre 2003, le champ d'intervention de l'Agence a en effet été étendu hors de la ZSP à six pays méditerranéens (Egypte, Jordanie, Turquie, Syrie) et l'Asie (Chine, Thaïlande). En juin 2006, l'AFD a aussi été autorisée à intervenir, à titre expérimental, en Inde et au Brésil, et à poursuivre ses interventions en Indonésie et au Pakistan, sur prêts peu concessionnels et, sur des thématiques liées aux « biens publics mondiaux ». Le CICID a également autorisé l'AFD à intervenir sous forme de prêts dans l'ensemble de l'Afrique sub-saharienne, concrètement dans cinq pays d'Afrique australe non compris dans la ZSP : la Zambie, le Malawi, le Lesotho, le Swaziland et le Botswana.
En outre, les opérations d'allègements de dette ont modifié de façon substantielle la liste des premiers destinataires de l'aide bilatérale française :
Premiers bénéficiaires de l'aide bilatérale française en 2005
(en millions d'euros)
Nigeria |
1 155,5 |
Congo |
816,3 |
Iraq |
511,5 |
Algérie |
205 |
Maroc |
158,7 |
Tunisie |
147,4 |
Sénégal |
133,1 |
Chine |
123,5 |
Turquie |
92,2 |
Madagascar |
88 |
Votre rapporteur considère que la définition d'une zone de solidarité véritablement prioritaire reste pertinente pour un nombre limité de pays envers lesquels la France manifesterait un engagement à la fois plus massif et plus soutenu. Alors qu'une grande partie de son aide est désormais multilatérale, notre pays ne peut afficher une ZSP aussi large sans décevoir les attentes légitimes des pays qui y figurent, alors que de facto elle est amenée à concentrer son aide bilatérale sous peine d'une dispersion dommageable en termes d'efficacité et de visibilité, mais sans en tirer les bénéfices politiques. La ZSP est, à la fois, trop restreinte pour refléter le véritable champ d'intervention de la France, et trop large pour rendre compte de ses partenariats privilégiés. Votre rapporteur plaide pour une redéfinition de la ZSP, qui pourrait s'appuyer sur le processus des documents cadres de partenariat et pour une définition assumée de priorités géographiques .
4. Une convergence renforcée avec les objectifs du millénaire
La signature de documents cadres de partenariat (DCP) a pour objectif d'identifier des secteurs privilégiés d'affectation de l'aide française, en cohérence avec les objectifs du millénaire pour le développement, et de conférer aux bénéficiaires une certaine visibilité à moyen terme (2006-2010), en définissant une enveloppe globale indicative. Ce processus ouvre également la voie à une meilleure coordination avec les autres bailleurs. Il faut cependant noter que la prévisibilité de l'aide ne se traduit pas par la mobilisation d'autorisations d'engagement pluriannuelles et reste donc purement indicative.
Depuis septembre 2005, des DCP ont été signés avec 16 Etats de la zone de solidarité prioritaire : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, Djibouti, le Gabon, le Ghana, la Guinée, Madagascar, le Mali, le Mozambique, le Sénégal, le Tchad, le Maroc, la Tunisie, le Cambodge et le Vanuatu.
Les secteurs d'affectation retenus sont définis parmi les sept secteurs prioritaires pour lesquels le CICID a approuvé, des stratégies sectorielles : l' éducation , les infrastructures , l' agriculture , la santé , l'eau et l'assainissement , l' environnement et le secteur productif .
5. Les thématiques nouvelles
Le CICID du 19 juin 2006 a mis l'accent sur trois thématiques particulières.
. La prise en compte du phénomène migratoire dans les politiques de développement a été renforcée.
Un plan d'action en faveur des migrants installés en France pour le développement de leur pays d'origine a été adopté. Les transferts financiers qu'ils réalisent chaque année sont estimés à plus de 5 milliards d'euros. Le plan d'action prévoit des dispositions fiscales pour encourager leurs investissements, la promotion de la concurrence pour faire baisser le coût des transferts, à l'exemple du système mis en place au Royaume-Uni, et des programmes incitatifs pour mobiliser leurs compétences au service du développement. Les transferts d'argent des migrants qui empruntent les circuits bancaires sont estimés, par la Banque mondiale, à 199 milliards de dollars pour 2006, soit une somme nettement supérieure à celle de l'aide publique au développement. Si l'on prend en compte le secteur informel, ce montant atteint près de 300 milliards de dollars.
. La mise en place d'un livret co-développement, créé par la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, offrira la possibilité de déductions fiscales pour les investissements dans le pays d'origine.
. Une initiative de soutien au secteur privé en Afrique sub-saharienne a été annoncée qui devrait mobiliser un milliard d'euros sur trois ans prévoit notamment une amélioration de l'accès des entreprises au financement, par l'intermédiaire d'instruments mis en oeuvre par l'AFD.
. Les biens publics mondiaux : la lutte contre les maladies transmissibles et émergentes, la lutte contre le changement climatique et la préservation de la biodiversité font également l'objet d'un effort particulier. Les pays du sud sont particulièrement exposés à ces problématiques et cette thématique revêt une importance cruciale dans les pays émergents au développement très rapide.