2. Le rapport du sénateur Ferrand
La mission confiée à notre collègue le sénateur André Ferrand par le Premier Ministre portait sur « la diversification des sources de financement de l'AEFE ». Le rapport, remis le 19 octobre 2004, se place donc d'emblée dans la perspective de la stabilisation, voire de la diminution de la participation de l'Etat au financement du réseau.
Six pistes sont proposées dans le cadre de partenariats à instaurer avec :
- l'Europe,
- les pays hôtes,
- les collectivités territoriales françaises et les académies,
- les entreprises,
- les anciens élèves et les mécènes,
- la mission laïque et l'enseignement confessionnel.
Par ailleurs le sénateur Ferrand prône :
- le partenariat public privé,
- l'attribution de la taxe d'apprentissage aux écoles techniques,
- l'institution de droits de scolarité différenciés en fonction de la nationalité des élèves,
- l'optimisation du rôle du CNED et des autres acteurs et outils (TV5, programme FLAM).
Nombre de propositions n'ont pas réellement d'incidence financière. D'autres, tels que le partenariat avec l'Europe et avec les pays hôtes, pourraient en avoir . Ainsi, la recherche de financements dans le cadre des programmes européens auxquels les établissements peuvent être éligibles, la transformation de certaines écoles de l'Union Européenne en « écoles européennes associées, l'obtention de l'aide des délégations de UE pour les « eurocampus » qui existent déjà en Asie. De même les pays hôtes, surtout en Europe, participent déjà au financement partiel d'établissements (Allemagne) ou à leur financement intégral (Luxembourg). D'autres pays ont peut-être une législation dont les écoles de l'AEFE pourraient bénéficier.
Une autre proposition, relative à la gestion du patrimoine immobilier, entre en application dès maintenant : c'est la dévolution à l'AEFE de la partie du titre V du budget du ministère des Affaires étrangères destinée aux investissements immobiliers dans les écoles en gestion directe. Mais l'AEFE ne recevra, en 2006, que 10 M€ sur les 15 M€ que le sénateur Ferrand jugeait nécessaires.
L'auteur de ce rapport pense qu'il est possible de mobiliser les entreprises et d'obtenir que les anciens élèves créent des fondations aptes à recueillir des dons et legs dans le cadre de la loi du 1er août 2004 sur le mécénat.
Ces deux propositions suscitent un certain scepticisme : il n'y a plus guère qu'en Asie que des entreprises ont besoin des écoles pour la scolarisation de leurs cadres expatriés. Dans le reste du monde elles ont trop peu d'expatriés pour être aussi généreuses envers les écoles qu'elles l'ont été par le passé. Quant au mécénat, c'est un comportement presque exclusivement circonscrit au monde anglo-saxon et l'on peut craindre qu'il suscite peu d'initiatives dans le reste du monde.
Les autres pistes posent des problèmes pratiques : comment attribuer la taxe professionnelles à des écoles situées à l'étranger ? Instituer des droits de scolarité différenciés selon la nationalité des élèves ? C'est déjà le cas dans de nombreux établissements, et cela entre en contradiction avec la législation du pays hôte dans bien des cas. S'il est normal de faire payer « le juste prix » à des familles dont le pays d'origine ne contribue en rien au financement de l'AEFE, encore faut-il que les différences ne heurtent pas le principe d'égalité et restent tolérables pour les familles et pour les élèves.
Ces propositions d'inspiration libérale suscitent intérêt mais aussi inquiétude ou opposition dans les milieux concernés : parents d'élèves, enseignants. Le sénateur Ferrand pose en principe que « l'Etat est plus engagé que jamais et le fait savoir », parce qu'il sait bien que toutes ces propositions qui vont dans le sens souhaité par le gouvernement sont perçues par les communautés scolaires comme l'annonce d'une accentuation du désengagement de l'Etat. Le sénateur Ferrand rappelle avec force que l'Etat « est garant de la qualité et de l'universalité des programmes (...) et des certifications. Il assure la pérennité des établissements, (leur caractère) d'écoles de la République (...) et fait en sorte qu'aucun enfant français de l'étranger ne soit exclu pour des raisons économiques ». Cette thématique est celle du discours de tous les gouvernements successifs. En réalité l'Etat n'a cessé de chercher à se désengager du financement des écoles françaises à l'étranger, parce que jamais il n'a été admis qu'il serait conforme au principe de l'égalité républicaine que la Nation consente, pour les enfants scolarisés à l'étranger, le même effort budgétaire que pour les enfants scolarisés en France. Or toutes les évaluations font ressortir qu'un enfant scolarisé dans une école française à l'étranger coûte moitié moins au budget de l'Etat que s'il était scolarisé en France.