C. LES RAPPORTS SUR L'AEFE PUBLIÉS EN 2004
Depuis 2002, la direction de l'AEFE mène une politique volontariste de rénovation pédagogique du réseau qui s'est traduite, dès le printemps 2003, dans un plan ambitieux d'orientation stratégique. Comment mener à bien un tel programme dans un cadre budgétaire contraint ? L'état de L'AEFE, 13 ans après sa création et le sujet difficile du financement de son expansion ont fait l'objet de plusieurs rapports en 2004 : celui de la Cour des Comptes et celui du sénateur Ferrand. Nous ferons une brève lecture critique de chacun d'eux avant d'étudier les orientations fixées par le ministre délégué à la Coopération, au Développement et à la Francophonie, M. Xavier Darcos.
1. Le rapport de la Cour des Comptes
Dans une tonalité que votre rapporteur juge excessivement critique, ce rapport rappelle les réussites du réseau en indiquant toujours en contrepoint ses limites et insuffisances. Il porte une appréciation plutôt négative sur l'AEFE.
Le rapport reproche au réseau de disposer de « moyens considérables »... mais de « rester imparfaitement adapté à sa mission ». Il souligne la pluralité des statuts des établissements, la disparité du nombre d'élèves selon les pays, deux phénomènes que l'histoire et la répartition inégale des Français dans le monde expliquent. A plus juste titre, ce rapport met en relief les disparités excessives de statuts et de rémunérations entre les catégories de personnels et le fait que la réforme, qui s'achève en 2004, mène à une réduction de la proportion des enseignants dont le diplôme constitue une garantie objective de leurs capacités.
La Cour des Comptes regrette qu'une récapitulation des coûts totaux du réseau ne soit pas actuellement disponible, ce qui ne permet pas « de mieux orienter l'activité du réseau conformément à une vision globale de sa capacité de répondre aux besoins ». On ne peut que partager ce regret, tout en pensant que la situation était bien plus opaque avant la création de l'AEFE et que le manque d'effectif à l'administration centrale rend impossible la réalisation d'un tel travail comptable. La Fédération des Associations de Parents d'élèves à l'Etranger (FAPEE) évalue ce coût global chaque année 4 ( * ) .
Il est reproché à la loi du 6 juillet 1990 et à l'application qui en a été faite de conférer à l'AEFE deux missions « difficilement compatibles entre elles » et de ne laisser à l'AEFE qu'une « autonomie de pure façade » .
Les deux missions de l'AEFE, scolariser les enfants français de l'étranger et concourir à la diplomatie culturelle par la scolarisation d'enfants étrangers, ne sont pas perçues comme contradictoires mais plutôt comme complémentaires par votre rapporteur. Sans enfants français et enseignants français dans une proportion suffisante, l'identité française de l'école est difficile à maintenir. Sans enfants étrangers, la plupart des établissements n'existeraient tout simplement pas ou n'offriraient que quelques niveaux de la maternelle et du primaire. Mais surtout, c'est la coexistence d'élèves français, souvent plurinationaux et polyglottes, et d'élèves de dizaines de nationalités différentes qui forme le socle de la richesse humaine et culturelle de ces établissements.
La critique relative au manque d'autonomie de l'AEFE est plus fondée. Le ministère des Affaires étrangères garde la haute main sur l'agence. Toutefois les directeurs successifs ont su et pu imprimer chacun leur marque, ce qui témoigne d'une marge d'autonomie, au moins dans les orientations et les méthodes de gestion. Par ailleurs le décret 2003-1288 du 23 décembre 2003 augmente l'autonomie administrative budgétaire et comptable de l'AEFE et lui confère enfin, en pratique, les compétences immobilières que la loi lui avait imparties. Il n'en demeure pas moins que la tutelle financière du gouvernement pèse très lourd : « son budget n'est fixé qu'après accord entre le ministère des Affaires étrangères et celui de l'économie et des finances, sans que l'AEFE ne participe aux discussions qui conduisent à son adoption ». Le conseil d'administration n'a plus qu'à entériner : les parents d'élèves qui, de surcroît y sont très peu représentés, supportent d'autant plus mal cet état de fait qu'ils sont, de plus en plus, les principaux contributeurs du réseau (60 % à leur charge pour 40 % à l'Etat).
Enfin, après avoir reconnu « les réussites indiscutables de l'enseignement français à l'étranger : l'universalité du réseau, la réussite scolaire, la réputation internationale du réseau », le rapport de la Cour des Comptes souligne « des défaillances persistantes : l'alourdissement des coûts (mais sans établir de comparaison avec les coûts de l'enseignement en France), le transfert du financement aux familles et la persistance des inégalités . Le rapport revient sur les inégalités entre les catégories d'agents, il s'inquiète des droits de scolarité supérieurs imposés aux élèves étrangers et il aborde le sujet « tabou » de l'absence de gratuité. « La Cour (...) ne peut que réitérer à l'intention des pouvoirs publics la recommandation de procéder aux analyses nécessaires à l'appréciation des diverses modalités d'application aux expatriés des principes de l'obligation scolaire et de la gratuité ». Mais de toute évidence la proposition ne concerne que les enfants dont les familles bénéficient de primes familiales d'expatriation.
Le caractère critique de ce rapport incite à la réflexion et à la recherche des moyens d'améliorer la cohérence du réseau, ses performances pédagogiques et la justice en son sein, tant en ce qui concerne les personnels que les élèves. Toutefois, il faut se garder d'une vision trop centralisatrice et uniformisante d'écoles qui sont soumises à des contraintes locales, doivent s'intégrer dans leur environnement culturel et respecter la législation de leur pays d'implantation .
* 4 Voir rapport budgétaire de 2004