3. Le projet gouvernemental pour l'AEFE
Le ministre délégué à la Coopération, au Développement et à la Francophonie, M. Xavier Darcos, a exposé, le 3 novembre 2004, en Conseil des ministres, le plan du gouvernement pour l'enseignement français à l'étranger.
Il distingue sa « mission première », « scolariser les enfants français résidant à l'étranger », de l'accueil des élèves étrangers, qui représente la contribution des écoles du réseau de l'AEFE à la politique « d'attractivité de la France ».
Pour accompagner la croissance spontanée du réseau sans dépense supplémentaire pour l'Etat et adapter le dispositif sur les plans institutionnels et pédagogiques, le ministre lance quatre axes d'action.
1) Soutenir un développement maîtrisé et accompagné du réseau. La création de nouveaux établissements sera soutenue. Certains pourront être homologués et autofinancés s'il existe une demande solvable .
2) Renforcer la dimension internationale de l'enseignement français et affirmer sa vocation européenne en Europe.
Le réseau de l'AEFE doit devenir un « dispositif scolaire à vocation européenne, recherché par les élèves étrangers ». Cela suppose de renforcer la prise en compte de la culture, de la langue et de l'histoire du pays hôte.
Il faudra donc créer, avec les pays partenaires, des baccalauréats binationaux permettant une double certification et une reconnaissance mutuelle des diplômes. Un projet de baccalauréat franco-portugais est une priorité pour 2005-2006.
Par ailleurs, la volonté de donner aux établissements de l'AEFE « une dimension européenne » est clairement affichée. Ceci se manifeste par le projet de faire du lycée français de Bruxelles un lycée international et par la promotion des « eurocampus » qui associent deux écoles d'Europe, partout dans le monde, sur un même site. Enfin les écoles de l'AEFE seront encouragées à participer au programme Socrates, et l'AEFE devra passer des contrats avec l'agence Socrates-Léonardo da Vinci.
3) Faire de l'enseignement français un acteur à part entière de la coopération.
Les établissements de l'AEFE doivent se mettre au service de la coopération éducative. Dans les pays francophones d'Afrique, du Proche-Orient et de l'Océan Indien, ils doivent soutenir les progrès pédagogiques des établissements non conventionnés avec l'AEFE. Au Maghreb, l'objectif fixé est « d'aider à la mise en place d'établissements nationaux de référence ».
Les établissements de l'AEFE doivent aussi devenir des supports de la coopération universitaire, surtout dans les pays émergents. Les meilleurs élèves doivent être incités à poursuivre leurs études supérieures en France (augmentation du nombre des bourses MAJOR). Nos établissements joueront encore mieux ce rôle s'ils deviennent « le premier maillon d'un cursus intégré de formation entre leur pays d'implantation et la France ».
4) Plan d'action 2005-2007.
Pour réaliser les priorités de coopération définies pour chaque pays, l'AEFE devra mobiliser les académies et rechercher les synergies avec les actions de coopération décentralisée des collectivités locales .
Les compétences immobilières de l'AEFE seront élargies pour améliorer les conditions d'accueil et de sécurité des établissements. Un décret sera prochainement pris pour que l'AEFE puisse procéder à de acquisitions immobilières et à des opérations de constructions et, pour cela, contracte des emprunts. Elle pourra recevoir en dotation les locaux scolaires dont le ministère des Affaires étrangères est propriétaire. L'AEFE pourra aussi recevoir des dons dans le cadre de fondations sur lesquelles une étude sera réalisée.
Les programmes de bourses scolaires pour les élèves français seront poursuivis et le nombre de bourses universitaires d'excellence et Major pour les élèves étrangers sera augmenté.
Les moyens de fonctionnement de l'AEFE seront renforcés par la « stabilisation » de ses moyens jusqu'en 2007 afin qu'elle « affecte au développement du réseau les marges de manoeuvre qu'elle saura dégager ».
Il sera créé, à partir de 2005, une cinquantaine de postes de résidents par an à la charge des établissements .
L'AEFE diversifiera les sources de financement par l'implication des collectivités territoriales, de l'entreprise et des associations.
Le plan d'orientation stratégique défini en 2002 et certaines des propositions du rapport Ferrand sont repris, synthétisés et officialisés dans le plan d'action du gouvernement. On en retiendra que l'ambitieux programme de développement , d'ouverture internationale et de modernisation pédagogique des écoles françaises à l'étranger doit se réaliser sans mobilisation de fonds publics .
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Pour conclure, il est permis de se demander comment l'AEFE, qui est notoirement sous-administrée (0,7 % seulement de son budget affecté à la centrale), pourra réaliser les objectifs qui lui sont assignés . Comment peut-on négocier, avec de multiples partenaires, des programmes d'enseignement binationaux harmonisés et des doubles certifications, non seulement avec des Etats ou des régions mais avec des Universités, quand si peu de spécialistes sont en poste à l'AEFE à Paris ? Comment les familles croiront-elles à l'engagement de l'Etat et s'engageront-elles dans le soutien à l'autofinancement alors que la seule réponse donnée à l'accroissement du nombre d'élèves consiste à leur donner la possibilité de payer intégralement les fonctionnaires de l'Etat qui sont affectés aux écoles ? Quelle serait la réaction des parents d'élèves en France devant une telle politique ? Comment obtiendra-t-on d'écoles qui seront de plus en plus autofinancées qu'elles se soumettent aux impératifs dictés par le gouvernement français en matière de pédagogie et de conformité aux normes de « l'école de la République » ?
Il est clair que le réseau de l'AEFE s'engage vers une inégalité croissante entre les écoles et la qualité de la pédagogie offerte aux enfants :
- à une extrémité du spectre, des écoles situées dans des pays riches, avec un public de parents dont la majorité veut toujours payer plus pour plus de services ;
- à l'autre extrémité, des écoles de pays très pauvres, installées dans des locaux sans sécurité, sans équipements pédagogiques adaptés et incapables de financer le salaire d'enseignants titulaires ;
- entre les deux, beaucoup d'établissements tiraillés entre les objectifs d'excellence, de compétitivité et de capacités à faire accéder les élèves aux meilleures universités du pays hôte ainsi qu'aux formations prestigieuses en France, et la volonté de freiner la hausse des droits de scolarité, car elle écarte, quoiqu'on en dise, les Français à revenus modestes ou intermédiaires d'écoles financièrement et socialement inaccessibles.
Le projet de mise en oeuvre du plan stratégique de l'AEFE comporte des objectifs très prometteurs tels que l'accent mis sur le caractère européen des écoles, sur l'insertion dans le milieu local, scolaire et universitaire, sur l'autonomie enfin reconnue à l'AEFE, conformément à la loi, en matière immobilière. Depuis que l'AEFE existe, beaucoup d'avancées ont été accomplies sans véritables moyens . Il y a un véritable esprit « réseau AEFE ». Administrateurs à Paris et à Nantes, chefs d'établissements, personnels d'administration et enseignants ont beaucoup fait, aux côtés des parents d'élèves, gestionnaires et usagers, pour mettre les écoles à niveau et y initier des pratiques pédagogiques plus novatrices qu'en France, en langues vivantes, en informatique, en matière de projet d'établissement. Beaucoup continuera à être accompli ainsi. Mais où se situe le point de rupture ?
Dans le cadre de la LOLF 2006, le crédit d'investissements, nécessaires au transfert de compétence du ministère des Affaires étrangères vers l'AEFE en matière immobilière, devra être réellement inscrit. 10 M€ ont été annoncés.
Par ailleurs, dans ce même cadre, il faudra veiller à maintenir la souplesse du plafond d'emplois -même si ce sont des emplois à la charge des établissements- pour faire face à l'augmentation du nombre d'élèves. Par ailleurs, les recrutés locaux des établissements en gestion directe devront rester en dehors du plafond d'emplois puisqu'ils sont rémunérés par les établissements (c'est-à-dire les familles) et non par des fonds publics.